15 décembre 1827 (BF) — À Auguste H…Y, dans l’Almanach des Muses pour 1828, signé M. Gérard.
Ce poème, traduit de son presque contemporain le poète irlandais Thomas Moore (1779-1852), sera repris par Nerval, sous le titre: Mélodie imitée de Thomas Moore, dans Promenades et Souvenirs, chapitre VI, où il est présenté comme un poème composé pour la jeune « Héloïse ».
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À AUGUSTE H...Y.
- Quand le plaisir brille en tes yeux
- Pleins de douceur et d’espérance,
- Quand le charme de l’existence
- Embellit tes traits gracieux,
- Bien souvent alors je soupire
- En songeant que l’amer chagrin,
- Aujourd’hui loin de toi, peut t’atteindre demain,
- Et de ta bouche aimable effacer le sourire ;
- Car le Temps, tu le sais, entraîne sur ses pas
- Les illusions dissipées,
- Et les feux refroidis, et les amis ingrats,
- Et les espérances trompées !
-
- Mais crois-moi, mon amour ! tous ces charmes naissans
- Que je contemple avec ivresse,
- S’ils s’évanouissaient sous mes bras caressans,
- Tu conserverais ma tendresse !
- Si tes attraits étaient flétris,
- Si tu perdais ton doux sourire,
- La grâce de tes traits chéris
- Et tout ce qu’en toi l’on admire,
- Va, mon cœur n’est pas incertain :
- De sa sincérité tu pourrais tout attendre.
- Et mon amour, vainqueur du Temps et du Destin,
- S’enlacerait à toi, plus ardent et plus tendre !
-
- Oui, si tous tes attraits te quittaient aujourd’hui,
- J’en gémirais pour toi ; mais en ce cœur fidèle
- Je trouverais peut-être une douceur nouvelle,
- Et, lorsque loin de toi les amans auraient fui,
- Chassant la jalousie en tourmens si féconde,
- Une plus vive ardeur me viendrait animer.
- Elle est donc à moi seul, dirais-je, puisqu’au monde
- Il ne reste que moi qui puisse encor l’aimer !
-
- Mais qu’osé-je prévoir ? tandis que la jeunesse
- T’entoure d’un éclat, hélas, bien passager,
- Tu ne peux te fier à toute la tendresse
- D’un cœur en qui le temps ne pourra rien changer.
- Tu le connaîtras mieux : s’accroissant d’âge en âge,
- L’amour constant ressemble à la fleur du soleil,
- Qui rend à son déclin, le soir, le même hommage
- Dont elle a, le matin, salué son réveil !
M. GÉRARD.