19 avril 1826 (BF) — Complainte sur la Mort de haut et puissant seigneur le Droit d’Aînesse, déconfit au Luxembourg, Faubourg-St-Germain, et enterré dans toute la France, en l’an de grâce 1826, accompagnée de notes, commentaires et pièces justificatives et précédée d’un préface par Cadet Roussel, et une Société de Publicistes, Jurisconsultes, et Gens de lettres, Paris,Touquet, galerie Vivienne, s.d.
La Complainte connaîtra d’autres annonces dans la BF, les 22 avril et 14 juin 1826.
La collaboration est très étroite au sein de la « boutique de scandale » de Touquet, entre Félix Bodin et Gérard, comprenez Cadet Roussel et son ami Beuglant. Nadar affirmera que deux des vingt-et-une strophes de la Complainte sont de Nerval. Ce sont sans doute les deux dernières, qui célèbrent le retrait du projet et font allusion aux fenêtres de la rue Saint-Martin, où habitaient le docteur Labrunie et son fils, illuminées de chandelles. On notera du reste l’ambiguïté de la présentation de l’auteur de la Complainte en tête de M. Dentscourt ou le cuisinier d’un grand homme : « Par Beuglant, poète, ami de Cadet Roussel, auteur de la fameuse Complainte sur la Mort du droit d’aînesse », publié le même jour que la Complainte sur l’immortalité de M. Briffaut.
Gérard excelle dans le pastiche littéraire. Après le style épique parodié dans L’Enterrement de la Quotidienne de 1824, il choisit ici le style poissard, à la manière de Vadé et du théâtre populaire d’Aude et Tissot.
Voir la notice LES ANNÉES CHARLEMAGNE.
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COMPLAINTE
SUR LA MORT DE HAUT ET PUISSANT SEIGNEUR
LE DROIT D’AÎNESSE.
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Avis de l’éditeur.
Cette Complainte étant la seule véritable, nous prévenons le public qu’il ne doit pas en acheter d’autres, de même qu’il ne saurait trop prendre de celle-ci.
PRÉFACE.
Je puis dire, sans m’en faire accroire, que je suis un particulier très-connu depuis long-temps ; et un chacun sait que je suis bon enfant. Or donc ainsi comme ça, je n’irai pas par quatre chemins ; et je n’ai pas besoin de faire des phrases et des péroraisons préparatoires pour entrer en matière
Quoique je sois cadet et puîné, dans ma position, je peux bien ne guère aimer le droit d’aînesse ; et du moment que ça est venu sur le tapis, je me suis levé contre avec impartialité. Je me suis dit à l’instant ce beau vers de Molière ou de J.-J. Rousseau, dans une tragédie que je pourrais prendre pour épigramme au bas de mon intitulé :
Un frère est un ami que nous donne la nature.
Et je me suis écrié : Quoi ! on va en faire un ennemi légitime, en donnant à l’un des avantages spécieux ou particuliers que les autres n’auraient pas d’après les indispositions d’un projet de loi qui établirait le préciput et la primogéniture comme dans l’ancien régime présenté par M. le garde des sceaux à la chambre des Pairs de France !
Non, cela ne vaut rien pour le moment actuel ; et ça ne passera pas, me suis-je dit à moi-même, comme une lettre à la poste.
J’avais eu le nez bon, comme l’a prouvé le résultat de l’issue et de l’événement de la dissertation de MM. les Pairs, que Dieu bénisse pour le bien qu’ils nous ont fait ! Et tout d’abord je me suis mis à mettre dessus cet objet des rimes bout à bout, ce qui est pour moi un grand amusement. J’ai traité les personnages qui ont joué un rôle dans toute cette bagarre avec le respect que je dois dans ma position à des supérieurs, enfin à un quelqu’un élevé au-dessus de ma petite hémisphère et qui touche sur le budget de forts appointemens, pendant que moi je paie dans l’obscurité mes impositions directes et indirectes.
Mais est-il exigeant que je fasse la profession de foi de mes principes et de mes sentimens que je partage ? Hé bien ! je ne demande pas mieux ; et je peux la crier tout haut, avec l’assurance d’un bon citoyen et d’une conscience pure.
Je suis attaché à la Charte et aux institutions, autant que je pourrais l’être au gouvernement représentatif.
J’aime le Roi pour sa bonté et sa loyauté, et parce qu’il a juré de faire notre bonheur avec la Charte, et qu’il a dit en montant sur le trône, point de hallebardes ! et qu’il a renvoyé toutes les censures qui ôtaient de dessus les journaux tout ce qu’il y avait de solide contre les abus et les Jésuites, et qui empêchaient qu’on ne dise du bien de Henri IV et de son petit-fils monseigneur le Dauphin.
Maintenant, je dirai sans détour que, suivant ma façon de penser (quoique je puis me tromper), les ministres qui composent le ministère dans le temps actuel, ne remplissent point les bonnes intentions du Roi Sa Majesté. Seulement, quand je viens à songer à part moi qu’ils aident à faire mourir tous ces malheureux et braves Grecs qui se battent comme des lions, en favorisant les farouches Égyptiens de la Turquie et du pays des Ottomans de Mahomet, qui ne sont pas chrétiens comme nous qui sommes catholiques, cela me fait bouillir d’indignation.
Tout le monde connaît l’humeur naturelle de mon petit chien, qui est, ainsi qu’ils disent, comme le chien de Jean de Nivelles. Si d’aucuns particuliers qui brouillent journellement toutes les affaires du royaume et qui s’y entendent joliment, étaient de ce caractère-là, foi de Cadet Roussel, je les appellerais de toutes mes forces.
Enfin, pour finir par une conclusion finale comme j’ai commencé, je peux me vanter que je suis Français, et j’ai voulu faire voir aussi que je suis un peu troubadour.
COMPLAINTE SUR LA MORT DU DROIT D’AÎNESSE.
Sur la même air que toutes les plus fameuses complaintes.
I.
II.
III.
IV.
V.
VI.
VII.
VIII.
IX.
X.
XI.
XII.
XIII.
XIV.
XV.
XVI.
XVII.
XVIII.
XIX.
XX.
XXI.
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