13 mars 1830 — L’Ombre de Korner par Uhland, 1816, dans Le Mercure de France au XIXe siècle, t. XXVIII, p. 475-476, non signé.

Le poème sera repris en volume en 1840 dans Faust de Goëthe, suivi du second Faust. Nerval n’a pu qu’être sensible à cette voix allemande accusant les pouvoirs réactionnairess restaurés partout en Allemagne après la chute de Napoléon, d’avoir oublié ce qu’ils devaient au peuple allemand, et singulièrement aux héros, tels Körner, morts pour la liberté à Leipzig, lui qui avait dénoncé en 1830 dans A Victor Hugo, la même confiscation de la révolution populaire par le parti monarchiste conservateur en France.

Voir la notice LA CAMARADERIE DU PETIT CÉNACLE

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L’OMBRE DE KORNER,

PAR UHLAND. — 1816.

 

Si tout-à-coup une ombre se levait, une ombre de poëte et de guerrier, l’ombre de celui qui succomba vainqueur dans la guerre de l’indépendance ; alors retentirait en Allemagne un nouveau chant, franc et acéré comme l’épée... Non pas tel que je le dis ici, mais fort comme le ciel et menaçant comme la foudre.

On parlait autrefois d’une fête délirante et d’un incendie vengeur... Ici, c’est une fête : et nous, ombres vengeresses des héros, nous y descendrons, nous y étalerons nos plaies encore saignantes, afin que vous y mettiez le doigt !

Princes, comparaissez les premiers : avez-vous oublié déjà ce jour de bataille où vous vous traîniez à genoux devant un homme, pour lui faire hommage de vos trônes ?.. Si les peuples fidèles ont lavé votre honte avec leur sang, pourquoi les bercer toujours d’un vain espoir, pourquoi dans le calme, renier les sermens de la terreur. Et vous, peuples froissés tant de fois par la guerre, ces jours brûlans vous semblent-ils déjà assez vieux pour être oubliés ? Comment la conquête du bien le plus précieux ne vous a-t-elle produit nul avantage ? Vous avez repoussé l’étranger, et pourtant, tout est resté chez vous, désordre et pillage, et jamais vous n’y ramènerez la liberté, si vous n’y respectez la justice.

Sages politiques, qui prétendez tout savoir, faut-il vous répéter combien les innocens et les simples ont dépensé de sang pour des droits légitimes ? De l’incendie qui les dévore surgira-t-il un phénix dont vous aurez aidé la renaissance ?

Ministres et maréchaux, vous dont une étoile terne décore la poitrine glacée, ce retentissement de la bataille de Leipsick n’est-il pas venu jusqu’à vous ?... Hé bien ! c’est là que Dieu a tenu son audience solennelle..... Mais vous ne pouvez m’entendre, vous ne croyez pas à la voix des esprits.

J’ai parlé comme je l’ai dû, et je vais reprendre mon essor ; je vais dire au ciel ce qui a choqué mes regards ici bas : je ne puis, ni louer, ni punir, mais tout a un aspect déplorable..... Pourtant, je vois ici bien des yeux qui s’allument et j’entends bien des cœurs qui battent de colère.

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