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LE FRONTISPICE DU MONDE DRAMATIQUE

En 1835, au moment où il crée le frontispice du Monde dramatique, Célestin Nanteuil (1813-1873) s’était déjà rendu célèbre par des compositions d’inspiration gothique et par les frontispices qu’il avait réalisés pour ses amis du petit Cénacle, Feu et flamme de Philothée O’Neddy ou Les Jeunes France de Gautier notamment. « Il avait l’air de ces longs anges thuriféraires ou joueur de sambuque qui habitent les pignons des cathédrales, et qui serait descendu par la ville au milieu des bourgeois affairés, tout en gardant son nimbe plaqué derrière la tête, en guise de chapeau » dit de lui ce dernier. Le programme iconographique mis en œuvre ici, visiblement inspiré par Nerval, est en harmonie avec l’ambition de la revue définie par Frédéric Soulié dans son Introduction.

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Complexe, multiple, l’eau-forte composée par Célestin Nanteuil pour son ami traduit bien l’ambition de la revue qui doit couvrir toutes les formes spatio-temporelles d’expression théâtrale, et l’immense culture de Nerval qui a bien sûr inspiré cette iconographie foisonnante.

Au centre, deux cariatides affrontées soutiennent le cartouche où s’inscrit le nom de la revue.

Autour de cette composition centrale, Nanteuil a organisé une série de médaillons qui représentent chacun une forme de théâtre :

Au registre médian, de part et d’autre des cariatides, on voit, à gauche, le théâtre espagnol, incarné par l’Alcade de Zalamea (comédie de Calderón) et à droite, le théâtre anglais incarné par Hamlet (tragédie de Shakespeare). De part et d’autre de ces deux médaillons, deux figures en pied, à gauche le dramaturge indien Calidasa, à droite, le dramaturge espagnol Calderón.

Au registre supérieur du frontispice, figurent trois médaillons représentant, de gauche à droite, le théâtre chinois, illustré par Le Cercle de craie (drame chinois de Li King Tao qui sera repris par Bertold Brecht), au milieu, une pièce de la poétesse du Xe siècle Hrostvitha de Gandersheim (le nom figure en écriture cursive orthographié Rhosewita), à droite le théâtre indien, illustré par Le Charriot [sic] (drame indien de Soudraka, que Nerval adaptera pour la scène avec Joseph Méry en 1850 sous le titre : Le Chariot d’enfant). Ce registre est complété par deux autres médaillons, le théâtre latin, incarné par les Atellanes, et le théâtre grec incarné par Thespis.

Juste au-dessous, deux médaillons sont consacrés au théâtre médiéval, à gauche les Sotties, à droite, les Mystères.

Au registre inférieur, trois médaillons illustrent, de gauche à droite, le théâtre italien, avec Adelghis (drame de Manzoni), le théâtre allemand, curieusement illustré, non par Goethe ou Schiller, mais par le drame Luther de Werner, et le théâtre français illustré par Robert Macaire. Nerval aimait tout particulièrement cette comédie qu’il cite dans Les Nuits d’octobre.

La revue consacrera effectivement des articles à certaines de ces œuvres. On comprend, en voyant l’ambition du projet, quel crève-cœur a dû être pour Nerval l’échec financier de son entreprise éditoriale.