16 août 1846 — Un tour dans le Nord. Angleterre et Flandre, dans L’Artiste-Revue de Paris, 4e série, t. VII, p. 99-102, signé Gérard de Nerval.

Un Tour dans le Nord I est la première d’une série de cinq publications sur le voyage en Angleterre et Flandre de 1846. Ces articles ne seront pas repris en volume. Adressé à son ami Houssaye, ce premier article rappelle le voyage qu’ils firent ensemble en Belgique et en Hollande deux ans plus tôt, et qui avait donné lieu à deux articles intitulés Les Délices de la Hollande..

Parti le 7 juillet 1846, en évitant la toute nouvelle ligne de chemin de fer Paris-Bruxelles, Nerval a échappé au terrible accident survenu le 8 juillet. Il a préféré encore une fois effectuer une « courbe parabolique » qui le conduit de Paris à Rouen, puis de là au Havre, où il s’embarque pour Southampton.

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UN TOUR DANS LE NORD.

ANGLETERRE ET FLANDRE.

 

Vous savez, mon cher Houssaye, quelle fête je me faisais depuis long-temps de profiter du trait d’union qui joint enfin Paris à ces bonnes provinces flamandes où nous avons déjà voyagé tous les deux. Se trouver à quelques heures des Rubens d’Anvers et des Rembrandt d’Amsterdam sans les aller voir au moins une fois, serait la conduite d’un barbare. Aussi bien toute la jeune presse et même, selon l’expression de Préault, les vieux de la jeune avaient déjà bravé les dangers (trop réels) d’une inauguration hâtive. — Quel malheur cependant si les tourbières de Fampoux avaient englouti ce jour-là tant de sommités littéraires et politiques entassées dans de frêles wagons ! Paris se réveillait le lendemain, sans feuilletons, sans premier Paris, sans discours.... Mais certainement, cette réflexion a dû être faite bien des fois depuis mon départ ! — Il faut vous figurer, mon ami, que je suis étranger à tout journal français depuis un mois, que je vous écris d’un bateau voguant sur la Moselle, et si mes idées sont arriérées, excusez-moi, j’ai trois jours à vivre ainsi d’une existence purement mécanique en remontant de Coblentz jusqu’à Metz ; — je vous ennuie pour me désennuyer.

Maintenant il faut bien l’avouer, la courbe parabolique que j’ai tracée pour éviter ce malencontreux chemin du Nord m’a promené déjà sur deux mers et sur plusieurs fleuves ; l’Océan a eu pour moi des tempêtes et des sourires ; — le Rhin m’a reconnu comme un vieil ami de ses vignes et de ses bords.

Mais pourquoi, me direz-vous, avoir évité si soigneusement un désastre qui n’existait pas encore le jour de votre départ ? Mon ami, les poëtes ne sont-ils pas quelque peu des augures ? Théophile, parti le jour de l’inauguration, nous a écrit positivement qu’il ne se passerait pas une semaine sans qu’un malheur arrivât sur ce chemin. Pour moi, je m’étais rendu à l’embarcadère et je me préparais à prendre ma place, lorsque je ne sais quelle intuition, quel genius caché me fit changer d’idée en un instant. Le coup de sifflet du départ était sinistre ; le surveillant qui m’indiquait le bureau avait une mine de vampire ; le convoi, que j’entrevoyais par les portes, me fit songer à de tout autres convois.... En quoi je me trompais quelque peu, car c’était la veille de l’accident que cela se passait ; — mais songez aussi que j’avais résolu de m’arrêter un jour à Amiens, et que, par conséquent, j’aurais pris le fatal convoi le lendemain pour gagner Anvers. Au reste, je me suis toujours bien trouvé d’obéir aux pressentimens. — Sur quoi j’ai repris l’omnibus et me suis dirigé vers le chemin de Rouen. Trois heures après je descendais dans la patrie de Corneille et de Boyeldieu.

Ces deux maîtres coulés en bronze sont toujours à la même place, l’un sur le pont, l’autre sur le quai qui sert de bourse et de promenade ; la flèche en fer creux de M. Alavoine défigure toujours la cathédrale ; on continue d’abattre les vieilles maisons si pittoresques du XVe siècle qui donnaient un dernier cachet d’originalité à cette ville, — descendue aujourd’hui du premier rang de cité gothique au troisième rang tout au plus des villes propres et symétriques, destinées à contenter l’œil d’un maire et le cœur d’un préfet.

Rouen ne peut plus même soutenir ses deux théâtres, depuis long-temps fermés. On y fait voir pour tout divertissement dramatique un âne sans pareil et un enfant à trois jambes. Il y avait autrefois un seul cabinet de lecture ; il a disparu. J’ai passé toute ma soirée à boire du cidre en relisant les journaux de Paris dans ceux de l’endroit.

Le bateau du Havre m’emportait le lendemain entre ces rives magiques, tant de fois célébrées, qui déroulent pendant huit heures leur double panorama de châteaux et de paysages. La côte de Honfleur se découpait admirablement aux derniers rayons du couchant. L’autre falaise tournait à pic, inhospitalière et sombre, nous abandonnant aux menaces de l’Océan irrité. Ce lieu grandiose et terrible a inspiré de belles pages à Bernardin de Saint-Pierre et à Châteaubriand.

On est très secoué pendant une heure avant d’arriver à cette grosse tour de François Ier, dont la vue ou le souvenir a dû faire battre bien des cœurs de marins et de passagers depuis trois siècles. Le tumulte des flots vient expirer là ; nous voilà dans un bassin paisible garni à gauche d’un quai de fort belle apparence. La nuit est tombée depuis long-temps, mais de joyeuses farandoles retentissent sur le rivage ; hommes et femmes dansent en chantant, comme on faisait à Paris dans ma jeunesse. Paris ne chante plus guère et n’a plus de ces danses naïves aujourd’hui. Vingt cabarets à cidre, espacés sur le quai, s’ouvraient à la foule altérée qui se composait en grande partie d’Allemands, d’Anglais et d’Américains.

Je n’ai point de prétexte plausible pour m’arrêter à la description du Havre ; c’est un grand port de mer et une petite ville en réalité. Casimir Delavigne y pouvait voir « Paris  et Naples en un tableau » et déclarer par la bouche de Danville « qu’après Constantinople, il n’est rien de si beau ; » mais quand on n’est point né au Havre, on n’a pas de pareils devoirs. Il faut avouer que l’ensemble en est fort propre et fort gai. Les grands bassins coupent la ville en trois parties populeuses et animées ; l’enceinte des fortifications l’empêche de s’étendre davantage. Seulement toute la côte d’Ingouville, admirablement située, dominant la ville et la mer, s’est couverte de riantes habitations. Chaque famille du Havre a sur la côte sa maison de campagne, qu’elle peut apercevoir de sa maison de ville, et réciproquement. Cela est très commode pour une population de négocians. — On appelle au Havre ces maisons de la côte : les pavillons.

Quant au voyageur, il a l’agrément de se promener sur une multitude de quais et de se faire ouvrir des huîtres fraîches en buvant du cidre. Des restaurateurs regorgent de poissons divers et de homards qui sont à peine plus chers qu’à Paris. On va prendre ensuite son café, près du théâtre, dans de magnifiques établissemens qui donnent sur une promenade en quinconce, située à l’extrémité du principal bassin. Le coup d’œil est fort beau de ce point-là, on ne peut le nier, l’ensemble est grandiose, et je dirais que cela vaut bien la Canebière, si je n’avais pas des amis marseillais.

Mais à propos d’amis, vous comprenez bien que je n’ai pas tardé à m’informer de la demeure d’Alph. K. L’omnibus de Saint-Adresse stationnait justement au coin de la place. Après un trajet d’une demi-heure le long de la côte, au milieu des villas et des guinguettes, le conducteur, sur le nom seul de mon ami, s’inclinait et me disait : « La propriété de M. Alphonse ? Oh ! nous allons passer tout près. » Un peu plus loin, il arrêtait et m’indiquait des sentiers fort touffus où je ne tardai pas à m’égarer.

Je n’y avais nul regret d’ailleurs, l’endroit étant le plus pittoresque, le plus frais et le plus champêtre du monde. Imaginez les prés Saint-Gervais, ceux d’autrefois, à deux pas de la mer ! Un hameau se tapit dans ce labyrinthe de verdure traversé d’eaux courantes ; des clôtures d’arbrisseaux fleuris séparent les jardins ; çà et là des échappées laissent apercevoir la mer qui tranche l’horizon et qui vient mourir au pied des arbres sur sa bordure de galets. J’ai fini par rencontrer une paysanne, et je lui ai demandé la demeure d’Alphonse K. « Oh ! monsieur, c’est bien facile, prenez le long du ruisseau, tournez à gauche, vous verrez une porte au coin d’un mur ; c’est la propriété de M. Alphonse ; c’est à lui. » Je me remis en marche un peu fier de connaître un littérateur si notoirement propriétaire. Enfin j’arrivai à une porte cintrée, peinte en brun, ombragée de vieux arbres qui dominaient le mur, et la porte en s’ouvrant me découvrit tout un idéal de roman intime, des allées, des parterres, des pavillons tapissés de fleurs, l’eau gazouillant sous les arbres, quelque chose du landhaus allemand et du cottage anglais. Je ne demanderais pas mieux que de décrire aussi l’intérieur, mais par malheur le maître était absent : « Monsieur est en mer, me dit la servante, il vient de mettre à la voile ; il ne reviendra pas avant six heures. — A six heures, dis-je, je serai moi-même en mer. » Sur quoi je suis reparti pour le Havre en faisant des vœux à Neptune.

La mer n’est pas trop belle et je ne sais si je ne m’applaudissais pas au fond d’être venu trop tard pour accompagner mon ami Alphonse sur la Guêpe de Saint-Adresse. Il est peut-être imprudent, me disais-je, de cultiver l’amitié d’un patron de barque à voile.

C’est ainsi que je me consolais de ma visite perdue. Toutefois j’avais fait une promenade charmante ; je traversai de nouveau les fortifications du Havre pour y rentrer. Les remparts intérieurs étaient garnis d’une population nomade, qui habite des tentes et des cabanes formées de planches et de branchages. Les femmes et les enfans s’empressaient autour des feux de cuisine allumés entre les pierres, et leurs cheveux d’un blond déteint révélaient assez ces pauvres familles allemandes qui viennent au Havre s’embarquer pour l’Amérique. Ces bonnes gens attendent ainsi le jour du départ et les vents favorables, car la plupart n’ont pas les moyens de faire la traversée par les bateaux à vapeur. Les moins pauvres habitent la ville et occupent un quartier tout allemand. — Je n’ai jamais vu de si gros navires que les paquebots américains destinés à ces voyages. Ce sont de véritables villes, dont les constructions intérieures s’élèvent souvent de plusieurs étages, comme les châteaux des anciennes galères. Il y avait encore sur le quai de vastes tentes pour la population non casée.

Depuis quelque temps le Havre devient artiste. Il possédait déjà un théâtre monumental, il a voulu avoir un musée. On a approprié un ancien bâtiment à cette destination. L’entrée et l’escalier sont magnifiques. Malheureusement, tout cela fait, on ne savait quoi y placer pour justifier ce titre de musée du Havre. — Il y avait un brave homme qui montrait sur la jetée une collection d’animaux empaillés et de coquillages, on a acheté cela dix mille francs. Maintenant on s’est aperçu que les mammifères perdaient leurs poils et les oiseaux leurs plumes. Ne serait-il pas plus simple et aussi curieux de commander quelques tableaux à de pauvres artistes de talent. Tâchons, mon cher Houssaye, d’amener à cette idée le conseil municipal du Havre. Dites à nos sculpteurs aussi que cette ville a besoin d’une statue de Bernardin de Saint-Pierre et d’une autre de Casimir Delavigne.

Du reste, en traversant la partie centrale de la ville, j’ai trouvé sur la façade d’une maison, dans la rue de la Halle, cette inscription en lettres d’or : « Ici naquit Bernardin de Saint-Pierre, l’an 1737. »

Il ne reste plus à remarquer au Havre que l’immense quantité de perroquets suspendus dans des cages aux portes des maisons. Ils répètent tous avec plus ou moins de perfection la phrase si connue : « As-tu déjeuné ? etc., » qui trahit une préoccupation de mouton rôti certainement étrangère à l’imagination granivore de ces oiseaux.

Vers six heures, la mer commençait à moutonner fortement, et il y avait beaucoup de monde sur la jetée pour observer le retour des barques de pêcheurs. C’est un spectacle plein d’intérêt et d’émotion. J’espère que la Guêpe de Saint-Adresse aura regagné la côte sans avarie. Pour moi, je me suis dirigé vers le steamer, qui fumait déjà et faisait des manœuvres pour se dégager du quai. Quelques minutes plus tard, nous gagnions le large, ballottés splendidement, mais à peu près sûrs d’arriver en quatorze heures à Southampton.

Il y avait dans les cadres trois blondes fort majestueuses qui, au milieu de l’agitation générale, ne songeaient guère à dissimuler leurs bras blancs et à renouer les nappes opulentes de leurs cheveux rougeâtres. On comprend toutefois que le spectacle de leurs convulsions n’avait rien de fort séduisant. Je passai la moitié de la nuit en m’exerçant sur le pont à cette sorte de danse qui consiste à contrarier le tangage du navire en cherchant l’équilibre par des mouvemens inverses. Cette polka maritime m’était connue depuis long-temps.

C’est sur ce bateau que j’ai rencontré pour la première fois des Anglais de classe moyenne. A Paris, nous ne connaissons que l’ouvrier ou le mylord. Du moins, l’amour-propre britannique pose toujours au premier rang, tant que l’homme n’appartient pas de toute évidence au dernier. Mais en approchant de la patrie, ces prétentions s’effacent ; les gentlemen du continent se trouvent n’être plus que des avocats en vacance, des mécaniciens, des négocians de la cité, et tout au plus de ces provinciaux aisés que l’on comprend dans la qualification de gentry. Alors ces fiers insulaires daignent adresser la parole à l’étranger qui a la chance de les rencontrer et de les reconnaître plus tard, ou qui peut même devenir un utile client ; il n’est plus nécessaire de leur être présenté pour jouir de leur entretien.

J’ai pu savoir que cette côte blanchâtre et crayeuse qui, dès le point du jour, garnissait l’horizon, était celle du comté de Kent, et que nous avions à gauche l’île de Wight et à droite la langue de terre où est située Portsmouth.

Bientôt les flots se calmaient ; les maisons et les arbres se laissaient voir distinctement ; notre steamer fendait en paix les eaux vertes du long détroit qui sépare l’île de la terre ferme. Quelques voyageurs descendaient à Portsmouth, l’une des plus fortes cités maritimes de l’Angleterre, et qui, me disait un Anglais, avalerait le Havre comme un goujon, s’il n’y avait pas la mer entre eux. J’apercevais au loin ces énormes vaisseaux, remparts de bois de la vieille Albion, et des dessins de fortifications et d’arsenaux très compliqués. Mais que feraient ces forces amassées, aujourd’hui que la vapeur permet de débarquer en tout temps et partout ailleurs qu’à Portsmouth !

Je n’ai nulle envie, d’ailleurs, de pousser qui que ce soit à la conquête des îles Britanniques, et je partage tout-à-fait l’opinion de Nestor R***, qui disait qu’une terre où l’on ne peut pénétrer par aucun point sans subir d’atroces coliques, n’est pas un pays. C’est si peu une patrie, en effet, que ses habitans se font, tant qu’ils peuvent, les citoyens du monde entier. On m’a parlé d’un pair d’Angleterre qui, ayant voulu voir le continent, souffrit tellement d’une traversée orageuse, qu’il ne voulut jamais s’exposer à la mer une seconde fois ; — il est venu s’établir près de Boulogne et y passe sa vie, les yeux tournés vers cette côte maternelle, où il veut pourtant que son corps aille reposer quelque jour. Il espère qu’après la mort on n’a plus le mal de mer. Grave question.

L’île de Wight offre des points de vue charmans. Une foule de yachts pavoisés animait çà et là ce vert rivage semé de châteaux blancs et de villages rouges. Cela tenait à ce que la reine y séjournait dans le moment. Après avoir remonté pendant six heures environ ce riant bosphore qui se rétrécit un peu de l’autre côté de l’île, j’ai aperçu les tours et les clochers de Southampton, — qu’il s’agit désormais de prononcer Souzampton, en appuyant la langue contre les incisives pour la formation de ce terrible th anglais, le shiboleth des commençans.

Une fois sur le quai, personne ne vous demande de passeport, et vous seriez libre d’aller vous promener si vous n’aviez la fâcheuse habitude d’emporter soit malle, soit carton, soit valise, toutes choses dont la conséquence est de vous faire passer une heure et demie dans une salle fort triste à hautes fenêtres en tabatière en proie à une odeur insupportable de charbon de terre, jusqu’à ce qu’on ait appelé votre nom et fait les autres cérémonies douanières. Vous débarquiez gaiement dans une ville propre et charmante, et voilà que vous comprenez déjà les sombres mystères du spleen ; — de plus, le dernier convoi du chemin de fer part pour Londres dans l’intervalle, et vous en avez pour un jour de perdu et trente francs de dépensés dans une ville insignifiante. Les Français ne se persuaderont-ils jamais que toutes les fois qu’on passe la frontière, c’est une excellent occasion de renouveler ses habits et son linge, attendu qu’il n’est point de pays où ces choses ne soient moitié moins chère et beaucoup meilleures que chez nous ? Souvenons-nous donc que la France ne fournit à l’étranger que des vins, des bronzes et des colifichets de mode. Cette idée est triste pour notre amour-propre ; mais pourquoi, nous autres consommateurs, ne dirions-nous pas à nos seigneurs les fabricans qu’ils abusent singulièrement de ce qu’il leur plaît d’appeler le marché national ? En parcourant la grande rue de Southampton, je rougissais de la mince valeur de ma garderobe française, comparée aux splendeurs de costume qu’étalait le prix fixe anglais.

J’ai suivi la grande rue jusqu’à une porte gothique, sorte d’arc de triomphe couvert de sculptures, de légendes et de blasons peints et dorés. La cathédrale est dans ce style un peu nu que l’on appelle gothique anglais ; il y a un théâtre et une bourse, des boutiques peu différentes des nôtres. Toutes les maisons sont en brique avec d’énormes fenêtres, des vitres bien nettes, des boiseries bien peintes, des espèces de verandas s’avançant sur la rue, quelque chose des villes de Hollande avec moins de caprice ; — les rues transversales ont cette physionomie calme et provinciale, cette propreté, cette grace d’intimité et de ménage que l’on rêve en lisant Goldsmith ou Fielding ; de verts ombrages cà et là, de charmans enfans bien portans et bien vêtus, d’alertes servantes avec leurs bras nus et leur figure rose et blonde encadrée dans un chapeau de paille étroit ; voilà ce que l’on voit de mieux : le reste est comme partout.

Du reste, on a bien vite satisfait tous les caprices inhérens à la couleur locale, — comme de boire un verre de porter, un verre d’ale, un petit verre de gin, de fumer un manille authentique, d’acheter un journal et d’arroser une tranche de rosbeef de quelques tasses de tea incontestablement chinois.

Mais c’est anticiper sur les plaisirs de Londres et lui dérober la primeur des sensations qu’elle nous garde. Hâtons-nous de gagner le magnifique embarcadère du south western rail-way, qui ne mettra guère que six heures pour nous transporter tout près du Wauxhall-bridge de Londres, à travers des campagnes aussi peu pittoresques qu’admirablement cultivées. — Du reste, on sait qu’il n’y a point de paysages pour le voyageur des chemins de fer.

 

GÉRARD DE NERVAL.

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