Agen, berceau des Dublanc et des Labrunie
L'ASCENDANCE PATERNELLE
LES DUBLANC
La famille Dublanc est originaire d’Agen, paroisse Saint-Hilaire, où les registres d'état civil attestent sa présence depuis le XVIIe siècle. Martin Dublanc, né en 1683, époux de Catherine Laville (peut-être est-ce ce nom qui a suggéré à Nerval sa parenté avec les Laville de Lacépède dans sa Généalogie) est le père de trois enfants, Pierre, Marie Thérèse et Françoise. Pierre, époux de Jeanne Roques, est l’aïeul d'Étienne Labrunie. Par les mariages de Marie Thérèse et de Françoise, la famille Dublanc s'allie à celles des Delpech et des Boé, comme l'indique Nerval dans sa Généalogie. Petit schéma récapitulatif, en rouge les noms mentionnés par Nerval dans sa Généalogie :
Née le 20 septembre 1748, baptisée par son oncle Raymond Dublanc, curé de Prayssas, Marie Thérèse Dublanc est la fille de Pierre Dublanc, tapissier à Agen, et de Jeanne Roques. Elle épouse en février 1776 Joseph Labrunie en l'église Saint-Hilaire d'Agen. Dans sa Généalogie, Nerval a beaucoup fantasmé autour de l'origine agenaise des Dublanc : au centre de l’arbre généalogique, les deux noms de ses grands-parents paternels qu’il n’a pas connus, « J. Labrunie » et « Marie Dublanc », en traits plus appuyés, figurent au pied de l’arbre, ainsi que les mentions, que nos recherches n’ont pas confirmées : « Dublanc propriétaire des Pomerettes en Agenais » et « les Dublancs de Bordeaux », et à propos des « terres et seigneurie » de Cazabone, Nerval précise : « héritages considérables recueillis en partie du côté des Labrunie et en partie plus grande par les Dublanc en raison de leur nombre et d’après les lois révolutionnaires ». Il paraît difficile d’imaginer qu’il s’agit là de pure affabulation ; on peut penser plutôt à des informations glanées auprès de la famille, Étienne Labrunie ou Gérard Dublanc, erronées ou mal comprises puis amplifiées par Gérard.
Le frère de Marie Thérèse, Gérard Dublanc, né le 21 avril 1758, de dix ans son cadet, quitte Agen pour Paris, où il est attesté depuis 1799 comme apothicaire, puis pharmacien, d’abord au n° 45 de la rue Saint-Martin et, à partir de 1806, au n° 98 de la même rue. Il épouse en 1789 Augustine Eberl, née à Paris d’un père Pragois et d’une mère Viennoise. Deux fils naissent de cette union, Joseph Gérard, né en 1790, et Jean Baptiste Henri, né en 1795, qui seront tous deux pharmaciens, le second reprenant l’officine paternelle du 98 rue Saint-Martin, tandis que le premier s’installe non loin de là, 137 rue du Temple, dans une officine achetée pour lui par son père en 1816. Joseph Gérard épouse en 1816 Henriette Paris de Lamaury. C'est par elle que Nerval se trouve être le lointain cousin par alliance de Justine et Sophie Paris de Lamaury. Après avoir exercé rue du Temple, Joseph Gérard s’établit à Montmorency où il mourra en 1860. Jean Baptiste Henri, franc-maçon comme son père, dignitaire de la loge des Sept-Écossais-réunis, épouse en 1818 Madeleine Vassal, fille du docteur Pierre Gérard Vassal lui aussi franc-maçon, vénérable de la même loge. Ayant pourvu et marié ses deux fils, Gérard Dublanc se retire en 1818 avec sa femme à Saint-Germain-en-Laye, où il habite 2 bis rue de Mantes jusqu’à sa mort en novembre 1829. Il fut très présent auprès de son neveu Étienne Labrunie. Témoin au mariage du jeune couple qui logeait à côté de chez lui, 96 rue Saint-Martin, il est aussi le parrain de leur enfant qui lui doit son prénom.
La famille Dublanc renvoie donc Nerval à son enfance, rue Saint-Martin, et à l’adolescence, époque à laquelle il rend visite à Saint-Germain à son grand-oncle Dublanc et sans doute à ses cousines par alliance Justine et Sophie Paris de Lamaury. Dans un fragment non publié de Promenades et Souvenirs intitulé « Sydonie », Nerval situe là l'épisode qui deviendra le chapitre VI de Sylvie, dans lequel le narrateur et Sylvie revêtent les habits de noces de la vieille tante d'Othys. C’est aussi cette période qui remonte à sa mémoire durant l’internement de 1853, et lui fait écrire au docteur Blanche le 25 novembre : « Votre voix a réveillé en moi le souvenir des Dublanc, que j’ai toujours chéris, ainsi que mon oncle, leur père. Je regrette que les circonstances m’aient si longtemps séparé d’eux » et à son cousin Jean Baptiste le 27 novembre: « Les souvenirs de mon oncle et de ma tante se sont ravivés dans mon coeur pendant les périodes de cette singulière maladie ».
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LES LABRUNIE
Comme les Dublanc, les Labrunie sont originaires d'Agen (Lot-et-Garonne), paroisse Saint-Hilaire. Le 6 février 1776, ils s'allient à la famille Dublanc par le mariage de Joseph Labrunie, fils d’Étienne Labrunie, tapissier à Agen, et de Marie Anne Tabutin, avec Marie Thérèse Dublanc, fille de Pierre Dublanc, également marchand à Agen, et de Jeanne Roques, tous deux décédés un an avant le mariage de leur fille. Apparaît également sur la Généalogie le nom de « Moura ». Jean Moura, confiseur de monseigneur l'Évêque d'Agen, a épousé Jeanne Labrunie, la soeur de Joseph, le 25 juin 1776.
Du mariage de Joseph Labrunie et Marie Thérèse Dublanc sont nés quatre enfants, Étienne Labrunie, le père de Nerval, en 1776, Marie Anne en 1777, Madeleine en 1780, sans doute morte en bas âge, et Jean Labrunie en 1781, tous quatre à Agen. Joseph Labrunie est décédé en 1782, un an après la naissance de son dernier enfant.
Marie Anne Labrunie est née le 25 décembre 1777. De son mariage avec Joseph Gautié, orfèvre naît Étienne Augustin Gautié, pharmacien puis courtier en vin, qui a gardé un souvenir enthousiaste de sa visite à son cousin Gérard au Doyenné en 1834. Durant son internement à Passy, Nerval écrit à son cousin, le 27 novembre 1853 : « Si vous pouviez m’écrire et me donner des nouvelles de notre famille, vous me feriez grand plaisir. M. Blanche, mon excellent médecin, me laisserait peut-être aller passer quelque temps au milieu de vous, car je sens que l’air du pays me ferait grand bien ». C’est dire que le côté Labrunie est aussi présent dans le travail de mémoire qu’effectue Nerval à cette époque que le côté maternel. Marie Anne Labrunie est décédée à Port-Sainte-Marie en 1860.
Jean Labrunie est né le 9 mars 1781. Engagé comme pharmacien dans les armées impériales en Espagne, il reçoit en avril 1816, pour ses « 9 années, 8 mois et 7 jours » d’engagement militaire une gratification de 1350 francs. Après la chute de l'Empire, il a passé quelque temps à Paris auprès de son frère Étienne et son neveu qui se souvient avec bonheur de sa présence rue Saint-Martin : « J’étais faible encore, et la gaieté de son plus jeune frère me charmait pendant mon travail. » (Promenades et Souvenirs, chapitre IV). Le 17 août 1840, il lui écrit : « Je garde un souvenir bien précieux du temps où je vous ai vu. Ce sont de ces impressions d’enfance qui ne s’oublient pas. ». Jean est alors installé comme pharmacien à Sainte-Foy-la-Grande, où il a épousé en 1816 Jeanne Lamaure, originaire de Blaye, dont il a deux enfants, nés à Sainte-Foy, Zulma en 1817 et Pierre Évariste, né en 1818.
Jean Labrunie, que Nerval qualifie d’ « officier supérieur », est mentionné plusieurs fois dans la Généalogie de Nerval : au centre de l’arbre, associé à son frère Étienne. Le nom de son épouse, Lamaure, que Nerval orthographie toujours sans e, est également mentionné : "Lamaur, capitaine de frégate" puis : « alliance avec les Lamaur, famille de Saint-Domingue, fils, fille, à Sainte-Foy près Bergerac », et c'est sans doute sur son nom que Nerval se livre au jeu associatif des sonorités: "maura, mawra, mawra regina, ma ma roÿna", reliant ainsi le côté paternel au côté maternel où figure le nom de Moura/Mora. Après la mort de Jean Labrunie en 1845, Jeanne Lamaure est venue vivre à Paris. Dans l’épreuve qu’a constitué pour Nerval son internement forcé, Jeanne Lamaure et son fils semblent être les seuls membres de la famille à l’avoir réellement épaulé. C’est elle qui accepte la responsabilité de céder aux supplications de Nerval et de le faire sortir de la maison de santé de Passy pour le recevoir chez elle 54 rue Rambuteau. Arsène Houssaye dit d’elle en 1875 qu’elle fut pour Nerval « une tante, une femme toute biblique, qui l’adorait et l’appelait son enfant ». Le 17 octobre 1854, elle écrit sèchement au docteur Blanche : « Je vous prie de me confier mon neveu, Gérard Labrunie de Nerval. Veuillez avoir l’obligeance de lui dire de se tenir prêt pour jeudi, onze heures. J’irai le chercher », puis le 19 : « Je vous prie de me remettre mon neveu M. Gérard Labrunie de Nerval ; je m’engage à le recevoir chez moi jusqu’à ce qu’il ait trouvé un logement ». C’est à elle qu’est adressé le dernier billet de Nerval, le 24 janvier 1855, alors qu’il gèle à pierre fendre à Paris : « Ma bonne et chère tante, dis à ton fils qu’il ne sait pas que tu es la meilleure des mères et des tantes. Quand j’aurai triomphé de tout, tu auras ta place dans mon Olympe, comme j’ai ma place dans ta maison. Ne m’attends pas ce soir, car la nuit sera noire et blanche. »
Évariste Labrunie (1818-1881) qui exerce la médecine à Paris, a largement secondé sa mère dans l’affection et le soutien qu’elle a portés à son neveu. Nerval lui adresse de Passy le 26 novembre 1853 une lettre qui pose le problème de sa folie « lucide » (faire le fou, n'est-ce pas ne pas l'être?) : « Mon cher cousin, Je vous ai paru sans doute assez étrange la dernière fois que je vous ai vu. Excusez-moi. Je croyais nécessaire de prendre gaiment ma situation assez pénible, celle de passer pour un fou... Oubliez les trois mois qui viennent de se passer et venez me voir chez M. Blanche, qui, cette fois, je l’espère, me croira digne de serrer la main à mon plus proche parent. Je t’embrasse. Gérard Labrunie ». Et de nouveau le 3 décembre, cet appel de détresse : « Mon cher cousin, Vous n’êtes pas revenu me voir ; tâchez donc de prendre un moment. J’ai besoin de vous revoir et de vous prier de faire que M. Blanche prenne confiance en moi. Je voudrais bien voir mon père et lui montrer que ma tranquillité d’esprit est tout à fait revenue... Un peu d’amitié et de bonheur me ferait tant de bien ». Le ton est plus apaisé le 23 septembre 1854: « Je vous remercie encore une fois de la visite que vous m’avez faite, il y a deux jours. Que de bonheur j’ai eu à embrasser ma bonne tante et à pouvoir causer avec elle ». C’est encore à Évariste Labrunie que le docteur Blanche fait appel, le 11 octobre 1854, quand ses rapports avec son patient sont devenus difficiles: « Mon cher confrère, Votre cousin M. Gérard de Nerval me tourmente beaucoup pour que je lui rende sa liberté. Sachant qu’il n’a aucun asile à Paris, je ne puis pas lui permettre de quitter ma maison avant d’être certain qu’il a au moins une chambre où il dépose ses meubles et où il puisse s’installer... Vous ne devez pas ignorer qu’à l’époque où M. Gérard de Nerval est tombé malade, M. Labrunie, son père, m’a signifié qu’il ne pouvait pas s’occuper de son fils ».
Réprobation de sa part à l’égard du soutien qu’il a apporté à Gérard ? Notons que le père de Nerval (décédé le 1er juin 1859) lègue ses biens, qui ne sont pas négligeables, à sa soeur Marie Anne, veuve de Joseph Gautié, à sa nièce Zulma, épouse Lafargue, mais rien à Évariste.
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LES PARIS DE LAMAURY
Dans sa Généalogie, côté paternel, Nerval mentionne, à la suite des Dublanc, « Chédeville de Lamaury », « Paris de Lamaury », et le « comte de Saint-Projest, trésorier des gardes du corps, par alliance à St-Germain ».
Les Paris appartiennent à la magistrature. C’est par Henriette Paris (1796-1861), qui épouse Joseph Gérard Dublanc en 1816 que Nerval leur est lointainement apparenté. Henriette est la fille de Maître François Marie Paris, avoué au Tribunal de première instance de la Seine. Maître Paris a un frère, Jean Simon Paris, également avoué, père de Justine, née en 1804, et de Sophie, née en 1806, et une soeur, Geneviève Sophie Paris, qui épouse en premières noces Louis Chédeville (décédé en 1799) et en secondes noces Jean Baptiste Pasquet de Saint-Projet. La famille Paris de Lamaury vit à Saint-Germain-en-Laye. J.B. Pasquet de Saint-Projet fit partie des Gardes du Corps casernés au château de Saint-Germain, puis il devint conservateur des Forêts et Chasses du roi, ce qui permettait à ses nièces « intrépides chasseresses » de parcourir à cheval la forêt domaniale de Saint-Germain, peut-être accompagnées par Nerval. Jean Baptiste Pasquet de Saint-Projet est décédé en 1850.
Le prénom de Sophie – évoqué comme celui du grand amour de jeunesse de Gérard – est récurrent autant que secret sur plusieurs manuscrits autographes, où il est soigneusement biffé et remplacé par trois étoiles. On a pu penser qu'il s'agissait de Sophie Paris de Lamaury. En fait, Justine et Sophie ne sont que des cousines par alliance très éloignées pour Nerval. Sophie épouse en 1828 André Renié, architecte, veuf de Caroline Grétry. Ils auront six enfants. André Renié meurt en 1855, Sophie en 1862.
6 février 1776, acte de mariage de Joseph Labrunie, tapissier, âgé de 27 ans, fils d'Étienne Labrunie et Marie Anne Tabutin, et de Marie Thérèse Dublanc, âgée de 27 ans, fille de Pierre Dublanc et Jeanne Roques. C'est cette union qui marque pour Nerval l'origine de l'arbre généalogique familial (Archives départementales du Lot-et-Garonne)
12 janvier 1745, acte de mariage de Guillaume Delpech et Marie Thérèse Dublanc, avec les signatures des deux époux, celles de Dublanc père, de Dublanc frère, et de Gérard Boé. Les Delpech et les Boé entrent dans la famille Dublanc (Archives départementales du Lot-et-Garonne)
20 septembre 1748, acte de baptême de M. Thérèse Dublanc, née le 18, fille de Pierre Dublanc, bourgeois et marchand, et de demoiselle Jeanne Roques. Le parrain est Jean Roques, grand-père maternel, la marraine Marie Minhac, grand-mère maternelle. Raymond Dublanc, curé de Prayssas (orthographié Preyssas) a signé (Archives départementales du Lot-et-Garonne)
21 avril 1758, acte de baptême de Gérard Dublanc, fils de Pierre Dublanc et de Jeanne Roques. Le parrain est Gérard Boé, son oncle, la marraine Françoise Roques, sa tante maternelle. C'est donc à Gérard Boé que Nerval doit son prénom, donné par son parrain Gérard Dublanc (Archives départementales du Lot-et-Garonne)
25 juin 1776, acte de mariage de Jean Moura, âgé de 30 ans, confiseur, fils de feu Paul Moura, et Marie Sicard, natifs de la paroisse Du Vernet de Coutereigne, diocèse de Pamiers, et habitants depuis plusieurs années de celle de St-Étienne de cette ville, au service de M. l'Evêque, et de demoiselle Jeanne Labrunie, âgée de 19 ans, fille de sieur Étienne Labrunie, tapissier et demoiselle M. Anne Tabutin.(Archives départementales du Lot-et-Garonne )
13 juillet 1776, acte de baptême d’Étienne Labrunie, né le 12, fils de Joseph Labrunie, tapissier et de demoiselle M.Thérèse Dublanc. Son parrain est son grand-père paternel et sa marraine sa grand-mère maternelle Jeanne Roques. Il n'échappe à personne qu'Étienne a été conçu nettement avant le mariage de ses parents (Archives départementales du Lot-et-Garonne)
25 décembre 1777, acte de baptême de Marie Anne Labrunie, fille de Joseph Labrunie, tapissier, et de Marie Thérèse Dublanc. Son parrain est son oncle Vincent Labrunie, tapissier, sa marraine est sa grand-mère paternelle Marie Anne Tabutin (Archives départementales du Lot-et-Garonne )
6 février 1780, acte de baptême de Magdeleine Labrunie, fille de Joseph Labrunie, tapissier, et de M. Thérèse Dublanc. Son parrain est Gérard Dublanc, apothicaire, son oncle, qui sera aussi le parrain de Nerval, et sa marraine sa tante Madeleine Labrunie. Gérard Dublanc est donc encore à Agen à cette date. Nerval dans sa Généalogie parle de "trois enfants" et ignore donc l'existence de Madeleine, morte sans doute en bas-âge.(Archives départementales du Lot-et-Garonne )
9 mars 1781, acte de baptême de Jean Labrunie, né le 7, fils de Joseph Labrunie, tapissier et de M. Th. Dublanc. Son parrain est Jean Moura, confiseur, sa marraine Jeanne Labrunie Moura. L'acte est signé Labrunie, père, Moura, parrain, Jeanne Labrunie M.(Moura), Madeleine Labrunie, Françoise Macary, Marguerite Rivière. Le nom de Macary, mentionné dans la Généalogie à côté de celui des soeurs de Duburgua, figure donc ici, seul lien, bien mince, de parenté entre la famille de Nerval et celle de Justin Duburgua. (Archives départementales du Lot-et-Garonne )
Saint-Germain-en-Laye tel que Nerval l'a connu