1828 ? — Le Nouveau Genre ou Le Café d’un théâtre, comédie en un acte en vers.
Le manuscrit sera achevé et publié en 1860 par Arthus Fleury sous le titre : Le Nouveau genre ou Le Café d’un théâtre / Comédie critique en un acte, en vers / imitée de / Leandro Moratin / commencée par / Gérard de Nerval / et terminée par / Arthus Fleury, Paris, J. Barbée, 12 boulevard Saint-Martin, 1860.
Dans la préface de son édition, Arthus Fleury explique que le manuscrit lui a été donné lors de son passage à Tours par Papion du Château, qui le tenait lui-même de Nerval, et qu’il s’agit d’une traduction libre de la Comedia Nueva o El Cafe, du poète espagnol Moratín. Une lettre de Nerval à Papion du Château,que l’on peut dater d’avril 1832, mois où l’épidémie de choléra à Paris, à laquelle la lettre fait allusion, confirme ce don de deux manuscrits, et, implicitement, son ralliement au romantisme : « Mais je vous irai voir, pour sûr, lundi matin et vous porterai le cahier de l’Erreur. Je viens de le relire et vraiment avec beaucoup de corrections je crois que vous en pourriez faire quelque chose de remarquable. Pour moi, il est impossible qu’il me serve jamais, non que je le croie inférieur à moi ( alors je ne vous l’offrirais pas), mais parce qu’il est d’un genre de poésie, autre que celui que j’ai embrassé et qu’à ce titre il me nuirait s’il paraissait sous mon nom, de la même façon qu’une poésie carliste nuirait à un républicain. J’ai aussi un autre cahier où vous trouveriez peut-être quelque chose d’assez bon. Je vous l’apporterai avec l’autre. » L’un, L’Erreur, explicitement désigné, est sans doute la pièce présentée au théâtre de l’Odéon, dont le procès-verbal de censure est daté de 1829. « L’autre », dont le sous-titre est le même que celui de L’Erreur, est Le Nouveau genre.
Ces deux courtes pièces, que l’on peut dater sans doute de 1828, sont une satire du drame romantique, dans la droite ligne des cahiers de Poésies de 1824. Mais entre temps, Gérard s’est rallié à Victor Hugo, en faisant une adaptation pour le théâtre de Han d’Islande, dont le manuscrit porte la date de 1829, et surtout en participant activement à la bataille d’Hernani en février 1830. Une telle charge contre les adeptes du « nouveau genre », devenus ses amis, aurait été évidemment mal perçue.
Voir la notice LA CAMARADERIE DU PETIT CÉNACLE.
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LE NOUVEAU GENRE OU LE CAFÉ D'UN THÉÂTRE
La scène se passe dans le café d’un théâtre des boulevards, à Paris.
SCÈNE PREMIÈRE
EUGÈNE, M. DUPRÉ, LES CLAQUEURS
Eugène
- Allons, Monsieur Dupré, montrez-vous plus traitable…
- De tout cela d’ailleurs, nous conviendrons à table.
- Surtout, du second acte, il faut soigner la fin,
- Quand la mère et l’enfant se plaignent d’avoir faim,
- Que le père répond…
M. Dupré
Je connais le passage.
Eugène
Le parterre, je crois, fera là grand tapage.
M. Dupré
Comment ? Donnera-t-on des billets au bureau ?
Eugène
Eh ! sans doute, Monsieur.
M. Dupré
- Ah ! voici du nouveau !
- Et la première fois… C’est là, sur ma parole,
- Pour un homme d’esprit, une fameuse école.
- Alors, ce n’est plus çà
Eugène
- D’où vient donc cet effroi ?
- Je ne vois point quel mal…
M. Dupré
- Eh bien, moi je le vois !
- Apprenez donc, Monsieur, ce dont pour vous je tremble,
- Que quatre à cinq sifflets, bien accordés ensemble,
- Causent plus de scandale et font plus de fracas
- Que toute notre claque.
Eugène
- Alors, quel embarras ?
- Vous mettez poliment la cabale à la porte.
M. Dupré
- La cabale, Monsieur, peut être la plus forte ;
- D’ailleurs, tout honnête homme aime assez son repos,
- Et, pour être Romain, on n’est pas un héros.
- Non, un auteur habile, et qui sait son affaire,
- D’avance, de gaillards disposés à bien faie,
- Remplit les corridors, les loges, le parquet,
- Et ferme les bureaux au sixième billet.
- D’un pareil procédé si la foule s’irrite,
- Gendarmes à cheval interviennent bien vite ;
- Le public, avec perte, est bientôt repoussé…
- Et voilà le succès déjà fort avancé :
- Alors, nous…
Eugène
- Excusez mon peu d’expérience ;
- Mais de tout réparer, Monsieur, j’ai l’espérance ;
- Venez en attendant, et montons au salon.
SCÈNE SECONDE
LES PRÉCÉDENTS, DORANTE
Eugène
Tiens, te voilà, Dorante ? As-tu déjeuné ?
Dorante
Non.
Eugène
Eh bien, monte avec nous.
Dorante
Mais je voulais t’apprendre…
Eugène
J’aurai, le repas fait, le loisir de t’entendre.
Il monte au premier avec Dupré
SCÈNE TROISIÈME
Dorante, seul
- Encore un déjeuner ! Je vois que notre ami
- N’entend pas faire ici les choses à demi :
- Ce m’est, en tous les cas, une bonne ressource ;
- Car, logeant dès longtemps le diable dans ma bourse,
- Sans la sienne, peut-être, un destin plus fatal
- M’eût dès longtemps aussi conduit à l’hôpital.
- Tôt ou tard cependant ce sera mon partage,
- Car son avoir s’épuise, et c’est vraiment dommage,
- Pour moi comme pour lui : j’ai pourtant quelque espoir`
- Sur son drame, qu’ici l’on va jouer ce soir :
- C’est bien extravagant, bien niais… mais que dire ?
- Pour le siècle où l’on est, il faut savoir écrire.
- D’ailleurs, je l’ai prôné, j’ai proclamé partout
- L’ouvrage original et du plus nouveau goût ;
- À le faire jouer j’ai réussi, de reste,
- Et crois avec raison que nul revers funeste
- Ne troublera ce soir un succès si flatteur,
- Moins pour la gloire encor que pour les droits d’auteur.
SCÈNE QUATRIÈME
DORANTE, CARLIN
Carlin
On vous demande en haut.
Dorante
- Ah ! j’y suis nécessaire ?
- J’y cours.
Il sort
SCÈNE CINQUIÈME
CARLIN, DERCOURT entrant.
Dercourt, s’asseyant.
Ma demi-tasse, avec le petit verre.
Carlin
Bien.
Il sert et retourne au fond
Dercourt, entendant du bruit au premier.
- Le plafond, je crois, est prêt à s’enfoncer ;
- Carlin !
Carlin, revenant.
Monsieur ?
Dercourt
Là-haut, donnez-vous à danser ?
Carlin
Non, Monsieur.
Dercourt
Qui peut donc y faire un tel tapage ?
Carlin
Des auteurs.
Dercourt
- Des auteurs ? mais c’est un badinage ;
- Ce sont des fous, plutôt.
Carlin
- Des auteurs ; et des bons !
- Mais pour faire ce bruit ils ont bien leurs raisons :
- D’un excellent repas ils ont fait la dépense,
- Et lui rendent honneur.
Dercourt
Pourquoi cette bombance ?
Carlin
- C’est, je crois pour un drame, à ce qu’on dit, bien noir,
- Qui sera, près d’ici, représenté ce soir,
- Et que pour un chef-d’œuvre en tous lieux on proclame.
Dercourt
Ah ! les petits coquins… ils ont donc fait un drame ?
Carlin
- Oui, Monsieur, le sujet est très original,
- Et tout promet d’avance un succès colossal :
- Voulez-vous voir l’annonce ?
Dercourt
Eh ! j’en aurais envie.
Carlin, lui présentant un journal.
Cherchez dans le journal.
Dercourt
- Oh ! diable ! c’est la vie
- D’un fameux criminel en cinq jours : l’intérêt
- Me semble bien placé.
Carlin
Cela doit faire effet.
Dercourt, lisant.
- On doit, le même soir, y voir représentée
- Sa naissance, sa vie et sa mort méritée.
Carlin
Est-ce le même acteur qui jouera tout cela ?
Dercourt
- Il paraît. Ah ! Carlin, quelle pièce voilà !
- Eh ! mais, sais-tu combien ils étaient pour la faire ?
Carlin
Deux.
Dercourt
Par acte ?
Carlin
Pour tout.
Dercourt
C’est extraordinaire !
Carlin
Encor Monsieur Dorante en fit bien peu, je crois.
Dercourt
Eh quoi ! Dorante en est : Maintenant je conçois.
Carlin
Vous le connaissez donc ?
Dercourt
- Est-il dans la nature
- Quelque lieu qui n’ait vu sa bizarre figure ?
- Qu’il n’ait souvent rempli de son fade jargon,
- De ses airs suffisants qu’il prend pour du bon ton ?
- Assureur dramatique et prôneur littéraire,
- Il dit tout sans rien dire et fait tout sans rien faire ;
- Flatte de son appui tous les auteurs nouveaux,
- Daigne dans les salons produire leurs travaux,
- Les présente au théâtre, en prend le bénéfice,
- Et même y met son nom… à titre de service.
Carlin
- Comme vous l’habillez ! mais croyez cependant
- Qu’il possède en ces lieux un fameux ascendant ;
- Il est fort en faveur au boulevard du Crime ;
- Le second père noble a pour lui de l’estime ;
- Avec notre soubrette il va se promener,
- Et parfois le souffleur l’invite à déjeuner.
- Vous sentez…
Dercourt
- Oh ! je sens que son heureuse adresse
- A, la main dans le sac, fait recevoir sa pièce.
Carlin
- La pièce, c’est trop dire, et je soupçonnerais
- Que l’autre jeune auteur en a seul fait les frais ;
- Mais tous deux comptent bien, qu’en cas de réussite,
- Une grêle d’écus va leur tomber bien vite ;
- De son ami Dorante épouse alors la sœur…
Dercourt
Qui ? lui ! se marier ?
Carlin
- La clause est de rigueur.
- La noce jusqu’ici ne s’est point encor faite,
- Le futur étant gueux ainsi que le poète :
- Mais cette affaire-là les remettant à flot,
- Les accords projetés sont conclus au plus tôt.
Dercourt
Et si la pièce tombe ?
Carlin
- Ah ! ce serait terrible !
- Mais quand j’y réfléchis… Oh ! non, c’est impossible :
- Monsieur Dorante est sûr qu’elle réussira.
Dercourt
S’il en est sûr… d’accord ; et qui vivra verra.
Carlin
- Il ajoute d’ailleurs qu’elle est d’un nouveau style
- Qui, depuis quelque temps, fait fureur dans la ville ;
- Et, tenez, l’autre jour ils en parlaient ici
- Devant plusieurs acteurs qui s’y trouvaient aussi.
- C’étaient toujours des mots de routine, d’ornières ;
- Qu’il était beau d’apprendre à marcher sans lisières ;
- Que, du maillot fatal une fois dépouillés,
- Ils allaient conquérir, loin des chemins frayés,
- Des lauriers incueillis, des fleurs à peine écloses.
- Moi qui n’entendais pas toutes ces belles choses,
- J’étais resté de là ; mais deux de mes pays,
- Des garçons perruquiers, en étaient ébahis…
Dercourt
C’est une autorité.
Carlin
- Des gaillards, je vous jure,
- Qui se piquent d’avoir de la littérature ;
- Et nos auteurs partis, ils nous dirent tout haut :
- « D’honneur, ces messieurs-là raisonnent comme il faut ;
- On ne peut point douter que, s’ils font un ouvrage,
- Leur innovation n’ait un succès… de rage ;
- Tout appartient de droit à qui sait tout oser. »
Dercourt
Oui.
Carlin
- « Les Français en vain voudront leur opposer
- Des pièces, des acteurs et des auteurs caduques,
- Ils vont faire la barbe à toutes leurs perruques ! »
Dercourt
Oh ! diable ! je le crois.
Carlin
- Le présage est flatteur :
- J’en suis vraiment charmé pour notre jeune auteur ;
- Car, si cet essai-là lui réussit, je gage
- Qu’il va bien tout le jour détacher de l’ouvrage.
Dercourt
Pour cela, j’en réponds.
Carlin
- Et voilà ce qu’il dit :
- « Je puis, quand ce succès m’aura mis en crédit,
- Pour un bon traitement m’arranger à l’année
- Avec le directeur… ou même à la journée,
- Voyez-vous ? »
Dercourt
Ah ! sans doute.
Carlin
- Alors, il en ferait…
- Bah ! deux ou trois par mois, même plus…
Dercourt
C’est un fait.
SCÈNE SIXIÈME
LES PRÉCÉDENTS, SAINT-ANGE, d’abord endormi, EUGÈNE, descendant.
Eugène
Garçon !
Carlin
Monsieur ?
Eugène
Un mot !
Il lui parle à l’oreille. Carlin sort
Dercourt, s’approchant de Saint-Ange, que l’exclamation d’Eugène vient de réveiller.
- Il faut vous divertir :
- Venez-vous avec moi voir la pièce nouvelle
- Ce soir ?
Saint-Ange
Non.
Dercourt
Pourquoi donc ! C’est qu’on la dit fort belle.
Saint-Ange
Non, jamais je n’y vais à la première fois.
Dercourt
Toujours original !
Eugène, s’approchant, à part.
- Ah ! l’on parle, je crois,
- De ma pièce.
Dercourt
- Écoutez : elle est bonne ou mauvaise ;
- Dans un cas ou dans l’autre, on en use à son aise.
- Est-elle bonne ? – on claque, ou mauvaise ? l’on rit,
- On raille un peu l’auteur.
Saint-Ange
- Ce qui vous divertit
- M’irrite : vous avez le talent nécessaire,
- En matière de goût, pour ne vous tromper guère.
- Dans le monde pourtant vous vous faites l’appui
- De tout mauvais auteur, pour vous moquer de lui ;
- Mais le jeu trop souvent passe la raillerie,
- Et par ce moyen-là, quoique parfois on rie,
- Mon cher, c’est un plaisir triste autant qu’incertain
- Que celui qui s’exerce aux dépens du prochain.
- Vous vous amusez… soit ; mais…
Dercourt
- Certes, je m’amuse,
- Et non pas aux dépens de celui que j’abuse.
- Si son bonheur consiste en cette illusion,
- Je l’augmente en sachant flatter sa passion ;
- Le détromper serait une chose cruelle ;
- Mais quant à cette pièce…
Eugène, se mettant au milieu d’eux.
- Elle est, Messieurs, fort belle.
- Fort belle, à ce qu’on dit du moins, et j’ai l’espoir
- Qu’elle vous plaira fort, si vous allez la voir :
- Son auteur m’est connu.
Dercourt, à part.
C’est sans doute lui-même.
Eugène
- Un homme comme il faut, que j’estime et que j’aime,
- Mais le pauvre garçon ne fait que commencer,
- Et d’un peu d’indulgence il ne peut se passer.
Saint-Ange
- S’il débute en effet, le public est trop sage,
- Le sachant, toutefois, pour n’en pas faire usage.
Eugène
- C’est fort bien pour l’honneur ; mais voyez ce que c’est ;
- L’auteur de cet ouvrage, au cas d’un grand succès,
- Devra se contenter de cent francs par soirée ;
- Voilà tout.
Dercourt
- La pilule est assez mal dorée.
- Je pensais qu’une pièce avait plus de valeur,
- Dans ce genre surtout.
Eugène
- Non ; pendant la chaleur
- On ne donne pas plus. Malgré ce prix modique,
- Si tout seul du théâtre on avait la pratique,
- On pourrait s’en tirer, mais on a des rivaux :
- Chaque jour voit éclore un tas d’auteurs nouveaux.
- Tout cela par faveur s’insinue et s’avance,
- Écrit dans les prix doux : contre la concurrence
- Comment se maintenir avec quelque succès ?
- Surtout dans ce temps-ci qu’on fait tout au rabais.
- Et, tenez, l’autre jour, en dépit de Dorante,
- Un petit écolier aux acteurs se présente ;
- C’est qu’il avait en poche un théâtre complet :
- Comédie, opéra, vaudeville, ballet,
- Drame, pièce à tableaux… Enfin le bon apôtre
- Leur proposait le tout à cent francs l’un dans l’autre.
- Vous conviendrez qu’alors on est bien empêché,
- Et qu’on ne peut tenir contre un si bon marché.
Dercourt
Ces rabais font grand tort.
Eugène
Monsieur, ils sont terribles.
Dercourt
Oh ! oui.
Eugène
Surtout au prix où sont les comestibles.
Dercourt
En effet.
Eugène
Savez-vous ce que coûte un habit ?
Dercourt
Sans doute ; oh ! les tailleurs ne font plus de crédit.
Eugène
Et les locations à présent sont si chères !
Dercourt
Ce sont des gens cruels que les propriétaires !
Eugène
- Et si l’on a de plus des enfants, à coup sûr
- Il faudra les nourrir de pain sec.
Dercourt
C’est bien dur.
Eugène
- Allez donc avec l’autre établir concurrence !
- Qu’il ait vingt sous par jour, c’est toute sa dépense.
Dercourt
- Contre cela, Monsieur, je ne vois qu’un moyen,
- C’est de faire un travail… qui ne ressemble à rien ;
- Du neuf, des grands tableaux, de l’horreur… et sans doute
- On pourra mettre encor l’écolier en déroute.
Eugène
- C’est ce qu’on tente aussi ; la pièce de ce soir
- Devra, j’en suis certain, répondre à votre espoir ;
- Car, d’après votre goût, on la croirait formée ;
- Mais quoi !… l’auriez-vous lue ?
Saint-Ange
Elle est donc imprimée ?
Eugène
Eh ! sans doute, Monsieur.
Saint-Ange
- C’est assez hasardeux :
- Le succès n’est pas sûr.
Eugène
Oh ! rien n’est moins douteux.
Saint-Ange
Et peut-on demander combien l’auteur l’estime ?
Eugène
Quatre francs.
Saint-Ange
C’est bien cher.
Eugène
Monsieur, c’est du sublime !
Dercourt
Il faut que je l’achète, il le faut.
Eugène
- La voici :
- Trop heureux de pouvoir vous l’offrir.
Dercourt
Grand merci.
Il parcourt le titre.
- Ah! de mettre son nom l’auteur a la prudence ;
- Fort bien !
Eugène
En sa faveur cela prévient d’avance.
Dercourt
De cette attention l’on sera très flatté.
Saint-Ange
- C’est sans doute de peur que la postérité
- À le chercher un jour ne se creuse la tête.
Dercourt, après avoir feuilleté.
La préface obligée a l’air assez honnête.
Eugène
Il faut quand on innove expliquer ses raisons.
Dercourt, feuilletant.
- Ah ! c’est trop juste… Enfin, m’y voici ; commençons :
- Premier jour. Il fait nuit, la scène représente…
Eugène
- Permettez : cette scène est très intéressante ;
- Remarquez bien, Messieurs, que ce grand scélérat
- Y commence ses jours… par un assassinat.
Dercourt
Par un assassinat ! comment se peut-il faire ?…
Eugène
C’est qu’il cause en naissant le trépas de sa mère.
Dercourt
Oh ! oh !
Eugène
- Dès le début, par ce nouveau moyen,
- Le public est instruit de ce qu’il est.
Dercourt
Fort bien !
Saint-Ange
Monsieur
Eugène
- Pardonnez-moi : c’est ainsi qu’il doit naître :
- Mais ce commencement ne vous plaît pas peut-être ?…
- Eh bien ! donc, écoutez ce morceau que voilà :
- Il fait à son épouse une scène… c’est là !
Il indique une scène à Dercourt
Dercourt
Il s’est donc marié ?
Eugène
- Vers sa trentième année :
- Mais sa petite femme est bien infortunée,
- Et, malgré sa douceur, pour quelques vains soupçons,
- Le coquin ose encor lui dire des raisons.
Dercourt
Cet homme est très brutal.
Eugène
Caractère farouche !
Dercourt
Un grand, brun…
Eugène
Oui, Monsieur.
Dercourt
- Petits yeux, un peu louche ;
- De gros favoris noirs, grêlé ?…
Eugène
Vous y voici.
Dercourt
- Pauvre femme ! elle doit avoir bien du souci !
- Fi ! l’horrible animal !
Eugène
- Oh ! Monsieur, je vous jure
- Que c’est comme cela que je me le figure.
Dercourt
Voyons ce qu’il lui dit.
Saint-Ange
- Pour Dieu ! ne lisez pas.
- Je ne saurais souffrir…
Dercourt
- Je me tais, en ce cas ;
- Mais vous perdez, mon cher, une belle harangue.
- Elle, de son côté, ne se mord pas la langue.
Eugène
Non, non, Monsieur.
Dercourt
- Oh ! diable ! et je vois en effet,
- Qu’elle sait bien le prendre et lui dire son fait.
Saint-Ange, avec impatience.
Mais, avec tout cela…
Eugène
Cette scène est bien forte.
Saint-Ange
Cela suffit, Monsieur.
Eugène
Pleine de feu.
Saint-Ange
N’importe !
Eugène
- Ah ! cet acte au public paraîtrait sans défaut,
- Si l’actrice y mettait tout le talent qu’il faut.
- Et cet endroit encor…
Il prend la brochure
Permettez que je lise…
Saint-Ange
Eh ! pour Dieu ! laissez-là toute cette sottise.
Eugène
- Sottise ! Ah ! c’est trop fort !… Voilà nos gens de goût,
- Nos connaisseurs ; il faut qu’il s’en trouve partout.
- Sottise ! Ah ! pour le coup, je m’étonne qu’on ose…
- Eh ! sur les boulevards on ne voit autre chose !
- Sottise ! le public sait pourtant les priser,
- Et chaque soir, ici, les claque à tout briser.
Saint-Ange
Eh ! je ne vous dis pas…
Eugène
- Ces gens-là me font rire.
- Mais que veulent-ils donc ?… On ne peut rien écrire
- Qui ne soit déchiré, censuré !…
SCÈNE SEPTIÈME
LES PRÉCÉDENTS, DORANTE, descendant.
Eugène
- Te voici ?
- Pour entendre du neuf, mon cher, viens donc ici ;
- Tu ne le croirais pas !… Ce Monsieur se figure
- Que la pièce…
Dorante, le tirant à part.
- À propos, j’ai demandé lecture
- Pour notre autre, tu sais ?
Eugène
Ah ! bien.
Dorante
Est-ce achevé ?
Eugène
Non, ma foi, le sujet n’est pas encore trouvé.
Dorante
Oh ! diable ! tâche donc : c’est demain.
Eugène
- Sois tranquille ;
- Comme je te disais, Monsieur est difficile :
- La pièce de ce soir ne lui plaît pas.
Dorante
Vraiment !
Eugène
Ce n’est qu’une sottise !
Dorante
- Ah ! le mot est charmant.
- Il a dû t’effrayer ?
Eugène, se rapprochant des autres.
- Messieurs, je vous présente
- Un homme de mérite.
Dercourt
Ah ! ah ! Monsieur Dorante.
Eugène
- Il pourra décider le cas dont il s’agit.
- Tout le monde connaît ses talents, son esprit ;
- Il écrit fort souvent dans les feuilles publiques ;
- Il tient un certain rang parmi nos bons critiques ;
- Il saura donc juger…
Dorante
- Ce n’est point de refus ;
- Mais d’éloges pareils je suis vraiment confus :
- Je les mérite peu, tandis qu’en toi j’honore
- Un esprit délicat, un talent jeune encore…
Eugène
Enfin…
Dorante
Mais qui décèle un si grand avenir.
Saint-Ange, à part.
Oh ! les voilà partis ! c’est à n’en plus finir.
Eugène
Laissons cela, mon cher ; permets qu’on t’interroge…
Dorante
Pour tant de qualités, c’est un bien faible éloge.
Eugène
- Tu me flattes beaucoup, mais parle franchement :
- La pièce de ce soir…
Dorante
Est bonne assurément
Eugène
Ah ! très bien.
Dorante
- Et de plus sera, sur ma parole,
- Un triomphe complet pour la nouvelle école.
- Rien pour cela n’y manque : effets, atrocités,
- Contrastes, changements, mépris des unités,
- Une exécution, trois ou quatre tempêtes,
- Quelques assassinats, des danses et des fêtes.
Dercourt
- Ah ! que ceci, Monsieur, est d’un merveilleux goût !
- Mais il faut…
Dorante
Des voleurs ? On en a mis partout.
Dercourt
Non, il faut que le style à tout cela réponde.
Dorante
- Le style ? Eh ! c’est sur lui que le succès se fonde.
- Tour à tour effrayant, sublime ou gracieux,
- Il fait que le public, par un contraste heureux,
- Au langage élégant de Racine et Molière,
- Voit succéder l’argot de l’hôtel d’Angleterre ;
- Cette variété…
Saint-Ange, prenant son chapeau.
Messieurs, j’ai bien l’honneur…
Dercourt
Quoi ! vous vous en allez ?
Saint-Ange
- Je ne suis point d’humeur
- À goûter les beautés d’une semblable pièce,
- Et j’en laisse le soin à ceux qu’elle intéresse.
Eugène
- Mais monsieur votre ami paraît prendre plaisir
- À l’écouter.
Saint-Ange
- Monsieur aime à se divertir.
- Quant à moi, du malheur bien loin que je me joue,
- L’auteur d’un tel débat me paraît, je l’avoue,
- Moins ridicule encor que digne de pitié.
- Si pour lui vous avez, Messieurs, quelque amitié,
- De grâce, dites-lui qu’il en est temps encore…
Eugène
Comment !
Saint-Ange
- Qu’il abandonne un art qu’il déshonore ;
- Art divin, mais qui n’offre à de pareils essais
- Qu’une chute cruelle ou un honteux succès.
Dorante
- Ah ! nous y voilà donc ! Monsieur fait le classique !
- Monsieur est un de ceux qu’un préjugé gothique
- A, contre nos succès, dès longtemps révoltés ;
- Qui, chaque soir, bercés dans les trois unités,
- S’endorment saintement pendant la psalmodie
- Des quatre mille vers de quelque tragédie ;
- Qui se croiraient perdus si des auteurs nouveaux,
- Par la diversité d’agréables tableaux,
- Osaient les amuser en dépit d’Aristote ?
- Ces gens-là sont bien fous, mais leur triste marotte
- S’use de jour en jour ; on sait que dans Paris
- Du nom de rococos, nous les avons flétris.
- Malgré tous leurs efforts, notre nouvelle école
- Frappe à coups redoublés sur leur antique idole ;
- Et les Parisiens, à la fuir empressés,
- Tremblent au seul aspect de ses temples glacés.
- Pour nous…
Saint-Ange
- Vous ? Quel public vient à vos saturnales ?
- Le public des faubourgs et le public des halles,
- Parce que de ses rangs vous tirez vos héros :
- Il aime à se revoir sur vos hideux tréteaux,
- Et, fier de la hauteur où ce genre l’élève,
- Il court au boulevard comme on court à la Grève.
- Là, quand il devrait voir des traits d’humanité,
- Des tableaux et des mœurs pleins de fidélité,
- Comme on innove tout dans le siècle où nous sommes,
- Il y voit des brigands transformés en grands hommes.
- Peut-on…
Dorante
- Tous les sujets sont au théâtre ouverts :
- Mandrin n’est-il pas beau lorsqu’il brise ses fers ?
Saint-Ange
- Le théâtre doit-il mettre en rapport notre âme
- Avec des malheureux que l’échafaud réclame ?…
- Non ! Les plates horreurs que l’on nous y fait voir
- Peuvent nous effrayer, mais sans nous émouvoir…
- Non ! Le goût répudie un genre aussi bizarre,
- Qu’on croit original, et qui n’est que barbare,
- Et toujours osera préférer, malgré vous,
- Le style de Racine à l’argot des filous.
Dorante
- Ah ! dans un autre temps c’était fort bon à dire,
- Mais nous avons détruit son ennuyeux empire ;
- Racine est un vieux saint que l’on ne chôme plus,
- Et tous ses sectateurs, avec lui confondus,
- Vont bientôt, enterrant leur vieille Melpomène,
- À sa jeune rivale abandonner la scène :
- Sentez-vous quel honneur ce triomphe nous fait ?
Saint-Ange
- Oui, de remplacer l’autre elle est digne en effet :
- Elle a des échafauds pour attributs funèbres,
- Et puise ses héros dans les Causes célèbres.
- Quel est son intérêt ? et quels sont ses ressorts ?…
- Des meurtres, des combats, de superbes décors,
- Des situations qu’un goût bizarre assemble,
- Mais qui hurlent d’effroi de se trouver ensemble.
- Quant au style… encor mieux ! du pathos, de grands mots,
- Des maximes d’honneur qui font pâmer les sots ;
- Plus souvent du comique extrait de quelque bagne,
- Que toujours du parterre un gros rire accompagne…
- Car ce parterre-là, que connaît bien l’auteur,
- En sait apprécier le sel, et la valeur.
Dorante
- Laissez donc : nous savons attirer le beau monde ;
- Une foule choisie en nos foyers abonde ;
- Des carrosses nombreux peuvent en faire foi.
Saint-Ange
- Parce que le nouveau fait à Paris la loi.
- Mais à l’empressement et des uns et des autres,
- La girafe a des droits aussi forts que les vôtres.
- Chez nous, l’amour du neuf, qu’il soit mauvais ou bon,
- Va jusqu’à la fureur, mais n’a qu’une saison :
- Tandis que du vrai beau la durée immortelle
- Voit un public léger, mais non pas infidèle,
- Sur son égarement bientôt ouvrir les yeux,
- Et briser les hochets dont il se fit des Dieux.
Eugène
- L’image a de l’effet ; mais vous avez beau dire,
- La Melpomène antique a perdu son empire ;
- Le grand réussisseur, votre Talma n’est plus !
Saint-Ange
- Que de talents la France en ce siècle a perdus !
- Mais, toujours généreux, le sol qui les dévore
- Demeure assez fécond pour en produire encore :
- L’art, qui d’un coup fatal n’est jamais à l’abri,
- Peut bien se voir frappé, mais non anéanti :
- Il retourne bientôt à sa place éternelle,
- Et reçoit de sa chute une force nouvelle…
- Mais le genre bâtard, maintenant encensé,
- Qui le ranimera, quand il aura passé ?
Eugène, vivement.
- Il ne passera pas !… tant que dans cette ville
- L’originalité gardera droit d’asile :
- Vous savez qu’en tout temps elle est chère aux Français !
Saint-Ange
- Ainsi, vous prétendez appuyer vos succès
- De ce mérite-là ?…
Eugène
- Sans doute ! La routine
- A de l’art dramatique avancé la ruine ;
- Notre genre nouveau, plus noblement lancé,
- Évite donc l’ornière…
Saint-Ange
- Et trouve le fossé :
- D’un aussi noble essor, voilà le but terrible.
- L’originalité m’en paraît moins sensible :
- Appelez-vous ainsi l’oubli des unités,
- Fondements du bon goût si longtemps respectés ?
Eugène
Oui..
Saint-Ange
- L’introduction d’ignobles personnages ?…
- D’un sujet dégoûtant les hideuses images ?
- C’est l’enfance de l’art ; de toutes ces beautés
- Même les étrangers sont déjà dégoûtés ;
- Vous pillâtes chez eux toute votre richesse.
Eugène
- Le reproche est naïf, mais n’a rien qui nous blesse ;
- Si l’imitation fut chez nous un abus,
- Vos classiques auteurs lui doivent encor plus.
Saint-Ange
- Oh ! les sujets traités par leur muse divine
- Étaient une conquête et non une rapine ;
- Ils ornaient les trésors par le triomphe acquis,
- Et savaient franciser ce qu’ils avaient conquis ;
- C’est ainsi qu’en tout temps leur sublime génie
- Des biens de ses voisins enrichit la patrie :
- Et, pendant des succès, hélas ! trop passagers,
- Mais qu’on n’oubliera point, de coursiers étrangers
- Si la France para ses monuments de gloire,
- C’est en les attelant à des chars de victoire !…
Eugène
Fort bien ! mais…
Saint-Ange
- Le poète, ainsi que le guerrier,
- Par ce noble moyen peut tout s’approprier.
Eugène
Nous l’employons aussi.
Dorante
- Eh ! sur cette matière,
- C’est assez discourir ; mais, ce soir, je l’espère,
- Monsieur, examinant les pièces du procès,
- Approuvera le genre en voyant le succès.
À Eugène
Donne donc un billet.
Eugène
- Excusez-moi si j’ose
- Vous offrir…
Saint-Ange
Grand merci, Monsieur !
Eugène
- Quelle est la cause
- Qui vous fait refuser un cadeau si léger ?
Saint-Ange
- Au théâtre, Monsieur, j’aime à pouvoir juger :
- Et je craindrais de trop grever ma conscience
- Pour pouvoir l’acquitter : car, par expérience,
- Je sais qu’en claquements, ces sortes de billets
- Sont payables à vue avec les intérêts.
- Adieu, Monsieur !
Il sort
SCÈNE HUITIÈME
DERCOURT, EUGÈNE, DORANTE
Eugène
- Adieu !… L’ennuyeux personnage !
- Oh ! de tout critiquer, faut-il avoir la rage !…
- Mais nous réussirons, du dépit qu’il en ait.
Dercourt
- Qui pourrait en douter ? Donnez-moi ce billet ;
- Donnez, je cours après cet homme opiniâtre,
- Et de force ou de gré je l’entraîne au théâtre
- Pour le punir.
Eugène
Ah ! bien.
Dercourt
Au revoir !
À part : Qu’ils sont fous !…
Il sort.
SCÈNE NEUVIÈME
EUGÈNE, DORANTE
Eugène
- En honneur, j’ai grand’ peine à calmer mon courroux !
- Sans en avoir rien lu, venir me dire en face
- Que ma pièce est mauvaise ! Ah ! voilà qui me passe !
Dorante
J’ai bien vu dès l’abord qu’il n’y connaissait rien.
Eugène
- Une pièce à succès qui fournira fort bien
- Ses trois mois accomplis.
Dorante
- Mon ami, dans la vie,
- Toujours un grand mérite est en butte à l’envie.
- Tiens, l’autre jour au tir il m’en advint autant :
- Quelqu’un, en plein public, me traita d’ignorant.
Eugène
Oh ! oh !
Dorante
Tu sais assez…
Eugène
Ah ! mon cher, je te jure
Que c’est à mon avis la plus plate imposture :
Et tu sus y répondre ?…
Dorante
- Avec beaucoup d’esprit ;
- Un ancien philosophe a quelque part écrit :
- « Si quelqu’un en public vous dit une sottise… »
Eugène
Diable !… il faut…
Dorante
« Taisez-vous !… et prenez une prise. »
Eugène
La maxime est prudente.
Dorante
Et c’est ce que je fis.
Eugène
Retournons-nous là-haut ?
Dorante
- Attends : ce que j’en dis,
- C’est pour te rassurer, car ta pièce, je pense…
- Comment !… ils n’ont voulu te faire aucune avance ?…
Eugène
Pas seulement un liard.
Montrant une pièce de monnaie :
- Voilà tout ce que j’ai
- Pour faire le garçon.
Dorante
- Moi, j’ai reçu congé
- De mon propriétaire.
Eugène
Eh qui ? ce vieux classique ?
Dorante
Il veut que je le paye, ou sinon…
Eugène
- C’est unique !
- C’est là qu’ils en sont tous : fatal amour de l’or !
Dorante
Pour trois ans de loyer que je redois encor.
Eugène
- Quelle misère ! Eh bien, mon sort est encor pire
- Que le tien, mon ami..
Dorante
Grand Dieu ! que veux-tu dire ?
Eugène
- Que si je suis ici, c’est pour bonne raison,
- Car déjà les huissiers occupent ma maison.
Dorante
Ils n’ont rien à saisir.
Eugène
- Ta remarque est très bonne ;
- Mais, restant, ils pouvaient me saisir en personne :
- Je pris donc le parti, moi, de les prévenir.
Dorante
Et ta sœur ?
Eugène
- Je n’eus point le temps de l’avertir :
- Mais je sus m’esquiver avec beaucoup d’adresse,
- Chargé, comme Bias, de toute ma richesse.
Dorante
Les mains dans tes goussets…
Eugène
- Qui ne contenaient rien.
- Je ne pouvais aller, comme tu penses bien,
- En ce jour qui me comble et d’argent et de gloire,
- À Sainte-Pélagie attendre ma victoire ;
- Je vins donc au théâtre où je fis répéter
- La pièce que, ce soir, on doit représenter :
- Au foyer je trouvai l’assureur dramatique
- Que je fis déjeuner avec toute sa clique
- À crédit.
Dorante
- C’est bien vu : mais crois-tu bonnement,
- Qu’il va se contenter d’un repas pour paîment ?
Eugène
Peut-être !
Dorante
N’y crois pas.
Eugène
- C’est plus qu’il ne mérite.
- En tout cas, je l’ajourne après la réussite.
Dorante
- Je doute qu’il le veuille : au reste, ce succès
- Se rattache, mon cher, à bien des intérêts.
Eugène
- Tous seront contentés, et nos dettes payées ;
- Les sommes de demain y seront employées.
- Ceci fait, chaque jour rend un nouveau profit,
- Les droits et les billets ; surtout le grand débit
- De la pièce imprimée. Oh ! mon cher, je t’assure
- Que nous allons après faire bonne figure,
- Et je veux que bientôt la noce de ma sœur
- Avec toi dans Paris me fasse de l’honneur.
Dorante
- Peut-être ta fortune, en espoir si brillante,
- Ressemble à ces décors dont la toile mouvante
- Par l’aspect d’un palais peut bien nous éblouir,
- Mais qu’un coup de sifflet va faire évanouir.
- Tiens, j’aperçois ta sœur.