4 décembre 1831 — Cour de prison, Le Soleil et la gloire, dans Le Cabinet de lecture, signé Gérard.

L’odelette intitulée Cour de prison sera reprise sous le titre : Politique 1832, dans La Bohême galante V et Petits Châteaux de Bohême, Premier Château.

Le titre donné au poème en 1852, Politique 1832, induit que l’arrestation de Gérard a une cause politique, comme d’ailleurs le suggère explicitement son ami Georges Bell On peut penser au banquet républicain du 11 mai 1831 rue Saint-Antoine, à la suite duquel Évariste Galois, fut arrêté. En effet, en avril 1841, dans un article intitulé Mémoires d’un Parisien, Sainte-Pélagie 1832, publié le 11 avril 1841 dans L’Artiste, Nerval évoque la présence du jeune mathématicien à Sainte-Pélagie, au moment de sa propre remise en liberté : « L’un des convives me reconduisit jusqu’à la porte, et m’embrassa, me promettant de venir me voir en sortant de prison. Il avait, lui, deux ou trois mois à faire encore. C’était le malheureux Gallois (sic), que je ne revis plus, car il fut tué en duel le lendemain de sa mise en liberté. » Évariste Galois fut condamné en octobre 1831 à 6 mois de prison. S’il lui restait deux ou trois mois à purger, on est en décembre 1831, ce qui correspond à la date de publication du poème et au vœu exprimé : « Oui, faites-moi la joie / Qu’un instant je revoie / Quelque chose de vert / Avant l’hiver !... » Galois fut tué le 31 mai 1832.

Le Soleil et la gloire, qui fait suite ici à Cour de prison, est une adaptation du sonnet de Bürger publié dans Poésies allemandes en 1830. Le poème sera repris dans l’Almanach des Muses 1832 avec les autres odelettes, puis dans La Bohême galante V et Petits Châteaux de Bohême , Premier Château, sous le titre : Le Point noir.

Voir la notice LA CAMARADERIE DU PETIT CÉNACLE

******

 

COUR DE PRISON.

 

Dans Sainte-Pélagie
D’une aile rélargie,
Où, rêveur plaintif,
Je vis captif,
 
Pas une herbe ne pousse,
Et pas un brin de mousse
Le long des murs grillés
Et bien taillés !
 
Oiseau qui fends l’espace,
Et toi, brise, qui passes
Sur l’étroit horizon
De la prison,
 
Dans votre vol superbe,
Apportez-moi quelque herbe,
Quelque gramen mouvant
Sa tête au vent !
 
Qu’à mes pieds tourbillonne
Une feuille d’automne,
Peinte de cent couleurs,
Comme les fleurs,
 
Pour que mon âme triste
Sache encor qu’il existe
Une nature... un Dieu
Dehors ce lieu !
 
Oui, faites-moi la joie
Qu’un instant je revoie
Quelque chose de vert
Avant l’hiver !...

GÉRARD.

 

 

LE SOLEIL ET LA GLOIRE.

 

Quiconque a regardé le soleil fixement
Croit voir devant se yeux danser obstinément
Autour de lui, dans l’air, une tache livide.
 
Ainsi tout jeune encore et plus audacieux,
Je vis briller la Gloire et j’y fixai les yeux :
Hélas ! c’en était trop pour mon regard avide !...
 
Depuis, m’importunant comme un oiseau de deuil,
Partout, sur quelque endroit que s’arrête mon œil,
Je la vois se poser aussi, la tache noire !
 
Quoi, partout ! entre moi sans cesse et le bonheur !...
Oh ! c’est que l’aigle seul, — malheur à nous, malheur ! —
Contemple impunément le Soleil et la Gloire !

 

GÉRARD.

_______

item1a1
item2