18 février 1849 — Al-Kahira. Souvenirs d’Orient, dans La Silhouette, 7e livraison

Cette 7e livraison d’Al-Kahira est la reprise partielle des Amours de Vienne publiées le 7 mars 1841 dans la Revue de Paris et de la Lettre sur Vienne, publiée le 8 mars 1840 dans L’Artiste, signée Gérard de Nerval, elle-même reprise le 29 juin 1840 dans La Presse, sous le titre : Lettres de voyage, V, Un hiver à Vienne. Ce 7e feuilleton sera repris en 1851, en ajout aux Amours de Vienne, aux chapitres IX, « Suite du journal », et X, « Suite du journal », de l’Introduction du Voyage en Orient.

À la suite de l’entrevue avec le chef de la police Sedlinsky et de la révélation de la surveillance policière dont il est l’objet, récit qui a faisait le sujet de la livraison précédente du 11 février, Nerval interrompt à nouveau le récit des « amours » par une réflexion politique sur le régime despotique que Metternich fait régner sur l’Autriche, qui prépare la fuite précipitée de Vienne vers Trieste évoquée à la fin de cette 7e livraison. Le récit de la visite au château de Schoenbrunn, de l’entrée dans le monde et de la rencontre avec la « dame brune » des Amours de Vienne se trouve ainsi reporté dans le « journal » aux dates du 18 janvier et 1er février.

Voir les notices UN HIVER À VIENNE et LE VOYAGE EN ORIENT, ÉLABORATION LITTÉRAIRE DU VOYAGE EN ORIENT

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AL-KAHIRA,

SOUVENIRS D’ORIENT.

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X.

Vienne me fait entièrement l’effet de Paris au 18e siècle, en 1770, par exemple, et moi-même je me regarde comme un poète étranger égaré dans cette société mi-partie d’aristocratie brillante et de populaire insoucieux. Ce qui manque à la classe inférieure viennoise pour représenter l’ancien peuple de Paris, c’est l’unité de race. Les Slaves, les Magyares, les Tyroliens, Illyriens et autres sont trop préoccupés de leurs nationalités diverses et n’ont pas même le moyen de s’entendre ensemble, dans le cas où leurs principes se rapprocheraient. De plus, la prévoyante et ingénieuse police impériale ne laisse pas séjourner dans la ville un seul ouvrier sans travail. Tous les métiers sont organisés en corporations ; le compagnon qui vient de la province est soumis à peu près aux mêmes règles que le voyageur étranger. Il faut qu’il se fasse recommander par un patron ou par un habitant notable de la ville qui réponde de sa conduite ou des dettes qu’il pourrait faire. S’il ne peut pas offrir cette garantie, on lui permet un séjour de vingt-quatre heures pour voir les monumens et les curiosités, puis on lui signe son livret pour toute autre ville qu’il lui plaît d’indiquer et où les mêmes difficultés l’attendent. En cas de résistance, il est reconduit à son lieu de naissance, dont la municipalité devient solidaire de sa conduite et le fait généralement travailler à la terre, si l’industrie chôme dans les villes.

Tout ce régime est extrêmement despotique, j’en conviens, mais il faut bien te persuader que l’Autriche est la Chine de l’Europe. J’en ai dépassé la grande muraille, et je regrette seulement qu’elle manque de mandarins lettrés.

Une telle organisation, dominée par l’intelligence, aurait, en effet, moins d’inconvéniens : c’est le problème qu’avait voulu réaliser l’empereur philosophe Joseph II, tout empreint d’idées voltairiennes et encyclopédistes. L’administration actuelle suit maladroitement et despotiquement cette tradition, et n’étant plus guère philosophique, reste simplement chinoise.

En effet, l’idée d’établir une hiérarchie lettrée est peut-être excellente, mais, dans un pays où la tradition de l’hérédité domine, il est assez commun de penser que le fils du lettré en est un lui-même. Il reçoit l’éducation qui convient, fait des vers et des tragédies, comme on apprend à en faire au collège, et succède au génie et à l’emploi de son père, sans exciter la moindre réclamation. S’il est entièrement incapable, il fait faire un livre historique, un volume de vers ou une tragédie héroïque par son précepteur, et le même effet est obtenu.

Ce qui prouve combien la protection accordée aux lettrés par la noblesse autrichienne est inintelligente, c’est que j’ai vu les poètes les plus illustres, méconnus et asservis, traînant dans des emplois infimes une majesté dégradée.

J’avais une lettre de recommandation pour l’un d’eux, dont le nom est plus célèbre peut-être à Paris qu’à Vienne ; j’eus beaucoup de peine à le découvrir dans l’humble coin de bureau ministériel qu’il occupait. Je voulais le prier de me présenter dans quelques salons, où j’aurais voulu n’être introduit que sous les auspices du talent ; je fus surpris et affligé de sa réponse. « Présentez-vous simplement, me dit-il, en qualité d’étranger ; dites aussi que vous êtes le parent d’un attaché d’ambassade (mon cousin Henri), et vous serez parfaitement reçu, car ici tout le monde est bon, et l’on est heureux d’accueillir les Français, ceux du moins qui ne font aucun ombrage au gouvernement. Quant à nous autres, pauvres poètes, de quel droit irions-nous briller parmi les princes et les banquiers ? »

Je me sentis navré de cet aveu et de l’ironique misanthropie de l’homme célèbre, que cependant le sort avait forcé d’accepter un emploi misérable dans une société qui pourtant sait ce qu’il vaut, et qui n’a accordé à son talent que des lauriers stériles.

La position des artistes n’est pas la même : ils ont l’avantage d’amuser directement les nobles compagnies qui les accueillent avec tous les dehors de la sympathie et de l’admiration. Ils deviennent aisément les familiers et les amis des grands seigneurs, dont l’amour-propre est flatté de leur accorder une ostensible protection. Aussi les invite-t-on à toutes les fêtes. Seulement il faut qu’ils apportent leur instrument, leur gagne-pain : c’est là le collier. — L’un d’eux, qui affecte des idées socialistes, s’est avisé de déclarer au prince de ***, son ami, — et remarque qu’il était aussi l’ami de la princesse, — qu’il voulait paraître, comme simple invité, à la première fête qui serait donnée dans le palais et ne jouerait d’aucun instrument. « C’est facile, dit le prince ; je dirai que vous êtes malade. — Non, je tiens à ne pas paraître malade. — Eh bien ! mon ami, j’en parlerai à mes amis. »

Le résultat est que l’artiste n’a pas reçu d’invitation. Il est parti, furieux, pour la Hongrie, où des ovations magnifiques le vengent déjà de la sotte étiquette des salons de Vienne.

18 janvier. — Parlons un peu encore des plaisirs du peuple viennois, c’est plus gai. Le carnaval approche, et je fréquente beaucoup les bals du Sperl et de la Birn plus distingués que d’autres, et qui s’adressent spécialement à la classe bourgeoise. Ce sont de vastes établissemens splendidement décorés. Les femmes sont mieux mises, c’est-à-dire d’une mise plus parisienne que celle de la classe inférieure ; c’est ce qui représenterait ici la classe des grisettes. La valse est aussi énergique, aussi folle que dans les tavernes, et le nuage de tabac qu’elle agite n’est guère moins épais.

Au Sperl aussi, l’on dîne ou l’on soupe toujours au milieu des danses et de la musique, et le galop serpente autour des tables sans inquiéter les dîneurs.

Je regrette de ne pouvoir te parler encore que des plaisirs d’hiver de la population viennoise. Le Prater, que je n’ai vu que lorsqu’il était dépouillé de sa verdure, n’avait pas perdu pourtant toutes ses beautés ; les jours de neige surtout, il présente un coup d’œil charmant, — et la foule venait de nouveau envahir ses nombreux cafés, ses casinos et ses pavillons élégans, trahis tout d’abord par la nudité de leurs bocages. Les troupes de chevreuils parcourent en liberté ce parc où on les nourrit, et plusieurs bras du Danube coupent en îles les bois et les prairies. A gauche commence le chemin de Vienne à Brünn, chemin de trente lieues de longueur. A un quart de lieue plus loin coule le grand Danube (car Vienne n’est pas plus sur le Danube que Strasbourg sur le Rhin). Tels sont les Champs-Elysées de cette capitale.

Les jardins de Schœnbrunn n’étaient pas les moins désolés dans le moment où je les ai parcourus. Schœnbrunn est le Versailles de Vienne ; le village de Hitzing qui l’avoisine est toujours, chaque dimanche, le rendez-vous des joyeuses compagnies. Strauss préside toute la journée son orchestre au casino de Hitzing, et n’en retourne pas moins, le soir, diriger les valses du Sperl. Pour arriver à Hitzing, on traverse la cour du château de Schœnbrunn ; des chimères de marbre gardent l’entrée, et toute cette cour déserte et négligée est décorée dans le goût du dix-huitième siècle ; le château lui-même, dont la façade est imposante, n’a rien de riche dans son intérieur que l’immensité de ses salles, où le badigeon recouvre presque partout les vieilles rocailles dorées. Mais, en sortant du côté des jardins, l’on jouit d’un coup d’œil magnifique, dont les souvenirs de St-Cloud et de Versailles ne rabaissent pas l’impression.

Le pavillon de Marie-Thérèse, situé sur une colline qui déroule à ses pieds d’immenses nappes de verdure, est d’une architecture toute féerique, et à laquelle je ne puis rien comparer. Composé d’une longue colonnade tout à jour, et dont les quatre arcades du milieu sont seules vitrées de glaces pour former un cabinet de repos, ce bâtiment est à la fois un palais et un arc de triomphe. Vu de la route, il couronne le château dans toute sa largeur et semble en faire partie, parce que la colline sur laquelle il est bâti élève sa base au niveau des toits de Schœnbrunn. Il faut monter longtemps par les allées de pins, par les gazons, le long des fontaines sculptées dans le goût de Puget et de Bouchardon, en admirant toutes les divinités de cet Olympe maniéré, pour parvenir enfin aux marches de ce temple digne d’elles, qui se découpe si hardiment dans l’air, et y fait flotter tous les festons et toutes les astragales de mademoiselle de Scudéry.

Je me sauve au travers du jardin pour revenir aux faubourgs de Vienne par cette belle avenue de Maria-Hilf, ornée pendant une lieue d’un double rang de peupliers immenses. La foule endimanchée se presse toujours vers Hitzing en faisant des haltes nombreuses dans les cafés et les casinos qui bordent toute la chaussée. C’est la plus belle entrée de Vienne ; c’est une Courtille décente et bourgeoise dont les beaux équipages ne se détournent pas.

Pour en finir avec les faubourgs de Vienne, desquels on ne peut guère séparer Schœnbrunn et Hitzing, je dois te parler encore des trois théâtres qui complètent la longue série des amusemens populaires. Le théâtre de la Vienne (an der Vien), celui de Josephstadt et celui de Leopoldstadt sont, en effet, des théâtres consacrés au peuple, et que nous pouvons comparer à nos scènes de boulevards. Les autres théâtres de Vienne, celui de la Burg pour la comédie et le drame, et celui de la Porte-de-Carinthie pour le ballet et l’opéra, sont situés dans l’enceinte des murs. Le théâtre de la Vienne, malgré son humble destination, est le plus beau de la ville et le plus magnifiquement décoré. Il est aussi grand que l’Opéra de Paris, et ressemble beaucoup, par sa coupe et ses ornemens, aux grands théâtres d’Italie. On y joue des drames historiques, de grandes féeries-ballets et quelques petites pièces d’introduction imitées généralement de nos vaudevilles.

Ce sont là les plaisirs de la population de Vienne pendant l’hiver. Et c’est l’hiver seulement qu’on peut étudier cette ville dans toutes les nuances originales de son caractère semi-slave et semi-européen. L’été, le beau monde s’éloigne, parcourt l’Italie, la Suisse et les villes de bains, ou va siéger dans ses châteaux de Hongrie et de Bohême ; le peuple transporte au Prater, à l’Augarten, à Hitzing, toute l’ardeur et tout l’enivrement de ses fêtes, de ses valses et de ses interminables soupers. Il faut donc prendre alors les bateaux du Danube ou la poste impériale, et laisser cette capitale à sa vie de tous les jours, si variée et si monotone à la fois.

XI.

1er Février. — Reprenons l’histoire de nos aventures. Et maintenant sonnons de la trompette ; couvrons nos défaites passées avec tous les triomphes de ce qui nous arrive aujourd’hui. Ce sont de beaux drapeaux, des drapeaux de lin et de soie que nous élevons à présent. Nous voilà du faubourg dans la ville et de la ville...

Pas encore.

Mon ami, je t’ai décrit jusqu’à présent fidèlement mes liaisons avec des beautés de bas lieu ; pauvres amours ! elles sont cependant bien bonnes et bien douces. La première m’a donné tout l’amour qu’elle a pu ; puis elle est partie comme un bel ange pour aller voir sa mère à Brunn. Les deux autres m’accueillaient fort amicalement et m’ouvraient leur bouche souriante comme des fleurs attendant les fruits ; — ce n’était plus que patience à prendre pour quelques jours pour l’honneur de la ville de Vienne et de ses faubourgs. Mais, ma foi, mes belles, le Français est volage... le Français a rompu cette glace viennoise qui présente des obstacles au simple voyageur, à celui qui passe et qui s’envole. Maintenant, nous avons droit de cité, pignon sur rue — nous nous adressons à de grandes dames !.... « ce sont de grandes dames, voyez-vous. »

Tu vas croire que je suis fou de joie ; mais non, je suis très-calme ; cela est comme je te le dis, voilà tout.

J’hésite à te continuer ma confession, ô Timothée ! comme tu peux voir que j’ai longtemps hésité à t’envoyer cette lettre. Ma conduite n’est-elle pas perfide envers ces bonnes créatures, qui n’imaginaient pas que les secrets de leur beauté et de leurs caprices s’éparpilleraient dans l’univers, et s’en iraient à quatre cents lieues réjouir la pensée d’un moraliste blasé (c’est toi-même), et lui fournir une série d’observations physiologiques.

Ne va pas révéler à des Parisiens surtout le secret de nos confidences ; ou bien, dis-leur que tout cela est de pure imagination, que d’ailleurs cela est si loin (comme disait Racine dans la préface de Bajazet), et enfin, que les noms, adresses, et autres indications sont suffisamment déguisés pour que rien en cela ne ressemble à une indiscrétion. Et d’ailleurs, qu’importe après tout ? — nous ne vivons pas, nous n’aimons pas. Nous étudions la vie, nous analysons l’amour, nous sommes des philosophes, pardieu !

Représente-toi bien une grande cheminée de marbre sculpté. Les cheminées sont rares à Vienne, et n’existent guère que dans les palais. Les fauteuils et les sophas ont des pieds dorés. Autour de la salle il y a des consoles dorées ; et les lambris.... ma foi, il y a aussi des lambris dorés. La chose est complète, comme tu vois !

Devant cette cheminée, trois dames charmantes sont assises. L’une est de Vienne ; les deux autres sont, l’une Italienne, l’autre Anglaise. L’une des trois est la maîtresse de la maison. Des hommes qui sont là, deux sont comtes, un autre est un prince hongrois, un autre est ministre, et les autres sont des jeunes gens pleins d’avenir. Les dames ont parmi eux des maris et des amans avoués, connus ; mais tu sais que les amans passent en général à l’état de maris, c’est-à-dire ne comptent plus comme individualité masculine. Cette remarque est profonde, songes-y bien.

Ton ami se trouve donc seul d’homme dans cette société à bien juger sa position ; la maîtresse de la maison mise à part (cela doit être), ton ami a donc des chances de fixer l’attention des deux dames qui restent, et même il a peu de mérite à cela par les raisons que je viens d’exposer.

Ton ami a dîné confortablement ; il a bu des vins de France et de Hongrie, pris du café et de la liqueur ; il est bien mis, son linge est d’une finesse exquise, ses cheveux sont soyeux et frisés très légèrement ; ton ami fait du paradoxe, ce qui est usé depuis cinq ans chez nous, et ce qui est ici tout neuf. Les seigneurs étrangers ne sont pas de force à lutter sur ce bon terrain que nous avons tant remué. Ton ami flamboie et pétille ; on le touche, il en sort du feu.

Voilà une jeune homme bien posé ; il plaît prodigieusement aux dames ; les messieurs sont très charmés aussi. Les gens de ce pays sont si bons ! Ton ami passe donc pour un causeur agréable. On se plaint qu’il parle peu ; mais quand il s’échauffe, il est très beau.

Je te dirai que des deux dames il en est une qui me plaît beaucoup et l’autre beaucoup aussi. Toutefois l’Anglaise a un petit parler si doux, elle est si bien assise dans son fauteuil ; de beaux cheveux blonds à reflets rouges, la peau si blanche ; de la soie, de la ouate et des tulles, des perles et des opales : on ne sait pas trop ce qu’il y a au milieu de tout cela, mais c’est si bien arrangé.

Il y a là un genre de beauté et de charme que je commence à présent à comprendre ; je vieillis : — si bien que me voilà à m’occuper toute la soirée de cette jolie femme dans son fauteuil. L’autre paraissait s’amuser beaucoup dans la conversation d’un monsieur d’un certain âge qui semble fort épris d’elle et dans les conditions d’un patito tudesque, ce qui n’est pas réjouissant. Je causais avec la petite dame bleue, je lui témoignais avec feu mon admiration pour les cheveux et le teint des blondes.... Voici l’autre, qui nous écoutait d’une oreille, qui quitte brusquement la conversation de son soupirant et se mêle à la nôtre. Je veux tourner la question. Elle avait tout entendu. Je me hâte d’établir une distinction (tu sais) pour les brunes qui ont la peau blanche ; elle me répond que la sienne est noire.... de sorte que voilà ton ami réduit aux exceptions, aux conventions, aux protestations. Alors je pensais avoir beaucoup déplu à la dame brune. J’en étais fâché, parce qu’après tout elle est fort belle et fort majestueuse dans sa robe blanche, et ressemble à la Malibran dans le premier acte de Don Juan. Ce souvenir m’avait servi du reste à rajuster un peu les choses. Deux jours après, je me rencontre au Casino avec l’un des comtes qui étaient là ; nous allons par occasion dîner ensemble, puis au spectacle. Nous nous lions comme cela. La conversation tombe sur les deux dames dont j’ai parlé plus haut ; il me propose de me présenter à l’une d’elles : la noire. J’objecte ma maladresse précédente. Il me dit qu’au contraire cela avait fait très-bien. Cet homme est profond.

Je craignis d’abord qu’il ne fût l’amant de cette dame et ne tendît à s’en débarrasser, d’autant plus qu’il me dit : « Il est très commode de la connaître, parce qu’elle a une loge au théâtre de la Porte-de-Carinthie, et qu’alors vous irez quand vous voudrez. — Cher comte, cela est très-bien ; présentez-moi à la dame.

Il l’avertit, et le lendemain me voici chez cette belle personne vers trois heures. Le salon est plein de monde. J’ai l’air à peine d’être là. Cependant un grand Italien salue et s’en va, puis un gros individu, qui me rappelait le co-registrateur Heerbrand d’Hoffmann, puis mon introducteur, qui avait affaire. Restent le prince hongrois et le patito. Je veux me lever à mon tour ; la dame me retient en me demandant si…. (j’allais écrire une phrase qui serait une indication). Enfin, sache seulement qu’elle me demande un petit service que je peux lui rendre. Le prince s’en va pour faire une partie de paume. Le vieux (nous l’appellerons marquis si tu veux), le vieux marquis tient bon. Elle lui dit : « Mon cher marquis, je ne vous renvoie pas, mais c’est qu’il faut que j’écrive. » Il se lève, et je me lève aussi. Elle me dit : « Non, restez ; il faut bien que je vous donne la lettre. » Nous voilà seuls. Elle poursuivit : « Je n’ai pas de lettre à vous donner, causons un peu, c’est si ennuyeux de causer à plusieurs.... »

 

GÉRARD DE NERVAL.

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Al-Kahira. Souvenirs d'Orient, 8e livraison >>>

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