15 septembre 1852 — La Bohême galante VI, dans L’Artiste, Ve série, t. IX, p. 52-54.
Nerval reprend ici en une sorte de florilège un fragment de l’odelette intitulée : Les Papillons, publiée en 1830, La Malade, publiée également en 1830 et intitulée ici Sérénade, la chanson du Roi de Thulé de Faust publiée dans Faust et le Second Faust de Goethe en 1840 et des pièces lyriques tirées des opéras-comiques Piquillo et Les Monténégrins.
Les Papillons seront repris dans leur intégralité l'année suivante dans Petits Châteaux de Bohême,« Premier château »
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LA BOHÊME GALANTE
VI
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MUSIQUE.
Voyez, mon ami, si ces poésies déjà vieilles ont encore conservé quelque parfum. — J’en ai écrit de tous les rhythmes, imitant plus ou moins, comme l’on fait quand on commence. Il y en a encore bien d’autres que je ne puis plus retrouver : une notamment sur les papillons, dont je ne me rappelle que cette strophe :
C’est encore une coupe à la Ronsard, et cela peut se chanter sur l’air du cantique de Joseph. Remarquez une chose, c’est que les odelettes se chantaient et devenaient même populaires, témoin cette phrase du Roman comique : « Nous entendîmes la servante qui, d’une bouche imprégnée d’ail, chantait l’ode du vieux Ronsard :
Ce n’était, du reste, que renouvelé des odes antiques lesquelles se chantaient aussi. J’avais écrit les premières sans songer à cela, de sorte qu’elles ne sont nullement lyriques. L’avant-dernière : « Où sont nos amoureuses ? » est venue malgré moi, sous forme de chant ; j’en avais trouvé en même temps les vers et la mélodie, que j’ai été obligé de faire noter, et qui a été trouvée très-concordante aux paroles. — La dernière est calquée sur un air grec.
Je suis persuadé que tout poëte ferait facilement la musique de ses vers s’il avait quelque connaissance de la notation. Rousseau est cependant presque le seul qui, avant Pierre Dupont, ait réussi.
Je discutais dernièrement là-dessus avec S*** à propos des tentatives de Richard Wagner. Sans approuver le système musical actuel, qui fait du poëte un parolier, S*** paraissait craindre que l’innovation de l’auteur de Lohengrin, qui soumet entièrement la musique au rhythme poétique, ne la fît remonter à l’enfance de l’art. Mais n’arrive-t-il pas tous les jours qu’un art quelconque se rajeunit en se retrempant à ses sources ? S’il y a progrès, où est le danger ?
Il est très-vrai que les Grecs avaient quatorze modes lyriques fondés sur les rhythmes poétiques de quatorze chants ou chansons. Les Arabes en ont le même nombre, à leur imitation. De ces timbres primitifs résultent des combinaisons infinies, soit pour l’orchestre, soit pour l’opéra. Les tragédies antiques étaient des opéras moins avancés sans doute que les nôtres ; les mystères aussi du moyen âge étaient des opéras complets avec récitatifs, airs et chœurs ; on y voit poindre même le duo, le trio, etc. On me dira que les chœurs n’étaient chantés qu’à l’unisson, — soit. Mais n’aurions-nous réalisé qu’un de ces progrès matériels qui perfectionnent la forme aux dépens de la grandeur et du sentiment ? Qu’un faiseur italien vole un air populaire qui court les rues de Naples ou de Venise, et qu’il en fasse le motif principal d’un duo, d’un trio ou d’un chœur, qu’il le dessine dans l’orchestre, le complète et le fasse suivre d’un autre motif également pillé, sera-t-il pour cela inventeur ? Pas plus que poëte. Il aura seulement le mérite de la composition, c’est-à-dire de l’arrangement selon les règles et selon son style ou son goût particuliers.
Mais cette esthétique nous entraînerait trop loin, et je suis incapable de la soutenir avec les termes acceptés, n’ayant jamais pu mordre au solfège. — Voici des pièces choisies parmi celles que j’ai écrites pour plusieurs compositeurs.
I
LE ROI DE THULÉ.
FAUST. — Musique de Berlioz.
II
LA SÉRÉNADE
(D’UHLAND).
Musique du prince Poniatowski.
III
VERS D’OPÉRA.
ESPAGNE.
PIQUILLO.
IV
CHŒUR D’AMOUR.
PIQUILLO (avec Dumas) — Musique de Monpou.
V
CHANSON GOTHIQUE.
LES MONTÉNÉGRINS.
VI
CHANT DES FEMMES EN ILLYRIE.
LES MONTÉNÉGRINS.
VII
CHANT MONTÉNÉGRIN.
LES MONTÉNÉGRINS.
VIII
CHŒUR SOUTERRAIN.
LES MONTÉNÉGRINS. — Musique de Limnander.
Ces dernières strophes, comme vous voyez, ont une couleur ancienne qui aurait réjoui le vieux Gluck...
GÉRARD DE NERVAL.
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