TEXTES
1824, Poésies diverses (manuscrit autographe)
1824, L’Enterrement de la Quotidienne (manuscrit autographe)
1824, Poésies et poèmes (manuscrit autographe)
1825, « Pour la biographie des biographes » (manuscrit autographe)
15 février 1826 (BF), Napoléon et la France guerrière, chez Ladvocat
6 mai 1826 (BF), Complainte sur l’immortalité de M. Briffaut, par Cadet Roussel, chez Touquet
6 mai 1826 (BF), Monsieur Dentscourt ou le Cuisinier d’un grand homme, chez Touquet
20 mai 1826 (BF), Les Hauts faits des Jésuites, par Beuglant, chez Touquet
12 août 1826 (BF), Épître à M. de Villèle (Mercure de France du XIXe siècle)
11 novembre 1826 (BF), Napoléon et Talma, chez Touquet
13 et 30 décembre 1826 (BF), L’Académie ou les membres introuvables, par Gérard, chez Touquet
16 mai 1827 (BF), Élégies nationales et Satires politiques, par Gérard, chez Touquet
29 juin 1827, La dernière scène de Faust (Mercure de France au XIXe siècle)
28 novembre 1827 (BF), Faust, tragédie de Goëthe, 1828, chez Dondey-Dupré
15 décembre 1827, A Auguste H…Y (Almanach des muses pour 1828)
1828? Faust (manuscrit autographe)
1828? Le Nouveau genre (manuscrit autographe)
mai 1829, Lénore. Ballade allemande imitée de Bürger (La Psyché)
août 1829, Le Plongeur. Ballade, (La Psyché)
octobre 1829, A Schmied. Ode de Klopstock (La Psyché)
24 octobre 1829, Robert et Clairette. Ballade allemande de Tiedge (Mercure de France au XIXe siècle)
21 novembre 1829, Chant de l’épée. Traduit de Korner (Mercure de France au XIXe siècle)
19 décembre 1829, Lénore. Traduction littérale de Bürger (Mercure de France au XIXe siècle)
janvier 1830, La Lénore de Bürger, nouvelle traduction littérale (La Psyché)
16 janvier 1830, Ma Patrie, de Klopstock (Mercure de France au XIXe siècle)
23 janvier 1830, Légende, par Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)
6 février (BF) Poésies allemandes, Klopstock, Goethe, Schiller, Burger (Bibliothèque choisie)
13 février 1830, Les Papillons (Mercure de France au XIXe siècle)
13 février 1830, Appel, par Koerner (1813) (Mercure de France au XIXe siècle)
13 mars 1830, L’Ombre de Koerner, par Uhland, 1816 (Mercure de France au XIXe siècle)
27 mars 1830, La Nuit du Nouvel an d’un malheureux, de Jean-Paul Richter (La Tribune romantique)
29 avril 1830, La Pipe, chanson traduite de l’allemand, de Pfeffel (La Tribune romantique)
13 mai 1830 Le Cabaret de la mère Saguet (Le Gastronome)
mai 1830, M. Jay et les pointus littéraires (La Tribune romantique)
juillet ? 1830, Récit des journées des 27-29 juillet (manuscrit autographe)
14 août 1830, Le Peuple (Mercure de France au XIXe siècle)
11 décembre 1830, A Victor Hugo. Les Doctrinaires (Almanach des muses pour 1831)
29 décembre 1830, La Malade (Le Cabinet de lecture )
29 janvier 1831, Odelette, Le Vingt-cinq mars (Almanach dédié aux demoiselles)
14 mars 1831, En avant, marche! (Cabinet de lecture)
23 avril 1831, Bardit, traduit du haut-allemand (Mercure de France au XIXe siècle)
7 mai 1831, Profession de foi (Mercure de France au XIXe siècle)
25 juin et 9 juillet 1831, Nicolas Flamel, drame-chronique (Mercure de France au XIXe siècle)
4 décembre 1831, Cour de prison, Le Soleil et la gloire (Le Cabinet de lecture)
17 décembre 1831, Fantaisie, odelette (Annales romantiques pour 1832)
24 septembre 1832, La Main de gloire, histoire macaronique (Le Cabinet de lecture)
14 décembre 1834, Odelettes (Annales romantiques pour 1835)
1835-1838 ? Lettres d’amour (manuscrits autographes)
26 mars et 20 juin 1836, De l’Aristocratie en France (Le Carrousel)
20 et 26 mars 1837, De l’avenir de la tragédie (La Charte de 1830)
12 août 1838, Les Bayadères à Paris (Le Messager)
18 septembre 1838, A M. B*** (Le Messager)
2 octobre 1838, La ville de Strasbourg. A M. B****** (Le Messager)
26 octobre 1838, Lettre de voyage. Bade (Le Messager)
31 octobre 1838, Lettre de voyage. Lichtenthal (Le Messager)
24 novembre 1838, Léo Burckart (manuscrit remis à la censure)
25, 26 et 28 juin 1839, Le Fort de Bitche. Souvenir de la Révolution française (Le Messager)
13 juillet 1839 (BF) Léo Burckart, chez Barba et Desessart
19 juillet 1839, « Le Mort-vivant », drame de M. de Chavagneux (La Presse)
15 et 16-17 août 1839, Les Deux rendez-vous, intermède (La Presse)
17 et 18 septembre 1839, Biographie singulière de Raoul Spifamme, seigneur des Granges (La Presse)
28 janvier 1840, Lettre de voyage I (La Presse)
25 février 1840, Le Magnétiseur
5 mars 1840, Lettre de voyage II (La Presse)
8 mars 1840, Lettre sur Vienne (L’Artiste)
26 mars 1840, Lettre de voyage III (La Presse)
28 juin 1840, Lettre de voyage IV, Un jour à Munich (La Presse)
18 juillet 1840 (BF) Faust de Goëthe suivi du second Faust, chez Gosselin
26 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort I (La Presse)
29 juillet, 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort II (La Presse)
30 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort III (La Presse)
11 février 1841, Une Journée à Liège (La Presse)
18 février 1841, L’Hiver à Bruxelles (La Presse)
1841 ? Première version d’Aurélia (feuillets autographes)
février-mars 1841, Lettre à Muffe, (sonnets, manuscrit autographe)
1841 ? La Tête armée (manuscrit autographe)
mars 1841, Généalogie dite fantastique (manuscrit autographe)
1er mars 1841, Jules Janin, Gérard de Nerval (Journal des Débats)
5 mars 1841, Lettre à Edmond Leclerc
7 mars 1841, Les Amours de Vienne (Revue de Paris)
31 mars 1841, Lettre à Auguste Cavé
11 avril 1841, Mémoires d’un Parisien. Sainte-Pélagie en 1832 (L’Artiste)
9 novembre 1841, Lettre à Ida Ferrier-Dumas
novembre? 1841, Lettre à Victor Loubens
10 juillet 1842, Les Vieilles ballades françaises (La Sylphide)
15 octobre 1842, Rêverie de Charles VI (La Sylphide)
24 décembre 1842, Un Roman à faire (La Sylphide)
19 et 26 mars 1843, Jemmy O’Dougherty (La Sylphide)
11 février 1844, Une Journée en Grèce (L’Artiste)
10 mars 1844, Le Roman tragique (L’Artiste)
17 mars 1844, Le Boulevard du Temple, 1re livraison (L’Artiste)
31 mars 1844, Le Christ aux oliviers (L’Artiste)
5 mai 1844, Le Boulevard du Temple 2e livraison (L’Artiste)
12 mai 1844, Le Boulevard du Temple, 3e livraison (L’Artiste)
2 juin 1844, Paradoxe et Vérité (L’Artiste)
30 juin 1844, Voyage à Cythère (L’Artiste)
28 juillet 1844, Une Lithographie mystique (L’Artiste)
11 août 1844, Voyage à Cythère III et IV (L’Artiste)
15 septembre, Diorama (L’Artiste-Revue de Paris)
29 septembre 1844, Pantaloon Stoomwerktuimaker (L’Artiste)
20 octobre 1844, Les Délices de la Hollande I (La Sylphide)
8 décembre 1844, Les Délices de la Hollande II (La Sylphide)
16 mars 1845, Pensée antique (L’Artiste)
19 avril 1845 (BF), Le Diable amoureux par J. Cazotte, préface de Nerval, chez Ganivet
1er juin 1845, Souvenirs de l’Archipel. Cérigo (L’Artiste-Revue de Paris)
6 juillet 1845, L’Illusion (L’Artiste-Revue de Paris)
5 octobre 1845, Strasbourg (L’Artiste-Revue de Paris)
novembre-décembre 1845, Le Temple d’Isis. Souvenir de Pompéi (La Phalange)
28 décembre 1845, Vers dorés (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste I (L’Artiste-Revue de Paris)
15 mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste II (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mai 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne (Revue des Deux Mondes)
17 mai 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste III (L’Artiste-Revue de Paris)
12 juillet 1846 Sensations d’un voyageur enthousiaste IV (L’Artiste-Revue de Paris)
16 août 1846, Un Tour dans le Nord. Angleterre et Flandre (L’Artiste-Revue de Paris)
30 août 1846, De Ramsgate à Anvers (L’Artiste-Revue de Paris)
20 septembre 1846, Une Nuit à Londres (L’Artiste-Revue de Paris)
1er novembre 1846, Un Tour dans le Nord III (L’Artiste-Revue de Paris)
22 novembre 1846, Un Tour dans le Nord IV (L’Artiste-Revue de Paris)
15 décembre 1846, Scènes de la vie égyptienne moderne. La Cange du Nil (Revue des Deux Mondes)
1847, Scénario des deux premiers actes des Monténégrins
15 février 1847, La Santa-Barbara. Scènes de la vie orientale (Revue des Deux Mondes)
15 mai 1847, Les Maronites. Un Prince du Liban (Revue des Deux Mondes)
15 août 1847, Les Druses (Revue des Deux Mondes)
17 octobre 1847, Les Akkals (Revue des Deux Mondes)
21 novembre 1847, Souvenirs de l’Archipel. Les Moulins de Syra (L’Artiste-Revue de Paris)
15 juillet 1848, Les Poésies de Henri Heine (Revue des Deux Mondes)
15 septembre 1848, Les Poésies de Henri Heine, L’Intermezzo (Revue des Deux Mondes)
1er-27 mars 1849, Le Marquis de Fayolle, 1re partie (Le Temps)
26 avril 16 mai 1849, Le Marquis de Fayolle, 2e partie (Le Temps)
6 octobre 1849, Le Diable rouge (Almanach cabalistique pour 1850)
7 mars-19 avril 1850, Les Nuits du Ramazan (Le National)
15 août 1850, Les Confidences de Nicolas, 1re livraison (Revue des Deux Mondes)
26 août 1850, Le Faust du Gymnase (La Presse)
1er septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 2e livraison (Revue des Deux Mondes)
9 septembre 1850, Excursion rhénane (La Presse)
15 septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 3e livraison (Revue des Deux Mondes)
18 et 19 septembre 1850, Les Fêtes de Weimar (La Presse)
1er octobre 1850, Goethe et Herder (L’Artiste-Revue de Paris)
24 octobre-22 décembre 1850, Les Faux-Saulniers (Le National)
29 décembre 1850, Les Livres d’enfants, La Reine des poissons (Le National)
novembre 1851, Quintus Aucler (Revue de Paris)
24 janvier 1852 (BF), L’Imagier de Harlem, Librairie théâtrale
15 juin 1852, Les Fêtes de mai en Hollande (Revue des Deux Mondes)
1er juillet 1852, La Bohême galante I (L’Artiste)
15 juillet 1852, La Bohême galante II (L’Artiste)
1er août 1852, La Bohême galante III (L’Artiste)
15 août 1852, La Bohême galante IV (L’Artiste)
21 août 1852 (BF), Lorely. Souvenirs d’Allemagne, chez Giraud et Dagneau (Préface à Jules Janin)
1er septembre 1852, La Bohême galante V (L’Artiste)
15 septembre 1852, La Bohême galante VI (L’Artiste)
1er octobre 1852, La Bohême galante VII (L’Artiste)
9 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 1re livraison (L’Illustration)
15 octobre 1852, La Bohême galante VIII (L’Artiste)
23 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 2e livraison (L’Illustration)
30 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 3e livraison (L’Illustration)
1er novembre 1852, La Bohême galante IX (L’Artiste)
6 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 4e livraison (L’Illustration)
13 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 5e livraison (L’Illustration)
15 novembre 1852, La Bohême galante X (L’Artiste)
20 novembre 1852, Les Illuminés, chez Victor Lecou (« La Bibliothèque de mon oncle »)
1er décembre 1852, La Bohême galante XI (L’Artiste)
15 décembre 1852, La Bohême galante XII (L’Artiste)
1er janvier 1853 (BF), Petits Châteaux de Bohême. Prose et Poésie, chez Eugène Didier
15 août 1853, Sylvie. Souvenirs du Valois (Revue des Deux Mondes)
14 novembre 1853, Lettre à Alexandre Dumas
25 novembre 1853-octobre 1854, Lettres à Émile Blanche
10 décembre 1853, Alexandre Dumas, Causerie avec mes lecteurs (Le Mousquetaire)
17 décembre 1853, Octavie (Le Mousquetaire)
1853-1854, Le Comte de Saint-Germain (manuscrit autographe)
28 janvier 1854 (BF) Les Filles du feu, préface, Les Chimères, chez Daniel Giraud
31 octobre 1854, Pandora (Le Mousquetaire)
25 novembre 1854, Pandora, épreuves du Mousquetaire
Pandora, texte reconstitué par Jean Guillaume en 1968
Pandora, texte reconstitué par Jean Senelier en 1975
30 décembre 1854, Promenades et Souvenirs, 1re livraison (L’Illustration)
1854 ? Sydonie (manuscrit autographe)
1854? Emerance (manuscrit autographe)
1854? Promenades et Souvenirs (manuscrit autographe)
janvier 1855, Oeuvres complètes (manuscrit autographe)
1er janvier 1855, Aurélia ou le Rêve et la Vie (Revue de Paris)
6 janvier 1855, Promenades et Souvenirs, 2e livraison (L’Illustration)
3 février 1855, Promenades et Souvenirs, 3e livraison (L’Illustration)
15 février 1855, Aurélia ou Le Rêve et la Vie, seconde partie (Revue de Paris)
15 mars 1855, Desiderata (Revue de Paris)
1866, La Forêt noire, scénario
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BF: annonce dans la Bibliographie de la France
Manuscrit autographe: manuscrit non publié du vivant de Nerval
15 septembre 1844 ⎼ Diorama. ⎼ Odéon, dans L'Artiste-Revue de Paris, 4e série, t. II, p. 46-47.
La salle parisienne du Diorama, créée par Louis Daguerre en 1822, avait disparu dans un incendie en 1839. Nerval, qui venait d'évoquer cette destructon en mai précédent dans son deuxième article sur Le Boulevard du Temple : "Je l'ai vu flamber et crouler en dix minutes", écrit-il, assiste en 1844 à sa réouverture, alors que Daguerre s'est associé au peintre Charles Marie Bouton, avec un spectacle intitulé Le Déluge. Le procédé en trompe d'œil propre au diorama, qui joue à la fois de compositions panoramiques peintes et d'effets de lumière qui créent l'illusion du réel, et le sujet choisi par Charles Bouton sont bien faits pour passionner Nerval. L'épisode biblique du déluge et le spectacle de la ville détruite d'Énochia, liés pour lui à la question du caïnisme, reviendront à plusieurs reprises sous sa plumes, dans le voyage mythique d'Adoniram vers la cité de Caïn dans Les Nuits du Ramazan, puis dans l'onirisme de Pandora et d'Aurélia. C'est l'occasion aussi de s'interroger sur le Dieu biblique Jéhovah, dont il a déjà apostrophé la figure tyrannique et cruelle dans le sonnet Antéros, en s'assimilant lui-même à sa victime Caïn : "Sous la pâleur d'Abel, hélas ensanglanté, / Je porte de Caïn l'implacable rougeur ! / Jéhovah ! le dernier vaincu par ton génie..."
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DIORAMA ⎼ ODÉON
Le grand attrait dramatique de cette semaine, le drame puissant, la nouveauté, c'était la réouverture du Diorama et la représentation du déluge, mystère à grand spectacle, joué par les éléments. L'air, l'eau, la terre et le feu, ces quatre antiques personnages que les nomenclatures modernes ont fait passer au rang des êtres fabuleux, s'y disputent l'empire du monde et se livrent pendant quatre actes au quatuor le plus terrible et le plus passionné. Mais par la nature même du sujet, c'est à l'eau qu'appartient le rôle principal, c'est ce terrible élément de l'humide, dont Thalès avait fait la source et la fin de toutes choses, qui menace d'anéantir la création jeune encore et de confisquer les races vivantes, à l'exception et au profit des seuls poissons.
La situation était grave, et nous voudrions bien voir ce que diraient les premiers-Paris de demain si ce phénomène se renouvelait pour nous et si, comme les paisibles habitants de la ville d'Énoch, nous passions peu à peu de la sensation d'une pluie modérée aux averses croissantes et aux cataractes pluviales dont M. Bouton nous a offert le tableau.
La ville d'Énoch ou de Hénoch, ce Paris antédiluvien, cette cité des abominations primitives dont la Bible ne dit qu'un mot, avait été bâtie par Caïn, qui lui donna le nom de son fils. Il est bon de ne pas confondre ce dernier avec l'autre Hénoch, petit-fils de Seth, que les orientaux nomment Édris et qui partage avec Élie Merchisedech l'avantage d'avoir disparu de la terre sans mourir. La ville de Caïn était le principal séjour de cette race intermédiaire dont les iniquités furent plus qu'humaines, puisqu'on ignore encore si ces êtres bizarres avaient été produits par des anges ou par des démons mélangées aux filles des hommes.
Le texte n'est pas clair à cet endroit et les traductions varient selon les croyances. Il y a dans l'hébreu BNI ÉLOÏM, ⎼ ce qui veut dire bni les fils, éloïm des Dieux, ⎼ selon Philon, les gnostiques et les kabbalistes, et aussi selon Court de Gebelin, Favbre d'Olivet, et Lacour, l'auteur du livre curieux intitulé Éloïm ou les Dieux de Moïse. Pour expliquer cette version qui est précise, les uns supposent que le nom d'Éloïm, c'est-à-dire des Dieux, était attribué aux esprits principaux de m^eme qu'au Dieu supérieur, appelé en outre Adonaï ; les autres que le pluriel était donné au Tout-Puissant comme personnage multiple, d'autres sont allés jusqu'à prétendre que Moïse était polythéiste puisqu'il ne nomme jamais le Créateur qu'au pluriel. Selon eux les Éloïm étaient les Dieux amonéens figurés sur les monuments d'Égypte comme ayant pétri, modelé et façonné toute la création sous les ordres du premier d'entre eux.
L'Église, du moins l’Église romaine, n'a point ratifié ces hérésies. Elle confond la vanité scolastique en traduisant sciemment un pluriel par un singulier. Elle dit : "Les enfants de Dieu, voyant que les filles des hommes étaient belles, prirent pour femmes celles qui leur avaient plu." Selon les explications canoniques, ces enfants de Dieu (au singulier) signifient la race d'Abel et les hommes celle de Caïn. Mais alors cela faisait simplement hommes et femmes, et comment expliquer le verset qui dit ensuite que ces unions produisirent des géants ? Les protestants ont traduit enfants de Dieu par anges, et nous devons à cette explication les Amours des anges de Thomas Moore et le Caïn de lord Byron.
Si étranges que puissent paraître ces détails, nous ne les croyons déplacés ni en fait de critique ni en fait d'art ; la peinture et la poésie vivent surtout de ces grands problèmes où l'esprit de l'homme interroge avec terreur les traditions primitives. Parmi les livres apocryphes de la Bible, il en est un intitulé le livre d'Énoch, qui nous a valu le Paradis Perdu de Milton et la Chute d'un ange de Lamartine. Ce n'est autre chose que l'histoire détaillée de la lutte des esprits rebelles contre le Tout-Puissant aidé par ses légions saintes. le père Kircher en rapporte un très long fragment traduit en grec et en latin. Ce sont des sources où les peintres qui ont à traiter des sujets religieux feraient bien parfois de s'inspirer. Si M. Bouton eût pensé que des demi-dieux avaient pu concourir à la construction de la ville d'Énoch, peut-être lui aurait-il donné un aspect plus compliqué et plus splendide. Lamartine, grâce à sa connaissance des sources mystiques, a fait des habitants d'Énoch des gens plus avancés que nous-mêmes dans les merveilles de la civilisation ; ils avaient trouvé jusqu'à l'art de la navigation aérienne, dont le poëte explique le mécanisme fort ingénieux. C'est à ce point juste où l'homme se fait Dieu par son adresse et par son industrie, que Dieu l'arrête et lui démontre qu'on ne doit s'élever à lui que par l'esprit et par l'amour.
M. Bouton construit du reste une ville suffisamment étrange, et d'un beau caractère primitif et cyclopéen. Elle s'étale magnifiquement dans une vallée immense, et baigne à l'horizon ses pieds de marbre dans la mer. Un gros mur troué d'une porte immense d'architecture pélasgique, enveint la cité monstrueuse où pointent çà et là l'obélisque et la pyramide. Des palais massifs se prolongent à droite, à gauche se courbent les arches d'un pont déjà ruiné. C'est une idée poétique que d'avoir indiqué les ruines d'un monde naissant. Ce qui attire principalement l'attention, c'est une vaste construction inachevée, premier essai d'une tour balélique dont la spirale menace les cieux.
Peu à peu, l'horizon se couvre, les nuages s'assombrissent et se rev^etent d'un reflet rouge, la mer luit dans le fond des derniers feux du soleil qui pâlit, les murs ruisellent, les places et les rues s'emplissent d'une eau qui bouillonne fouettée par l'orage, les enceintes inondées répandent l'eau du haut de leurs murs comme des vases trop pleins, la population se réfugie sur les toits, sur les tours et sur les montagnes, enfin tout disparaît dans l'épaisseur des nuées et des sombres colonnes qui les traversent à grand bruit.
Un accident nous a privés du troisième aspect qui représente le tableau calme du déluge et l'arche flottent sur les eaux. Le malheur a été réparé depuis et le public n'y perdra rien. Le quatrième aspect montre la terre découverte en partie, humide encore, pétrie et crevassée par l'eau qui se retire, laissant à découvert des coquilles et des débris. La famille de Noé, agenouillée sur le sommet du mont Ararat, voit l'arc-en-ciel, signe du pardon céleste, dessiner son orbe immense sur les derniers brouillards du déluge.
Le seul reproche qu'on puisse faire à M. Bouton, c'est d'avoir fait ses personnages un peu grands, surtout dans le dernier tableau. L'homme est si peu de choses sur la terre qu'il est impossible de peindre un horizon un peu vaste sans avoir besoin d'en faire un être imperceptible. ⎼ "Que tu es heureux d'être poëte ! disait un jour David à Baour-Lormian. Tu veux peindre un amour dans les Alpes, tu décris tes amants, tu décris tes Alpes, tu fais vingt pages d'amants, vingt pages de montagnes, et tout cela va fort bien ensemble. Moi, au contraire, si je veux faire un tableau, ou j'ai des amants grandioses et des Alpes toutes petites, ou j'ai des Alpes gigantesques et des amants pas plus hauts que ça." Il indiquait son petit doigt. Le mont Ararat nous a paru un peu petit relativement à la taille de Noé. A quoi M. Bouton peut nous répondre que les hommes de ce temps-là vivaient mille ans, étaient dix fois plus grands que nous. Et il aura peut-être raison. Ses tableaux sont du reste magnifiques et d'une vérité surprenante dans la reproduction d'une nature en partie idéale. Les ciels surtout sont d'un éclat qui ajoute beaucoup à l'illusion, et les modifications du jeu de lumière et d'ombre, ainsi que les transformations qu'apportent dans les terrains l'irruption, ou la retraite des eaux, font de cette suite d'aspects un véritable spectacle dramatique avec ses surprises, ses émotions et toutes ses phases d'intérêt.
〈La fin de l'article ne concerne plus le spectacle du Diorama, mais celui du théâtre de l'Odéon〉
G. de N.
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GÉRARD DE NERVAL - SYLVIE LÉCUYER tous droits réservés @
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