TEXTES
1824, Poésies diverses (manuscrit autographe)
1824, L’Enterrement de la Quotidienne (manuscrit autographe)
1824, Poésies et poèmes (manuscrit autographe)
1825, « Pour la biographie des biographes » (manuscrit autographe)
15 février 1826 (BF), Napoléon et la France guerrière, chez Ladvocat
6 mai 1826 (BF), Complainte sur l’immortalité de M. Briffaut, par Cadet Roussel, chez Touquet
6 mai 1826 (BF), Monsieur Dentscourt ou le Cuisinier d’un grand homme, chez Touquet
20 mai 1826 (BF), Les Hauts faits des Jésuites, par Beuglant, chez Touquet
12 août 1826 (BF), Épître à M. de Villèle (Mercure de France du XIXe siècle)
11 novembre 1826 (BF), Napoléon et Talma, chez Touquet
13 et 30 décembre 1826 (BF), L’Académie ou les membres introuvables, par Gérard, chez Touquet
16 mai 1827 (BF), Élégies nationales et Satires politiques, par Gérard, chez Touquet
29 juin 1827, La dernière scène de Faust (Mercure de France au XIXe siècle)
28 novembre 1827 (BF), Faust, tragédie de Goëthe, 1828, chez Dondey-Dupré
15 décembre 1827, A Auguste H…Y (Almanach des muses pour 1828)
1828? Faust (manuscrit autographe)
1828? Le Nouveau genre (manuscrit autographe)
mai 1829, Lénore. Ballade allemande imitée de Bürger (La Psyché)
août 1829, Le Plongeur. Ballade, (La Psyché)
octobre 1829, A Schmied. Ode de Klopstock (La Psyché)
24 octobre 1829, Robert et Clairette. Ballade allemande de Tiedge (Mercure de France au XIXe siècle)
21 novembre 1829, Chant de l’épée. Traduit de Korner (Mercure de France au XIXe siècle)
19 décembre 1829, Lénore. Traduction littérale de Bürger (Mercure de France au XIXe siècle)
janvier 1830, La Lénore de Bürger, nouvelle traduction littérale (La Psyché)
16 janvier 1830, Ma Patrie, de Klopstock (Mercure de France au XIXe siècle)
23 janvier 1830, Légende, par Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)
6 février (BF) Poésies allemandes, Klopstock, Goethe, Schiller, Burger (Bibliothèque choisie)
13 février 1830, Les Papillons (Mercure de France au XIXe siècle)
13 février 1830, Appel, par Koerner (1813) (Mercure de France au XIXe siècle)
13 mars 1830, L’Ombre de Koerner, par Uhland, 1816 (Mercure de France au XIXe siècle)
27 mars 1830, La Nuit du Nouvel an d’un malheureux, de Jean-Paul Richter (La Tribune romantique)
29 avril 1830, La Pipe, chanson traduite de l’allemand, de Pfeffel (La Tribune romantique)
13 mai 1830 Le Cabaret de la mère Saguet (Le Gastronome)
mai 1830, M. Jay et les pointus littéraires (La Tribune romantique)
juillet ? 1830, Récit des journées des 27-29 juillet (manuscrit autographe)
14 août 1830, Le Peuple (Mercure de France au XIXe siècle)
11 décembre 1830, A Victor Hugo. Les Doctrinaires (Almanach des muses pour 1831)
29 décembre 1830, La Malade (Le Cabinet de lecture )
29 janvier 1831, Odelette, Le Vingt-cinq mars (Almanach dédié aux demoiselles)
14 mars 1831, En avant, marche! (Cabinet de lecture)
23 avril 1831, Bardit, traduit du haut-allemand (Mercure de France au XIXe siècle)
7 mai 1831, Profession de foi (Mercure de France au XIXe siècle)
25 juin et 9 juillet 1831, Nicolas Flamel, drame-chronique (Mercure de France au XIXe siècle)
4 décembre 1831, Cour de prison, Le Soleil et la gloire (Le Cabinet de lecture)
17 décembre 1831, Fantaisie, odelette (Annales romantiques pour 1832)
24 septembre 1832, La Main de gloire, histoire macaronique (Le Cabinet de lecture)
14 décembre 1834, Odelettes (Annales romantiques pour 1835)
1835-1838 ? Lettres d’amour (manuscrits autographes)
26 mars et 20 juin 1836, De l’Aristocratie en France (Le Carrousel)
20 et 26 mars 1837, De l’avenir de la tragédie (La Charte de 1830)
12 août 1838, Les Bayadères à Paris (Le Messager)
18 septembre 1838, A M. B*** (Le Messager)
2 octobre 1838, La ville de Strasbourg. A M. B****** (Le Messager)
26 octobre 1838, Lettre de voyage. Bade (Le Messager)
31 octobre 1838, Lettre de voyage. Lichtenthal (Le Messager)
24 novembre 1838, Léo Burckart (manuscrit remis à la censure)
25, 26 et 28 juin 1839, Le Fort de Bitche. Souvenir de la Révolution française (Le Messager)
13 juillet 1839 (BF) Léo Burckart, chez Barba et Desessart
19 juillet 1839, « Le Mort-vivant », drame de M. de Chavagneux (La Presse)
15 et 16-17 août 1839, Les Deux rendez-vous, intermède (La Presse)
17 et 18 septembre 1839, Biographie singulière de Raoul Spifamme, seigneur des Granges (La Presse)
28 janvier 1840, Lettre de voyage I (La Presse)
25 février 1840, Le Magnétiseur
5 mars 1840, Lettre de voyage II (La Presse)
8 mars 1840, Lettre sur Vienne (L’Artiste)
26 mars 1840, Lettre de voyage III (La Presse)
28 juin 1840, Lettre de voyage IV, Un jour à Munich (La Presse)
18 juillet 1840 (BF) Faust de Goëthe suivi du second Faust, chez Gosselin
26 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort I (La Presse)
29 juillet, 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort II (La Presse)
30 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort III (La Presse)
11 février 1841, Une Journée à Liège (La Presse)
18 février 1841, L’Hiver à Bruxelles (La Presse)
1841 ? Première version d’Aurélia (feuillets autographes)
février-mars 1841, Lettre à Muffe, (sonnets, manuscrit autographe)
1841 ? La Tête armée (manuscrit autographe)
mars 1841, Généalogie dite fantastique (manuscrit autographe)
1er mars 1841, Jules Janin, Gérard de Nerval (Journal des Débats)
5 mars 1841, Lettre à Edmond Leclerc
7 mars 1841, Les Amours de Vienne (Revue de Paris)
31 mars 1841, Lettre à Auguste Cavé
11 avril 1841, Mémoires d’un Parisien. Sainte-Pélagie en 1832 (L’Artiste)
9 novembre 1841, Lettre à Ida Ferrier-Dumas
novembre? 1841, Lettre à Victor Loubens
10 juillet 1842, Les Vieilles ballades françaises (La Sylphide)
15 octobre 1842, Rêverie de Charles VI (La Sylphide)
24 décembre 1842, Un Roman à faire (La Sylphide)
19 et 26 mars 1843, Jemmy O’Dougherty (La Sylphide)
11 février 1844, Une Journée en Grèce (L’Artiste)
10 mars 1844, Le Roman tragique (L’Artiste)
17 mars 1844, Le Boulevard du Temple, 1re livraison (L’Artiste)
31 mars 1844, Le Christ aux oliviers (L’Artiste)
5 mai 1844, Le Boulevard du Temple 2e livraison (L’Artiste)
12 mai 1844, Le Boulevard du Temple, 3e livraison (L’Artiste)
2 juin 1844, Paradoxe et Vérité (L’Artiste)
30 juin 1844, Voyage à Cythère (L’Artiste)
28 juillet 1844, Une Lithographie mystique (L’Artiste)
11 août 1844, Voyage à Cythère III et IV (L’Artiste)
15 septembre, Diorama (L’Artiste-Revue de Paris)
29 septembre 1844, Pantaloon Stoomwerktuimaker (L’Artiste)
20 octobre 1844, Les Délices de la Hollande I (La Sylphide)
8 décembre 1844, Les Délices de la Hollande II (La Sylphide)
16 mars 1845, Pensée antique (L’Artiste)
19 avril 1845 (BF), Le Diable amoureux par J. Cazotte, préface de Nerval, chez Ganivet
1er juin 1845, Souvenirs de l’Archipel. Cérigo (L’Artiste-Revue de Paris)
6 juillet 1845, L’Illusion (L’Artiste-Revue de Paris)
5 octobre 1845, Strasbourg (L’Artiste-Revue de Paris)
novembre-décembre 1845, Le Temple d’Isis. Souvenir de Pompéi (La Phalange)
28 décembre 1845, Vers dorés (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste I (L’Artiste-Revue de Paris)
15 mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste II (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mai 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne (Revue des Deux Mondes)
17 mai 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste III (L’Artiste-Revue de Paris)
12 juillet 1846 Sensations d’un voyageur enthousiaste IV (L’Artiste-Revue de Paris)
16 août 1846, Un Tour dans le Nord. Angleterre et Flandre (L’Artiste-Revue de Paris)
30 août 1846, De Ramsgate à Anvers (L’Artiste-Revue de Paris)
20 septembre 1846, Une Nuit à Londres (L’Artiste-Revue de Paris)
1er novembre 1846, Un Tour dans le Nord III (L’Artiste-Revue de Paris)
22 novembre 1846, Un Tour dans le Nord IV (L’Artiste-Revue de Paris)
15 décembre 1846, Scènes de la vie égyptienne moderne. La Cange du Nil (Revue des Deux Mondes)
1847, Scénario des deux premiers actes des Monténégrins
15 février 1847, La Santa-Barbara. Scènes de la vie orientale (Revue des Deux Mondes)
15 mai 1847, Les Maronites. Un Prince du Liban (Revue des Deux Mondes)
15 août 1847, Les Druses (Revue des Deux Mondes)
17 octobre 1847, Les Akkals (Revue des Deux Mondes)
21 novembre 1847, Souvenirs de l’Archipel. Les Moulins de Syra (L’Artiste-Revue de Paris)
15 juillet 1848, Les Poésies de Henri Heine (Revue des Deux Mondes)
15 septembre 1848, Les Poésies de Henri Heine, L’Intermezzo (Revue des Deux Mondes)
1er-27 mars 1849, Le Marquis de Fayolle, 1re partie (Le Temps)
26 avril 16 mai 1849, Le Marquis de Fayolle, 2e partie (Le Temps)
6 octobre 1849, Le Diable rouge (Almanach cabalistique pour 1850)
7 mars-19 avril 1850, Les Nuits du Ramazan (Le National)
15 août 1850, Les Confidences de Nicolas, 1re livraison (Revue des Deux Mondes)
26 août 1850, Le Faust du Gymnase (La Presse)
1er septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 2e livraison (Revue des Deux Mondes)
9 septembre 1850, Excursion rhénane (La Presse)
15 septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 3e livraison (Revue des Deux Mondes)
18 et 19 septembre 1850, Les Fêtes de Weimar (La Presse)
1er octobre 1850, Goethe et Herder (L’Artiste-Revue de Paris)
24 octobre-22 décembre 1850, Les Faux-Saulniers (Le National)
29 décembre 1850, Les Livres d’enfants, La Reine des poissons (Le National)
novembre 1851, Quintus Aucler (Revue de Paris)
24 janvier 1852 (BF), L’Imagier de Harlem, Librairie théâtrale
15 juin 1852, Les Fêtes de mai en Hollande (Revue des Deux Mondes)
1er juillet 1852, La Bohême galante I (L’Artiste)
15 juillet 1852, La Bohême galante II (L’Artiste)
1er août 1852, La Bohême galante III (L’Artiste)
15 août 1852, La Bohême galante IV (L’Artiste)
21 août 1852 (BF), Lorely. Souvenirs d’Allemagne, chez Giraud et Dagneau (Préface à Jules Janin)
1er septembre 1852, La Bohême galante V (L’Artiste)
15 septembre 1852, La Bohême galante VI (L’Artiste)
1er octobre 1852, La Bohême galante VII (L’Artiste)
9 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 1re livraison (L’Illustration)
15 octobre 1852, La Bohême galante VIII (L’Artiste)
23 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 2e livraison (L’Illustration)
30 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 3e livraison (L’Illustration)
1er novembre 1852, La Bohême galante IX (L’Artiste)
6 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 4e livraison (L’Illustration)
13 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 5e livraison (L’Illustration)
15 novembre 1852, La Bohême galante X (L’Artiste)
20 novembre 1852, Les Illuminés, chez Victor Lecou (« La Bibliothèque de mon oncle »)
1er décembre 1852, La Bohême galante XI (L’Artiste)
15 décembre 1852, La Bohême galante XII (L’Artiste)
1er janvier 1853 (BF), Petits Châteaux de Bohême. Prose et Poésie, chez Eugène Didier
15 août 1853, Sylvie. Souvenirs du Valois (Revue des Deux Mondes)
14 novembre 1853, Lettre à Alexandre Dumas
25 novembre 1853-octobre 1854, Lettres à Émile Blanche
10 décembre 1853, Alexandre Dumas, Causerie avec mes lecteurs (Le Mousquetaire)
17 décembre 1853, Octavie (Le Mousquetaire)
1853-1854, Le Comte de Saint-Germain (manuscrit autographe)
28 janvier 1854 (BF) Les Filles du feu, préface, Les Chimères, chez Daniel Giraud
31 octobre 1854, Pandora (Le Mousquetaire)
25 novembre 1854, Pandora, épreuves du Mousquetaire
Pandora, texte reconstitué par Jean Guillaume en 1968
Pandora, texte reconstitué par Jean Senelier en 1975
30 décembre 1854, Promenades et Souvenirs, 1re livraison (L’Illustration)
1854 ? Sydonie (manuscrit autographe)
1854? Emerance (manuscrit autographe)
1854? Promenades et Souvenirs (manuscrit autographe)
janvier 1855, Oeuvres complètes (manuscrit autographe)
1er janvier 1855, Aurélia ou le Rêve et la Vie (Revue de Paris)
6 janvier 1855, Promenades et Souvenirs, 2e livraison (L’Illustration)
3 février 1855, Promenades et Souvenirs, 3e livraison (L’Illustration)
15 février 1855, Aurélia ou Le Rêve et la Vie, seconde partie (Revue de Paris)
15 mars 1855, Desiderata (Revue de Paris)
1866, La Forêt noire, scénario
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BF: annonce dans la Bibliographie de la France
Manuscrit autographe: manuscrit non publié du vivant de Nerval
6 juillet 1845 — L’Illusion, dans L’Artiste-Revue de Paris, 4e série, t. IV, p. 146-147.
Nerval publie ici séparément la troisième Lettre d’Un Roman à faire publié dans La Sylphide, le 24 décembre 1842. Il la reprendra en 1853 dans Octavie (Le Mousquetaire, 17 décembre 1853 et Les Filles du feu, janvier 1854), en la remettant dans le contexte biographique de son voyage en Italie de 1834, et tout particulièrement du séjour napolitain marqué par une éruption du Vésuve, et la visite au Pausilippe, qui nourrissent aussi les sonnets A J-Y Colonna, puis Myrtho et Delfica.
Il existe de cette lettre des concordances avec les Lettres d'amour des manuscrits BnF et Lovenjoul :
Le 1er paragraphe est proche de la lettre BnF 9 : « Je ne sais, il y a des obstacles que je touche sans les voir, des ennemis que j’aurais besoin de connaître [ Il y a quelque chose ces jours-ci qui vous a changé à mon égard.. biffé ] éclairez-moi dans ces détours où je me heurte à chaque pas. Mon Dieu ! prenez pitié de mes incertitudes, ayez pitié de moi, guidez-moi ! »
Les paragraphes 3 et 4 correspondent à Lovenjoul D 740, fol. 12 r°, jusqu’à « pour les ornemens d’église ». Le manuscrit donne ensuite : « J’eus toutes les peines du monde à la décider à me laisser l’accompagner ; parce qu’elle avait un amant dans les officiers suisses du roi. Ils sont rentrés depuis neuf heures, me disait-elle, mais demain, ils peuvent sortir de la caserne au point du jour, et le mien viendra chez moi tout à son lever assurément ; il faudra donc vous éveiller » La suite de l’aventure napolitaine ne figure sur aucun manuscrit.
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L’ILLUSION.
A Madame ***
« Je suis dans une inquiétude extrême. Depuis quatre jours je ne vous vois pas, ou je ne vous vois qu’avec tout le monde ; j’ai comme un fatal pressentiment. Que vous ayez été sincère avec moi, je le crois ; que vous soyez changée depuis quelques jours, je l’ignore, mais je le crains. Mon Dieu ! prenez pitié de mes incertitudes, ou vous attirerez sur nous quelque malheur. Voyez, ce serait moi-même que j’accuserais pourtant. J’ai été timide et dévoué plus qu’un homme ne le devrait montrer. J’ai entouré mon amour de tant de réserve, j’ai craint si fort de vous offenser, vous qui m’en aviez tant puni une fois déjà, que j’ai peut-être été trop loin dans ma délicatesse, et que vous avez pu me croire refroidi. Eh bien, j’ai respecté un jour important pour vous, j’ai contenu des émotions à briser l’âme, et je me suis couvert d’un masque souriant, moi dont le cœur haletait et brûlait. D’autres n’auront pas eu tant de ménagement, mais aussi nul ne vous a aimée comme moi, nul ne vous a peut-être prouvé tant d’affection vraie, et n’a si bien senti tout ce que vous valez.
« Parlons franchement : je sais qu’il est des liens qu’une femme ne peut briser qu’avec peine, des relations incommodes que l’on ne peut rompre que lentement. Vous ai-je demandé de trop pénibles sacrifices ? Dites-moi vos chagrins, je les comprendrai. Vos craintes, votre fantaisie, les nécessités de votre position, rien de tout cela ne peut ébranler l’immense affection que je vous porte, ni troubler même la pureté de mon amour. Mais nous verrons ensemble ce qu’on peut admettre ou combattre, et s’il était des nœuds qu’il fallût trancher et non dénouer, reposez-vous sur moi de ce soin. Manquer de franchise en ce moment, serait de l’inhumanité peut-être ; car, je vous l’ai dit, ma vie ne tient à rien qu’à votre volonté, et vous savez bien que ma plus grande envie ne peut être que de mourir pour vous !
« Mourir, grand Dieu ! pourquoi cette idée me revient-elle à tout propos, comme s’il n’y avait que ma mort qui fût l’équivalent du bonheur que vous promettez ? La mort ! ce mot ne répand cependant rien de sombre dans ma pensée. Elle m’apparaît couronnée de roses pâles, comme à la fin d’un festin ; j’ai rêvé quelquefois qu’elle m’attendait en souriant au chevet d’une femme adorée, après le bonheur, après l’ivresse, et qu’elle me disait : — Allons, jeune homme ! tu as eu toute ta part de joie en ce monde. A présent viens dormir, viens te reposer dans mes bras. Je ne suis pas belle, moi, mais je suis bonne et secourable, et je ne donne pas le plaisir, mais le calme éternel.
« Mais où donc cette image s’est-elle déjà offerte à moi ? Ah ! je vous l’ai dit, c’était à Naples, il y a trois ans. J’avais fait rencontre à la Villa-Reale d’une jeune femme qui vous ressemblait, une très bonne créature dont l’état était de faire des broderies d’or pour les ornements d’église, je la reconduisis chez elle, bien qu’elle me parlât d’un amant qu’elle avait dans les gardes suisses et quelle tremblait de voir arriver. Pourtant, elle ne fit pas de difficulté de m’avouer que je lui plaisais davantage... Que vous dirai-je ? Il me prit fantaisie de m’étourdir pour tout un soir, et de m’imaginer que cette femme, dont je comprenais à peine le langage, était vous-même, descendue à moi par enchantement ! Pourquoi vous tairais-je toute cette aventure, et la bizarre illusion que mon âme accepta sans peine, surtout après quelques verres de lacrima-cristi mousseux que je fis apporter au souper. La chambre où j’étais entré avait quelque chose de mystique par le hasard ou par le choix singulier des objets qu’elle renfermait. Une madone noire, couverte d’oripeaux, et dont mon hôtesse était chargée de rajeunir l’antique parure, figurait sur une commode, près d’un lit aux rideaux de serge verte ; une figure de sainte Rosalie, couronnée de roses violettes, semblait plus loin protéger le berceau d’un enfant endormi ; les murs, blanchis à la chaux, étaient décorés de vieux tableaux des quatre éléments, représentant des divinités mythologiques. Ajoutez à cela un beau désordre d’étoffes brillantes, de fleurs artificielles, de vases étrusques ; des miroirs entourés de clinquant, qui reflétaient vivement la lueur de l’unique lampe de cuivre, et sur une table un Traité de la divination et des songes, qui me fit penser que ma compagne était un peu sorcière ou bohémienne pour le moins.
« Une bonne vieille, aux grands traits solennels, allait, venait, nous servant ; je crois que ce devait être sa mère ! Et moi, tout pensif, je ne cessais de regarder sans dire un mot à celle qui me rappelait si exactement votre souvenir.
« Cette femme me répétait à tout moment : — Vous êtes triste ? » Et je lui dis : « Ne parlez pas ; je puis à peine vous comprendre ; l’italien me fatigue à écouter et à prononcer. — Oh ! dit-elle, je sais encore parler autrement. — Et elle parla tout à coup dans une langue que je n’avais pas encore entendue. C’étaient des syllabes sonores, gutturales, des gazouillements pleins de charme, une langue primitive sans doute ; de l’hébreu, du syriaque, je ne sais. Elle sourit de mon étonnement et s’en alla à sa commode, d’où elle tira des ornements de fausses pierres, colliers, bracelets, couronne ; s’étant parée ainsi, elle revint à table, puis resta sérieuse fort longtemps. La vieille, en rentrant, poussa de grands éclats de rire et me dit, je crois, que c’est ainsi qu’on la voyait aux fêtes. En ce moment l’enfant se réveilla et se prit à crier. Les deux femmes coururent à son berceau, et bientôt la même [sic] revint près de moi, tenant fièrement dans ses bras le bambino soudainement apaisé.
« Elle lui parlait dans cette langue que j’avais admirée, elle l’occupait avec des agaceries pleines de grâces ; et moi, peu accoutumé à l’effet des vins brûlés du Vésuve, je sentais tourner les objets devant mes yeux : cette femme, aux manières étranges, royalement parée, fière et capricieuse, m’apparaissait comme une de ces magiciennes de Thessalie, à qui l’on donnait son âme pour un rêve. Oh ! pourquoi n’ai-je pas craint de vous faire ce récit ? C’est que vous savez bien que ce n’était aussi qu’un rêve, où seule vous avez régné !
« Je m’arrachai à ce fantôme qui me séduisait et m’effrayait à la fois ; j’errai dans la ville déserte jusqu’au son des premières cloches, puis, sentant le matin, je pris par les petites rues derrière Chiaia, et je me mis à gravir le Pausilippe au-dessus de la grotte. Arrivé tout en haut, je me promenais en regardant la mer déjà bleue, la ville où l’on n’entendait encore que les bruits du matin, et les deux îles d’Ischia et de Nisita, où le soleil commençait à dorer le haut des villas. Je n’étais pas attristé le moins du monde ; je marchais à grands pas, je courais, je descendais les pentes, je me roulais dans l’herbe humide, mais dans mon cœur, il y avait l’idée de la mort.
« O dieux ! je ne sais quelle profonde tristesse habitait mon âme, mais ce n’était autre chose que la pensée cruelle que je n’étais pas aimé. J’avais vu comme le fantôme du bonheur, j’avais usé de tous les dons de Dieu, j’étais sous le plus beau ciel du monde, en présence de la nature la plus parfaite, du spectacle le plus immense qu’il soit donné aux hommes de voir ; mais à trois cents lieues de la seule femme qui existât pour moi et qui ignorait jusqu’à mon existence. N’être pas aimé et n’avoir pas l’espoir de l’être jamais ! C’est alors que je fus tenté d’aller demander compte à Dieu de ma singulière existence. Il n’y avait qu’un pas à faire : à l’endroit où j’étais, la montagne était coupée comme une falaise, la mer grondait au bas, bleue et pure ; ce n’était plus qu’un moment à souffrir. Oh ! l’étourdissement de cette pensée fut terrible. Deux fois je me suis élancé, et je ne sais quel pouvoir me rejeta vivant sur la terre, que j’embrassai. Non, mon Dieu ! vous ne m’avez pas créé pour mon éternelle souffrance. Je ne veux pas vous outrager par ma mort ; mais donnez-moi la force, donnez-moi le pouvoir, donnez-moi surtout la résolution qui fait que les uns arrivent au trône, les autres à la gloire, les autres à l’amour. »
GÉRARD DE NERVAL.
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GÉRARD DE NERVAL - SYLVIE LÉCUYER tous droits réservés @
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