TEXTES

1824, Poésies diverses (manuscrit autographe)

1824, L’Enterrement de la Quotidienne (manuscrit autographe)

1824, Poésies et poèmes (manuscrit autographe)

1825, « Pour la biographie des biographes » (manuscrit autographe)

15 février 1826 (BF), Napoléon et la France guerrière, chez Ladvocat

19, 22 avril, 14 juin (BF), Complainte sur la mort de haut et puissant seigneur le Droit d’aînesse, chez Touquet

6 mai 1826 (BF), Complainte sur l’immortalité de M. Briffaut, par Cadet Roussel, chez Touquet

6 mai 1826 (BF), Monsieur Dentscourt ou le Cuisinier d’un grand homme, chez Touquet

20 mai 1826 (BF), Les Hauts faits des Jésuites, par Beuglant, chez Touquet

12 août 1826 (BF), Épître à M. de Villèle (Mercure de France du XIXe siècle)

11 novembre 1826 (BF), Napoléon et Talma, chez Touquet

13 et 30 décembre 1826 (BF), L’Académie ou les membres introuvables, par Gérard, chez Touquet

16 mai 1827 (BF), Élégies nationales et Satires politiques, par Gérard, chez Touquet

29 juin 1827, La dernière scène de Faust (Mercure de France au XIXe siècle)

28 novembre 1827 (BF), Faust, tragédie de Goëthe, 1828, chez Dondey-Dupré

15 décembre 1827, A Auguste H…Y (Almanach des muses pour 1828)

1828? Faust (manuscrit autographe)

1828? Le Nouveau genre (manuscrit autographe)

mai 1829, Lénore. Ballade allemande imitée de Bürger (La Psyché)

août 1829, Le Plongeur. Ballade, (La Psyché)

octobre 1829, A Schmied. Ode de Klopstock (La Psyché)

24 octobre 1829, Robert et Clairette. Ballade allemande de Tiedge (Mercure de France au XIXe siècle)

14 novembre 1829, Les Bienfaits de l’enseignement mutuel, Procès verbal de la Loge des Sept-Écossais-réunis, chez Bellemain

21 novembre 1829, Chant de l’épée. Traduit de Korner (Mercure de France au XIXe siècle)

12 décembre 1829, La Mort du Juif errant. Rapsodie lyrique de Schubart (Mercure de France au XIXe siècle)

19 décembre 1829, Lénore. Traduction littérale de Bürger (Mercure de France au XIXe siècle)

2 janvier 1830, La Première nuit du Sabbat. Morceau lyrique de Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)

janvier 1830, La Lénore de Bürger, nouvelle traduction littérale (La Psyché)

16 janvier 1830, Ma Patrie, de Klopstock (Mercure de France au XIXe siècle)

23 janvier 1830, Légende, par Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)

6 février (BF) Poésies allemandes, Klopstock, Goethe, Schiller, Burger (Bibliothèque choisie)

13 février 1830, Les Papillons (Mercure de France au XIXe siècle)

13 février 1830, Appel, par Koerner (1813) (Mercure de France au XIXe siècle)

13 mars 1830, L’Ombre de Koerner, par Uhland, 1816 (Mercure de France au XIXe siècle)

27 mars 1830, La Nuit du Nouvel an d’un malheureux, de Jean-Paul Richter (La Tribune romantique)

10 avril 1830, Le Dieu et la bayadère, nouvelle indienne par Goëthe (Mercure de France au XIXe siècle)

29 avril 1830, La Pipe, chanson traduite de l’allemand, de Pfeffel (La Tribune romantique)

13 mai 1830 Le Cabaret de la mère Saguet (Le Gastronome)

mai 1830, M. Jay et les pointus littéraires (La Tribune romantique)

17 juillet 1830, L’Éclipse de lune. Épisode fantastique par Jean-Paul Richter (Mercure de France au XIXe siècle)

juillet ? 1830, Récit des journées des 27-29 juillet (manuscrit autographe)

14 août 1830, Le Peuple (Mercure de France au XIXe siècle)

30 octobre 1830 (BF), Choix de poésies de Ronsard, Dubellay, Baïf, Belleau, Dubartas, Chassignet, Desportes, Régnier (Bibliothèque choisie)

11 décembre 1830, A Victor Hugo. Les Doctrinaires (Almanach des muses pour 1831)

29 décembre 1830, La Malade (Le Cabinet de lecture )

29 janvier 1831, Odelette, Le Vingt-cinq mars (Almanach dédié aux demoiselles)

14 mars 1831, En avant, marche! (Cabinet de lecture)

23 avril 1831, Bardit, traduit du haut-allemand (Mercure de France au XIXe siècle)

30 avril 1831, Le Bonheur de la maison par Jean-Paul Richter. Maria. Fragment (Mercure de France au XIXe siècle)

7 mai 1831, Profession de foi (Mercure de France au XIXe siècle)

25 juin et 9 juillet 1831, Nicolas Flamel, drame-chronique (Mercure de France au XIXe siècle)

17 et 24 septembre 1831, Les Aventures de la nuit de Saint-Sylvestre. Conte inédit d’Hoffmann (Mercure de France au XIXe siècle)

4 décembre 1831, Cour de prison, Le Soleil et la gloire (Le Cabinet de lecture)

17 décembre 1831, Odelettes. La Malade, Le Soleil et la Gloire, Le Réveil en voiture, Le Relais, Une Allée du Luxembourg, Notre-Dame-de-Paris (Almanach des muses)

17 décembre 1831, Fantaisie, odelette (Annales romantiques pour 1832)

24 septembre 1832, La Main de gloire, histoire macaronique (Le Cabinet de lecture)

14 décembre 1834, Odelettes (Annales romantiques pour 1835)

1835-1838 ? Lettres d’amour (manuscrits autographes)

26 mars et 20 juin 1836, De l’Aristocratie en France (Le Carrousel)

20 et 26 mars 1837, De l’avenir de la tragédie (La Charte de 1830)

12 août 1838, Les Bayadères à Paris (Le Messager)

18 septembre 1838, A M. B*** (Le Messager)

2 octobre 1838, La ville de Strasbourg. A M. B****** (Le Messager)

26 octobre 1838, Lettre de voyage. Bade (Le Messager)

31 octobre 1838, Lettre de voyage. Lichtenthal (Le Messager)

24 novembre 1838, Léo Burckart (manuscrit remis à la censure)

25, 26 et 28 juin 1839, Le Fort de Bitche. Souvenir de la Révolution française (Le Messager)

13 juillet 1839 (BF) Léo Burckart, chez Barba et Desessart

19 juillet 1839, « Le Mort-vivant », drame de M. de Chavagneux (La Presse)

15 et 16-17 août 1839, Les Deux rendez-vous, intermède (La Presse)

17 et 18 septembre 1839, Biographie singulière de Raoul Spifamme, seigneur des Granges (La Presse)

21 et 28 septembre 1839, Lettre VI, A Madame Martin (Lettres aux belles femmes de Paris et de la province)

28 janvier 1840, Lettre de voyage I (La Presse)

25 février 1840, Le Magnétiseur

5 mars 1840, Lettre de voyage II (La Presse)

8 mars 1840, Lettre sur Vienne (L’Artiste)

26 mars 1840, Lettre de voyage III (La Presse)

28 juin 1840, Lettre de voyage IV, Un jour à Munich (La Presse)

18 juillet 1840 (BF) Faust de Goëthe suivi du second Faust, chez Gosselin

26 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort I (La Presse)

29 juillet, 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort II (La Presse)

30 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort III (La Presse)

11 février 1841, Une Journée à Liège (La Presse)

18 février 1841, L’Hiver à Bruxelles (La Presse)

1841 ? Première version d’Aurélia (feuillets autographes)

février-mars 1841, Lettre à Muffe, (sonnets, manuscrit autographe)

1841 ? La Tête armée (manuscrit autographe)

mars 1841, Généalogie dite fantastique (manuscrit autographe)

1er mars 1841, Jules Janin, Gérard de Nerval (Journal des Débats)

5 mars 1841, Lettre à Edmond Leclerc

7 mars 1841, Les Amours de Vienne (Revue de Paris)

31 mars 1841, Lettre à Auguste Cavé

11 avril 1841, Mémoires d’un Parisien. Sainte-Pélagie en 1832 (L’Artiste)

9 novembre 1841, Lettre à Ida Ferrier-Dumas

novembre? 1841, Lettre à Victor Loubens

10 juillet 1842, Les Vieilles ballades françaises (La Sylphide)

15 octobre 1842, Rêverie de Charles VI (La Sylphide)

24 décembre 1842, Un Roman à faire (La Sylphide)

19 et 26 mars 1843, Jemmy O’Dougherty (La Sylphide)

11 février 1844, Une Journée en Grèce (L’Artiste)

10 mars 1844, Le Roman tragique (L’Artiste)

17 mars 1844, Le Boulevard du Temple, 1re livraison (L’Artiste)

31 mars 1844, Le Christ aux oliviers (L’Artiste)

5 mai 1844, Le Boulevard du Temple 2e livraison (L’Artiste)

12 mai 1844, Le Boulevard du Temple, 3e livraison (L’Artiste)

2 juin 1844, Paradoxe et Vérité (L’Artiste)

30 juin 1844, Voyage à Cythère (L’Artiste)

28 juillet 1844, Une Lithographie mystique (L’Artiste)

11 août 1844, Voyage à Cythère III et IV (L’Artiste)

15 septembre, Diorama (L’Artiste-Revue de Paris)

29 septembre 1844, Pantaloon Stoomwerktuimaker (L’Artiste)

20 octobre 1844, Les Délices de la Hollande I (La Sylphide)

8 décembre 1844, Les Délices de la Hollande II (La Sylphide)

16 mars 1845, Pensée antique (L’Artiste)

19 avril 1845 (BF), Le Diable amoureux par J. Cazotte, préface de Nerval, chez Ganivet

1er juin 1845, Souvenirs de l’Archipel. Cérigo (L’Artiste-Revue de Paris)

6 juillet 1845, L’Illusion (L’Artiste-Revue de Paris)

5 octobre 1845, Strasbourg (L’Artiste-Revue de Paris)

novembre-décembre 1845, Le Temple d’Isis. Souvenir de Pompéi (La Phalange)

28 décembre 1845, Vers dorés (L’Artiste-Revue de Paris)

1er mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste I (L’Artiste-Revue de Paris)

15 mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste II (L’Artiste-Revue de Paris)

1er mai 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne (Revue des Deux Mondes)

17 mai 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste III (L’Artiste-Revue de Paris)

1er juillet 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne. Les Esclaves (Revue des Deux Mondes)

12 juillet 1846 Sensations d’un voyageur enthousiaste IV (L’Artiste-Revue de Paris)

16 août 1846, Un Tour dans le Nord. Angleterre et Flandre (L’Artiste-Revue de Paris)

30 août 1846, De Ramsgate à Anvers (L’Artiste-Revue de Paris)

15 septembre 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne. Le Harem (Revue des Deux Mondes)

20 septembre 1846, Une Nuit à Londres (L’Artiste-Revue de Paris)

1er novembre 1846, Un Tour dans le Nord III (L’Artiste-Revue de Paris)

22 novembre 1846, Un Tour dans le Nord IV (L’Artiste-Revue de Paris)

15 décembre 1846, Scènes de la vie égyptienne moderne. La Cange du Nil (Revue des Deux Mondes)

1847, Scénario des deux premiers actes des Monténégrins

15 février 1847, La Santa-Barbara. Scènes de la vie orientale (Revue des Deux Mondes)

15 mai 1847, Les Maronites. Un Prince du Liban (Revue des Deux Mondes)

15 août 1847, Les Druses (Revue des Deux Mondes)

17 octobre 1847, Les Akkals (Revue des Deux Mondes)

21 novembre 1847, Souvenirs de l’Archipel. Les Moulins de Syra (L’Artiste-Revue de Paris)

15 juillet 1848, Les Poésies de Henri Heine (Revue des Deux Mondes)

15 septembre 1848, Les Poésies de Henri Heine, L’Intermezzo (Revue des Deux Mondes)

7 janvier-24 juin 1849, puis 2 septembre 1849-27 janvier 1850, Al-Kahira. Souvenirs d’Orient (La Silhouette)

1er-27 mars 1849, Le Marquis de Fayolle, 1re partie (Le Temps)

26 avril 16 mai 1849, Le Marquis de Fayolle, 2e partie (Le Temps)

6 octobre 1849, Le Diable rouge (Almanach cabalistique pour 1850)

3 novembre 1849 (BF), Le Diable vert, et Impression de voyage (Almanach satirique, chez Aubert, Martinon et Dumineray)

7 mars-19 avril 1850, Les Nuits du Ramazan (Le National)

15 août 1850, Les Confidences de Nicolas, 1re livraison (Revue des Deux Mondes)

26 août 1850, Le Faust du Gymnase (La Presse)

1er septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 2e livraison (Revue des Deux Mondes)

9 septembre 1850, Excursion rhénane (La Presse)

15 septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 3e livraison (Revue des Deux Mondes)

18 et 19 septembre 1850, Les Fêtes de Weimar (La Presse)

1er octobre 1850, Goethe et Herder (L’Artiste-Revue de Paris)

24 octobre-22 décembre 1850, Les Faux-Saulniers (Le National)

29 décembre 1850, Les Livres d’enfants, La Reine des poissons (Le National)

novembre 1851, Quintus Aucler (Revue de Paris)

24 janvier 1852 (BF), L’Imagier de Harlem, Librairie théâtrale

15 juin 1852, Les Fêtes de mai en Hollande (Revue des Deux Mondes)

1er juillet 1852, La Bohême galante I (L’Artiste)

15 juillet 1852, La Bohême galante II (L’Artiste)

1er août 1852, La Bohême galante III (L’Artiste)

15 août 1852, La Bohême galante IV (L’Artiste)

21 août 1852 (BF), Lorely. Souvenirs d’Allemagne, chez Giraud et Dagneau (Préface à Jules Janin)

1er septembre 1852, La Bohême galante V (L’Artiste)

15 septembre 1852, La Bohême galante VI (L’Artiste)

1er octobre 1852, La Bohême galante VII (L’Artiste)

9 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 1re livraison (L’Illustration)

15 octobre 1852, La Bohême galante VIII (L’Artiste)

23 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 2e livraison (L’Illustration)

30 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 3e livraison (L’Illustration)

1er novembre 1852, La Bohême galante IX (L’Artiste)

6 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 4e livraison (L’Illustration)

13 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 5e livraison (L’Illustration)

15 novembre 1852, La Bohême galante X (L’Artiste)

20 novembre 1852, Les Illuminés, chez Victor Lecou (« La Bibliothèque de mon oncle »)

1er décembre 1852, La Bohême galante XI (L’Artiste)

15 décembre 1852, La Bohême galante XII (L’Artiste)

1er janvier 1853 (BF), Petits Châteaux de Bohême. Prose et Poésie, chez Eugène Didier

15 août 1853, Sylvie. Souvenirs du Valois (Revue des Deux Mondes)

14 novembre 1853, Lettre à Alexandre Dumas

25 novembre 1853-octobre 1854, Lettres à Émile Blanche

10 décembre 1853, Alexandre Dumas, Causerie avec mes lecteurs (Le Mousquetaire)

17 décembre 1853, Octavie (Le Mousquetaire)

1853-1854, Le Comte de Saint-Germain (manuscrit autographe)

28 janvier 1854 (BF) Les Filles du feu, préface, Les Chimères, chez Daniel Giraud

31 octobre 1854, Pandora (Le Mousquetaire)

25 novembre 1854, Pandora, épreuves du Mousquetaire

Pandora, texte reconstitué par Jean Guillaume en 1968

Pandora, texte reconstitué par Jean Senelier en 1975

30 décembre 1854, Promenades et Souvenirs, 1re livraison (L’Illustration)

1854 ? Sydonie (manuscrit autographe)

1854? Emerance (manuscrit autographe)

1854? Promenades et Souvenirs (manuscrit autographe)

janvier 1855, Oeuvres complètes (manuscrit autographe)

1er janvier 1855, Aurélia ou le Rêve et la Vie (Revue de Paris)

6 janvier 1855, Promenades et Souvenirs, 2e livraison (L’Illustration)

3 février 1855, Promenades et Souvenirs, 3e livraison (L’Illustration)

15 février 1855, Aurélia ou Le Rêve et la Vie, seconde partie (Revue de Paris)

15 mars 1855, Desiderata (Revue de Paris)

1866, La Forêt noire, scénario

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BF: annonce dans la Bibliographie de la France

Manuscrit autographe: manuscrit non publié du vivant de Nerval

1828 ? — Faust, manuscrit autographe de 20 feuillets, collection Robert Stéhelin, transcrit sur l’original

De la tentative de composition de son propre Faust par Nerval, on ne connaît qu’un manuscrit autographe qu’Aristide Marie, son premier possesseur, a décrit ainsi : « Gérard a conçu et exécuté en partie un premier drame de Faust, ainsi que l’atteste le manuscrit du premier acte entier et du commencement du second, que nous possédons ; c’est un cahier complet, mis au net, sans une rature, de la fine anglaise de Gérard, et dont le texte se continue jusqu’au bas du dernier feuillet : de sorte qu’on se demande si ce n’est pas plutôt un fascicule débroché d’un manuscrit complet qu’un fragment inachevé d’une œuvre interrompue. » (Gérard de Nerval, l’homme et l’œuvre, Paris, 1914, p. 229-230) Évidemment, on se prend à rêver : Nerval a-t-il tenté de composer un premier Imagier de Harlem, dont il ne resterait aujourd’hui que ces dix feuillets ? C’est en effet, comme dans L’Imagier, du Faust de Klinger, inventeur de l’imprimerie, que s’inspire ici Nerval, en mettant en scène Faust, inventeur incompris et moqué par les notables de Francfort, et son second Scheffer, qu’un lapsus de plume nomme pourtant une fois Vagner, comme dans le Faust de Goethe. On pourrait penser à une œuvre d’extrême jeunesse, un peu maladroite dans le fond comme dans la forme, interrompue faute d’une documentation suffisante. On sait en effet par Charles Monselet que Gérard adolescent connaissait déjà la légende de Faust de Friedrich Maximilian Klinger (1752-1831), auteur en 1791 d’une Vie de Faust, qu’il fut si heureux de retrouver dans la bibliothèque de son ami : « Fouillant une fois dans mon humble bibliothèque, Gérard poussa un cri de joie. Il venait de s’emparer d’un livre intitulé : Les Aventures du docteur Faust et sa descente aux Enfers, traduction de l’allemand, avec figures. Il y avait plus de trente ans que Gérard de Nerval cherchait ce livre ; c’était pour lui un souvenir et un désir d’enfance. La première fois qu’il l’avait vu, c’était sur les rayons en plein air d’un étalagiste du boulevard Beaumarchais ; les figures l’avaient attiré par leur étrangeté [...] Gérard de Nerval, alors écolier, avait marchandé le livre ; mais le bouquiniste, petit vieillard aussi étrange que son livre, avait demandé un prix exorbitant, quinze ou vingt francs, je crois. Gérard s’étonna et soupira, comprenant qu’il devait y renoncer ».

La transcription respecte toutes les graphies du manuscrit.

Voir les notices LA CAMARADERIE DU PETIT CÉNACLE et LE REGARD DES AUTRES, CHARLES MONSELET

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ACTE PREMIER

SCÈNE PREMIÈRE

(Le cabinet d’étude de Faust)

Faust seul

Le temps s’écoule, et Scheffer ne revient pas ! De sa réponse j’attends le bonheur le plus doux ou la plus affreuse misère ; c’est pourquoi mon incertitude est cruelle. Mon esprit se sent bien prêt à rejetter toute espérance, parce que celles qu’il a conçues jusqu’ici ont toujours été cruellement trompées ; et cependant il avait entouré celle-ci de tant d’illusions et de tant de charmes, qu’il a fini par s’y reposer comme sur un appui solide. Mais l’instant décisif approche, et les terreurs commencent à renaître. Bannissons ces tristes pensées ; l’invention dont j’ai fait part au Sénat de Francfort doit faire sa gloire et le bonheur de l’humanité...... Hélas ! ce serait peut-être une cause pour qu’elle n’en fût point adoptée ! Les hommes acceuillent avec empressement les inventions futiles, parce que la nouveauté leur plaît, ils repoussent celles qui n’ont que de l’utilité, parce que la raison leur répugne. N’a t’on pas vu, il y a quelques années, Christophe Colomb traîner de royaume en royaume sa misère et son génie, jusqu’à ce qu’un faible secours, accordé comme par charité, l’ait mis à même de découvrir un monde, et d’enrichir celui-ci. Moi, qui suis en proie aux infortunes qu’il éprouva, mais qui attends encore la gloire qu’il obtient, je ne prétends pas enrichir le monde, mais l’éclairer, et si la découverte de l’Amérique y répand de l’or, celle de l’imprimerie y répandra l’instruction et le bonheur qui toujours l’accompagne. /

Non, non ! Le sort ne peut trahir une telle espérance : si le présent me dédaigne, l’avenir me garde une précieuse couronne ; si les grands du jour me méprisent, mon souvenir armé de gloire et d’immortalité fera un jour le tour du monde comme un monarque victorieux, en m’entendant nommer, les mortels généreux sentiront leurs cœurs palpiter, et bienfaiteur du genre humain, ce n’est pas à un ingrat que j’aurai prostitué mes services.

C’est un beau rêve !… Tant que la réalité n’y porte pas sa main glacée ; mais hélas ! à chaque instant elle vient me représenter et le néant de la gloire, et l’injustice des hommes, et ma propre misère ; elle me rappelle tant de projets déçus et de veilles infructueuses ! Aurais-je pu supporter une telle existence, si l’amour n’en eût quelquefois adouci les peines ? O Marguerite, toi seule as su me comprendre, toi seule tu m’as souvent réconcilié avec le Ciel, que le désespoir m’avait fait maudire. Eh bien ! j’en atteste ce ciel même ; si je soupire aujourd’hui après les richesses que j’ai tant méprisées, si je fais quelques démarches auprès des hommes pour en obtenir, c’est pour toi seule, c’est pour t’offrir par le moyen de la fortune, le bonheur que la science me refuse à moi-même. Mais j’apperçois Scheffer.... Ah ! je n’ose l’interroger encore.

SCÈNE SECONDE

FAUST, SCHEFFER.

Scheffer

Mon maître, la délibération du Sénat n’est point terminée, et comme jamais elle n’est publique, je n’ai pu rien apprendre qui en fît prévoir l’issue ; on m’a assuré seulement que monsieur le Bourgmestre viendrait lui-même vous l’annoncer.

Faust

Ah ! encore quelques minutes à respirer, jusqu’à ce que mon / cœur puisse s’ouvrir au bonheur ou au désespoir.

Scheffer

Il est de fait que si la fortune veut bien enfin visiter notre logis, elle aura de quoi s’y prom[en]er à l’aise ; mais je doute que ses faveurs vous causent plus de plaisir qu’à tous vos créanciers, car vos belles découvertes et vos rêveries profondes ne vous ont pas encore donné l’art de les contenter, et cependant que votre esprit régnait dans le ciel, vos affaires se dérangeaient bien sur la terre.

Faust

Hélas ! oui ; mon père m’avait laissé quelque fortune ; mais qu’elle s’est vite écoulée ! L’homme généreux, comme le dissipateur, ne connaît pas le prix de l’or : le mien a été employé à mettre en œuvre des inventions utiles, à secourir les malheureux, et il m’a fui sans retour, comme s’il eût été prodigué à des débauches et à des fêtes.

Scheffer

Ah ! mon Dieu !... Il ne vous a guère fait plus d’honneur, car la pauvreté est presque toujours méprisée, ou n’obtient qu’une dédaigneuse pitié..... et comme les sublimes illusions de l’esprit ne donnent pas au corps de quoi nourrir sa matière, vous en êtes venu au point d’être obligé pour vivre de vous défaire des objets que vous chérissiez le plus : vos livres manuscrits, si souvent feuilletés, n’en ont eu pour cela que moins de valeur aux yeux des marchands auxquels il a bien fallu les vendre ; un jour, vous avez déjeuné avec Homère ou dîné avec Pindare, un autre jour vous avez bu Horace et mangé Cicéron, et hier encore vous n’avez fait qu’un morceau de votre Virgile...... Tandis que j’ai vu dernièrement vendre après décès la bibliothèque du secrétaire de l’Académie, et je vous réponds qu’on en a tiré de beaux écus comptans.

Faust

Le pauvre homme n’y regardait guère.

Scheffer

Raison de plus : tout était en bon état. Eh bien ! voyez cependant la différence : monsieur le secrétaire ne se tourmentait pas comme vous à tout étudier, à tout connaître, et il avait acquis la fortune que vous êtes loin d’avoir, et la gloire que vous n’avez pas encore.

Faust

La gloire !

Scheffer

Sans doute : on l’a proclamé dans son oraison funèbre l’un des savans les plus distingués de l’Europe, tant par son esprit que par ses ouvrages ; ouvrages qui étaient vraiment bien à lui, car il les payait, dit-on, assez cher.

Faust

Ah ! La fortune est bien injuste, mais j’espère qu’à mon égard les hommes ne l’imiteront pas toujours, et qu’au moins une modeste aisance en me permettant de m’unir à ma chère Marguerite, me donnera tout le bonheur qu’on peut espérer dans ce monde.

Scheffer

Eh bien ! Voilà encore une de vos chimères ; c’est ma foi une belle alliance pour vous que celle d’une paysanne ; je sais bien que votre philosophie vous mettrait au-dessus des plaisanteries des hommes, mais votre situation aurait dû vous faire penser davantage à la dot des femmes. Par exemple, quelque riche douairière à qui votre figure aurait plu....

Faust

Que je possède Marguerite, et la pauvreté ne m’empêcherait pas d’être le plus heureux des mortels..... mais sa mère a mis à mon union avec elle la condition d’une fortune honnête, et il a bien fallu qu’elle se soumît comme moi à cet ordre cruel.... Dans ce moment le Sénat décide donc de ma vie, ou de ma mort.

Scheffer

Espérons pour la vie ; et cependant, pour plus de certitude, vous auriez dû mieux vous y prendre : je doute qu’avec la meilleure volonté possible, le Sénat puisse beaucoup vous offrir, car il vient de prodiguer des sommes immenses pour le dernier repas de la Ville, et quand on a beaucoup dépensé pour l’agrément, on est ordinairement fort économe pour l’utilité. — Non, voici ce qu’il fallait faire : au lieu de présenter votre invention comme glorieuse et pouvant faire le bonheur des hommes, il fallait la faire envisager comme une opération lucrative, une mine d’or ouverte aux premiers qui l’exploiteraient, il fallait y intéresser les membres les plus influens, en leur offrant une forte part dans les bénéfices ; alors, leur générosité n’aurait eu rien à vous refuser ; en promettant de riches produits, vous auriez obtenu des avances, et si votre proposition eût été moins éloquente, elle eût pu paraître au moins beaucoup plus persuasive.

Faust

Eh bien ! non !... Mon âme n’aurait pu s’abaisser à de telles considérations : cette fortune, cette gloire, à laquelle je veux atteindre me doit arriver pure et sans reproche. Si les hommes de talent se pliaient moins d’ordinaire à une si honteuse conduite, les hommes puissans ne les mettraient pas dans la nécessité de l’employer.

Vagner

Avec un tel esprit, on ne fera jamais rien de vous, et c’est dommage ; j’ai vraiment du plaisir à entendre ces belles paroles, mais j’en vois avec douleur les tristes effets. Si malheureux que vous soyiez cependant, loin de moi la pensée de jamais me séparer de vous ; je puis bien aussi faire quelque chose pour la gloire ; et quoique dans votre découverte de l’imprimerie je vous aie plutôt aidé des bras que de la tête, elle obtiendra un jour assez d’éclat, pour qu’il en rejaillisse un peu sur Scheffer votre serviteur. Mais on frappe ; c’est sans doute monsieur le bourgmestre qui vient vous annoncer la décision du conseil.

Faust

Ah ! voici le moment fatal : pour supporter la bonne ou la mauvaise nouvelle qu’il apporte, j’aurai besoin de toute ma fermeté.

(Scheffer va ouvrir et sort après les premiers mots de la scène suivante)

FAUST, LE BOURGMESTRE.

Faust

Je suis bien reconnaissant de l’honneur que vous me faites en me rendant visite ; mais ce qui me chagrine, c’est que ma pauvreté ne me permette pas de vous recevoir dans un lieu plus digne de vous.

Le Bourgmestre

Cette maison, il est vrai, n’annonce pas l’opulence, et je suis sincèrement fâché que la nouvelle que j’apporte ne soit pas de nature à l’y attirer.

Faust

Que me dites-vous là, monsieur ?

Le Bourgmestre

Ce qui adoucit un peu cependant la peine que j’en éprouve, c’est que ma conscience ne me reproche rien à cet égard, et que j’ai fait tout ce que j’ai pu pour vous être utile ; je sais bien que ce n’en est pas moins triste pour vous, mais cependant ne vous affligez pas trop ; une autre fois / vous réussirez mieux sans doute ; à votre âge, on a le tems de se retourner, et il n’est pas étonnant que vous débutiez dans la carrière des Sciences par de faibles essais. Si cela ne montre pas beaucoup de jugement, cela fait connaître en vous un zèle pour le bien public, qui vous fait honneur. Et c’est toujours ainsi qu’on commence.... travaillez, travaillez encore, et nous pourrons faire quelque chose pour vous ; mais si vous m’en croyez, laissez là les inventions.... cela ne vous réussit pas.

Faust

Monsieur.....

Le Bourgmestre

Vous allez me dire qu’un fait ne prouve rien ; qu’enfin celui qui tout récemment a inventé la poudre n’était qu’un moine ignorant..... Non que vous le soyiez, j’aime à croire le contraire, mais..... vous n’avez pas inventé la poudre.

Faust

Si j’avais eu ce malheur, je me serais hâté de mettre fin à ma vie pour sauver celle de plusieurs milliards d’hommes et dans la peur qu’une imprudence ne m’arrachât un si funeste secret. Quelle absurde comparaison entre l’art qui détruit, et celui.... Mais à quoi bon discuter davantage ?... Vous refusez mon invention, parce qu’elle est utile, vous la refusez, parce qu’elle rendrait les hommes plus éclairés et que vous avez des raisons pour craindre la lumière.

Le Bourgmestre

Voici une impertinence… qu’au reste votre situation excuse, mais je vous le répète, vous avez tort de vous entêter là dessus : en quoi donc votre mécanique est-elle si utile ? L’imprimerie n’est qu’une nouvelle manière d’écrire ; ce qu’on fait avec des plumes, vous le faites avec des petits morceaux de bois ou de plomb, voilà toute l’affaire.

Faust

Et comptez-vous pour rien le tems que j’épargne, le tems, si précieux aux hommes ; pourquoi sont-ils encore si peu avancés, c’est que l’instruction n’a pour se communiquer que des moyens lents et pénibles, combien je facilite sa marche par l’aide d’une machine qui fait en tems égal l’ouvrage de dix mille copistes.

Le Bourgmestre

Voilà que vous vous accusez vous-même : vous convenez donc que votre invention va ôter le pain à dix mille honnêtes gens qui n’ont que cet état pour vivre, et en bonne politique, nous ne devons pas permettre qu’un corps entier soit réduit à la misère, parce que vous voulez en sortir.

Faust

Les copistes travailleraient à autre chose, et les plus riches se reposeraient ; d’ailleurs l’intérêt de l’humanité toute entière est plus à considérer que celui des copistes.

Le Bourgmestre

L’humanité toute entière !... Voilà qui est bien ronflant : Eh ! quand elle serait plus éclairée, je ne vois pas ce que nous y gagnerions nous-mêmes. Laissons le monde comme il est, mon bon ami,.... les gens instruits sont aussi bien désagréables, on ne peut pas leur fermer la bouche avec un mot, et cela nuit à la liberté de la discussion. Vous en voyez l’exemple : au reste, je ne suis pas venu pour agiter avec vous une question déjà décidée, mais pour vous dire que nous ne trouvons rien d’avantageux dans votre découverte.... c’est un enfantillage ; croyez-vous que nous ne trouverions pas tous les jours beaucoup de ces petites choses là, si nous voulions nous en donner la peine..... il n’y a d’ailleurs qu’une voix là dessus. Et soyez persuadé que ce n’est pas légèrement que nous avons rejetté une proposition même extravagante : l’université s’est jointe à nous et une discus/sion savante a pulvérisé tout votre échaffaudage. C’est surtout le docteur Hildebrandus qu’il fallait entendre ; quelle profonde érudition ! quelle éloquence entraînante !... Comme il citait Cicéron, Tacite, et les autres poëtes grecs !.... Si la cloche du dîner n’eût mis fin à la séance, je crois qu’il parlerait encore.

Faust

Et c’est ainsi qu’on juge !... et c’est ainsi qu’un instant renverse l’espérance du génie, et le bonheur des hommes ! Du reste, je n’ai pas trop à m’en étonner : je dois me glorifier plutôt d’avoir échappé à la honte de vos suffrages ! Pouvais-je même me flatter un moment de les obtenir, moi qui ne suis ni cousin du valet de M. le Doyen, ni protégé de la nièce de l’évêque, ni bâtard du président.....

Le Bourgmestre

Ceci est très piquant ; mais des satyres ne sont pas des raisons. Avec tant d’orgueil, vous ne parviendrez jamais à rien, c’est là ce qui perd les jeuns gens : tâchez plutôt de vous conformer aux avis des hommes plus âgés et plus sages que vous, et ils vous pousseront dans le monde.... dont vous vous croyez le plus habile homme. Mais je vous le dis encore, laissez là les découvertes, c’est vraiment la rage du siècle. Il n’y a pas longtems qu’un alchimiste m’offrait encore un secret infaillible pour faire de l’or.... et l’on voyait bien à sa mine et à son costume qu’il n’en avait pas abusé pour lui-même. Ecoutez, je puis encore faire quelque chose pour vous, car vraiment vous m’intéressez, et je veux bien diriger un peu votre zèle. Cessez désormais de vous égarer dans de vaines chimères, mais attachez vous au solide, au positif. Tenez, nous avons en ce moment une question importante, et sur laquelle les avis se partagent : c’est afin de savoir qui doit passer le premier du Doyen, ou du président : ceci est d’un intérêt / général. Voyez, faites des recherches historiques, composez là dessus quelques mémoires, et venez me trouver ; nous verrons alors à vous être utiles, car récompenser le talent malheureux, c’est là notre premier devoir. Adieu, monsieur, réfléchissez bien là dessus.... et ne vous désolez pas, car cela nuit à l’esprit, autant qu’à la santé ; de la philosophie, mon cher, de la philosophie !

(Il sort)

Faust, seul

Je viens en effet d’en montrer : mais c’est pour la dernière fois ; travaillez au bonheur de vos semblables, et vous frémirez de leur reconnaissance !... Mais je suis bien heureux encore que le dédain ne soit pas encore allé jusqu’à la vengeance, et l’ingratitude jusqu’à la persécution. Cependant.... Oh non ! Je n’en dois point profiter, l’affreux désespoir qui s’empare de moi ne me laisse pas d’autre désir que de terminer leur ouvrage ! C’en est fait ! Tous mes moyens sont épuisés ! Mon génie pouvait les éclairer, mais leur âme était fermée à la lumière ; ma misère devait les attendrir, mais leur cœur était fermé à la pitié.... Il me reste une vengeance !... Ignorée d’eux, elle n’en sera pas moins terrible !... Si j’ai consumé mes jours en des bienfaits mal acceuillis, si j’osai dérober le feu sacré pour en animer leur matière.... qu’il remonte donc vers le Ciel dont je l’avais tiré,.... ces merveilles que j’avais accomplies, celles que je méditais encore, qu’elles s’ensevelissent avec moi-même !... les malheureux seront assez punis !

(Il saisit une fiole et en verse la liqueur dans une coupe.)

Fiole empoisonnée, je te saisis avec un pieux respect ; de toutes mes compositions chimiques, toi seule peux encore m’être utile ; viens à mon secours ! Aide-moi à enfoncer ces portes devant lesquelles chacun frémit ! Lance-moi dans / cette éternité, où mon âme, jusqu’ici longtems comprimée, veut enfin déployer ses ailes.... au risque d’y rencontrer le néant !

Cette coupe est l’unique reste de ce que m’avaient laissé mes pères : son prix pourrait soutenir quelques jours encore ma misérable existence, mais je la réserve pour un emploi contraire ; une liqueur noirâtre la remplit jusqu’aux bords, je l’ai préparée, je l’ai choisie ; elle sera ma boisson dernière, et je la consacre avec toute ma vie à l’aurore d’un jour plus beau !

(Il va pour porter la coupe à sa bouche ; on entend les cloches et les chants religieux d’un monastère, il s’arrête étonné et pose la coupe.)

Chants religieux et doux, pourquoi me cherchez-vous dans la poussière ? Faites-vous entendre à ceux que vous touchez encore ; j’écoute bien vos cantiques sacrés, mais la foi me manque pour les croire.

(chants et musique)

Cependant, accoutumé dès l’enfance à ces chants, ils me rappelent presque à la vie ; autrefois, le bourdonnement sourd de la cloche m’annonçait l’heure de la prière, et pour moi c’était une jouissance ardente...

(chants et musique)

Eh bien ! ce souvenir, tout plein de sentimens d’enfance, me rappelle à la terre que je voulais quitter, à la terre où des liens plus doux me retiennent encore..... O Marguerite ! Il faut que l’injustice des hommes ait produit sur mon cœur une impression bien profonde pour qu’il ait un instant cessé de palpiter pour toi ! Qu’il est faible celui qui ne prend conseil que du désespoir !... Je vous remercie, chants célestes, qui m’avez rappelé toute ma dignité !... Ah ! daignez retentir encore.... mes larmes coulent..... la vie m’a reconquis.

FAUST, MÉPHISTOPHÉLÈS (démon) sous l’habit d’un écolier.

Méphistophélès, à part

L’instant est favorable.... C’est ici qu’il faut gagner mes éperons et justifier la confiance dont l’enfer m’honore aujourd’hui.

(Haut, en s’approchant de Faust)

Salut au célèbre docteur ! Je suis depuis peu en cette ville et viens avec respect rendre visite à un homme dont on fait partout l’éloge le plus éclatant.

Faust, cachant précipitamment la coupe empoisonnée et s’efforçant de prendre un ton calme, (à part.)

Fâcheux contretems ! Comment donc a-t’il pu s’introduire ?... (haut)

Votre honnêteté m’est on ne peut plus sensible. Ah, mon Dieu ! Vous voyez en moi un homme comme bien d’autres.

Méphistophélès

Ah ! Vous êtes trop modeste.... celui qui a tant fait pour les hommes mérite bien d’en être distingué. — Je viens vous prier de vouloir bien me prendre comme disciple et me faire profiter de vos sages leçons, et comme l’étude et le savoir sont bien préférables à l’or, outre un peu de ce métal, je vous offre en échange toute ma reconnaissance.

Faust

Monsieur, je ferai tout ce qui dépendra de moi pour vous être utile : avez-vous beaucoup étudié ?

Méphistophélès

Oh ! Le désir est grand, mais le talent est faible. Cependant, vous n’aurez pas en moi un écolier novice. Je me suis déjà appliqué comme vous aux sciences occultes, et j’ai eu le bonheur d’y faire quelques progrès ; je ne demande donc qu’à me perfectionner.

Faust

Ah ! très bien !

Méphistophélès

Oui, monsieur, je commence même à faire de l’or assez bien.

Faust

Comment ?... Je serais curieux de voir....

Méphistophélès

Oh ! C’est bien peu de chose, et je suis loin d’en faire mystère. La physique vous a appris comme à moi que la matière est au fond homogène, uniforme, qu’une substance, quelqu’elle soit, peut être facilement transformée en une autre substance quelconque.... Mais à quoi bon vous importuner de ce que vous savez mieux que moi ?

Faust

Allez toujours, monsieur, et n’ayez aucune crainte sous ce rapport.

Méphistophélès

Vous êtes bien bon : pour vous montrer que j’ai profité, je vais donc essayer une petite expérience.

(Il touche la table, elle se couvre d’un amas de boue.)

Faust, étonné

Que faites-vous ? Quel objet dégouttant m’apportez-vous là ?

(Méphistophélès touche la boue, elle se change en couronnes, sceptres, bijoux, or monnayé, &c.)

Ciel !

Méphistophélès

Vous voyez.... tout cela n’est que de l’escamotage.

Faust, avec effroi

Non ! non ! Regardez-moi en face..... Je commence à comprendre.... Quel est votre nom ?

Méphistophélès

La demande me paraît bien frivole pour quelqu’un qui a tant de mépris pour les mots et qui ne s’attache qu’au fond des choses

Faust

Frivole ou non.... répondez !

Méphistophélès

Méphistophélès.

Faust

Qu’entends-je ?... Le Démon Méphistophélès.... le second des archanges déchus !… — Monstre, hâte-toi de fuir ! Ma science m’a appris à conjurer l’Enfer !... n’attends pas les paroles sacrées ! N’attends pas.....

Méphistophélès.

Pourquoi crier si fort ? Et que peux-tu craindre ?.... Quand tout l’enfer serait ici, tu dois savoir qu’il n’a aucun pouvoir sur toi, si tu ne te livres à lui de bonne volonté.

Faust, cherchant à se rassurer

D’accord.... mais quel est le motif de ta visite ?

Méphistophélès.

Je viens faire mon métier.... te séduire. — Ne vas pas t’effrayer encore ; remercie plutôt notre roi de l’honneur qu’il daigne te / faire, et moi-même d’avoir accepté l’ambassade ; car un démon tel que moi, un ministre infernal ne devrait être adressé qu’à des princes ou à des ministres de la terre.

Faust

Et si vous les avez tous gagnés, et que je sois encore le plus distingué de ce qui vous reste à séduire dans ce monde.

Méphistophélès.

L’épigramme n’est pas mauvaise.... mais c’est là de l’orgueil, ou je ne m’y connais pas ; il est vrai qu’il doit t’être permis plus qu’à tout autre ; nul mortel dans ce siècle n’est parvenu à une science plus vaste et plus profonde.....

Faust

Ah ! C’est donc par la flatterie que tu prétends me gagner.... cela rentre assez dans tes attributions ; et j’admire en effet l’adresse que tu as mise à t’introduire près de moi ; sous cette figure humaine, il était bien difficile de reconnaître un fils de l’enfer.

Méphistophélès.

Hé ! hé ! Peut-être ne sommes-nous jamais si diables que quand nous vous ressemblons ! Mais ne t’étonne pas que je t’apparaisse si bourgeoisement : la civilisation qui lèche et polit le monde entier, s’est étendue jusqu’aux diables eux-mêmes ; ils sont parvenus à se déguiser si bien que la société en est remplie sans s’en douter : les cornes, la queue, les griffes, tout cela est bien passé de mode.... et quant à ce pied fourchu dont nous ne pouvons nous défaire, il nous nuirait dans le monde, aussi avons- nous comme beaucoup de vos jeunes gens adopté l’usage des faux mollets.

Faust

Ecoute : je suis peu disposé à écouter toutes ces fadaises : que me veux-tu ?

Méphistophélès.

Je te l’ai dit : je viens pour t’arracher au désespoir prêt à dévorer ta raison, je veux te dissiper autant que possible ; / tiens !.... (La robe d’étudiant tombe, et fait place à un costume de jeune seigneur.) Me voici en jeune seigneur, vêtu dans le dernier goût, avec la plume au chapeau et une épée bien affilée..... et, ma foi ! je te conseille d’en faire autant, afin de pouvoir courir le monde et voir ce que c’est que la vie.

Faust

De quelque habit que je me couvre, je n’en sentirai pas moins les chagrins de l’existence : je suis trop vieux pour rechercher de vains amusemens, trop jeune pour être sans désirs : Tout doit te manquer !... tu dois manquer de tout ! Voilà ce que chaque heure me répète d’une voix cassée ! Je n’attens le matin qu’avec effroi, je gémis de voir commencer ce jour qui dans sa course n’apportera pas le moindre soulagement à mes maux, n’accomplira pas une seule de mes espérances.... Et voilà ce que je suis depuis bien des années, et voilà pourquoi j’abhorre la vie et souhaite la mort.

Méphistophélès.

Pourtant la mort n’est jamais un hôte très bien venu.

Faust

O heureux celui dont elle vient au sein de la victoire ceindre les tempes d’un laurier sanglant, celui qu’après l’ivresse des plaisirs elle endort dans les bras d’une amante ! Oh ! que ne puis-je moi-même ?...

Méphistophélès.

Et cependant, tantôt, quelqu’un n’a pas avalé certaine liqueur brune....

Faust

L’espionnage est ton plaisir, à ce que je vois

Méphistophélès.

Oh ! J’en sais passablement long.

Faust

Tu te vantes ! Mais s’il était vrai, ton entreprise de séducteur aurait un succès assez probable. Je ne puis le cacher : l’injustice du ciel et l’ingratitude des hommes ont produit sur mon âme une impression telle que l’alliance de l’Enfer.... le plus horrible de tous les sacrifices qu’un mortel puisse faire.... commence à me révolter un peu moins. Mais, je te le déclare, si je me décidais jamais à le consommer, il m’en faudrait un digne prix.

Méphistophélès.

Explique-toi !

Faust

Tu le sais trop, cruel, tu sais qu’une curiosité insatiable me dévore, tu sais que mon esprit avide de lumière s’indigne de plus en plus des entraves qui l’attachent à la terre et qui seules l’empêchent d’enfanter des merveilles.... Ces entraves, il faut les briser ; cette fortune injuste envers moi, ces hommes qui me dédaignent....

Méphistophélès.

J’entends !

Faust

Oh ! Tu n’es pas au bout : cette divine révélation que nul mortel n’a pénétrée.... m’entends-tu encore ?

Méphistophélès.

Trop bien !... Tu veux me tenter à mon tour, mais une telle connaissance, ce n’est pas de l’enfer qu’elle émane, n’attens de nous que des secrets !

Faust

Et que suis-je donc ? Cette noble couronne de l’humanité vers laquelle tous les cœurs se pressent, m’est-il donc impossible d’y prétendre ?

Méphistophélès.

Tu es.... au reste ce que tu es : chausse tes pieds de socques hauts d’une aune, entasse sur ta tête des perruques à cent marteaux, et tu n’en grandiras pas de l’épaisseur d’un cheveu. Mais, si je ne puis t’élever à la hauteur de tes pensées, si je n’ai point de quoi répondre au délire de tes espérances, je puis te révéler des secrets étonnans et utiles, je puis te donner ce qu’aucun homme n’a pu même encore entrevoir.

Faust

Eh ! qu’as-tu donc à donner, pauvre diable ?... L’esprit d’un homme, en ses inspirations sublimes, fut-il jamais compris / par un de tes pareils ? — Tu n’as que des mets qui ne rassasient pas, de l’or pâle qui s’écoule des mains comme le vif-argent, un jeu auquel jamais on ne gagne, une fille qui jusque dans mes bras fait les yeux doux à mon voisin....

Méphistophélès.

Sans doute ! Et c’est tout cela qui fait le bonheur de vous autres hommes, et toutes ces vétilles te flattent tellement toi-même que tu voulais t’empoisonner du désespoir de ne pouvoir les obtenir. Au reste, tu n’avais plus que ce parti à prendre ; tes vœux ont été trompés, ils le seront toujours ; fortune, gloire, amour, tout t’échappera sans cesse... (à part) J’y ai mis bon ordre. — Eh bien ! moi, je te les offre, tu pourras parcourir avec moi l’échelle de tous les plaisirs de ce monde ; en un mot, je me fais désormais ton compagnon, ou si cela t’arrange mieux, ton serviteur et ton esclave.

Faust

Fort bien !... mais hélas ! je sais trop à quel prix.

Méphistophélès.

A quel prix !... Vous autres hommes, faites-vous rien pour rien ? Quand vous vous prêtez de cette boue... (Montrant l’or qui est sur la table) ne vous écorchez-vous pas les uns et les autres autant que possible, et si tel juif qui prête à usure ne vous demande pas votre âme pour intérêt, c’est qu’il ne saurait qu’en faire. Et puis nous aurons le tems de nous occuper de cela

Faust, timidement

Mais quel tems ?... mais combien d’années ?

Méphistophélès.

Ah ! Peu m’importe : j’en puis perdre sans les compter. Je te laisserai libre de fixer le terme de ton engagement, quand tu me diras : Partons ! J’en ai assez, alors....

Faust

Cette dernière clause est vraiment attrayante. Eh bien ! Puisqu’ici-bas je fus toujours esclave, qu’importe que ce soit de toi ou de tout autre !... je me suis trop enflé : il faut désormais que j’appartienne à ton espèce.... Le Grand-Esprit m’a dédaigné ; la nature s’est fermée devant moi comme le cœur des hommes.... Il faut maintenant que dans le gouffre de la sensualité mes passions ardentes s’appaisent ! Précipitons nous dans les vagues agitées du Destin !... et qu’ensuite la jouissance et la douleur, le succès et l’infortune se suivent comme ils pourront.....

Méphistophélès.

Bien, très bien ! Notre pacte est donc.....

Faust

Je le signerai s’il le faut de mon sang !

Méphistophélès.

Ah ! C’est inutile ; entre honnêtes gens, la parole suffit. (à part) C’est avec d’autre sang que le tien que je veux te faire signer. — Par où commençons nous ? Je suis à tes ordres.

Faust

Allons voir Marguerite !

Méphistophélès.

Qui ? Cette petite paysanne.... elle te tient donc toujours au cœur !... Allons donc ! J’ai bien d’autres femmes à ton service ; je puis te donner à choisir entre Hélène, Cléopâtre, Aspasie, et toutes les beautés les plus renommées de l’antiquité.

Faust

Quelqu’elles soient, Marguerite les surpassera toujours à mes yeux, l’amour que j’ai pour elle.... Mais je te parle d’amour ; qu’y peux-tu comprendre ?

Méphistophélès.

Oh ! rien du tout : ce n’est pas là ma partie : cependant je puis encore te donner là dessus quelques bons conseils. Aller voir sa belle les mains vides, cela n’est guère reçu : voici un écrin dont tu pourras lui faire présent.

Faust

Ton idée est bonne.... Partons !

Méphistophélès.

Un instant ! Si je n’entens rien à l’amour, je suis fort pour la haine et la vengeance, mais celle que j’ai à te proposer ne sera qu’un acte de justice. Les sénateurs et les savans de Francfort t’ont méprisé, baffoué.... c’est à ton tour à le leur rendre. Laisse moi faire, je leur prépare un plat de mon métier.... Mais viens nous en jaserons en route.

Fin du première acte.

ACTE SECOND

Le cabinet d’étude.

Scheffer seul

Il y a des choses auxquelles on ne conçoit rien ; nous, si pauvres naguères, et à présent nous roulons sur l’or et l’argent ; nous qu’on méprisait tant, et tous les gros bonnets de la ville viennent nous rendre hommage. Il est vrai qu’un comte de Furstemberg, un envoyé de l’empereur cela ne badine pas. Il y a du plaisir à recevoir un pareil hôte : Eh bien, c’est égal ! il ne me revient pas ; il a un visage si singulier..... Au reste, on ne se fait pas soi-même, et puisqu’il fait notre fortune, honneur à lui ! — On a beau dire, le vrai talent finit toujours par percer : notre mérite est parvenu aux oreilles du prince, et le vent de la faveur enfle désormais nos voiles. Ces orgueilleux sénateurs qui dédaignaient d’acceuillir nos prières, qui refusaient du pain à notre indigence, les voilà qui font antichambre, en attendant mon maître. Oh ! dès qu’ils ont appris l’arrivée d’un comte, envoyé par l’empereur, pour faire honneur à notre mérite, ils étaient tous sur pied ; il serait bon qu’il les y laissât sécher quelque tems.

FAUST, MÉPHISTOPHÉLÈS

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