TEXTES

1824, Poésies diverses (manuscrit autographe)

1824, L’Enterrement de la Quotidienne (manuscrit autographe)

1824, Poésies et poèmes (manuscrit autographe)

1825, « Pour la biographie des biographes » (manuscrit autographe)

15 février 1826 (BF), Napoléon et la France guerrière, chez Ladvocat

19, 22 avril, 14 juin (BF), Complainte sur la mort de haut et puissant seigneur le Droit d’aînesse, chez Touquet

6 mai 1826 (BF), Complainte sur l’immortalité de M. Briffaut, par Cadet Roussel, chez Touquet

6 mai 1826 (BF), Monsieur Dentscourt ou le Cuisinier d’un grand homme, chez Touquet

20 mai 1826 (BF), Les Hauts faits des Jésuites, par Beuglant, chez Touquet

12 août 1826 (BF), Épître à M. de Villèle (Mercure de France du XIXe siècle)

11 novembre 1826 (BF), Napoléon et Talma, chez Touquet

13 et 30 décembre 1826 (BF), L’Académie ou les membres introuvables, par Gérard, chez Touquet

16 mai 1827 (BF), Élégies nationales et Satires politiques, par Gérard, chez Touquet

29 juin 1827, La dernière scène de Faust (Mercure de France au XIXe siècle)

28 novembre 1827 (BF), Faust, tragédie de Goëthe, 1828, chez Dondey-Dupré

15 décembre 1827, A Auguste H…Y (Almanach des muses pour 1828)

1828? Faust (manuscrit autographe)

1828? Le Nouveau genre (manuscrit autographe)

mai 1829, Lénore. Ballade allemande imitée de Bürger (La Psyché)

août 1829, Le Plongeur. Ballade, (La Psyché)

octobre 1829, A Schmied. Ode de Klopstock (La Psyché)

24 octobre 1829, Robert et Clairette. Ballade allemande de Tiedge (Mercure de France au XIXe siècle)

14 novembre 1829, Les Bienfaits de l’enseignement mutuel, Procès verbal de la Loge des Sept-Écossais-réunis, chez Bellemain

21 novembre 1829, Chant de l’épée. Traduit de Korner (Mercure de France au XIXe siècle)

12 décembre 1829, La Mort du Juif errant. Rapsodie lyrique de Schubart (Mercure de France au XIXe siècle)

19 décembre 1829, Lénore. Traduction littérale de Bürger (Mercure de France au XIXe siècle)

2 janvier 1830, La Première nuit du Sabbat. Morceau lyrique de Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)

janvier 1830, La Lénore de Bürger, nouvelle traduction littérale (La Psyché)

16 janvier 1830, Ma Patrie, de Klopstock (Mercure de France au XIXe siècle)

23 janvier 1830, Légende, par Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)

6 février (BF) Poésies allemandes, Klopstock, Goethe, Schiller, Burger (Bibliothèque choisie)

13 février 1830, Les Papillons (Mercure de France au XIXe siècle)

13 février 1830, Appel, par Koerner (1813) (Mercure de France au XIXe siècle)

13 mars 1830, L’Ombre de Koerner, par Uhland, 1816 (Mercure de France au XIXe siècle)

27 mars 1830, La Nuit du Nouvel an d’un malheureux, de Jean-Paul Richter (La Tribune romantique)

10 avril 1830, Le Dieu et la bayadère, nouvelle indienne par Goëthe (Mercure de France au XIXe siècle)

29 avril 1830, La Pipe, chanson traduite de l’allemand, de Pfeffel (La Tribune romantique)

13 mai 1830 Le Cabaret de la mère Saguet (Le Gastronome)

mai 1830, M. Jay et les pointus littéraires (La Tribune romantique)

17 juillet 1830, L’Éclipse de lune. Épisode fantastique par Jean-Paul Richter (Mercure de France au XIXe siècle)

juillet ? 1830, Récit des journées des 27-29 juillet (manuscrit autographe)

14 août 1830, Le Peuple (Mercure de France au XIXe siècle)

30 octobre 1830 (BF), Choix de poésies de Ronsard, Dubellay, Baïf, Belleau, Dubartas, Chassignet, Desportes, Régnier (Bibliothèque choisie)

11 décembre 1830, A Victor Hugo. Les Doctrinaires (Almanach des muses pour 1831)

29 décembre 1830, La Malade (Le Cabinet de lecture )

29 janvier 1831, Odelette, Le Vingt-cinq mars (Almanach dédié aux demoiselles)

14 mars 1831, En avant, marche! (Cabinet de lecture)

23 avril 1831, Bardit, traduit du haut-allemand (Mercure de France au XIXe siècle)

30 avril 1831, Le Bonheur de la maison par Jean-Paul Richter. Maria. Fragment (Mercure de France au XIXe siècle)

7 mai 1831, Profession de foi (Mercure de France au XIXe siècle)

25 juin et 9 juillet 1831, Nicolas Flamel, drame-chronique (Mercure de France au XIXe siècle)

17 et 24 septembre 1831, Les Aventures de la nuit de Saint-Sylvestre. Conte inédit d’Hoffmann (Mercure de France au XIXe siècle)

4 décembre 1831, Cour de prison, Le Soleil et la gloire (Le Cabinet de lecture)

17 décembre 1831, Odelettes. La Malade, Le Soleil et la Gloire, Le Réveil en voiture, Le Relais, Une Allée du Luxembourg, Notre-Dame-de-Paris (Almanach des muses)

17 décembre 1831, Fantaisie, odelette (Annales romantiques pour 1832)

24 septembre 1832, La Main de gloire, histoire macaronique (Le Cabinet de lecture)

14 décembre 1834, Odelettes (Annales romantiques pour 1835)

1835-1838 ? Lettres d’amour (manuscrits autographes)

26 mars et 20 juin 1836, De l’Aristocratie en France (Le Carrousel)

20 et 26 mars 1837, De l’avenir de la tragédie (La Charte de 1830)

12 août 1838, Les Bayadères à Paris (Le Messager)

18 septembre 1838, A M. B*** (Le Messager)

2 octobre 1838, La ville de Strasbourg. A M. B****** (Le Messager)

26 octobre 1838, Lettre de voyage. Bade (Le Messager)

31 octobre 1838, Lettre de voyage. Lichtenthal (Le Messager)

24 novembre 1838, Léo Burckart (manuscrit remis à la censure)

25, 26 et 28 juin 1839, Le Fort de Bitche. Souvenir de la Révolution française (Le Messager)

13 juillet 1839 (BF) Léo Burckart, chez Barba et Desessart

19 juillet 1839, « Le Mort-vivant », drame de M. de Chavagneux (La Presse)

15 et 16-17 août 1839, Les Deux rendez-vous, intermède (La Presse)

17 et 18 septembre 1839, Biographie singulière de Raoul Spifamme, seigneur des Granges (La Presse)

21 et 28 septembre 1839, Lettre VI, A Madame Martin (Lettres aux belles femmes de Paris et de la province)

28 janvier 1840, Lettre de voyage I (La Presse)

25 février 1840, Le Magnétiseur

5 mars 1840, Lettre de voyage II (La Presse)

8 mars 1840, Lettre sur Vienne (L’Artiste)

26 mars 1840, Lettre de voyage III (La Presse)

28 juin 1840, Lettre de voyage IV, Un jour à Munich (La Presse)

18 juillet 1840 (BF) Faust de Goëthe suivi du second Faust, chez Gosselin

26 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort I (La Presse)

29 juillet, 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort II (La Presse)

30 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort III (La Presse)

11 février 1841, Une Journée à Liège (La Presse)

18 février 1841, L’Hiver à Bruxelles (La Presse)

1841 ? Première version d’Aurélia (feuillets autographes)

février-mars 1841, Lettre à Muffe, (sonnets, manuscrit autographe)

1841 ? La Tête armée (manuscrit autographe)

mars 1841, Généalogie dite fantastique (manuscrit autographe)

1er mars 1841, Jules Janin, Gérard de Nerval (Journal des Débats)

5 mars 1841, Lettre à Edmond Leclerc

7 mars 1841, Les Amours de Vienne (Revue de Paris)

31 mars 1841, Lettre à Auguste Cavé

11 avril 1841, Mémoires d’un Parisien. Sainte-Pélagie en 1832 (L’Artiste)

9 novembre 1841, Lettre à Ida Ferrier-Dumas

novembre? 1841, Lettre à Victor Loubens

10 juillet 1842, Les Vieilles ballades françaises (La Sylphide)

15 octobre 1842, Rêverie de Charles VI (La Sylphide)

24 décembre 1842, Un Roman à faire (La Sylphide)

19 et 26 mars 1843, Jemmy O’Dougherty (La Sylphide)

11 février 1844, Une Journée en Grèce (L’Artiste)

10 mars 1844, Le Roman tragique (L’Artiste)

17 mars 1844, Le Boulevard du Temple, 1re livraison (L’Artiste)

31 mars 1844, Le Christ aux oliviers (L’Artiste)

5 mai 1844, Le Boulevard du Temple 2e livraison (L’Artiste)

12 mai 1844, Le Boulevard du Temple, 3e livraison (L’Artiste)

2 juin 1844, Paradoxe et Vérité (L’Artiste)

30 juin 1844, Voyage à Cythère (L’Artiste)

28 juillet 1844, Une Lithographie mystique (L’Artiste)

11 août 1844, Voyage à Cythère III et IV (L’Artiste)

15 septembre, Diorama (L’Artiste-Revue de Paris)

29 septembre 1844, Pantaloon Stoomwerktuimaker (L’Artiste)

20 octobre 1844, Les Délices de la Hollande I (La Sylphide)

8 décembre 1844, Les Délices de la Hollande II (La Sylphide)

16 mars 1845, Pensée antique (L’Artiste)

19 avril 1845 (BF), Le Diable amoureux par J. Cazotte, préface de Nerval, chez Ganivet

1er juin 1845, Souvenirs de l’Archipel. Cérigo (L’Artiste-Revue de Paris)

6 juillet 1845, L’Illusion (L’Artiste-Revue de Paris)

5 octobre 1845, Strasbourg (L’Artiste-Revue de Paris)

novembre-décembre 1845, Le Temple d’Isis. Souvenir de Pompéi (La Phalange)

28 décembre 1845, Vers dorés (L’Artiste-Revue de Paris)

1er mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste I (L’Artiste-Revue de Paris)

15 mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste II (L’Artiste-Revue de Paris)

1er mai 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne (Revue des Deux Mondes)

17 mai 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste III (L’Artiste-Revue de Paris)

1er juillet 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne. Les Esclaves (Revue des Deux Mondes)

12 juillet 1846 Sensations d’un voyageur enthousiaste IV (L’Artiste-Revue de Paris)

16 août 1846, Un Tour dans le Nord. Angleterre et Flandre (L’Artiste-Revue de Paris)

30 août 1846, De Ramsgate à Anvers (L’Artiste-Revue de Paris)

15 septembre 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne. Le Harem (Revue des Deux Mondes)

20 septembre 1846, Une Nuit à Londres (L’Artiste-Revue de Paris)

1er novembre 1846, Un Tour dans le Nord III (L’Artiste-Revue de Paris)

22 novembre 1846, Un Tour dans le Nord IV (L’Artiste-Revue de Paris)

15 décembre 1846, Scènes de la vie égyptienne moderne. La Cange du Nil (Revue des Deux Mondes)

1847, Scénario des deux premiers actes des Monténégrins

15 février 1847, La Santa-Barbara. Scènes de la vie orientale (Revue des Deux Mondes)

15 mai 1847, Les Maronites. Un Prince du Liban (Revue des Deux Mondes)

15 août 1847, Les Druses (Revue des Deux Mondes)

17 octobre 1847, Les Akkals (Revue des Deux Mondes)

21 novembre 1847, Souvenirs de l’Archipel. Les Moulins de Syra (L’Artiste-Revue de Paris)

15 juillet 1848, Les Poésies de Henri Heine (Revue des Deux Mondes)

15 septembre 1848, Les Poésies de Henri Heine, L’Intermezzo (Revue des Deux Mondes)

7 janvier-24 juin 1849, puis 2 septembre 1849-27 janvier 1850, Al-Kahira. Souvenirs d’Orient (La Silhouette)

1er-27 mars 1849, Le Marquis de Fayolle, 1re partie (Le Temps)

26 avril 16 mai 1849, Le Marquis de Fayolle, 2e partie (Le Temps)

6 octobre 1849, Le Diable rouge (Almanach cabalistique pour 1850)

3 novembre 1849 (BF), Le Diable vert, et Impression de voyage (Almanach satirique, chez Aubert, Martinon et Dumineray)

7 mars-19 avril 1850, Les Nuits du Ramazan (Le National)

15 août 1850, Les Confidences de Nicolas, 1re livraison (Revue des Deux Mondes)

26 août 1850, Le Faust du Gymnase (La Presse)

1er septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 2e livraison (Revue des Deux Mondes)

9 septembre 1850, Excursion rhénane (La Presse)

15 septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 3e livraison (Revue des Deux Mondes)

18 et 19 septembre 1850, Les Fêtes de Weimar (La Presse)

1er octobre 1850, Goethe et Herder (L’Artiste-Revue de Paris)

24 octobre-22 décembre 1850, Les Faux-Saulniers (Le National)

29 décembre 1850, Les Livres d’enfants, La Reine des poissons (Le National)

novembre 1851, Quintus Aucler (Revue de Paris)

24 janvier 1852 (BF), L’Imagier de Harlem, Librairie théâtrale

15 juin 1852, Les Fêtes de mai en Hollande (Revue des Deux Mondes)

1er juillet 1852, La Bohême galante I (L’Artiste)

15 juillet 1852, La Bohême galante II (L’Artiste)

1er août 1852, La Bohême galante III (L’Artiste)

15 août 1852, La Bohême galante IV (L’Artiste)

21 août 1852 (BF), Lorely. Souvenirs d’Allemagne, chez Giraud et Dagneau (Préface à Jules Janin)

1er septembre 1852, La Bohême galante V (L’Artiste)

15 septembre 1852, La Bohême galante VI (L’Artiste)

1er octobre 1852, La Bohême galante VII (L’Artiste)

9 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 1re livraison (L’Illustration)

15 octobre 1852, La Bohême galante VIII (L’Artiste)

23 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 2e livraison (L’Illustration)

30 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 3e livraison (L’Illustration)

1er novembre 1852, La Bohême galante IX (L’Artiste)

6 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 4e livraison (L’Illustration)

13 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 5e livraison (L’Illustration)

15 novembre 1852, La Bohême galante X (L’Artiste)

20 novembre 1852, Les Illuminés, chez Victor Lecou (« La Bibliothèque de mon oncle »)

1er décembre 1852, La Bohême galante XI (L’Artiste)

15 décembre 1852, La Bohême galante XII (L’Artiste)

1er janvier 1853 (BF), Petits Châteaux de Bohême. Prose et Poésie, chez Eugène Didier

15 août 1853, Sylvie. Souvenirs du Valois (Revue des Deux Mondes)

14 novembre 1853, Lettre à Alexandre Dumas

25 novembre 1853-octobre 1854, Lettres à Émile Blanche

10 décembre 1853, Alexandre Dumas, Causerie avec mes lecteurs (Le Mousquetaire)

17 décembre 1853, Octavie (Le Mousquetaire)

1853-1854, Le Comte de Saint-Germain (manuscrit autographe)

28 janvier 1854 (BF) Les Filles du feu, préface, Les Chimères, chez Daniel Giraud

31 octobre 1854, Pandora (Le Mousquetaire)

25 novembre 1854, Pandora, épreuves du Mousquetaire

Pandora, texte reconstitué par Jean Guillaume en 1968

Pandora, texte reconstitué par Jean Senelier en 1975

30 décembre 1854, Promenades et Souvenirs, 1re livraison (L’Illustration)

1854 ? Sydonie (manuscrit autographe)

1854? Emerance (manuscrit autographe)

1854? Promenades et Souvenirs (manuscrit autographe)

janvier 1855, Oeuvres complètes (manuscrit autographe)

1er janvier 1855, Aurélia ou le Rêve et la Vie (Revue de Paris)

6 janvier 1855, Promenades et Souvenirs, 2e livraison (L’Illustration)

3 février 1855, Promenades et Souvenirs, 3e livraison (L’Illustration)

15 février 1855, Aurélia ou Le Rêve et la Vie, seconde partie (Revue de Paris)

15 mars 1855, Desiderata (Revue de Paris)

1866, La Forêt noire, scénario

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BF: annonce dans la Bibliographie de la France

Manuscrit autographe: manuscrit non publié du vivant de Nerval

1841 ? — Feuillets autographes d’un premier récit d’Aurélia, correspondant aux chapitres 1 à 4 du texte publié en 1855 par la Revue de Paris.

Sur quelques feuillets autographes jamais publiés de son vivant, Nerval a fait le récit extrêmement précis de la crise nerveuse qu’il subit en février-mars 1841, depuis son séjour de décembre 1840 à Bruxelles jusqu’à son internement à Montmartre chez le docteur Esprit Blanche en février-mars 1841. Cette première version, qui fournit des indications patronymiques et toponymiques que le texte publié d’Aurélia en 1855 gommera, laisse à penser qu’elle fut rédigée à une date très proche des événements qu’elle évoque, peut-être durant le séjour chez Blanche qui se prolongea jusqu’en novembre 1841. Les témoignages de Théophile Gautier et de Paul Chenavard sur cet épisode sont déterminants.

Comme nous l'avons fait pour les Lettres d'amour, pour être au plus près de l’écriture nervalienne, nous donnons ici la transcription du texte sur les originaux des six feuillets autographes de la collection Lucien-Graux, aujourd’hui conservés à la BnF (NAF 14481, fol. 1 à 6) et celui d’un fragment conservé dans une collection particulière, qui appartient à la même série narrative.

On notera tout particulièrement la pagination et la tentative de division en chapitres qui laissent imaginer une intention éditoriale. Les références sont celles de l’édition de Jean Richer : Les Manuscrits d’Aurélia de Gérard de Nerval, Les Belles Lettres, 1972.

Voir la notice LA CRISE NERVEUSE DE 1841.

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[Lucien-Graux NAF 14481 fol. 1, Richer 16, feuillet complet, 32 lignes, 200x145 mm]

(2 15

III

Ce fut en 1840 que je reçus la première atteinte de ma cruelle maladie que commença pour moi cette — Vita nuova. — Je me trouvais à Bruxelles, où je demeurais rue Brûlée, près le grand marché. J’allais ordinairement dîner, Montagne de la Cour, chez une belle dame de mes amies, puis je me rendais au théatre de la Monnaie où j’avais mes entrées comme auteur. La je m’enivrais du plaisir de revoir une charmante cantatrice que j’avais connue à Paris et qui tenait à Bruxelles les premiers rôles de l’Opéra. Parfois une autre belle dame me faisait signe de sa loge aux places d’orchestre où j’étais et je montais près d’elle. Nous causions de la cantatrice dont elle aimait le talent. Elle était bonne et indulgente pour cette ancienne passion parisienne et presque toujours j’étais admis à la reconduire jusque chez elle à la porte de Schaarbeck.

Un soir on m’invita à une séance de magnétisme. C’était Pour la première fois que je voyais une somnambule. C’était le jour même où avait lieu à Paris le convoi de Napoléon. La somnambule décrivit tous les détails de la cérémonie, tels que nous les lûmes le lendemain dans les journaux de Paris. Seulement elle ajouta qu’au moment où le corps de Napoléon était entré triomphalement aux Invalides, son Âme s’était échappée du cercueil et prenant son vol vers le Nord, était venue se reposer sur la plaine de Waterloo.

Cette grande idée me frappa, ainsi que les personnes qui étaient présentes à la séance et parmi lesquelles on distinguait Mgr l’Évêque de Malines. À deux jours de là il y avait un brillant concert à la Salle de la Grande Harmonie. Deux reines y assistaient. La reine du chant était celle que je nommerai désormais Aurélie. La seconde était la reine de Belgique, non moins belle et plus jeune. Elles étaient coiffées de même et portaient à la nuque, derrière leurs cheveux tressés, la résille d’or des Médicis.

Cette soirée me laissa une vive impression. Dès lors je ne songeai plus qu’à retourner à Paris espérant me faire charger d’une mission qui me mettrait plus en lumière à mon retour dans les Flandres.

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[Lucien-Graux NAF 14481 fol. 2, Richer 17, feuillet complet, 32 lignes, 180x146 mm]

2 16

Pendant six semaines, à mon retour, je me livrai à des travaux constans sur certaines questions commerciales que j’étudiais guidé par les conseils du ministre de l’Instruction publique qui était alors M. Villemain. J’allais arriver au but de mes démarches, lorsque la préoccupation assidue que j’apportais à mes travaux me communiqua une certaine exaltation dont je fus le dernier à m’apercevoir. Dans les cafés, chez mes amis, dans les rues, je tenais de longs discours sur toute matière — de omni re scibili et quibusdam aliis, à l’instar de Pic de la Mirandole. Pendant trois jours j’accumulai tous les matériaux d’un système sur les affinités de race, sur le pouvoir des nombres, sur les harmonies des couleurs, que je développais avec quelque éloquence et dont beaucoup de mes amis furent frappés.

J’avais l’usage d’aller le soir boire de la bierre au café Lepelletier puis je remontais le faubourg jusqu’à la rue de Navarrin où je demeurais alors. Un soir vers minuit, j’eus une hallucination. L’heure sonnait lorsque passant devant le n° 37 de la rue Notre dame de Lorette, je vis sur le seuil de la maison une femme encor jeune dont l’aspect me frappa de surprise. Elle avait la figure blême et les yeux caves ; — je me dis : « C’est la Mort. » Je rentrai me coucher avec l’idée que le monde allait finir.

II

Cependant à mon réveil il faisait jour ; je me rassurai un peu et je passai la journée à voir mes amis. J’allais dîner à une table d’hôte où l’un d’eux, à qui je racontais des choses qui s’étaient passées à diverses époques, me dit : « Je te reconnais bien… tu es le Comte de St-Germain. »

Le soir je me rendis à mon café habituel où je causai longtemps de peinture et de musique avec mes amis + Chenavard et Morelet Paul*** et Auguste ***. Minuit sonna. — C’était pour moi l’heure fatale ; cependant je songeai que l’horloge de la terr du ciel pouvait bien ne pas correspondre avec celles de la terre. Je dis à Chenavard Paul que j’allais partir et me diriger vers l’Orient, ma patrie. Il m’accompagna jusqu’au carrefour Cadet. Là me trouvant au

+ Paul Chenavard, peintre / Auguste Morelet

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[Lucien-Graux NAF 14481 fol. 3, Richer 18, feuillet complet, suite du précédent, 31 lignes, 200x163 mm]

3 17

confluent de plusieurs rues je m’arrêtai incertain et m’assis sur une borne au coin de la rue Coquenard : + Chenavard Paul déployait en vain une force surhumaine pour me faire changer de place. Je me sentais cloué. — Il finit par m’abandonner vers une heure du matin, et me voyant seul j’appelai à mon secours mes deux amis Théophile Gautier et Alphonse Karr [en marge, d’une autre main: Gauthier & Alphonse Karr], que je vis passer de profil, et comme des ombres. Un grand nombre de voitures chargées de masques passaient et repassaient, car c’était une nuit de carnaval. J’en examinais curieusement les numéros, me livrant à un calcul mystérieux de nombres. Enfin sur au dessus de la rue Hauteville, je vis se lever une étoile rouge entourée d’un cercle bleuâtre. — Je crus reconnaître l’étoile lointaine de Saturne et me levant avec effort, je me dirigeai de ce côté.

J’entonnai dès lors je ne sais quel hymne mystérieux qui me remplissait d’une joie ineffable. En même temps je quittais mes habits terrestres et je les dispersais autour de moi. Arrivé au milieu de la rue, je me vis entouré d’une patrouille de soldats. Je me sentais doué d’une force surhumaine et il semblait que je n’eusse qu’à étendre les mains pour renverser à terre les pauvres soldats comme on couche les crins d’une toison. Je ne voulus pas deployer cette force magnétique et je me laissai conduire sans résistance au poste de la place Cadet.

On me coucha sur un lit de camp pendant que mes vêtemens séchaient sur le poële. J’eus alors une vision. Le ciel s’ouvrit devant mes yeux comme une gloire et les divinités antiques m’apparurent. Au-delà de leur ciel éblouissant je vis resplendir les sept cieux de Brahma. Le matin mit fin à ce rêve.

De nouveaux soldats remplacèrent ceux qui m’avaient recueillis. Ils me mirent au violon avec un singulier individu arrêté la même nuit et qui paraissait ignorer même son nom.

+ Paul Chenavard, peintre

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[Lucien-Graux NAF 14481 fol. 4, Richer 20, feuillet complet, 28 lignes, 190x150 mm]

Des amis vinrent me chercher et l’état de vision continua toujours. La seule différence de la veille au sommeil était que dans la première tout se transfigurait à mes yeux : chaque personne qui m’approchait semblait changée, les objets matériels avaient eux-mêmes comme une pénombre qui en changeait modifiait la forme, et les jeux de la lumière, les combinaisons des couleurs se décomposaient de manière à m’entretenir dans une succession série constante d’impressions qui se liaient entre elles et dont le rêve, plus dégagé des élémens extérieurs continuait la probabilité.

C’est ainsi que dans un court intervalle de ce double rêve, je me trouvai couché dans une chambre assez gaie dans la maison. La nature prenait des aspects nouveaux et ainsi paraissait

Comment peindre cet état

Je me crus d’abord transporté dans une vaste maison située sur les bords du Rhin, les rayons du soleil couchant découpaient autour de la fenêtre les feuilles transparentes d’une vigne gaie. Lorsque j’étais encore couché sur le lit de camp, ma pensée se partageait encore entre la vision et le sentiment des choses réelles. On avait arrêté dans cette même nuit un jeune homme dont les paroles confuses m’arrivaient à travers une porte et que je vis passer vaguement

Je me crus d’abord transporté dans une maison située sur les bords du Rhin. Un rayon de soleil traversait gaîment des contrevents verts où se dé que festonnait la vigne. — On me dit : Vous avez été transporté chez vos parents. Ne tardez pas à vous lever car ils vous attendent. N’y avais-je pas Il y avait une horloge rustique accrochée au mur et sur cette horloge un oiseau qui se mit à parler.

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[Fragment, coll. particulière, Richer 19, haut du feuillet, 24 lignes et le début d’une autre ligne biffée, dans la déchirure du papier, 130x135 ; en haut à gauche, la mention : à ajouter]

à ajouter

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III

La voiture se remit en marche et nous nous trouvâmes à Picpus chez Made de Sainte Colombe. Là je fus remis aux soins d’un jeune médecin nommé Creuze. C’était à une maison de santé que l’on m’avait conduit. Pendant trois jours je dormis d’un sommeil profond rarement interrompu par les rêves. Une femme vêtue de noir apparaissait devant mon lit et il me semblait qu’elle avait les yeux caves. Seulement au fond de ces orbites vides il me sembla voir sourdre des larmes brillantes comme des diamans. Cette femme était pour moi le spectre de ma mère, morte en Silésie. — Un jour on me transporta au bain. L’écume blanche qui surnageait me paraissait former des figures de blazon et j’y distinguais toujours trois enfans percés d’un pal, lesquels bientôt se transformèrent en trois merlettes. C’étaient probablement les armes de Lorraine.

Je crus comprendre que j’étais l’un des trois enfans de mon nom, traités ainsi par les Tartares lors de la prise de nos chateaux. C’était au bord de la Dwina glacée — Mon esprit se transporta bientôt sur un autre point de l’Europe, aux bords de la Dordogne, où trois chateaux pareils avaient été rebatis. Leur ange tutélaire était toujours la dame noire, qui dès lors avait repris sa carnation blanche, ses yeux étincelants et était vêtue d’une robe d’hermine tandis qu’une palatine de cigne couvrait ses blanches épaules… [en marge : La Brownia] Selon ces pensées, je

Dans la journée, Théophile *** et Alphonse Karr vinrent me rendre visite. Il me semblait que leur peau [ la suite de la phrase se perd dans la déchirure du feuillet ]

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[Lucien-Graux NAF 14481 fol. 5, fragment de feuillet, moitié inférieure, Richer 21, 15 lignes, 90x140 mm]

En ouvrant les yeux je me trouvai dans une chambre assez gaie. Une horloge était suspendue au mur et au dessus de cette horloge était une corneille, qui me sembla douée des secrets de l’avenir.

VI

En fermant les yeux je me vis transporté sur les bords du Rhin au château de Johannisberg. Je me dis : voici mon oncle Metternich Frédéric qui m’invite à sa table. Le soleil couchant inondait de ses rayons la splendide salle où il me reçut. Je me vis ensuite transporté à Vienne dans le palais de Schœnbrunn. Il me sembla, pendant la nuit, que je me trouvais précipité dans un abyme qui traversait la terre. En sortant de l’autre côté du monde j’abordai dans une île riante où un vieillard travaillait au pied d’une vigne. Il me dit : Tes frères t’attendent pour souper. Je sentis que je descendais vers le centre de la terre. Mon corps était emporté sans souffrance par un courant de vif argent fondu qui me transporta jusqu’au

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[Lucien-Graux NAF 14481 fol. 6, feuillet complet, suite du précédent, Richer 22, 32 lignes, 190x150 mm]

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cœur de la planète. Je vis alors distinctement les veines et les artères de métal fondu qui en animaient toutes les parties. Notre reunion occupait une vaste salle où était servi un festin splendide. Les patriarches de la Bible et les Reines de l’Orient occupaient les principales places. Salomon et la Reine de Saba présidaient l’assemblée, couverts des plus belles parures de l’Asie. Je me sentis plein d’une douce sympathie et d’un juste orgueil en reconnaissant les traits divins de ma famille. On m’apprit qu j’étais destiné à retourner sur la terre et je les embrassai tous en pleurant.

A mon réveil je fus enchanté d’entendre répéter de vieux airs du village où j’avais été élevé. C’était Le jeune garçon qui me veillait les chantait d’une voix touchante et l’aspect seul des grilles put me convaincre que je n’étais pas au village dans la maison de mon vieil oncle, qui avait été si bon pour moi ! — O souvenirs cruels et doux, vous étiez pour moi le retour à une vie paisible et régénérée. L’amour renaissait dans mon âme et venait tout embellir autour de moi.

Plusieurs amis vinrent me voir dans la matinée ; je me promenai avec eux dans le jardin, en leur racontant mes épreuves. L’un d’eux me dit en pleurant : « N’est-ce pas que c’est vrai qu’il y a un Dieu ? » Je lui en donnai l’assurance et nous nous embrassames dans une douce effusion.

Tout me favorisait désormais ; je sortis dans la journée et j’allai revoir mon père. puis je me dirigeai vers le ministère de l’intérieur où j’avais plusieurs amis. J’entrai chez le directeur des Beaux-Arts et je m’y arrêtai longtemps à contempler une carte de France : « Où pensez-vous, me dit-il, que doive être la capitale ?... car Paris est situé trop au nord. »

Mon doigt s’arrêta sur Bourges. Il me dit : « Vous avez raison »

De cette époque date une série de jours plus calme. Après une légère rechute, j’avais été transporté dans la maison de santé de Montmartre

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On connaît quatre autres fragments manuscrits d'Aurélia, non publiés du vivant de Nerval qu'il n'est pas possible de dater, mais qui appartiennent à la première version, bien dans l'esprit de la lettre adressée à Auguste Cavé en mars 1841. Dans une fresque hallucinée, plus mythique qu’historique, Nerval évoque comme une reviviscence personnelle sa vision tragique de la descendance de la reine de Saba jusqu'aux rois wisigoths et aux Niebelungen, suscitée par ses lectures historiques et archéologiques.

[ Fragment, coll. particulière, bas du feuillet, Richer 24, 10 lignes, 56x132 mm ]

[ En marge, à gauche, la mention note]

Plus calme, au milieu de mes sœurs d’infortune qui traçaient sur le sable ou sur le papier des hiéroglyphes chargés de fatalités que je croyais voir se rapporter à mes idées, j’ai essayé de retracer l’image de la divinité de mes rêves. Sur une feuille imprégnée du suc des plantes j’avais représenté la Reine du Midi, telle que je l’ai vue dans mes rêves, telle qu’elle a été dépeinte dans l’Apocalypse de l’apôtre Sr Jean. Elle est couronnée d’étoiles et coiffée d’un turban où éclatent les couleurs de l’arc en ciel. Sa figure aux traits placides est de teinte olivatre, son nez à la forme courbure du bec de l’épervier. Un collier de perles roses entoure son col, et derrière ses épaules s’arrondit un

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[ Feuillet complet, suite du fragment précédent, coll. particulière, Richer 25, 37 lignes, 205x130 mm ]

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col de dentelles gauffrées ; sa robe est couleur d’hyacinthe et l’un de ses pieds est posé sur un pont ; l’autre s’appuie sur une roue. L’une de ses mains est posée sur le roc le plus élevé des montagnes de l’Yémen, l’autre dirigée vers le ciel balance la fleur d’anxoka, que les profanes appelent fleur du feu. Le serpent céleste ouvre sa gueule pour la saisir, mais une seule graine ornée d’une panache aigrette lumineuse s’engloutit dans le gouffre ouvert. Le signe du Bélier apparaît deux fois sur l’orbe céleste, où comme en un miroir se réfléchit la figure de la Reine qui prend les traits de sainte Rosalie. Couronnée d’étoiles, elle apparaît, prête à sauver le monde. Les constellations célestes l’environnent de leurs clartés.

Sur le pic le plus élevé des montagnes d’Yémen on distingue une cage dont le treillis se découpe sur le ciel. Un oiseau merveilleux y chante ; c’est le talisman des l’ère âges nouveaux. Léviathan, aux ailes noires, vole lourdement alentour. Au delà de la mer s’élève un autre pic sur lequel est inscrit de nom Mérovée. De ces deux points qui sont les antiques villes de Saba formant l’extrémité du détroit de Babel-Mandel, on voit sourdre et se étendre par répartir sur toute la terre les deux races, blanche en Asie, noire en Afrique, d’où sont issus les Francs et les Gallas. Pour les premiers la reine s’appelle Balkis, et pour les autres Makéda, c’est à dire la grande.

Les fils d’Abraham et de Cethura qui remontent à Enoch par Héber et Joctan forment la race sainte des princes de Saba. Leur capitale est Axum en Abyssinie. Les fils de Mérovia se dirigent vers l’Asie, apparaissent à la guerre de Troie, puis vaincus par les dieux du Péloponnèse s’enfoncent dans les brumes des monts Cimmériens. C’est ainsi qu’en traversant la Cythie (sic) et la Germanie ils viennent au-delà du Rhin jeter les bases d’un puissant empire. Sous les noms de Scandinaves et de Normands ils étendent leurs conquêtes jusqu’à la lointaine Thulé, où gît le trésor des Niebelungen, gardé par les fils du Dragon. Deux chevaliers guidés par les sœurs Walkyries découvrent le trésor et le transportent en Bourgogne. Du sein de la paix naît le germe d’une lutte de plusieurs siècles car Brunhild et Criemhield ces deux sœurs fatales

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[ Feuillet complet, suite du précédent, coll. particulière, Richer 26, 35 lignes, 205x140 mm ]

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sacrifieront à leur orgueil les peuples puissans sur lesquels elles règnent. Siegfried est frappé traîtreusement à la chasse et reçoit le fer en la seule place de son corps que n’a pas teinté le sang du Dragon. Brunhild épou devient par vengeance l’épouse d’Attila, le farouche roi des Huns. – Cachez-moi cette scène sanglante où les Bourguignons et les Huns s’attaquent à coups d’épée à la suite d’un festin de réconciliation. Tout périt autour de la reine. Mais un page l’a vengée en se glissant derrière le meurtrier de son époux. –

Ici la scène change et la framée de Charles Martel disperse à Poitiers les escadrons des Sarrazins. L’Empire de Charlemagne se lève à l’Occident et ses aigles victorieuses couvrent bientôt l’Allemagne et l’Italie. Malheur à toi, Didier roi des Lombards, qui du haut de ta tour signales l’approche du conquérant en criant : Que de fer ! grand Dieu que de fer ! La Table ronde s’est peuplée de nouveaux chevaliers et le cycle romanesque d’Artus vient se fondre harmonieusement dans le cycle de Charlemagne. – O toi la belle des belles, Reine Ginévra, que te servent les charmes et les paroles dorées de ton chevalier Lancelot. Tu dois abaisser ton orgueil aux pieds de Griseldis, la fille d’un humble charbonnier !

L’Occident armé tient un pacte avec l’Orient. Charlemagne et Haroun-al-Reschid se sont tendus la main au-dessus des têtes étonnées de leurs peuples interdits. – De nouveaux dieux surgissent des brumes colorées de l’Orient… Mélusine s’adresse à Merlin l’enchanteur et le retient dans un palais splendide que les Ondines ont bâti sur les bords du Rhin. Cependant les douze pairs qui ont marché à la conquête du Saint-Graal l’appellent à leur secours du fond des déserts de Syrie. Ce n’est qu’au son plaintif du cor de Roland que Merlin s’arrache aux enchantemens de la Fée. Pendant ce temps Viviane tient Charlemagne captif aux bords du lac d’Aix-la-Chapelle. Le vieil empereur ne s’arrach se réveillera plus. Captif comme Barberousse et Richard, il laissera se démembrer son vaste empire dont Lothaire dispute à ses frères le plus précieux lambeau.

[ Fragment, coll. particulière, partie supérieure du feuillet, Richer 27, 12 lignes, 65x140 mm ]

6

Ce fut alors que j’eus un rêve singulier. – Je vis se dérouler comme un immense tableau mouvant la généalogie des rois et des Empereurs français, – puis le tronc féodal s’écroula baigné de sang. Je suicis dans tous les pays de la terre les traces de la prédication de l’évangile. Partout en Afrique, en Asie et en Europe, il semblait qu’une vigne immense étendît ses surgeons autour de la terre. Les dernières pousses s’arrêtèrent au pays d’Elizabeth de Hongrie. Ça et là d’immenses ossuaires étaient construits avec les ossemens des martyrs. Gengis Kan, Tamerlan et les empereurs de Rome en avaient couvert le monde. Je criai longtems, invoquant ma mère sous tous les noms donnés aux divinités antiques –

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