TEXTES
1824, Poésies diverses (manuscrit autographe)
1824, L’Enterrement de la Quotidienne (manuscrit autographe)
1824, Poésies et poèmes (manuscrit autographe)
1825, « Pour la biographie des biographes » (manuscrit autographe)
15 février 1826 (BF), Napoléon et la France guerrière, chez Ladvocat
6 mai 1826 (BF), Complainte sur l’immortalité de M. Briffaut, par Cadet Roussel, chez Touquet
6 mai 1826 (BF), Monsieur Dentscourt ou le Cuisinier d’un grand homme, chez Touquet
20 mai 1826 (BF), Les Hauts faits des Jésuites, par Beuglant, chez Touquet
12 août 1826 (BF), Épître à M. de Villèle (Mercure de France du XIXe siècle)
11 novembre 1826 (BF), Napoléon et Talma, chez Touquet
13 et 30 décembre 1826 (BF), L’Académie ou les membres introuvables, par Gérard, chez Touquet
16 mai 1827 (BF), Élégies nationales et Satires politiques, par Gérard, chez Touquet
29 juin 1827, La dernière scène de Faust (Mercure de France au XIXe siècle)
28 novembre 1827 (BF), Faust, tragédie de Goëthe, 1828, chez Dondey-Dupré
15 décembre 1827, A Auguste H…Y (Almanach des muses pour 1828)
1828? Faust (manuscrit autographe)
1828? Le Nouveau genre (manuscrit autographe)
mai 1829, Lénore. Ballade allemande imitée de Bürger (La Psyché)
août 1829, Le Plongeur. Ballade, (La Psyché)
octobre 1829, A Schmied. Ode de Klopstock (La Psyché)
24 octobre 1829, Robert et Clairette. Ballade allemande de Tiedge (Mercure de France au XIXe siècle)
21 novembre 1829, Chant de l’épée. Traduit de Korner (Mercure de France au XIXe siècle)
19 décembre 1829, Lénore. Traduction littérale de Bürger (Mercure de France au XIXe siècle)
janvier 1830, La Lénore de Bürger, nouvelle traduction littérale (La Psyché)
16 janvier 1830, Ma Patrie, de Klopstock (Mercure de France au XIXe siècle)
23 janvier 1830, Légende, par Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)
6 février (BF) Poésies allemandes, Klopstock, Goethe, Schiller, Burger (Bibliothèque choisie)
13 février 1830, Les Papillons (Mercure de France au XIXe siècle)
13 février 1830, Appel, par Koerner (1813) (Mercure de France au XIXe siècle)
13 mars 1830, L’Ombre de Koerner, par Uhland, 1816 (Mercure de France au XIXe siècle)
27 mars 1830, La Nuit du Nouvel an d’un malheureux, de Jean-Paul Richter (La Tribune romantique)
29 avril 1830, La Pipe, chanson traduite de l’allemand, de Pfeffel (La Tribune romantique)
13 mai 1830 Le Cabaret de la mère Saguet (Le Gastronome)
mai 1830, M. Jay et les pointus littéraires (La Tribune romantique)
juillet ? 1830, Récit des journées des 27-29 juillet (manuscrit autographe)
14 août 1830, Le Peuple (Mercure de France au XIXe siècle)
11 décembre 1830, A Victor Hugo. Les Doctrinaires (Almanach des muses pour 1831)
29 décembre 1830, La Malade (Le Cabinet de lecture )
29 janvier 1831, Odelette, Le Vingt-cinq mars (Almanach dédié aux demoiselles)
14 mars 1831, En avant, marche! (Cabinet de lecture)
23 avril 1831, Bardit, traduit du haut-allemand (Mercure de France au XIXe siècle)
7 mai 1831, Profession de foi (Mercure de France au XIXe siècle)
25 juin et 9 juillet 1831, Nicolas Flamel, drame-chronique (Mercure de France au XIXe siècle)
4 décembre 1831, Cour de prison, Le Soleil et la gloire (Le Cabinet de lecture)
17 décembre 1831, Fantaisie, odelette (Annales romantiques pour 1832)
24 septembre 1832, La Main de gloire, histoire macaronique (Le Cabinet de lecture)
14 décembre 1834, Odelettes (Annales romantiques pour 1835)
1835-1838 ? Lettres d’amour (manuscrits autographes)
26 mars et 20 juin 1836, De l’Aristocratie en France (Le Carrousel)
20 et 26 mars 1837, De l’avenir de la tragédie (La Charte de 1830)
12 août 1838, Les Bayadères à Paris (Le Messager)
18 septembre 1838, A M. B*** (Le Messager)
2 octobre 1838, La ville de Strasbourg. A M. B****** (Le Messager)
26 octobre 1838, Lettre de voyage. Bade (Le Messager)
31 octobre 1838, Lettre de voyage. Lichtenthal (Le Messager)
24 novembre 1838, Léo Burckart (manuscrit remis à la censure)
25, 26 et 28 juin 1839, Le Fort de Bitche. Souvenir de la Révolution française (Le Messager)
13 juillet 1839 (BF) Léo Burckart, chez Barba et Desessart
19 juillet 1839, « Le Mort-vivant », drame de M. de Chavagneux (La Presse)
15 et 16-17 août 1839, Les Deux rendez-vous, intermède (La Presse)
17 et 18 septembre 1839, Biographie singulière de Raoul Spifamme, seigneur des Granges (La Presse)
28 janvier 1840, Lettre de voyage I (La Presse)
25 février 1840, Le Magnétiseur
5 mars 1840, Lettre de voyage II (La Presse)
8 mars 1840, Lettre sur Vienne (L’Artiste)
26 mars 1840, Lettre de voyage III (La Presse)
28 juin 1840, Lettre de voyage IV, Un jour à Munich (La Presse)
18 juillet 1840 (BF) Faust de Goëthe suivi du second Faust, chez Gosselin
26 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort I (La Presse)
29 juillet, 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort II (La Presse)
30 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort III (La Presse)
11 février 1841, Une Journée à Liège (La Presse)
18 février 1841, L’Hiver à Bruxelles (La Presse)
1841 ? Première version d’Aurélia (feuillets autographes)
février-mars 1841, Lettre à Muffe, (sonnets, manuscrit autographe)
1841 ? La Tête armée (manuscrit autographe)
mars 1841, Généalogie dite fantastique (manuscrit autographe)
1er mars 1841, Jules Janin, Gérard de Nerval (Journal des Débats)
5 mars 1841, Lettre à Edmond Leclerc
7 mars 1841, Les Amours de Vienne (Revue de Paris)
31 mars 1841, Lettre à Auguste Cavé
11 avril 1841, Mémoires d’un Parisien. Sainte-Pélagie en 1832 (L’Artiste)
9 novembre 1841, Lettre à Ida Ferrier-Dumas
novembre? 1841, Lettre à Victor Loubens
10 juillet 1842, Les Vieilles ballades françaises (La Sylphide)
15 octobre 1842, Rêverie de Charles VI (La Sylphide)
24 décembre 1842, Un Roman à faire (La Sylphide)
19 et 26 mars 1843, Jemmy O’Dougherty (La Sylphide)
11 février 1844, Une Journée en Grèce (L’Artiste)
10 mars 1844, Le Roman tragique (L’Artiste)
17 mars 1844, Le Boulevard du Temple, 1re livraison (L’Artiste)
31 mars 1844, Le Christ aux oliviers (L’Artiste)
5 mai 1844, Le Boulevard du Temple 2e livraison (L’Artiste)
12 mai 1844, Le Boulevard du Temple, 3e livraison (L’Artiste)
2 juin 1844, Paradoxe et Vérité (L’Artiste)
30 juin 1844, Voyage à Cythère (L’Artiste)
28 juillet 1844, Une Lithographie mystique (L’Artiste)
11 août 1844, Voyage à Cythère III et IV (L’Artiste)
15 septembre, Diorama (L’Artiste-Revue de Paris)
29 septembre 1844, Pantaloon Stoomwerktuimaker (L’Artiste)
20 octobre 1844, Les Délices de la Hollande I (La Sylphide)
8 décembre 1844, Les Délices de la Hollande II (La Sylphide)
16 mars 1845, Pensée antique (L’Artiste)
19 avril 1845 (BF), Le Diable amoureux par J. Cazotte, préface de Nerval, chez Ganivet
1er juin 1845, Souvenirs de l’Archipel. Cérigo (L’Artiste-Revue de Paris)
6 juillet 1845, L’Illusion (L’Artiste-Revue de Paris)
5 octobre 1845, Strasbourg (L’Artiste-Revue de Paris)
novembre-décembre 1845, Le Temple d’Isis. Souvenir de Pompéi (La Phalange)
28 décembre 1845, Vers dorés (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste I (L’Artiste-Revue de Paris)
15 mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste II (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mai 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne (Revue des Deux Mondes)
17 mai 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste III (L’Artiste-Revue de Paris)
12 juillet 1846 Sensations d’un voyageur enthousiaste IV (L’Artiste-Revue de Paris)
16 août 1846, Un Tour dans le Nord. Angleterre et Flandre (L’Artiste-Revue de Paris)
30 août 1846, De Ramsgate à Anvers (L’Artiste-Revue de Paris)
20 septembre 1846, Une Nuit à Londres (L’Artiste-Revue de Paris)
1er novembre 1846, Un Tour dans le Nord III (L’Artiste-Revue de Paris)
22 novembre 1846, Un Tour dans le Nord IV (L’Artiste-Revue de Paris)
15 décembre 1846, Scènes de la vie égyptienne moderne. La Cange du Nil (Revue des Deux Mondes)
1847, Scénario des deux premiers actes des Monténégrins
15 février 1847, La Santa-Barbara. Scènes de la vie orientale (Revue des Deux Mondes)
15 mai 1847, Les Maronites. Un Prince du Liban (Revue des Deux Mondes)
15 août 1847, Les Druses (Revue des Deux Mondes)
17 octobre 1847, Les Akkals (Revue des Deux Mondes)
21 novembre 1847, Souvenirs de l’Archipel. Les Moulins de Syra (L’Artiste-Revue de Paris)
15 juillet 1848, Les Poésies de Henri Heine (Revue des Deux Mondes)
15 septembre 1848, Les Poésies de Henri Heine, L’Intermezzo (Revue des Deux Mondes)
1er-27 mars 1849, Le Marquis de Fayolle, 1re partie (Le Temps)
26 avril 16 mai 1849, Le Marquis de Fayolle, 2e partie (Le Temps)
6 octobre 1849, Le Diable rouge (Almanach cabalistique pour 1850)
7 mars-19 avril 1850, Les Nuits du Ramazan (Le National)
15 août 1850, Les Confidences de Nicolas, 1re livraison (Revue des Deux Mondes)
26 août 1850, Le Faust du Gymnase (La Presse)
1er septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 2e livraison (Revue des Deux Mondes)
9 septembre 1850, Excursion rhénane (La Presse)
15 septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 3e livraison (Revue des Deux Mondes)
18 et 19 septembre 1850, Les Fêtes de Weimar (La Presse)
1er octobre 1850, Goethe et Herder (L’Artiste-Revue de Paris)
24 octobre-22 décembre 1850, Les Faux-Saulniers (Le National)
29 décembre 1850, Les Livres d’enfants, La Reine des poissons (Le National)
novembre 1851, Quintus Aucler (Revue de Paris)
24 janvier 1852 (BF), L’Imagier de Harlem, Librairie théâtrale
15 juin 1852, Les Fêtes de mai en Hollande (Revue des Deux Mondes)
1er juillet 1852, La Bohême galante I (L’Artiste)
15 juillet 1852, La Bohême galante II (L’Artiste)
1er août 1852, La Bohême galante III (L’Artiste)
15 août 1852, La Bohême galante IV (L’Artiste)
21 août 1852 (BF), Lorely. Souvenirs d’Allemagne, chez Giraud et Dagneau (Préface à Jules Janin)
1er septembre 1852, La Bohême galante V (L’Artiste)
15 septembre 1852, La Bohême galante VI (L’Artiste)
1er octobre 1852, La Bohême galante VII (L’Artiste)
9 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 1re livraison (L’Illustration)
15 octobre 1852, La Bohême galante VIII (L’Artiste)
23 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 2e livraison (L’Illustration)
30 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 3e livraison (L’Illustration)
1er novembre 1852, La Bohême galante IX (L’Artiste)
6 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 4e livraison (L’Illustration)
13 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 5e livraison (L’Illustration)
15 novembre 1852, La Bohême galante X (L’Artiste)
20 novembre 1852, Les Illuminés, chez Victor Lecou (« La Bibliothèque de mon oncle »)
1er décembre 1852, La Bohême galante XI (L’Artiste)
15 décembre 1852, La Bohême galante XII (L’Artiste)
1er janvier 1853 (BF), Petits Châteaux de Bohême. Prose et Poésie, chez Eugène Didier
15 août 1853, Sylvie. Souvenirs du Valois (Revue des Deux Mondes)
14 novembre 1853, Lettre à Alexandre Dumas
25 novembre 1853-octobre 1854, Lettres à Émile Blanche
10 décembre 1853, Alexandre Dumas, Causerie avec mes lecteurs (Le Mousquetaire)
17 décembre 1853, Octavie (Le Mousquetaire)
1853-1854, Le Comte de Saint-Germain (manuscrit autographe)
28 janvier 1854 (BF) Les Filles du feu, préface, Les Chimères, chez Daniel Giraud
31 octobre 1854, Pandora (Le Mousquetaire)
25 novembre 1854, Pandora, épreuves du Mousquetaire
Pandora, texte reconstitué par Jean Guillaume en 1968
Pandora, texte reconstitué par Jean Senelier en 1975
30 décembre 1854, Promenades et Souvenirs, 1re livraison (L’Illustration)
1854 ? Sydonie (manuscrit autographe)
1854? Emerance (manuscrit autographe)
1854? Promenades et Souvenirs (manuscrit autographe)
janvier 1855, Oeuvres complètes (manuscrit autographe)
1er janvier 1855, Aurélia ou le Rêve et la Vie (Revue de Paris)
6 janvier 1855, Promenades et Souvenirs, 2e livraison (L’Illustration)
3 février 1855, Promenades et Souvenirs, 3e livraison (L’Illustration)
15 février 1855, Aurélia ou Le Rêve et la Vie, seconde partie (Revue de Paris)
15 mars 1855, Desiderata (Revue de Paris)
1866, La Forêt noire, scénario
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BF: annonce dans la Bibliographie de la France
Manuscrit autographe: manuscrit non publié du vivant de Nerval
25 février 1840, Lettre adressée par Nerval à Henri de Saint-Georges.
Nerval est à Vienne, reçu désormais dans la brillante société de l’ambassade de France, mais il n’oublie pas pour autant ses projets dramaturgiques, notamment en collaboration avec le librettiste Henri de Saint-Georges, à qui il propose le scénario d’une adaptation de deux contes d’Hoffmann, Le Magnétiseur et Les Élixirs du diable, où le drame mêle le fantastique hoffmannien et la féerie. Médard, moine défroqué amoureux d’Aurélie, fille du comte Aldini, exerce un pouvoir magnétique sur la jeune fille. Au cours d’une séance de prestidigitation pendant laquelle il donne aux spectateurs l’illusion d’avoir animé une tapisserie, il revoit Maurice, le fiancé d’Aurélie qu’il croyait avoir tué. Médard, dont la naissance a toujours été mystérieuse, se révélera être finalement le fils naturel du comte Aldini et retournera à la vie monacale.
On aura noté ici le prénom de l’héroïne, Aurélie, et la première occurrence du thème de la naissance illégitime en la personne du moine Médard, thème qui deviendra récurrent chez Nerval.
Voir la notice UN HIVER À VIENNE.
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Vienne, ce 25 février.
Mon cher Monsieur,
Je pense que vous avez reçu un petit mot que je vous ai adressé en arrivant à Vienne. Maintenant je vais revenir et je serai à Paris avant un mois. Je ne sais si vous vous serez occupé de notre sujet si négligé, si traîné, si refait du Magnétiseur, mais il faut bien qu’il ait la vie dure puisque nous y revenons toujours. La dernière fois que nous en avons parlé, vous m’aviez tellement démoli mon pauvre scénario que j’avais compris fort bien que vous aviez raison, mais la chose ne s’était pas refaite poétiquement dans ma tête de manière à en sentir l’exécution. Il m’est arrivé de rencontrer ici à l’ambassade et dans la société un consul de Prusse qui est magnétiseur et produit un grand effet sur les dames : cela m’a remis la chose en tête. Je vous écris là-dessus d’affreuses pattes de mouches que vous ferez bien de faire recopier avant de les lire, mais j’envoie une telle masse de lettres par l’ambassade que j’ai besoin de serrer beaucoup. Vous me trouverez peut-être un peu paresseux. Je vous jure que ce n’est pas négligence, mais incertitude du résultat [...]
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Une copie de ce projet de scénario, probablement celle que fit faire Saint-Georges, comme le lui suggère Nerval, se trouve conservée dans le fonds Lovenjoul de la Bibliothèque de l’Institut (D 746, fol. 67-70) :
[fol.67] Là il est naturel qu’il [il s’agit de Médard] inspire à beaucoup de gens une sorte de méfiance et de terreur. Le frère portier, devenu son valet, y contribue un peu par ses aveux ou par sa maladresse. Il y a au palais nombreuse compagnie. Les uns ont connu son père, d’autres se rappellent l’avoir vu comme moine, d’autres comme militaire — enfin on le regarde comme un personnage bizarre. Ce qui le maintient surtout c’est l’amitié du Duc, le bien qu’il a fait dans le pays en sauvant miraculeusement plusieurs personnes, et l’espèce d’attachement ou plutôt de dévouement incompréhensible d’Aurélie. Maintenant, en admettant qu’il ait une explication particulière avec son valet, on apprendra qu’il a en effet fait la guerre avec les Français et que sa seule pensée a été pendant une bataille de rencontrer son rival Maurice et de le combattre. En effet, dans la mêlée, il est parvenu à s’approcher de Maurice, reconnaissable à son costume de colonel, et lui a porté une blessure mortelle ; depuis il a été mis au nombre des morts, et bien que la pensée de cette sorte de meurtre ou de combat ait laissé une grande impression dans l’esprit de Médard, il s’est hâté après la guerre de s’introduire chez le Duc, comme nous avons vu.
Il importe donc que là, sa physionomie soit bien marquée, sa position mystérieuse bien établie, et qu’on sente dans son imprudence à développer les secrets qu’il a appris de son père le besoin de se faire valoir et de frapper l’imagination.
Toutefois, il n’a pas demandé la main d’Aurélie, puisqu’il lui serait impossible de prouver sa naissance légitime, et d’ailleurs veut-il bien l’épouser ? Le voilà donc au milieu de toute cette société aristocratique dont il a pris vite les manières, regardé comme un des chefs de l’Illuminisme, si répandu alors, et repoussant d’ailleurs par les explications de la science tout ce qu’on peut penser de mal de sa sorcellerie. Ainsi il s’approche de la table de jeu, il gagne toujours, on peut ajouter quelque autre détail du même genre ; on lui demande un prodige que tout le monde éprouve et puisse croire : « Voulez-vous voir s’animer le personnage de cette tapisserie — Soit. » — On s’assied, il fait quelques mouvements de bras, les bougies s’éteignent, une ombre passe sur la tapisserie de la salle, qui représente des bergers de l’ancien temps qui dansent [fol.68] d’un côté, et de l’autre des paysans qui font les vendanges — Alors la vieille tapisserie s’illumine, les personnages se meuvent et chantent des paroles en vieux langage accompagnés d’une musique du temps — le prestige est complet et tout le monde regarde en silence, lorsque la porte du fond s’ouvre avec bruit — un domestique annonce le colonel Maurice, et l’émotion de tous est portée à son comble, pendant que Médard s’effraie lui-même devant un nouveau prodige qu’il n’attendait pas.
J’interromps l’analyse pour vous demander votre avis sur la scène et sur la manière dont l’action s’y rattache, au moins pour la dénouer. Comme exécution scénique, vous comprenez que rien n’est plus aisé. Les deux scènes sont peintes sur les panneaux de la toile de fond, puis on fait la nuit, un voile couvre doucement les peintures et en se relevant laisse voir au fond la même scène représentée par les figurants immobiles un instant, puis se mouvant selon le tableau et chantant les chœurs en style d’ancienne musique. Je crois que cela peut être fort joli. Vous me direz que c’est plus de l’opéra que de l’opéra-comique, mais nous avons un tableau analogue dans Zémire et Azor, que du reste on se rappellera, et finalement j’ai voulu réaliser cette vieille ballade que vous connaissez sans doute de la Tapisserie enchantée, dont les personnages s’animaient à un certain anniversaire. Ensuite comme vraisemblance dans notre action, je voudrais que cela tînt la place des célèbres illusions du baquet de Mesmer, où toutes les personnes magnétisées ensemble avaient la même vision à la fois.
Croyez bien que dans une pièce intitulée le Magnétiseur, on nous demandera tous les grands effets du magnétisme. Du moins ceux dont la réalisation semble possible. Je comprends qu’il ait mieux valu encore que le tableau représenté ait un rapport avec l’action même, mais je n’ai pas vu les moyens, ce serait toute une autre affaire, une apparition, une fantasmagorie il n’y faut pas songer, ce ne sera d’ailleurs qu’un intermède fort court interrompu avec effet par le retour de Maurice. Ensuite encore, il peut entièrement se supprimer, mais alors tout notre magnétisme se réduira à l’effet produit par Médard sur Aurélie — Pensez bien à tout cela : [fol.69] maintenant, voilà tout le monde étourdi de revoir l’ancien fiancé qu’on croyait mort. Comment ses lettres ne sont-elles pas parvenues ? Cela se rapporte à l’industrie de son rival, ou à un motif quelconque à trouver. Ne peut-il pas être ramené justement par le vieux comte Aldini qui l’aura sauvé, qui retrouve là son fils, qui s’effraye de ce qui se passe dans cette maison ? Enfin tout s’explique, tout le monde est forcé de faire bonne contenance. Maurice reconnaît dans Médard celui qui l’a frappé dans la mêlée, et, loin de lui en vouloir, il lui offre la main comme à un brave, et ne se doute nullement de ses intentions précédentes. Voilà l’acte à peu près. Il y a nécessairement un soin à prendre pour faire comprendre et saillir le caractère d’Aurélie, comment l’entraînement qu’elle semble avoir pour Médard est d’une nature toute particulière — Comment au retour de Maurice elle s’élance dans ses bras, comme trouvant un sauveur, comment enfin le prestige n’existe pour elle que dans l’œil du magnétiseur. C’est, du reste, ce qui doit se sentir plus encore au 3e acte. On a déjà vu de ces doubles amours dans les pièces de folles, mais ici je crois qu’il est aisé de trouver une nuance originale.
Rappelons-nous sommairement le troisième acte qui n’offre plus de changement. Médard, sachant qu’il ne sera plus maître qu’à de rares instants de la volonté d’Aurélie, songe à l’enlever dans la nuit. Il fait préparer une barque par son valet, lequel a été très effrayé du retour de Maurice et le prend pour un revenant ou pour un vampire. Il n’est pas beaucoup plus rassuré sur son maître et voudrait bien être encore frère portier. Près de l’escalier d’Aurélie, Médard est rencontré par Maurice.
Ce dernier veut se battre, Médard lui dit qu’il ne veut pas recommencer à le tuer et va lui donner la preuve qu’il lui a tout à fait succédé dans le cœur d’Aurélie. Ici la scène de fascination, l’enlèvement, l’éveil donné à toute la maison, soit par Maurice au désespoir, soit par une imprudence du valet. Médard forcé [fol.70] d’épouser Aurélie pour réparer son honneur. Position d’Aurélie, qui s’aperçoit qu’elle ne l’aime pas, et qui pourtant ne peut pas nier qu’elle lui ait donné un droit sur elle. Mariage qui se prépare. Intervention du vieux comte Aldini, qui s’est aperçu qu’Aurélie est justement la fille de la même femme qu’il a séduite et qui est aussi la mère de Médard. Scène d’Aldini et de Médard. Retour de ce dernier à ses habits de moine. Union de Maurice et d’Aurélie. Vous vous rappelez toutes ces scènes et j’en faiblirais le souvenir en les détaillant davantage. Voilà donc nos trois actes bien complets et bien réguliers. S’il n’y a pas de quoi émerveiller les gens, je ne sais pas ce qu’il faudra leur trouver. Je comprends maintenant l’exécution sur cette donnée et n’attends que vos conseils pour rendre en détail telle partie qu’il vous plaira.
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GÉRARD DE NERVAL - SYLVIE LÉCUYER tous droits réservés @
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