17 décembre 1831 — Odelettes : La Malade, Le Soleil et la gloire, Nobles et valets, Le Réveil en voiture, Le Relais, Une Allée du Luxembourg, Notre-Dame de Paris, dans l’Almanach des Muses 1832, p. 73-78, signé Gérard.

La Malade a déjà été publiée en décembre 1830 dans le Cabinet de lecture, signé Gérard ; Le Soleil et le gloire a été publié le 4 décembre 1831, également dans le Cabinet de lecture, avec Cour de prison, tous deux signés Gérard.

Rêves universels de poètes : la rencontre fugitive d’une silhouette féminine, dans Une Allée du Luxembourg, suggère la même nostalgie qu’éprouve Baudelaire, dans A une passante : « Oh toi que j’eusse aimée... ». La rêverie sur Notre-Dame fait écho au roman que Victor vient de publier en mars 1831. Et ne voit-on pas les prémices des clochers de Martinville de La recherche du temps perdu dans Le Réveil en voiture ? Nerval, comme le fera Proust, inverse le jeu de la cinétique : c’est le paysage, arbres et clochers, qui bougent sous l’œil du voyageur qui se ressent comme immobile dans la voiture de poste.

Voir la notice LA CAMARADERIE DU PETIT CÉNACLE.

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LA MALADE.

[Déjà publié en décembre 1830 dans le Cabinet de Lecture]

 

LE SOLEIL ET LA GLOIRE.

[Déjà publié le 4 décembre 1831 dans le Cabinet de Lecture]

 

NOBLES ET VALETS.

Ces nobles d’autrefois dont parlent les romans,
Ces preux à fronts de bœuf, à figures dantesques,
Dont les corps charpentés d’ossemens gigantesques
Semblaient avoir au sol racine et fondemens ;
 
S’ils revenaient au monde et s’il leur prît l’idée
De voir les héritiers de leurs noms immortels,
Race de Laridons, encombrant les hôtels
Des ministres, — rampante, avide et dégradée ;
 
Êtres grêles, à buscs, plastrons et faux mollets : —
Certes ils comprendraient alors, ces nobles hommes,
Que, depuis les vieux temps, au sang des gentilshommes
Leurs filles ont mêlé bien du sang de valets !

 

LE RÉVEIL EN VOITURE.

Voici ce que je vis : — Les arbres sur ma route
Fuyaient mêlés, ainsi qu’un armée en déroute ;
Et sous moi, comme ému par les vents soulevés,
Le sol roulait des flots de glèbe et de pavés.
 
Des clochers conduisaient parmi les plaines vertes
Leurs hameaux aux maisons de plâtre, recouvertes
En tuiles, qui trottaient ainsi que des troupeaux
De moutons blancs, marqués en rouge sur le dos.
 
Et les monts enivrés chancelaient : la rivière
Comme un serpent boa, sur la vallée entière
Étendu, s’élançait pour les entortiller...
— J’étais en poste, moi, venant de m’éveiller !

 

LE RELAI. (sic)

En voyage, on s’arrête, on descend de voiture ;
Puis entre deux maisons on passe à l’aventure,
Des chevaux, de la route et des fouets étourdi,
L’œil fatigué de voir et le corps engourdi.
 
Et voici tout-à-coup, silencieuse et verte,
Une vallée humide et de lilas couverte,
Un ruisseau qui murmure entre les peupliers, —
Et la route et le bruit sont bien vite oubliés !
 
On se couche dans l’herbe et l’on s’écoute vivre,
De l’odeur du foin vert à loisir on s’enivre,
Et sans penser à rien on regarde les cieux....
Hélas ! une voix crie : — En voiture, messieurs ! 

 

UNE ALLÉE DU LUXEMBOURG.

Elle a passé, la jeune fille,
Vive et preste comme un oiseau :
A la main une fleur qui brille,
A la bouche un refrain nouveau.
 
C’est peut-être la seule au monde
Dont le cœur au mien répondrait,
Qui venant dans ma nuit profonde
D’un seul regard l’éclaircirait !...
 
Mais non, — ma jeunesse est finie...
Adieu, doux rayon qui m’a lui, —
Parfum, jeune fille harmonie...
Le bonheur passait, — il a fui !

 

NOTRE-DAME DE PARIS.

Notre-Dame est bien vieille ; on la verra peut-être
Enterrer cependant Paris qu’elle a vu naître.
Mais dans quelque mille ans, le Tems fera broncher
Comme un loup fait un bœuf, cette carcasse lourde,
Tordra ses nerfs de fer, et puis d’une dent sourde
Rongera tristement ses vieux os de rocher !
 
Bien des hommes de tous les pays de la terre
Viendront pour contempler cette ruine austère,
Rêveurs, et relisant le livre de Victor.....
— Alors, ils croiront voir la vieille basilique,
Toute ainsi qu’elle était, puissante et magnifique,
Se lever devant eux comme l’ombre d’un mort !

 

[Sur la même page du manuscrit Loliée que Le Réveil en voiture, figure Le Coucher de soleil, non publié par Nerval :] 

 

LE COUCHER DE SOLEIL.

Quand le Soleil du soir parcourt les Tuileries
Et jette l’incendie aux vitres du château,
Je suis la Grande Allée et ses deux pièces d’eau
Tout plongé dans mes rêveries !
 
Et de là, mes amis, c’est un coup d’œil fort beau
De voir, lorsqu’à l’entour la nuit répand son voile
Le coucher du soleil, — riche et mouvant tableau,
Encadré dans l’Arc de l’Étoile !

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