TEXTES
1824, Poésies diverses (manuscrit autographe)
1824, L’Enterrement de la Quotidienne (manuscrit autographe)
1824, Poésies et poèmes (manuscrit autographe)
1825, « Pour la biographie des biographes » (manuscrit autographe)
15 février 1826 (BF), Napoléon et la France guerrière, chez Ladvocat
6 mai 1826 (BF), Complainte sur l’immortalité de M. Briffaut, par Cadet Roussel, chez Touquet
6 mai 1826 (BF), Monsieur Dentscourt ou le Cuisinier d’un grand homme, chez Touquet
20 mai 1826 (BF), Les Hauts faits des Jésuites, par Beuglant, chez Touquet
12 août 1826 (BF), Épître à M. de Villèle (Mercure de France du XIXe siècle)
11 novembre 1826 (BF), Napoléon et Talma, chez Touquet
13 et 30 décembre 1826 (BF), L’Académie ou les membres introuvables, par Gérard, chez Touquet
16 mai 1827 (BF), Élégies nationales et Satires politiques, par Gérard, chez Touquet
29 juin 1827, La dernière scène de Faust (Mercure de France au XIXe siècle)
28 novembre 1827 (BF), Faust, tragédie de Goëthe, 1828, chez Dondey-Dupré
15 décembre 1827, A Auguste H…Y (Almanach des muses pour 1828)
1828? Faust (manuscrit autographe)
1828? Le Nouveau genre (manuscrit autographe)
mai 1829, Lénore. Ballade allemande imitée de Bürger (La Psyché)
août 1829, Le Plongeur. Ballade, (La Psyché)
octobre 1829, A Schmied. Ode de Klopstock (La Psyché)
24 octobre 1829, Robert et Clairette. Ballade allemande de Tiedge (Mercure de France au XIXe siècle)
21 novembre 1829, Chant de l’épée. Traduit de Korner (Mercure de France au XIXe siècle)
19 décembre 1829, Lénore. Traduction littérale de Bürger (Mercure de France au XIXe siècle)
janvier 1830, La Lénore de Bürger, nouvelle traduction littérale (La Psyché)
16 janvier 1830, Ma Patrie, de Klopstock (Mercure de France au XIXe siècle)
23 janvier 1830, Légende, par Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)
6 février (BF) Poésies allemandes, Klopstock, Goethe, Schiller, Burger (Bibliothèque choisie)
13 février 1830, Les Papillons (Mercure de France au XIXe siècle)
13 février 1830, Appel, par Koerner (1813) (Mercure de France au XIXe siècle)
13 mars 1830, L’Ombre de Koerner, par Uhland, 1816 (Mercure de France au XIXe siècle)
27 mars 1830, La Nuit du Nouvel an d’un malheureux, de Jean-Paul Richter (La Tribune romantique)
29 avril 1830, La Pipe, chanson traduite de l’allemand, de Pfeffel (La Tribune romantique)
13 mai 1830 Le Cabaret de la mère Saguet (Le Gastronome)
mai 1830, M. Jay et les pointus littéraires (La Tribune romantique)
juillet ? 1830, Récit des journées des 27-29 juillet (manuscrit autographe)
14 août 1830, Le Peuple (Mercure de France au XIXe siècle)
11 décembre 1830, A Victor Hugo. Les Doctrinaires (Almanach des muses pour 1831)
29 décembre 1830, La Malade (Le Cabinet de lecture )
29 janvier 1831, Odelette, Le Vingt-cinq mars (Almanach dédié aux demoiselles)
14 mars 1831, En avant, marche! (Cabinet de lecture)
23 avril 1831, Bardit, traduit du haut-allemand (Mercure de France au XIXe siècle)
7 mai 1831, Profession de foi (Mercure de France au XIXe siècle)
25 juin et 9 juillet 1831, Nicolas Flamel, drame-chronique (Mercure de France au XIXe siècle)
4 décembre 1831, Cour de prison, Le Soleil et la gloire (Le Cabinet de lecture)
17 décembre 1831, Fantaisie, odelette (Annales romantiques pour 1832)
24 septembre 1832, La Main de gloire, histoire macaronique (Le Cabinet de lecture)
14 décembre 1834, Odelettes (Annales romantiques pour 1835)
1835-1838 ? Lettres d’amour (manuscrits autographes)
26 mars et 20 juin 1836, De l’Aristocratie en France (Le Carrousel)
20 et 26 mars 1837, De l’avenir de la tragédie (La Charte de 1830)
12 août 1838, Les Bayadères à Paris (Le Messager)
18 septembre 1838, A M. B*** (Le Messager)
2 octobre 1838, La ville de Strasbourg. A M. B****** (Le Messager)
26 octobre 1838, Lettre de voyage. Bade (Le Messager)
31 octobre 1838, Lettre de voyage. Lichtenthal (Le Messager)
24 novembre 1838, Léo Burckart (manuscrit remis à la censure)
25, 26 et 28 juin 1839, Le Fort de Bitche. Souvenir de la Révolution française (Le Messager)
13 juillet 1839 (BF) Léo Burckart, chez Barba et Desessart
19 juillet 1839, « Le Mort-vivant », drame de M. de Chavagneux (La Presse)
15 et 16-17 août 1839, Les Deux rendez-vous, intermède (La Presse)
17 et 18 septembre 1839, Biographie singulière de Raoul Spifamme, seigneur des Granges (La Presse)
28 janvier 1840, Lettre de voyage I (La Presse)
25 février 1840, Le Magnétiseur
5 mars 1840, Lettre de voyage II (La Presse)
8 mars 1840, Lettre sur Vienne (L’Artiste)
26 mars 1840, Lettre de voyage III (La Presse)
28 juin 1840, Lettre de voyage IV, Un jour à Munich (La Presse)
18 juillet 1840 (BF) Faust de Goëthe suivi du second Faust, chez Gosselin
26 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort I (La Presse)
29 juillet, 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort II (La Presse)
30 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort III (La Presse)
11 février 1841, Une Journée à Liège (La Presse)
18 février 1841, L’Hiver à Bruxelles (La Presse)
1841 ? Première version d’Aurélia (feuillets autographes)
février-mars 1841, Lettre à Muffe, (sonnets, manuscrit autographe)
1841 ? La Tête armée (manuscrit autographe)
mars 1841, Généalogie dite fantastique (manuscrit autographe)
1er mars 1841, Jules Janin, Gérard de Nerval (Journal des Débats)
5 mars 1841, Lettre à Edmond Leclerc
7 mars 1841, Les Amours de Vienne (Revue de Paris)
31 mars 1841, Lettre à Auguste Cavé
11 avril 1841, Mémoires d’un Parisien. Sainte-Pélagie en 1832 (L’Artiste)
9 novembre 1841, Lettre à Ida Ferrier-Dumas
novembre? 1841, Lettre à Victor Loubens
10 juillet 1842, Les Vieilles ballades françaises (La Sylphide)
15 octobre 1842, Rêverie de Charles VI (La Sylphide)
24 décembre 1842, Un Roman à faire (La Sylphide)
19 et 26 mars 1843, Jemmy O’Dougherty (La Sylphide)
11 février 1844, Une Journée en Grèce (L’Artiste)
10 mars 1844, Le Roman tragique (L’Artiste)
17 mars 1844, Le Boulevard du Temple, 1re livraison (L’Artiste)
31 mars 1844, Le Christ aux oliviers (L’Artiste)
5 mai 1844, Le Boulevard du Temple 2e livraison (L’Artiste)
12 mai 1844, Le Boulevard du Temple, 3e livraison (L’Artiste)
2 juin 1844, Paradoxe et Vérité (L’Artiste)
30 juin 1844, Voyage à Cythère (L’Artiste)
28 juillet 1844, Une Lithographie mystique (L’Artiste)
11 août 1844, Voyage à Cythère III et IV (L’Artiste)
15 septembre, Diorama (L’Artiste-Revue de Paris)
29 septembre 1844, Pantaloon Stoomwerktuimaker (L’Artiste)
20 octobre 1844, Les Délices de la Hollande I (La Sylphide)
8 décembre 1844, Les Délices de la Hollande II (La Sylphide)
16 mars 1845, Pensée antique (L’Artiste)
19 avril 1845 (BF), Le Diable amoureux par J. Cazotte, préface de Nerval, chez Ganivet
1er juin 1845, Souvenirs de l’Archipel. Cérigo (L’Artiste-Revue de Paris)
6 juillet 1845, L’Illusion (L’Artiste-Revue de Paris)
5 octobre 1845, Strasbourg (L’Artiste-Revue de Paris)
novembre-décembre 1845, Le Temple d’Isis. Souvenir de Pompéi (La Phalange)
28 décembre 1845, Vers dorés (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste I (L’Artiste-Revue de Paris)
15 mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste II (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mai 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne (Revue des Deux Mondes)
17 mai 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste III (L’Artiste-Revue de Paris)
12 juillet 1846 Sensations d’un voyageur enthousiaste IV (L’Artiste-Revue de Paris)
16 août 1846, Un Tour dans le Nord. Angleterre et Flandre (L’Artiste-Revue de Paris)
30 août 1846, De Ramsgate à Anvers (L’Artiste-Revue de Paris)
20 septembre 1846, Une Nuit à Londres (L’Artiste-Revue de Paris)
1er novembre 1846, Un Tour dans le Nord III (L’Artiste-Revue de Paris)
22 novembre 1846, Un Tour dans le Nord IV (L’Artiste-Revue de Paris)
15 décembre 1846, Scènes de la vie égyptienne moderne. La Cange du Nil (Revue des Deux Mondes)
1847, Scénario des deux premiers actes des Monténégrins
15 février 1847, La Santa-Barbara. Scènes de la vie orientale (Revue des Deux Mondes)
15 mai 1847, Les Maronites. Un Prince du Liban (Revue des Deux Mondes)
15 août 1847, Les Druses (Revue des Deux Mondes)
17 octobre 1847, Les Akkals (Revue des Deux Mondes)
21 novembre 1847, Souvenirs de l’Archipel. Les Moulins de Syra (L’Artiste-Revue de Paris)
15 juillet 1848, Les Poésies de Henri Heine (Revue des Deux Mondes)
15 septembre 1848, Les Poésies de Henri Heine, L’Intermezzo (Revue des Deux Mondes)
1er-27 mars 1849, Le Marquis de Fayolle, 1re partie (Le Temps)
26 avril 16 mai 1849, Le Marquis de Fayolle, 2e partie (Le Temps)
6 octobre 1849, Le Diable rouge (Almanach cabalistique pour 1850)
7 mars-19 avril 1850, Les Nuits du Ramazan (Le National)
15 août 1850, Les Confidences de Nicolas, 1re livraison (Revue des Deux Mondes)
26 août 1850, Le Faust du Gymnase (La Presse)
1er septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 2e livraison (Revue des Deux Mondes)
9 septembre 1850, Excursion rhénane (La Presse)
15 septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 3e livraison (Revue des Deux Mondes)
18 et 19 septembre 1850, Les Fêtes de Weimar (La Presse)
1er octobre 1850, Goethe et Herder (L’Artiste-Revue de Paris)
24 octobre-22 décembre 1850, Les Faux-Saulniers (Le National)
29 décembre 1850, Les Livres d’enfants, La Reine des poissons (Le National)
novembre 1851, Quintus Aucler (Revue de Paris)
24 janvier 1852 (BF), L’Imagier de Harlem, Librairie théâtrale
15 juin 1852, Les Fêtes de mai en Hollande (Revue des Deux Mondes)
1er juillet 1852, La Bohême galante I (L’Artiste)
15 juillet 1852, La Bohême galante II (L’Artiste)
1er août 1852, La Bohême galante III (L’Artiste)
15 août 1852, La Bohême galante IV (L’Artiste)
21 août 1852 (BF), Lorely. Souvenirs d’Allemagne, chez Giraud et Dagneau (Préface à Jules Janin)
1er septembre 1852, La Bohême galante V (L’Artiste)
15 septembre 1852, La Bohême galante VI (L’Artiste)
1er octobre 1852, La Bohême galante VII (L’Artiste)
9 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 1re livraison (L’Illustration)
15 octobre 1852, La Bohême galante VIII (L’Artiste)
23 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 2e livraison (L’Illustration)
30 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 3e livraison (L’Illustration)
1er novembre 1852, La Bohême galante IX (L’Artiste)
6 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 4e livraison (L’Illustration)
13 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 5e livraison (L’Illustration)
15 novembre 1852, La Bohême galante X (L’Artiste)
20 novembre 1852, Les Illuminés, chez Victor Lecou (« La Bibliothèque de mon oncle »)
1er décembre 1852, La Bohême galante XI (L’Artiste)
15 décembre 1852, La Bohême galante XII (L’Artiste)
1er janvier 1853 (BF), Petits Châteaux de Bohême. Prose et Poésie, chez Eugène Didier
15 août 1853, Sylvie. Souvenirs du Valois (Revue des Deux Mondes)
14 novembre 1853, Lettre à Alexandre Dumas
25 novembre 1853-octobre 1854, Lettres à Émile Blanche
10 décembre 1853, Alexandre Dumas, Causerie avec mes lecteurs (Le Mousquetaire)
17 décembre 1853, Octavie (Le Mousquetaire)
1853-1854, Le Comte de Saint-Germain (manuscrit autographe)
28 janvier 1854 (BF) Les Filles du feu, préface, Les Chimères, chez Daniel Giraud
31 octobre 1854, Pandora (Le Mousquetaire)
25 novembre 1854, Pandora, épreuves du Mousquetaire
Pandora, texte reconstitué par Jean Guillaume en 1968
Pandora, texte reconstitué par Jean Senelier en 1975
30 décembre 1854, Promenades et Souvenirs, 1re livraison (L’Illustration)
1854 ? Sydonie (manuscrit autographe)
1854? Emerance (manuscrit autographe)
1854? Promenades et Souvenirs (manuscrit autographe)
janvier 1855, Oeuvres complètes (manuscrit autographe)
1er janvier 1855, Aurélia ou le Rêve et la Vie (Revue de Paris)
6 janvier 1855, Promenades et Souvenirs, 2e livraison (L’Illustration)
3 février 1855, Promenades et Souvenirs, 3e livraison (L’Illustration)
15 février 1855, Aurélia ou Le Rêve et la Vie, seconde partie (Revue de Paris)
15 mars 1855, Desiderata (Revue de Paris)
1866, La Forêt noire, scénario
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BF: annonce dans la Bibliographie de la France
Manuscrit autographe: manuscrit non publié du vivant de Nerval
Août 1829 — Le Plongeur, ballade, dans La Psyché, 8e vol., 2e année p. 30-39.
À la fin du poème, on peut lire la mention : « Extrait d’une traduction inédite de Schiller par Gérard » et l'annonce de la publication des Poésies allemandes. Cette ballade de Schiller sera en effet reprise en volume, en 1830 dans Poésies allemandes, et en 1840 dans Faust de Goëthe, suivi du second Faust.
Voir la notice LA CAMARADERIE DU PETIT CÉNACLE
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LE PLONGEUR.
Ballade.
« Qui donc, chevalier ou vassal, oserait plonger dans cet abîme ?.... J’y lance une coupe d’or : le gouffre l’a déjà dévorée ; mais celui qui me la rapportera l’aura pour récompense. »
Le roi dit ; et du haut d’un rocher suspendu sur la vaste mer, il a jeté sa coupe dans le gouffre de Charybde : « Est-il un homme de cœur qui veuille s’y précipiter ? »
Les chevaliers, les vassaux qui l’entourent ont entendu ; mais ils se taisent, ils jettent les yeux sur la mer indomptée, et le prix ne tente personne. Le roi répète une troisième fois : « Qui de vous osera donc s’y plonger ? »
Tous encore gardent le silence ; mais voilà qu’un page, à l’air doux et hardi, sort du groupe tremblant des vassaux. Il jette sa ceinture, il ôte son manteau, et tous les hommes et les femmes admirent son courage avec effroi.
Et comme il s’avance sur la pointe du rocher en mesurant l’abîme, Charybde rejette l’onde, un instant dévorée, qui dégorge de sa gueule profonde avec le fracas du tonnerre.
Les vagues bouillonnent, se gonflent, se brisent et grondent, comme travaillées par le feu ; l’écume poudreuse rejaillit jusqu’au ciel, et les flots sur les flots s’entassent, comme si le gouffre ne pouvait s’épuiser, comme si la mer enfantait une mer nouvelle.
Mais enfin sa fureur s’apaise, et parmi la blanche écume apparaît une gueule noire et béante, telle qu’un soupirail de l’enfer ; de nouveau l’onde tourbillonne et s’y replonge en aboyant.
Vite, avant le retour des flots, le jeune homme se recommande à Dieu, et.... l’écho répète un cri d’effroi ! Les vagues l’ont entraîné ; la gueule du monstre semble se refermer mystérieusement sur l’audacieux plongeur.... Il ne reparaît plus.
L’abîme calmé ne rend plus qu’un faible murmure, et mille voix répètent en tremblant : « Adieu, jeune homme au noble cœur ! » Toujours plus sourd, le bruit s’éloigne, et l’on attend encore avec inquiétude, avec frayeur.
— Quand tu y jetterais ta couronne et que tu dirais : « Qui me la rapportera l’aura pour récompense et sera roi.... » Un prix si glorieux ne me tenterait pas. — Âme vivante n’a redit les secrets du gouffre aboyant.
Que de navires entraînés par le tourbillon se sont perdus dans ses profondeurs ! mais il n’a reparu que des mâts et des vergues brisés au-dessus de l’avide tombeau. — Et le bruit des flots résonne plus distinctement, approche, approche, puis éclate.
Les voilà qui bouillonnent, se gonflent, se brisent et grondent, comme travaillés par le feu : l’écume poudreuse rejaillit jusqu’au ciel, et les flots sur les flots s’entassent..... puis, avec le fracas d’un tonnerre lointain, surmontent la gorge profonde.
Mais voyez : du sein des flots noirs, s’élève comme un cygne éblouissant ; bientôt on distingue un bras nu, de blanches épaules qui nagent avec vigueur et persévérance.... C’est lui ! De sa main gauche il élève la coupe, en faisant des signes joyeux.
Et sa poitrine est haletante long-temps et long-temps encore ; enfin, le jeune page salue la lumière du ciel. Un doux murmure vole de bouche en bouche : « Il vit, il nous est rendu ! Le brave jeune homme a triomphé de l’abîme et du tombeau ! »
Et il s’approche, la foule joyeuse l’environne ; il tombe aux pieds du roi, et, en s’agenouillant, lui présente la coupe. Le roi fait venir son aimable fille : elle remplit le vase, jusqu’aux bords, d’un vin écumant, et le page ayant bu s’écrie :
« Vive le roi, long-temps ! — Heureux ceux qui respirent à la douce clarté du ciel ! Le gouffre est un séjour terrible : que l’homme ne tente plus les Dieux et ne cherche plus à voir ce que leur sagesse environna de ténèbres et d’effroi.
« J’étais d’abord entraîné par le courant avec la rapidité de l’éclair, lorsqu’un torrent impétueux sorti du cœur du rocher se précipita sur moi : cette double puissance me fit long-temps tournoyer, comme le buis d’un enfant, et elle était irrésistible.
« Dieu, que j’implorais dans ma détresse, me montra une pointe de rocher qui s’avançait dans l’abîme ; je m’y accrochai d’un mouvement convulsif et j’y échappai à la mort. La coupe était là, suspendue à des branches de corail, qui l’avaient empêché de s’enfoncer à des profondeurs infinies.
« Car, au-dessous de moi, il y avait encore des cavernes sans fond éclairées d’une sorte de lueur rougeâtre, et quoique l’étourdissement eût fermé mon oreille à tous les sons, mon œil aperçut avec effroi une foule de salamandres, de reptiles et de dragons qui s’agitaient d’un mouvement infernal.
« C’était un mélange confus et dégoûtant de raies épineuses, de chiens marins, d’esturgeons monstrueux, et d’effroyables requins, hyènes des mers, dont les grincemens me glaçaient de crainte.
« Et j’étais là suspendu, avec la triste certitude d’être éloigné de tout secours, seul être sensible parmi tant de monstres difformes ; dans une solitude affreuse où nulle voix humaine ne pouvait pénétrer, tout entouré de figures immondes.
« Et je frémis d’y penser.... en les voyant tournoyer autour de moi, il me sembla qu’elles s’avançaient pour me dévorer.... Dans mon effroi, j’abandonnai la branche de corail où j’étais suspendu : au même instant, le gouffre revomissait ses ondes mugissantes ; ce fut mon salut, elles me ramenaient au jour. »
Le roi montra quelque surprise, et dit : « La coupe t’appartient, et j’y joindrai cette bague ornée d’un diamant précieux, si tu tentes encore l’abîme et que tu me rapportes des nouvelles de ce qui se passe dans ses profondeurs les plus reculées ».
A ces mots, la fille du roi, toute émue, le supplie ainsi de sa bouche caressante : « Cessez, mon père, cessez un jeu si cruel ; il a fait pour vous ce que nul autre n’eût osé faire ; si vous ne pouvez mettre un frein aux désirs de votre curiosité, que vos chevaliers surpassent en courage le jeune vassal ! »
Le roi saisit vivement la coupe, et, la rejetant dans le gouffre : « Si tu me la rapportes encore, tu deviendras mon plus noble chevalier, et tu pourras aujourd’hui même donner le baiser de fiançailles à celle qui s’intéresse si vivement à toi. »
Une ardeur divine s’empare de l’âme du page ; dans ses yeux l’audace étincelle : il voit la jeune princesse rougir, pâlir et tomber évanouie ; un si digne prix tente son courage, et il se précipite de la vie à la mort.
La vague rugit et s’enfonce.... Bientôt elle remonte avec le fracas du tonnerre.... Chacun se penche, haletant d’incertitude. Le gouffre engloutit encore et revomit les vagues, qui s’élèvent, retombent et rugissent toujours.... mais sans ramener le plongeur.
Extrait d’une traduction inédite de Schiller par GÉRARD.
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GÉRARD DE NERVAL - SYLVIE LÉCUYER tous droits réservés @
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