TEXTES
1824, Poésies diverses (manuscrit autographe)
1824, L’Enterrement de la Quotidienne (manuscrit autographe)
1824, Poésies et poèmes (manuscrit autographe)
1825, « Pour la biographie des biographes » (manuscrit autographe)
15 février 1826 (BF), Napoléon et la France guerrière, chez Ladvocat
6 mai 1826 (BF), Complainte sur l’immortalité de M. Briffaut, par Cadet Roussel, chez Touquet
6 mai 1826 (BF), Monsieur Dentscourt ou le Cuisinier d’un grand homme, chez Touquet
20 mai 1826 (BF), Les Hauts faits des Jésuites, par Beuglant, chez Touquet
12 août 1826 (BF), Épître à M. de Villèle (Mercure de France du XIXe siècle)
11 novembre 1826 (BF), Napoléon et Talma, chez Touquet
13 et 30 décembre 1826 (BF), L’Académie ou les membres introuvables, par Gérard, chez Touquet
16 mai 1827 (BF), Élégies nationales et Satires politiques, par Gérard, chez Touquet
29 juin 1827, La dernière scène de Faust (Mercure de France au XIXe siècle)
28 novembre 1827 (BF), Faust, tragédie de Goëthe, 1828, chez Dondey-Dupré
15 décembre 1827, A Auguste H…Y (Almanach des muses pour 1828)
1828? Faust (manuscrit autographe)
1828? Le Nouveau genre (manuscrit autographe)
mai 1829, Lénore. Ballade allemande imitée de Bürger (La Psyché)
août 1829, Le Plongeur. Ballade, (La Psyché)
octobre 1829, A Schmied. Ode de Klopstock (La Psyché)
24 octobre 1829, Robert et Clairette. Ballade allemande de Tiedge (Mercure de France au XIXe siècle)
21 novembre 1829, Chant de l’épée. Traduit de Korner (Mercure de France au XIXe siècle)
19 décembre 1829, Lénore. Traduction littérale de Bürger (Mercure de France au XIXe siècle)
janvier 1830, La Lénore de Bürger, nouvelle traduction littérale (La Psyché)
16 janvier 1830, Ma Patrie, de Klopstock (Mercure de France au XIXe siècle)
23 janvier 1830, Légende, par Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)
6 février (BF) Poésies allemandes, Klopstock, Goethe, Schiller, Burger (Bibliothèque choisie)
13 février 1830, Les Papillons (Mercure de France au XIXe siècle)
13 février 1830, Appel, par Koerner (1813) (Mercure de France au XIXe siècle)
13 mars 1830, L’Ombre de Koerner, par Uhland, 1816 (Mercure de France au XIXe siècle)
27 mars 1830, La Nuit du Nouvel an d’un malheureux, de Jean-Paul Richter (La Tribune romantique)
29 avril 1830, La Pipe, chanson traduite de l’allemand, de Pfeffel (La Tribune romantique)
13 mai 1830 Le Cabaret de la mère Saguet (Le Gastronome)
mai 1830, M. Jay et les pointus littéraires (La Tribune romantique)
juillet ? 1830, Récit des journées des 27-29 juillet (manuscrit autographe)
14 août 1830, Le Peuple (Mercure de France au XIXe siècle)
11 décembre 1830, A Victor Hugo. Les Doctrinaires (Almanach des muses pour 1831)
29 décembre 1830, La Malade (Le Cabinet de lecture )
29 janvier 1831, Odelette, Le Vingt-cinq mars (Almanach dédié aux demoiselles)
14 mars 1831, En avant, marche! (Cabinet de lecture)
23 avril 1831, Bardit, traduit du haut-allemand (Mercure de France au XIXe siècle)
7 mai 1831, Profession de foi (Mercure de France au XIXe siècle)
25 juin et 9 juillet 1831, Nicolas Flamel, drame-chronique (Mercure de France au XIXe siècle)
4 décembre 1831, Cour de prison, Le Soleil et la gloire (Le Cabinet de lecture)
17 décembre 1831, Fantaisie, odelette (Annales romantiques pour 1832)
24 septembre 1832, La Main de gloire, histoire macaronique (Le Cabinet de lecture)
14 décembre 1834, Odelettes (Annales romantiques pour 1835)
1835-1838 ? Lettres d’amour (manuscrits autographes)
26 mars et 20 juin 1836, De l’Aristocratie en France (Le Carrousel)
20 et 26 mars 1837, De l’avenir de la tragédie (La Charte de 1830)
12 août 1838, Les Bayadères à Paris (Le Messager)
18 septembre 1838, A M. B*** (Le Messager)
2 octobre 1838, La ville de Strasbourg. A M. B****** (Le Messager)
26 octobre 1838, Lettre de voyage. Bade (Le Messager)
31 octobre 1838, Lettre de voyage. Lichtenthal (Le Messager)
24 novembre 1838, Léo Burckart (manuscrit remis à la censure)
25, 26 et 28 juin 1839, Le Fort de Bitche. Souvenir de la Révolution française (Le Messager)
13 juillet 1839 (BF) Léo Burckart, chez Barba et Desessart
19 juillet 1839, « Le Mort-vivant », drame de M. de Chavagneux (La Presse)
15 et 16-17 août 1839, Les Deux rendez-vous, intermède (La Presse)
17 et 18 septembre 1839, Biographie singulière de Raoul Spifamme, seigneur des Granges (La Presse)
28 janvier 1840, Lettre de voyage I (La Presse)
25 février 1840, Le Magnétiseur
5 mars 1840, Lettre de voyage II (La Presse)
8 mars 1840, Lettre sur Vienne (L’Artiste)
26 mars 1840, Lettre de voyage III (La Presse)
28 juin 1840, Lettre de voyage IV, Un jour à Munich (La Presse)
18 juillet 1840 (BF) Faust de Goëthe suivi du second Faust, chez Gosselin
26 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort I (La Presse)
29 juillet, 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort II (La Presse)
30 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort III (La Presse)
11 février 1841, Une Journée à Liège (La Presse)
18 février 1841, L’Hiver à Bruxelles (La Presse)
1841 ? Première version d’Aurélia (feuillets autographes)
février-mars 1841, Lettre à Muffe, (sonnets, manuscrit autographe)
1841 ? La Tête armée (manuscrit autographe)
mars 1841, Généalogie dite fantastique (manuscrit autographe)
1er mars 1841, Jules Janin, Gérard de Nerval (Journal des Débats)
5 mars 1841, Lettre à Edmond Leclerc
7 mars 1841, Les Amours de Vienne (Revue de Paris)
31 mars 1841, Lettre à Auguste Cavé
11 avril 1841, Mémoires d’un Parisien. Sainte-Pélagie en 1832 (L’Artiste)
9 novembre 1841, Lettre à Ida Ferrier-Dumas
novembre? 1841, Lettre à Victor Loubens
10 juillet 1842, Les Vieilles ballades françaises (La Sylphide)
15 octobre 1842, Rêverie de Charles VI (La Sylphide)
24 décembre 1842, Un Roman à faire (La Sylphide)
19 et 26 mars 1843, Jemmy O’Dougherty (La Sylphide)
11 février 1844, Une Journée en Grèce (L’Artiste)
10 mars 1844, Le Roman tragique (L’Artiste)
17 mars 1844, Le Boulevard du Temple, 1re livraison (L’Artiste)
31 mars 1844, Le Christ aux oliviers (L’Artiste)
5 mai 1844, Le Boulevard du Temple 2e livraison (L’Artiste)
12 mai 1844, Le Boulevard du Temple, 3e livraison (L’Artiste)
2 juin 1844, Paradoxe et Vérité (L’Artiste)
30 juin 1844, Voyage à Cythère (L’Artiste)
28 juillet 1844, Une Lithographie mystique (L’Artiste)
11 août 1844, Voyage à Cythère III et IV (L’Artiste)
15 septembre, Diorama (L’Artiste-Revue de Paris)
29 septembre 1844, Pantaloon Stoomwerktuimaker (L’Artiste)
20 octobre 1844, Les Délices de la Hollande I (La Sylphide)
8 décembre 1844, Les Délices de la Hollande II (La Sylphide)
16 mars 1845, Pensée antique (L’Artiste)
19 avril 1845 (BF), Le Diable amoureux par J. Cazotte, préface de Nerval, chez Ganivet
1er juin 1845, Souvenirs de l’Archipel. Cérigo (L’Artiste-Revue de Paris)
6 juillet 1845, L’Illusion (L’Artiste-Revue de Paris)
5 octobre 1845, Strasbourg (L’Artiste-Revue de Paris)
novembre-décembre 1845, Le Temple d’Isis. Souvenir de Pompéi (La Phalange)
28 décembre 1845, Vers dorés (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste I (L’Artiste-Revue de Paris)
15 mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste II (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mai 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne (Revue des Deux Mondes)
17 mai 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste III (L’Artiste-Revue de Paris)
12 juillet 1846 Sensations d’un voyageur enthousiaste IV (L’Artiste-Revue de Paris)
16 août 1846, Un Tour dans le Nord. Angleterre et Flandre (L’Artiste-Revue de Paris)
30 août 1846, De Ramsgate à Anvers (L’Artiste-Revue de Paris)
20 septembre 1846, Une Nuit à Londres (L’Artiste-Revue de Paris)
1er novembre 1846, Un Tour dans le Nord III (L’Artiste-Revue de Paris)
22 novembre 1846, Un Tour dans le Nord IV (L’Artiste-Revue de Paris)
15 décembre 1846, Scènes de la vie égyptienne moderne. La Cange du Nil (Revue des Deux Mondes)
1847, Scénario des deux premiers actes des Monténégrins
15 février 1847, La Santa-Barbara. Scènes de la vie orientale (Revue des Deux Mondes)
15 mai 1847, Les Maronites. Un Prince du Liban (Revue des Deux Mondes)
15 août 1847, Les Druses (Revue des Deux Mondes)
17 octobre 1847, Les Akkals (Revue des Deux Mondes)
21 novembre 1847, Souvenirs de l’Archipel. Les Moulins de Syra (L’Artiste-Revue de Paris)
15 juillet 1848, Les Poésies de Henri Heine (Revue des Deux Mondes)
15 septembre 1848, Les Poésies de Henri Heine, L’Intermezzo (Revue des Deux Mondes)
1er-27 mars 1849, Le Marquis de Fayolle, 1re partie (Le Temps)
26 avril 16 mai 1849, Le Marquis de Fayolle, 2e partie (Le Temps)
6 octobre 1849, Le Diable rouge (Almanach cabalistique pour 1850)
7 mars-19 avril 1850, Les Nuits du Ramazan (Le National)
15 août 1850, Les Confidences de Nicolas, 1re livraison (Revue des Deux Mondes)
26 août 1850, Le Faust du Gymnase (La Presse)
1er septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 2e livraison (Revue des Deux Mondes)
9 septembre 1850, Excursion rhénane (La Presse)
15 septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 3e livraison (Revue des Deux Mondes)
18 et 19 septembre 1850, Les Fêtes de Weimar (La Presse)
1er octobre 1850, Goethe et Herder (L’Artiste-Revue de Paris)
24 octobre-22 décembre 1850, Les Faux-Saulniers (Le National)
29 décembre 1850, Les Livres d’enfants, La Reine des poissons (Le National)
novembre 1851, Quintus Aucler (Revue de Paris)
24 janvier 1852 (BF), L’Imagier de Harlem, Librairie théâtrale
15 juin 1852, Les Fêtes de mai en Hollande (Revue des Deux Mondes)
1er juillet 1852, La Bohême galante I (L’Artiste)
15 juillet 1852, La Bohême galante II (L’Artiste)
1er août 1852, La Bohême galante III (L’Artiste)
15 août 1852, La Bohême galante IV (L’Artiste)
21 août 1852 (BF), Lorely. Souvenirs d’Allemagne, chez Giraud et Dagneau (Préface à Jules Janin)
1er septembre 1852, La Bohême galante V (L’Artiste)
15 septembre 1852, La Bohême galante VI (L’Artiste)
1er octobre 1852, La Bohême galante VII (L’Artiste)
9 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 1re livraison (L’Illustration)
15 octobre 1852, La Bohême galante VIII (L’Artiste)
23 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 2e livraison (L’Illustration)
30 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 3e livraison (L’Illustration)
1er novembre 1852, La Bohême galante IX (L’Artiste)
6 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 4e livraison (L’Illustration)
13 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 5e livraison (L’Illustration)
15 novembre 1852, La Bohême galante X (L’Artiste)
20 novembre 1852, Les Illuminés, chez Victor Lecou (« La Bibliothèque de mon oncle »)
1er décembre 1852, La Bohême galante XI (L’Artiste)
15 décembre 1852, La Bohême galante XII (L’Artiste)
1er janvier 1853 (BF), Petits Châteaux de Bohême. Prose et Poésie, chez Eugène Didier
15 août 1853, Sylvie. Souvenirs du Valois (Revue des Deux Mondes)
14 novembre 1853, Lettre à Alexandre Dumas
25 novembre 1853-octobre 1854, Lettres à Émile Blanche
10 décembre 1853, Alexandre Dumas, Causerie avec mes lecteurs (Le Mousquetaire)
17 décembre 1853, Octavie (Le Mousquetaire)
1853-1854, Le Comte de Saint-Germain (manuscrit autographe)
28 janvier 1854 (BF) Les Filles du feu, préface, Les Chimères, chez Daniel Giraud
31 octobre 1854, Pandora (Le Mousquetaire)
25 novembre 1854, Pandora, épreuves du Mousquetaire
Pandora, texte reconstitué par Jean Guillaume en 1968
Pandora, texte reconstitué par Jean Senelier en 1975
30 décembre 1854, Promenades et Souvenirs, 1re livraison (L’Illustration)
1854 ? Sydonie (manuscrit autographe)
1854? Emerance (manuscrit autographe)
1854? Promenades et Souvenirs (manuscrit autographe)
janvier 1855, Oeuvres complètes (manuscrit autographe)
1er janvier 1855, Aurélia ou le Rêve et la Vie (Revue de Paris)
6 janvier 1855, Promenades et Souvenirs, 2e livraison (L’Illustration)
3 février 1855, Promenades et Souvenirs, 3e livraison (L’Illustration)
15 février 1855, Aurélia ou Le Rêve et la Vie, seconde partie (Revue de Paris)
15 mars 1855, Desiderata (Revue de Paris)
1866, La Forêt noire, scénario
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BF: annonce dans la Bibliographie de la France
Manuscrit autographe: manuscrit non publié du vivant de Nerval
31 octobre 1854 — Amours de Vienne. Pandora, dans Le Mousquetaire.
Nerval a conçu Pandora comme la suite – tardive – des Amours de Vienne publiées en mars 1841. Les Amours de Vienne qui évoquaient les rencontres sentimentales de Nerval dans la Vienne populaire — la Cathy, Wahbby la Bohême — durant l’hiver 1839-1840, se terminaient par l’annonce des amours du « grand monde ». C’est le sujet de Pandora, dont l’action commence dans le boudoir de Pandora (comprenons Marie Pleyel) la veille de la Saint-Sylvestre et se continuera dans les salons de l’Ambassade de France à Vienne. La publication des Amours de Vienne étant déjà ancienne, Nerval avait demandé à Dumas, directeur du Mousquetaire qui doit publier la nouvelle, de faire figurer un en-tête et le rappel des dernières lignes de la publication de 1841 pour faire le raccord. Dumas oublie, ou feint d’oublier la demande et le texte qui paraît semble un « logogriphe » dont Nerval va se plaindre à Dumas dans une lettre qui figure en tête des épreuves du Mousquetaire aujourd’hui conservées dans le fonds Lovenjoul de la Bibliothèque de l’Institut.
Voir les notices UN HIVER À VIENNE et MANUSCRITS AUTOGRAPHES, UN FRAGMENT DE PANDORA
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AMOURS DE VIENNE.
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PANDORA.
Deux âmes, hélas ! se partageaient mon sein, et chacune d’elles veut se séparer de l’autre : l’une, ardente d’amour, s’attache au monde par le moyen des organes du corps ; un mouvement surnaturel entraîne l’autre loin des ténèbres, vers les hautes demeures de nos aïeux.
Faust.
Vous l’avez tous connue, ô mes amis ! — la belle Pandora du théâtre de Vienne. — Elle vous a laissé sans doute, ainsi qu’à moi-même, de cruels et doux souvenirs ! C’était bien à elle, peut-être, — à elle, en vérité, — que pouvait s’appliquer l’indéchiffrable énigme gravée sur la pierre de Bologne : ÆLIA LÆLIA. — Nec vir, nec mulier, nec androgyna, etc. « Ni homme, ni femme, ni androgyne, ni fille, ni jeune, ni vieille, ni chaste ni folle, ni pudique, mais tout cela ensemble... » Enfin, la Pandora, c’est tout dire, — car je ne veux pas dire tout.
O Vienne, la bien gardée ! rocher d’amour des paladins, — comme disait le vieux Menzel, — tu ne possèdes pas la coupe bénie du Saint-Graal mystique, mais le stock-im-eisen des braves compagnons ! Ta montagne d’aimant attire invinciblement la pointe des épées, — et le Magyar jaloux, le Bohême intrépide, le Lombard généreux mourraient pour te défendre aux pieds divins de Maria-Hilf .
Je n’ai pu moi-même planter le clou symbolique dans le tronc chargé de fer (stock-im-eisen) posé à l’entrée du Graben, à la porte d’un bijoutier, — mais j’ai versé mes plus douces larmes et les plus pures effusions de mon cœur le long des places et des rues, sur les bastions, dans les allées de l’Augarten et sous les bosquets du Prater. J’ai attendri de mes chants d’amour les biches timides et les faisans privés ; j’ai promené mes rêveries sur les rampes gazonnées de Schœnbrunn. J’adorais les pâles statues de ces jardins que couronne la gloriette de Marie-Thérèse, et les chimères du vieux palais m’ont ravi mon cœur pendant que j’admirais leurs yeux divins et que j’espérais m’allaiter à leurs seins de marbre éclatant.
Pardonne-moi d’avoir surpris un regard de tes beaux yeux, auguste archiduchesse, dont j’aimais tant l’image, peinte sur une enseigne de magasin. Tu me rappelais l’autre... rêve de mes jeunes amours, pour qui j’ai si souvent franchi l’espace qui séparait mon toit natal de la ville des Stuarts ! J’allais à pied, traversant plaines et bois, rêvant à la Diane valoise qui protège les Médicis ; et, quand au-dessus des maisons du Pecq et du pavillon d’Henri IV, j’apercevais les tours de brique, cordonnées d’ardoises, alors je traversais la Seine, qui languit et se replie autour de ses îles, et je m’engageais dans les ruines solennelles du vieux château de Saint-Germain. L’aspect ténébreux des hauts portiques, où plane la souris chauve, où fuit le lézard, où bondit le chevreau qui broute les vertes acanthes, me remplissait de joie et d’amour. Puis, quand j’avais gagné le plateau de la montagne, fût-ce à travers le vent et l’orage, quel bonheur encore d’apercevoir au-delà des maisons la côte bleuâtre de Mareil, avec son église où reposent les cendres du vieux seigneur de Monteynard.
Le souvenir de mes belles cousines, ces intrépides chasseresses que je promenais autrefois dans les bois, — belles toutes deux comme les filles de Léda, m’éblouit encore et m’enivre.
Pourtant je n’aimais qu’elle, alors !
Il faisait très-froid à Vienne, le jour de la Saint Sylvestre, et je me plaisais beaucoup dans le boudoir de la Pandora. Une lettre qu’elle faisait semblant d’écrire n’avançait guère, et les délicieuses pattes de mouches de son écriture s’entremêlaient follement avec je ne sais quels arpèges mystérieuses qu’elle tirait par instant des cordes de sa harpe, dont la crosse disparaissait sous les enlacemens d’une sirène dorée. Tout à coup, elle se jeta à mon col et m’embrassa, en disant avec un fou rire :
— Tiens, c’est un petit prêtre ! Il est bien plus amusant que mon baron.
J’allai me rajuster à la glace, car mes cheveux châtains se trouvaient tout défrisés, et je rougis d’humiliation en sentant que je n’étais aimé qu’à cause d’un certain petit air ecclésiastique que me donnait [sic] mon air timide et mon habit noir.
— Pandora, lui dis-je, ne plaisantons pas avec l’amour ni avec la religion, car c’est la même chose, en vérité.
— Mais j’adore les prêtres, dit-elle, laissez-moi mon illusion.
— Pandora, dis-je avec amertume, je ne remettrai plus cet habit noir, et, quand je reviendrai chez vous, je porterai mon habit bleu à boutons dorés, qui me donne l’air cavalier.
— Je ne vous recevrai qu’en habit noir, dit-elle.
Et elle appela sa suivante :
— Roschen !... si monsieur que voilà se présente en habit bleu, vous le mettrez dehors et vous le consignerez à la porte de l’hôtel. — J’en ai bien assez, ajouta-t-elle avec colère, des attachés d’ambassade en bleu avec leurs boutons à couronnes, et des officiers de Sa Majesté impériale, et des magyars avec leurs habits de velours et leurs toques à aigrettes ! Ce petit-là me servira d’abbé. Adieu, l’abbé, c’est convenu, vous viendrez me chercher demain en voiture, et nous irons en partie fine au Prater... mais vous serez en habit noir !
Chacun de ces mots m’entrait au cœur comme une épine. Un rendez-vous, un rendez-vous positif pour le lendemain, premier jour de l’année, et en habit noir encore. Et ce n’était pas tant l’habit noir qui me désespérait, mais ma bourse était vide. — Quelle honte ! vide, hélas ! le propre jour de la saint Sylvestre !... Poussé par un fol espoir, je me hâtai de courir à la poste, pour voir si mon oncle ne m’avait pas adressé une lettre chargée. O bonheur ! on me demande deux florins et l’on me remet une épître qui porte le timbre de France. Un rayon de soleil tombait d’aplomb sur cette lettre insidieuse. Les lignes s’y suivaient impitoyablement sans le moindre croisement de mandat sur la poste ou d’effets de commerce. Elle ne contenait de toute évidence que des maximes de morale et des conseils d’économie.
Je la rendis en feignant prudemment une erreur de gilet, et je frappai avec une surprise affectée des poches qui ne rendaient aucun son métallique ; puis je me précipitai dans les rues populeuses qui entourent Saint-Étienne.
Heureusement, j’avais à Vienne un ami. C’était un garçon fort aimable, un peu fou, comme tous les Allemands, docteur en philosophie, et qui cultivait avec agrément quelques dispositions vagues à l’emploi de ténor léger.
Je savais bien où le trouver, c’est-à-dire chez sa maîtresse, une nommée Rosa, figurante au théâtre de Léopoldstadt ; il lui rendait visite tous les jours de deux à cinq heures. Je traversai rapidement la Rothenthor, je montai le faubourg, et, dès le bas de l’escalier, je distinguai la voix de mon compagnon, qui chantait d’un ton langoureux :
« Einen kuss von rosiger lippe,
Und ich furchte nicht sturm und nicht klippe ! »
Le malheureux s’accompagnait d’une guitare, ce qui n’est pas encore ridicule à Vienne, et se donnait des poses de ménestrel ; je le pris à part en lui confiant ma situation. — Mais tu ne sais pas, me dit-il, que c’est aujourd’hui la Saint-Sylvestre ?... — Oh ! c’est juste, m’écriai-je en voyant sur la cheminée de Rosa une magnifique garniture de vases remplis de fleurs. Alors, je n’ai plus qu’à me percer le cœur, ou à m’en aller faire un tour vers l’île Lobau, là où se trouve la plus forte branche du Danube…
— Attends encore, dit-il en me saisissant le bras.
Nous sortîmes. Il me dit :
— J’ai sauvé ceci des mains de Dalilah... Tiens, voilà deux écus d’Autriche ; ménage-les bien, et tâche de les garder intacts jusqu’à demain, car c’est le grand jour.
Je traversai les glacis couverts de neige, et je rentrai à Leopoldstadt, où je demeurais, chez des blanchisseuses. J’y trouvai une lettre qui me rappelait que je devais participer à une brillante représentation où assisterait une partie de la cour et de la diplomatie. Il s’agissait de jouer des charades. Je pris mon rôle avec humeur, car je ne l’avais guère étudié. La Kathi vint me voir, souriante et parée, bionda grassota, comme toujours, et me dit des choses charmantes dans son patois mélangé de morave et de vénitien. Je ne sais trop quelle fleur elle portait à son corsage, et je voulais l’obtenir de son amitié. Elle me dit d’un ton que je ne lui avais pas connu encore :
— Jamais pour moins de zehn gulden-conventions-mink ! (de dix florins en monnaie de convention).
Je fis semblant de ne pas comprendre. Elle s’en alla furieuse, et me dit qu’elle irait trouver son vieux baron, qui lui donnerait de plus riches étrennes.
Me voilà libre. Je descends le faubourg en étudiant mon rôle, que je tenais à la main. Je rencontrai Wahby la Bohême, qui m’adressa un regard languissant et plein de reproches. Je sentis le besoin d’aller dîner à la Porte-Rouge, et je m’inondai l’estomac d’un tokkaï rouge à trois kreutzers le verre, dont j’arrosai des côtelettes grillées, du wurschell et un entremets d’escargots.
Les boutiques, illuminées, regorgeaient de visiteuses, et mille franfreluches, bamboches et poupées de Nuremberg grimaçaient aux étalages, accompagnées d’un concert enfantin de tambours de basque et de trompettes de fer blanc.
Diable de conseiller intime de sucre-candi ! m’écriai-je en souvenir d’Hoffmann, et je descendis rapidement les degrés usés de la taverne des Chasseurs. On chantait la Revue Nocturne du poète Zedlitz. La grande ombre de l’Empereur planait sur l’assemblée joyeuse, et je fredonnais en moi-même : « O Richard ! » Une fille charmante m’apporta un verre de baierisch-bier, et je n’osai l’embrasser, parce que je songeais au rendez-vous du lendemain.
Je ne pouvais tenir en place. J’échappai à la joie tumultueuse de la taverne, et j’allai prendre mon café au Graben. En traversant la place Saint-Étienne, je fus reconnu par une bonne vieille décrotteuse, qui me cria, selon son habitude : « S.... n.. de D.. ! » seuls mots français qu’elle eût retenu[s] de l’invasion impériale. Cela me fit songer à la représentation du soir, car autrement, je serais allé m’incruster dans quelque stalle du théâtre de la porte de Carinthie, où j’avais l’usage d’admirer beaucoup Mlle Lutzer. Je me fis cirer, car la neige avait fort détérioré ma chaussure.
Une bonne tasse de café me remit en état de me présenter au palais ; les rues étaient pleines de Lombards, de Bohêmes et de Hongrois en costumes. Les diamans, les rubis et les opales étincelaient sur leurs poitrines, et la plupart se dirigeaient vers la Burg, pour aller offrir leurs hommages à la famille impériale.
Je n’osai me mêler à cette foule éclatante ; mais le souvenir chéri de l’autre *** me protégea encore contre les charmes de l’artificieuse Pandora.
GÉRARD DE NERVAL.
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Les épreuves du Mousquetaire pour la deuxième partie de Pandora >>>
GÉRARD DE NERVAL - SYLVIE LÉCUYER tous droits réservés @
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