TEXTES

1824, Poésies diverses (manuscrit autographe)

1824, L’Enterrement de la Quotidienne (manuscrit autographe)

1824, Poésies et poèmes (manuscrit autographe)

1825, « Pour la biographie des biographes » (manuscrit autographe)

15 février 1826 (BF), Napoléon et la France guerrière, chez Ladvocat

19, 22 avril, 14 juin (BF), Complainte sur la mort de haut et puissant seigneur le Droit d’aînesse, chez Touquet

6 mai 1826 (BF), Complainte sur l’immortalité de M. Briffaut, par Cadet Roussel, chez Touquet

6 mai 1826 (BF), Monsieur Dentscourt ou le Cuisinier d’un grand homme, chez Touquet

20 mai 1826 (BF), Les Hauts faits des Jésuites, par Beuglant, chez Touquet

12 août 1826 (BF), Épître à M. de Villèle (Mercure de France du XIXe siècle)

11 novembre 1826 (BF), Napoléon et Talma, chez Touquet

13 et 30 décembre 1826 (BF), L’Académie ou les membres introuvables, par Gérard, chez Touquet

16 mai 1827 (BF), Élégies nationales et Satires politiques, par Gérard, chez Touquet

29 juin 1827, La dernière scène de Faust (Mercure de France au XIXe siècle)

28 novembre 1827 (BF), Faust, tragédie de Goëthe, 1828, chez Dondey-Dupré

15 décembre 1827, A Auguste H…Y (Almanach des muses pour 1828)

1828? Faust (manuscrit autographe)

1828? Le Nouveau genre (manuscrit autographe)

mai 1829, Lénore. Ballade allemande imitée de Bürger (La Psyché)

août 1829, Le Plongeur. Ballade, (La Psyché)

octobre 1829, A Schmied. Ode de Klopstock (La Psyché)

24 octobre 1829, Robert et Clairette. Ballade allemande de Tiedge (Mercure de France au XIXe siècle)

14 novembre 1829, Les Bienfaits de l’enseignement mutuel, Procès verbal de la Loge des Sept-Écossais-réunis, chez Bellemain

21 novembre 1829, Chant de l’épée. Traduit de Korner (Mercure de France au XIXe siècle)

12 décembre 1829, La Mort du Juif errant. Rapsodie lyrique de Schubart (Mercure de France au XIXe siècle)

19 décembre 1829, Lénore. Traduction littérale de Bürger (Mercure de France au XIXe siècle)

2 janvier 1830, La Première nuit du Sabbat. Morceau lyrique de Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)

janvier 1830, La Lénore de Bürger, nouvelle traduction littérale (La Psyché)

16 janvier 1830, Ma Patrie, de Klopstock (Mercure de France au XIXe siècle)

23 janvier 1830, Légende, par Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)

6 février (BF) Poésies allemandes, Klopstock, Goethe, Schiller, Burger (Bibliothèque choisie)

13 février 1830, Les Papillons (Mercure de France au XIXe siècle)

13 février 1830, Appel, par Koerner (1813) (Mercure de France au XIXe siècle)

13 mars 1830, L’Ombre de Koerner, par Uhland, 1816 (Mercure de France au XIXe siècle)

27 mars 1830, La Nuit du Nouvel an d’un malheureux, de Jean-Paul Richter (La Tribune romantique)

10 avril 1830, Le Dieu et la bayadère, nouvelle indienne par Goëthe (Mercure de France au XIXe siècle)

29 avril 1830, La Pipe, chanson traduite de l’allemand, de Pfeffel (La Tribune romantique)

13 mai 1830 Le Cabaret de la mère Saguet (Le Gastronome)

mai 1830, M. Jay et les pointus littéraires (La Tribune romantique)

17 juillet 1830, L’Éclipse de lune. Épisode fantastique par Jean-Paul Richter (Mercure de France au XIXe siècle)

juillet ? 1830, Récit des journées des 27-29 juillet (manuscrit autographe)

14 août 1830, Le Peuple (Mercure de France au XIXe siècle)

30 octobre 1830 (BF), Choix de poésies de Ronsard, Dubellay, Baïf, Belleau, Dubartas, Chassignet, Desportes, Régnier (Bibliothèque choisie)

11 décembre 1830, A Victor Hugo. Les Doctrinaires (Almanach des muses pour 1831)

29 décembre 1830, La Malade (Le Cabinet de lecture )

29 janvier 1831, Odelette, Le Vingt-cinq mars (Almanach dédié aux demoiselles)

14 mars 1831, En avant, marche! (Cabinet de lecture)

23 avril 1831, Bardit, traduit du haut-allemand (Mercure de France au XIXe siècle)

30 avril 1831, Le Bonheur de la maison par Jean-Paul Richter. Maria. Fragment (Mercure de France au XIXe siècle)

7 mai 1831, Profession de foi (Mercure de France au XIXe siècle)

25 juin et 9 juillet 1831, Nicolas Flamel, drame-chronique (Mercure de France au XIXe siècle)

17 et 24 septembre 1831, Les Aventures de la nuit de Saint-Sylvestre. Conte inédit d’Hoffmann (Mercure de France au XIXe siècle)

4 décembre 1831, Cour de prison, Le Soleil et la gloire (Le Cabinet de lecture)

17 décembre 1831, Odelettes. La Malade, Le Soleil et la Gloire, Le Réveil en voiture, Le Relais, Une Allée du Luxembourg, Notre-Dame-de-Paris (Almanach des muses)

17 décembre 1831, Fantaisie, odelette (Annales romantiques pour 1832)

24 septembre 1832, La Main de gloire, histoire macaronique (Le Cabinet de lecture)

14 décembre 1834, Odelettes (Annales romantiques pour 1835)

1835-1838 ? Lettres d’amour (manuscrits autographes)

26 mars et 20 juin 1836, De l’Aristocratie en France (Le Carrousel)

20 et 26 mars 1837, De l’avenir de la tragédie (La Charte de 1830)

12 août 1838, Les Bayadères à Paris (Le Messager)

18 septembre 1838, A M. B*** (Le Messager)

2 octobre 1838, La ville de Strasbourg. A M. B****** (Le Messager)

26 octobre 1838, Lettre de voyage. Bade (Le Messager)

31 octobre 1838, Lettre de voyage. Lichtenthal (Le Messager)

24 novembre 1838, Léo Burckart (manuscrit remis à la censure)

25, 26 et 28 juin 1839, Le Fort de Bitche. Souvenir de la Révolution française (Le Messager)

13 juillet 1839 (BF) Léo Burckart, chez Barba et Desessart

19 juillet 1839, « Le Mort-vivant », drame de M. de Chavagneux (La Presse)

15 et 16-17 août 1839, Les Deux rendez-vous, intermède (La Presse)

17 et 18 septembre 1839, Biographie singulière de Raoul Spifamme, seigneur des Granges (La Presse)

21 et 28 septembre 1839, Lettre VI, A Madame Martin (Lettres aux belles femmes de Paris et de la province)

28 janvier 1840, Lettre de voyage I (La Presse)

25 février 1840, Le Magnétiseur

5 mars 1840, Lettre de voyage II (La Presse)

8 mars 1840, Lettre sur Vienne (L’Artiste)

26 mars 1840, Lettre de voyage III (La Presse)

28 juin 1840, Lettre de voyage IV, Un jour à Munich (La Presse)

18 juillet 1840 (BF) Faust de Goëthe suivi du second Faust, chez Gosselin

26 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort I (La Presse)

29 juillet, 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort II (La Presse)

30 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort III (La Presse)

11 février 1841, Une Journée à Liège (La Presse)

18 février 1841, L’Hiver à Bruxelles (La Presse)

1841 ? Première version d’Aurélia (feuillets autographes)

février-mars 1841, Lettre à Muffe, (sonnets, manuscrit autographe)

1841 ? La Tête armée (manuscrit autographe)

mars 1841, Généalogie dite fantastique (manuscrit autographe)

1er mars 1841, Jules Janin, Gérard de Nerval (Journal des Débats)

5 mars 1841, Lettre à Edmond Leclerc

7 mars 1841, Les Amours de Vienne (Revue de Paris)

31 mars 1841, Lettre à Auguste Cavé

11 avril 1841, Mémoires d’un Parisien. Sainte-Pélagie en 1832 (L’Artiste)

9 novembre 1841, Lettre à Ida Ferrier-Dumas

novembre? 1841, Lettre à Victor Loubens

10 juillet 1842, Les Vieilles ballades françaises (La Sylphide)

15 octobre 1842, Rêverie de Charles VI (La Sylphide)

24 décembre 1842, Un Roman à faire (La Sylphide)

19 et 26 mars 1843, Jemmy O’Dougherty (La Sylphide)

11 février 1844, Une Journée en Grèce (L’Artiste)

10 mars 1844, Le Roman tragique (L’Artiste)

17 mars 1844, Le Boulevard du Temple, 1re livraison (L’Artiste)

31 mars 1844, Le Christ aux oliviers (L’Artiste)

5 mai 1844, Le Boulevard du Temple 2e livraison (L’Artiste)

12 mai 1844, Le Boulevard du Temple, 3e livraison (L’Artiste)

2 juin 1844, Paradoxe et Vérité (L’Artiste)

30 juin 1844, Voyage à Cythère (L’Artiste)

28 juillet 1844, Une Lithographie mystique (L’Artiste)

11 août 1844, Voyage à Cythère III et IV (L’Artiste)

15 septembre, Diorama (L’Artiste-Revue de Paris)

29 septembre 1844, Pantaloon Stoomwerktuimaker (L’Artiste)

20 octobre 1844, Les Délices de la Hollande I (La Sylphide)

8 décembre 1844, Les Délices de la Hollande II (La Sylphide)

16 mars 1845, Pensée antique (L’Artiste)

19 avril 1845 (BF), Le Diable amoureux par J. Cazotte, préface de Nerval, chez Ganivet

1er juin 1845, Souvenirs de l’Archipel. Cérigo (L’Artiste-Revue de Paris)

6 juillet 1845, L’Illusion (L’Artiste-Revue de Paris)

5 octobre 1845, Strasbourg (L’Artiste-Revue de Paris)

novembre-décembre 1845, Le Temple d’Isis. Souvenir de Pompéi (La Phalange)

28 décembre 1845, Vers dorés (L’Artiste-Revue de Paris)

1er mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste I (L’Artiste-Revue de Paris)

15 mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste II (L’Artiste-Revue de Paris)

1er mai 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne (Revue des Deux Mondes)

17 mai 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste III (L’Artiste-Revue de Paris)

1er juillet 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne. Les Esclaves (Revue des Deux Mondes)

12 juillet 1846 Sensations d’un voyageur enthousiaste IV (L’Artiste-Revue de Paris)

16 août 1846, Un Tour dans le Nord. Angleterre et Flandre (L’Artiste-Revue de Paris)

30 août 1846, De Ramsgate à Anvers (L’Artiste-Revue de Paris)

15 septembre 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne. Le Harem (Revue des Deux Mondes)

20 septembre 1846, Une Nuit à Londres (L’Artiste-Revue de Paris)

1er novembre 1846, Un Tour dans le Nord III (L’Artiste-Revue de Paris)

22 novembre 1846, Un Tour dans le Nord IV (L’Artiste-Revue de Paris)

15 décembre 1846, Scènes de la vie égyptienne moderne. La Cange du Nil (Revue des Deux Mondes)

1847, Scénario des deux premiers actes des Monténégrins

15 février 1847, La Santa-Barbara. Scènes de la vie orientale (Revue des Deux Mondes)

15 mai 1847, Les Maronites. Un Prince du Liban (Revue des Deux Mondes)

15 août 1847, Les Druses (Revue des Deux Mondes)

17 octobre 1847, Les Akkals (Revue des Deux Mondes)

21 novembre 1847, Souvenirs de l’Archipel. Les Moulins de Syra (L’Artiste-Revue de Paris)

15 juillet 1848, Les Poésies de Henri Heine (Revue des Deux Mondes)

15 septembre 1848, Les Poésies de Henri Heine, L’Intermezzo (Revue des Deux Mondes)

7 janvier-24 juin 1849, puis 2 septembre 1849-27 janvier 1850, Al-Kahira. Souvenirs d’Orient (La Silhouette)

1er-27 mars 1849, Le Marquis de Fayolle, 1re partie (Le Temps)

26 avril 16 mai 1849, Le Marquis de Fayolle, 2e partie (Le Temps)

6 octobre 1849, Le Diable rouge (Almanach cabalistique pour 1850)

3 novembre 1849 (BF), Le Diable vert, et Impression de voyage (Almanach satirique, chez Aubert, Martinon et Dumineray)

7 mars-19 avril 1850, Les Nuits du Ramazan (Le National)

15 août 1850, Les Confidences de Nicolas, 1re livraison (Revue des Deux Mondes)

26 août 1850, Le Faust du Gymnase (La Presse)

1er septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 2e livraison (Revue des Deux Mondes)

9 septembre 1850, Excursion rhénane (La Presse)

15 septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 3e livraison (Revue des Deux Mondes)

18 et 19 septembre 1850, Les Fêtes de Weimar (La Presse)

1er octobre 1850, Goethe et Herder (L’Artiste-Revue de Paris)

24 octobre-22 décembre 1850, Les Faux-Saulniers (Le National)

29 décembre 1850, Les Livres d’enfants, La Reine des poissons (Le National)

novembre 1851, Quintus Aucler (Revue de Paris)

24 janvier 1852 (BF), L’Imagier de Harlem, Librairie théâtrale

15 juin 1852, Les Fêtes de mai en Hollande (Revue des Deux Mondes)

1er juillet 1852, La Bohême galante I (L’Artiste)

15 juillet 1852, La Bohême galante II (L’Artiste)

1er août 1852, La Bohême galante III (L’Artiste)

15 août 1852, La Bohême galante IV (L’Artiste)

21 août 1852 (BF), Lorely. Souvenirs d’Allemagne, chez Giraud et Dagneau (Préface à Jules Janin)

1er septembre 1852, La Bohême galante V (L’Artiste)

15 septembre 1852, La Bohême galante VI (L’Artiste)

1er octobre 1852, La Bohême galante VII (L’Artiste)

9 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 1re livraison (L’Illustration)

15 octobre 1852, La Bohême galante VIII (L’Artiste)

23 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 2e livraison (L’Illustration)

30 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 3e livraison (L’Illustration)

1er novembre 1852, La Bohême galante IX (L’Artiste)

6 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 4e livraison (L’Illustration)

13 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 5e livraison (L’Illustration)

15 novembre 1852, La Bohême galante X (L’Artiste)

20 novembre 1852, Les Illuminés, chez Victor Lecou (« La Bibliothèque de mon oncle »)

1er décembre 1852, La Bohême galante XI (L’Artiste)

15 décembre 1852, La Bohême galante XII (L’Artiste)

1er janvier 1853 (BF), Petits Châteaux de Bohême. Prose et Poésie, chez Eugène Didier

15 août 1853, Sylvie. Souvenirs du Valois (Revue des Deux Mondes)

14 novembre 1853, Lettre à Alexandre Dumas

25 novembre 1853-octobre 1854, Lettres à Émile Blanche

10 décembre 1853, Alexandre Dumas, Causerie avec mes lecteurs (Le Mousquetaire)

17 décembre 1853, Octavie (Le Mousquetaire)

1853-1854, Le Comte de Saint-Germain (manuscrit autographe)

28 janvier 1854 (BF) Les Filles du feu, préface, Les Chimères, chez Daniel Giraud

31 octobre 1854, Pandora (Le Mousquetaire)

25 novembre 1854, Pandora, épreuves du Mousquetaire

Pandora, texte reconstitué par Jean Guillaume en 1968

Pandora, texte reconstitué par Jean Senelier en 1975

30 décembre 1854, Promenades et Souvenirs, 1re livraison (L’Illustration)

1854 ? Sydonie (manuscrit autographe)

1854? Emerance (manuscrit autographe)

1854? Promenades et Souvenirs (manuscrit autographe)

janvier 1855, Oeuvres complètes (manuscrit autographe)

1er janvier 1855, Aurélia ou le Rêve et la Vie (Revue de Paris)

6 janvier 1855, Promenades et Souvenirs, 2e livraison (L’Illustration)

3 février 1855, Promenades et Souvenirs, 3e livraison (L’Illustration)

15 février 1855, Aurélia ou Le Rêve et la Vie, seconde partie (Revue de Paris)

15 mars 1855, Desiderata (Revue de Paris)

1866, La Forêt noire, scénario

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BF: annonce dans la Bibliographie de la France

Manuscrit autographe: manuscrit non publié du vivant de Nerval

25 juin 1831 — Nicolas Flamel , drame–chronique, dans Le Mercure de France au XIXe siècle, t. XXXIII, p. 576-586, 1re livraison, non signé.

Le texte de Nicolas Flamel est accompagné d’une Note des Rédacteurs : « L’idée première de ce drame est imitée d’une scène du premier volume des Soirées de Walter Scott publiées par le Bibliophile Jacob », signée A.P., P.L. [Amédée Pichot et Paul Lacroix]. Les Soirées de Walter Scott avaient été publiées chez Renduel en 1829.

Nerval reprend ici le thème des « souffrances de l’inventeur » abordé dans son drame inachevé de Faust, en s’inspirant cette fois du personnage français de Nicolas Flamel. Poursuivi par ses créanciers, l’alchimiste « qu’un besoin de science insatiable » dévore, accepte le pacte que lui propose Satan. Devant les étudiants attablés dans un misérable cabaret de l’Île de la Cité, il change « par artifice chimique » le mauvais vin en nectar. Nerval s’arrête là. Il reprendra ce thème en 1851 pour en faire le drame de L’Imagier de Harlem, ou la découverte de l’imprimerie.

Voir la notice LA CAMARADERIE DU PETIT CÉNACLE.

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FRAGMENS DE NICOLAS FLAMEL, DRAME – CHRONIQUE.

(Le Laboratoire de Flamel.)

PERNELLE, sa femme, entre.

Pas de retour encore.... Pauvre Flamel ! si du moins il me rapportait quelque bon espoir, — quelque secours inattendu ! mais de qui viendraient-ils ? — On fuit plus qu’une ladrerie une maison où règne la misère ! — Hélas ! elle se montre ici sous toutes les formes : ces instrumens d’alchimie, ces fioles d’élixirs, ces livres de sciences, tout cela a dévoré notre avoir !... et qui sait si cette science n’est pas coupable, si ces instrumens ne sont point fabriqués par l’esprit du mal, et propres seulement à nous ouvrir l’Enfer ? — Oh non ! c’est faire injure à mon époux que de le croire ! — lui, si plein de vertu, de piété ! et même, sur sa table, — voilà une Bible ouverte, une Bible toute écrite de sa main ! — Lisons ; — cette lecture ramènera le calme en mon esprit. (Elle lit.)Et duxit illum diabolus in montem excelsum et ostendit illi omnia regna orbis terræ.....

(Entre Flamel.)

Dieu soit loué, mon ami, te voici !...

(Flamel s’assied devant sa table, où il appuie sa tête dans ses mains.)

Qu’as-tu, Flamel ?

FLAMEL.

Je n’ai rien.

PERNELLE.

Rien ?

FLAMEL.

N’est-ce pas cela qu’il faut dire, quand on souffre d’un mal qu’on n’ose avouer, et qu’on en souffre sans remède ?

PERNELLE.

Personne ne veut nous secourir... Nos parens, — nos amis...

FLAMEL.

Personne. « Je mérite mon sort, disent-ils ; j’avais un bon état de copiste, — pourquoi l’ai-je quitté pour courir après la science ?.... »

PERNELLE.

Hélas !

FLAMEL.

Les découvertes que j’ai faites, les lumières que j’ai apportées, tout cela est arrêté, peut-être anéanti à jamais, faute de quelques misérables secours !

PERNELLE.

Oh mon Dieu ! plus d’espoir ! — et nos créanciers qui nous menacent !

FLAMEL.

Ceci est le pire ! Oh ! que c’est chose lourde et humiliante qu’une dette ! quelle dépendance pour une âme qui a quelque fierté ! Flatter, supplier un homme que l’on méprise ; avoir à lui rendre compte du pain que l’on mange et de l’air que l’on respire !... Aujourd’hui encore, je rencontre un de ces hommes : — « Vous vous promenez, monsieur Flamel ; et mon argent ? — Monsieur, lui dis-je, je n’en ai point... que puis-je y faire ? — Vendez votre âme au diable !... et payez-moi ! » — Malédiction !

(Flamel frappe violemment sur sa table et renverse la Bible qui y est ouverte.)

PERNELLE, la replaçant sur la table.

Malheureux ! c’est la Bible.

(Levant les mains au ciel.)

— Mon Dieu ! mon Dieu !... il ne l’a pas fait exprès.

(On frappe à la porte violemment.)

Qui cela peut-il être ?

(Elle ouvre ; entre un inconnu, revêtu d’un costume juif du quatorzième siècle.)

L’INCONNU.

Que l’esprit d’Abraham soit avec vous ! — C’est à maître Nicolas Flamel que j’ai besoin de parler.

PERNELLE.

Le voici.

L’INCONNU.

A lui.... seul ! pour une affaire lucrative et secrète.

(Pernelle se retire.)

FLAMEL.

Que me voulez-vous ?

L’INCONNU.

Je suis Israélite, et je m’appelle Manassé : vous connaissez l’édit royal porté contre mes malheureux coréligionnaires.

FLAMEL.

Sans doute. On vous oblige à quitter la France dans le délai d’un mois. Mais à quoi tend votre visite ?

L’INCONNU.

Maître Flamel, vous êtes un homme d’une probité reconnue.

FLAMEL.

Après.

L’INCONNU.

Nous possédons quelques richesses acquises à grand’peine, et fugitifs, sans défense comme nous sommes, nous craignons avec raison d’être attendus et pillés sur la route. Nous vous avons choisi pour dépositaire de nos biens ; si vous voulez y consentir, nous vous en offrons, à ce titre, une moitié ; l’autre vous sera réclamée plus tard sur un billet signé de nous.

FLAMEL.

Et comment sera conçu ce billet ?

L’INCONNU.

Le voici : veuillez l’examiner, et voir si les termes vous en conviennent.

(Flamel pose le parchemin, pour le lire, sur la Bible ouverte devant lui.)

FLAMEL.

Qu’est ceci ? votre billet jaunit tout à coup, et les caractères y prennent une couleur de sang !... Se pourrait-il....

L’INCONNU.

Illusion que tout cela !

FLAMEL.

Non. — Regardez-moi en face ! Je commence à comprendre... et vous m’avez trompé. — Qui êtes-vous ?

L’INCONNU.

Satan.

FLAMEL.

Hâte-toi de disparaître, maudit ! ma science m’a appris à conjurer l’enfer !... N’attends pas les paroles sacrées ; — n’attends pas....

SATAN.

Pourquoi crier si fort ?... Quand tout l’Enfer serait ici, tu dois savoir qu’il n’a aucun pouvoir sur toi si tu ne te livres à lui par un pacte écrit.

FLAMEL.

D’accord : — mais que prétends-tu ?

SATAN.

Au fait, voici, je viens te séduire.

(Flamel fait un mouvement.)

Ne va pas t’emporter encore et remercie-moi plutôt de ne point avoir employé de subalternes pour cet office, et de venir à toi moi-même. — Un esprit de mon rang ne prend d’ordinaire cette peine qu’à l’égard des têtes couronnées ou des princes de l’Église.

FLAMEL.

Et si tu les a tous gagnés et que je sois encore le plus distingué de ce qui te reste à séduire dans ce monde !

SATAN.

Pas mal ; mais c’est de l’orgueil... ou je ne m’y connais pas ? Il doit, il est vrai, t’être permis plus qu’à tout autre ; nul mortel dans ce siècle n’est parvenu à une science plus vaste et plus profonde....

FLAMEL.

Ah ! c’est donc par la flatterie que tu prétends me prendre : cela rentre assez dans tes moyens habituels. Cependant je te remercie de ta visite, et je n’en profiterai pas : si les hommes m’abandonnent, je crois encore à la bonté du Ciel.

SATAN.

Et, pourtant, ne vient-on pas de jeter à terre certain livre.... en prononçant certain mot ?

FLAMEL.

Il paraît que l’espionnage est au nombre de tes talens...

SATAN.

Oh ! j’en sais passablement long !

FLAMEL.

Tu te vantes ! mais s’il était vrai, toute entreprise de séduction aurait un succès possible : je ne puis le cacher, l’injustice du Ciel et l’ingratitude des hommes ont laissé dans mon âme une impression telle que l’alliance du démon, le plus horrible de tous les sacrifices qu’un mortel puisse faire, commence à me révolter moins ; mais, je le déclare, si je me décidais jamais à le consommer, il m’en faudrait un digne prix !

SATAN.

Explique-toi !

FLAMEL.

Tu le sais trop !... tu sais qu’une curiosité, qu’un besoin de science insatiable me dévore, que je tends sans cesse avec plus d’impatience la chaîne de l’esprit humain !... Cette chaîne, il faut la briser ! cette fortune injuste envers moi, — ces hommes qui me méprisent...

SATAN.

J’entends.

FLAMEL.

Tu n’es pas au bout !... Ces connaissances divines que nul mortel n’a pénétrées, je veux les posséder ; je veux...

SATAN.

Tu veux me tenter à mon tour ! — Mais, ces connaissances dont tu parles, ce n’est pas de l’Enfer qu’elles émanent : tu peux attendre de nous des secrets, et non des révélations. — Et ne s’agit-il que de t’éclairer les parties encore obscures dans les sciences des hommes, tu conviendras qu’il serait assez plaisant que je concourusse, moi, aux progrès de l’humanité, donnant ainsi des armes contre moi-même.

FLAMEL.

Et qu’as-tu donc à m’offrir dans ce cas ?

SATAN.

Des richesses, de longs jours, les plus rares beautés de l’univers....

FLAMEL.

Et pour qui me prends-tu ? c’est de quoi peut-être faire le bonheur du premier venu ; mais moi, Flamel, crois-tu que je mette jamais le mien dans tout cela ? Tu parles de femmes, j’ai la mienne que j’aime depuis vingt ans d’un amour inaltérable, et bien qu’elle soit déjà sur le retour, je suis ainsi fait, que je n’ai point encore rencontré de beautés à lui préférer. Quant aux richesses, — merci. — Quelques écus d’or pour les besoins actuels, — c’est tout ; si j’avais plus, je ne saurais qu’en faire. Tu vois bien que tu n’as rien à gagner ici : mais je ne suis point fâché de t’avoir vu et de t’avoir démontré que, pour acheter un philosophe de mon espèce, tu n’es pas assez riche encore.

SATAN.

Flamel, Flamel !... au revoir ; quand tu voudras que nous reprenions cet entretien, qui peut-être n’est pas interrompu pour long-temps, monte sur la tour Saint-Jacques, tu sais, par la tradition, que toute la nuit j’y règne ; nous y réglerons nos conditions, sans crainte des importuns, et je pourrai de là te dire, en te montrant l’immense horizon qu’elle embrasse : Tibi dabo potestatem hanc universam et gloriam illorum.

(Il sort.)

FLAMEL seul.

Au fond, on le fait plus noir qu’il n’est : sa conversation est honnête et agréable, et quant à sa probité, je la garantirais plus solide que celle de bien des hommes. Je suis surpris seulement qu’il m’ait quitté sans insister davantage.

(Entrent des créanciers de Flamel accompagnés d’huissiers.)

UN HUISSIER, lisant.

« Au nom de notre sire monseigneur le roi Charles VI, et de nosseigneurs du parlement, Nicolas Flamel, écrivain, est sommé de payer à Michel Gohorry et Jacques Lebreteux la somme de vingt sous parisis ; faute de quoi inventaire sera fait des ustensiles et objets mobiliers contenus en la maison dudit Flamel, pour être ensuite vendus à l’enchère, dans les formes usitées en pareil cas. »

FLAMEL.

Faites votre métier.... je n’ai pas d’argent.

UN CRÉANCIER.

Messieurs, commençons l’inventaire.

(Il commence par un côté de la chambre.)

L’HUISSIER.

Un fourneau avec son matras. — Deux cornues. — Un alambic. — Six crapauds enfilés. — Deux fœtus dans l’esprit-de-vin. — Deux creusets à faire de l’or.... vides..... Une planche chargée de vieux livres, qui sont : Le Trésor de la médecine paracelsique, Les Prophéties de Raymond Lulle, Le Grand éclaircissement de la Pierre philosophale, ou seul véritable Moyen de faire de l’or….

FLAMEL.

Arrêtez ! ce livre est de moi. — Il doit me rester.

UN CRÉANCIER.

Pourquoi donc ?... (A l’huissier) : Continuez !

L’HUISSIER.

La musique chimique et la Joie parfaite de moi Nicolas Flamel et de Pernelle, ma femme.

FLAMEL.

Ces livres sont de moi, vous dis-je !... et, d’ailleurs, qu’en feriez-vous ?

LE CRÉANCIER.

Mais nous en tirerons de fort bon parchemin... en les grattant.

FLAMEL.

Ah ! c’est trop ! voyez-vous, messieurs, ces livres-là, c’est l’ouvrage de vingt ans d’étude, tout mon bonheur, toute mon espérance pour l’avenir. — Je n’en ai point de copie : et vraiment, c’est quelque chose de moi-même ! quelque chose de plus précieux que ma chair et que mon sang !

LE CRÉANCIER, à l’huissier.

Continuez.

FLAMEL.

Non, s’il en est ainsi, comptez-moi dans l’inventaire, et vendez-moi !

LE CRÉANCIER, froidement.

La loi ne permet de vendre au profit du créancier que des objets mobiliers, ustensiles, livres et bijoux.

FLAMEL.

Oh ! vous êtes sans pitié !... laissez-moi mes livres, je vous en supplie !

UN CRÉANCIER.

Allons donc !… nous ne trouverons point dans tout cela de quoi payer la moitié de notre créance !

FLAMEL.

Eh ! bien — oui ! c’en est fait... — Ecoutez, je viens tout à coup de me rappeler un ami... qui me prêtera la somme — sans nul doute ! ayez l’humanité de m’accorder deux heures de répit... deux heures au plus, et vous serez payés jusqu’au dernier liard... sur mon âme !

LE CRÉANCIER.

Monsieur Flamel, vous nous avez déjà leurré de cet espoir. — Mais vous parlez d’humanité.... c’est notre côté faible.

FLAMEL, à part.

Oh ! oui !

UN CRÉANCIER, à part, aux autres.

Et puis, que pourrons-nous retirer de tout ce fouillis ? (A Flamel) : Dans deux heures, au plus tard, nous serons ici.

(Ils sortent.)

PERNELLE, à Flamel.

Quel est cet ami qui te prêtera ?

FLAMEL.

C’est.... c’est ce vieux juif que tu viens de voir.

PERNELLE.

Ce juif !... Ah ! c’est un scélérat !

FLAMEL.

Qui te le fait croire ?

PERNELLE.

Je ne sais ; — mais tout le temps qu’il a été ici, j’avais un poids énorme sur le cœur !... J’ai voulu prier... Je n’ai pas pu.

FLAMEL.

Allons donc ! est-ce qu’il faut se faire des idées comme cela !... c’est un très-digne personnage, bien meilleur en vérité que tous ces hommes d’encre et de sang ! — Adieu, Pernelle !... embrasse-moi.

PERNELLE.

Comme tu me presses dans tes bras !... on dirait que tu te sépares de moi pour un long voyage !

FLAMEL.

Quelle pensée !... Mais non ; — je t’aime... tu sais bien comme je t’aime !

(Il l’embrasse encore.)

PERNELLE.

Sainte Dame ne dirait-on pas des époux de quinze ans ?

FLAMEL.

Tu m’aimes bien aussi, n’est-ce pas ?

PERNELLE.

Oh ! certes !... mais pourquoi...

FLAMEL.

Bonne âme !... comment, tu m’aimerais... quoi qu’il pût m’advenir ! Et si par malheur... car où ne conduit pas la misère ! — Si je devenais un voleur... un meurtrier ?...

PERNELLE.

Je pleurerais, et je prierais pour toi.

FLAMEL.

Et tu m’aimerais encore !

PERNELLE.

Ce serait mon devoir : l’épouse de Caïn ne le suivit-elle pas après son crime ?... Mais pourquoi toutes ces questions ? Jésus ! couverais-tu dans ton âme quelque dessein de cette nature... oh ! c’est impossible

FLAMEL.

Je plaisantais... tu n’as donc pas vu que je plaisantais ?... Adieu ! adieu !

(Il sort précipitamment.)

(La suite au prochain numéro.)

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9 juillet 1831 — Nicolas Flamel, drame–chronique, dans Le Mercure de France au XIXe siècle, t. XXXIV, p. 59-69, 2e livraison, non signé.

La scène du cabaret, dans cette deuxième livraison, montre à quel point Nerval souhaitait faire de son drame un autre Faust, transposé dans le Paris de Nicolas Flamel, tout en reprenant la tradition de Klinger qui fait de Faust l’inventeur de l’imprimerie. La suite est annoncée mais n’est jamais parue.

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FRAGMENS DE NICOLAS FLAMEL, DRAME – CHRONIQUE.

___

SUITE.

LA TOUR SAINT-JACQUES-LA-BOUCHERIE.

(Des toits sur l’avant-scène ; au-delà, un espace vide ; puis la Tour, sur le sommet de laquelle la scène se passe. Au fond, vue des points les plus élevés de ce côté de Paris, — Notre-Dame, la Sainte-Chapelle, etc., — rougie d’un dernier rayon qui s’éteint bientôt.)

FLAMEL, sortant de l’escalier.

Qu’elle est haute, cette tour ! Il semble, à mesure qu’on y monte, que toutes les choses de la terre retombent à ses pieds comme des brouillards. — Paris... tout Paris là ; avec son dais de brume déchiré par mille aiguilles ! Là, les misérables entraves où mes pieds sont embarrassés... Ces besoins honteux, ce désespoir de n’atteindre à rien... Cet opprobre et cette boue que le plus vil des hommes peut vous jeter à la face ! et il y faudra redescendre !... Oh ! si je me jetais d’ici à ces flots de toits et de clochers... Cela vaudrait mieux peut-être : je serais mort avant d’être en bas... mort dans les airs ! Mais non ; je m’accrocherais sans doute en tombant, — là, — à ces arêtes de pierre... J’y demeurerais toute la nuit... presque tué, les jambes rompues, et les reins brisés... quelle souffrance !

Puis, au jour, viendrait là-dessous la foule moqueuse... et mes créanciers qui s’écrieraient qu’en disposant de ma vie c’est un vol que je leur ai fait ! — Oh ! non, — non ! suivons plutôt leur conseil... j’aime encore mieux appartenir au diable qu’à un misérable de mon espèce ! Du courage ! et prenons garde que ma voix ne tremble. — Satan !

SATAN.

Quoi ?

FLAMEL.

Me voici.

SATAN.

Je t’attendais. — Quand plaît-il à M. le docteur que j’entre à son service ?

FLAMEL.

J’ai besoin d’argent, voilà tout. — Ecoute, je ne puis me décider à vendre mon âme, mais je l’engagerai volontiers. Prête-moi sur cette garantie ; je te rendrai plus tard ton argent et les intérêts.

SATAN.

Me prends-tu pour un juif ?

FLAMEL.

Eh bien ! que veux-tu ?... le reste de ma vie... mon sang à boire ?... et donne-moi seulement de quoi payer mes dettes et faire vivre ma femme quand je ne serai plus !

SATAN.

Allons donc ! j’avais meilleure opinion de toi !...

FLAMEL.

Mais l’Enfer... mais souffrir pour l’éternité... n’est-ce pas rien que cela ?

SATAN.

Mon ami, se peut-il qu’une âme comme la tienne soit imprégnée encore de toutes ces terreurs d’enfant, de tous ces préjugés de vieilles ?... Des flammes, des chaudières !... tu crois à tout cela ? As-tu donc une idée si basse et si mesquine de celui qui fut un instant le rival de Dieu, et qui entraîna la moitié du ciel dans sa cause ?...

FLAMEL.

Il est vrai, Satan, cette action fut grande !

SATAN.

Ah ! le crime et la honte sont aux vaincus, quand les vainqueurs restent seuls à raconter l’histoire ! — Flamel, te répugne-t-il de croire à deux princes contraires, mais égaux en gloire et en grandeur, et dont les symboles peuvent être le noir... et le blanc, la nuit... et le jour ! — Un mont est quelque chose de beau, n’est-ce pas ? un abîme l’est-il moins ?... Où donc est le mauvais, le méprisable ? Au milieu ! c’est ce qui n’est ni élevé ni profond. — Tu as assez de sens pour concevoir mon raisonnement sans que je le développe davantage, et pour arriver de toi-même à cette conclusion, qu’il est deux séjours préférables à celui de la terre : le Ciel et l’Enfer ; et qu’il est deux êtres plus grands, plus nobles et meilleurs qu’aucun homme ; Dieu — et Satan !

FLAMEL.

Le paradoxe est ton arme favorite ; mal me prendrait de sophistiquer avec un tel docteur ! mais, dis-moi, si j’en venais à me décider... en attendant le monde que tu me vantes, combien me promettrais-tu d’années de puissance dans celui-ci ?

SATAN.

Ah peu m’importe !... j’en puis perdre sans les compter : quand tu me diras : partons ; j’en ai assez, — alors...

FLAMEL.

Cette chose est vraiment attrayante : — Eh bien ! puisqu’il faut toujours être esclave, qu’importe que ce soit de toi ou de tout autre ? — Je me suis trop enflé, j’ai heurté trop violemment les barrières éternelles de ce monde, et après le désir inaccompli d’aller jusqu’en haut, il ne m’en reste qu’un, c’est d’aller jusqu’au fond.

SATAN.

Alors, signe ceci : les hommes l’appellent un pacte, tu verras que c’est un contrat.

FLAMEL.

Mais... je serais bien aise de lire les clauses...

SATAN.

C’est juste.

(Il lève devant Flamel sa main qui devient lumineuse.)

FLAMEL, lisant le pacte.

Que vois-je !... Flamel et Pernelle, sa femme... — Raye ce dernier nom : je ne suis pas assez cruel pour vouloir l’entraîner dans ma chute !

SATAN.

Pourtant, ta femme et toi, ce n’est qu’un.

FLAMEL.

Démon !...

SATAN.

Que dirais-tu d’un homme qui, changeant pour jamais de prince et de patrie, n’emmènerait pas sa famille avec lui ?

FLAMEL.

Ah ! je te reconnais-là, esprit du sophisme et du mensonge !... Et déjà tu me fais horreur ! la damner avec moi... elle ! si pieuse, si bonne, — non !... je n’y consentirai jamais ; et, si c’est ton dernier mot, que tout soit fini entre nous !

SATAN.

Mon ami, j’en suis fâché : mais, dans ce temps-ci, les débiteurs sont de si mauvaise foi qu’on ne peut trop prendre ses précautions. — En vérité, les hommes seront bientôt plus fins que nous autres, et alors seulement nous cesserons de paraître sur la terre : cela se verra dans trois ou quatre siècles au plus. — Mais je ne m’en plains point : tant de gens feront alors nos affaires dans ce monde que nous n’aurons plus qu’à nous reposer. En attendant, crois-tu donc que je veuille risquer que ta femme, si pieuse, dis-tu, et si bonne, te ravisse à moi en obtenant du Ciel ta grâce, ou qu’après que tu aurais joui de mes avances elle parvienne à t’amener quelque jour au repentir et à l’expiation ? Ce serait un marché de dupe ! Bref, voici le pacte ; pas un mot n’en sortira. Signe.

FLAMEL.

Eh bien ! je ne consens point, et tout est rompu.

SATAN.

Non pas : crois-tu donc que tu m’auras dérangé pour rien, et fait perdre ici mon temps et ma logique ?... Je vais te précipiter du haut de cette tour comme le fils de l’homme, et puis m’emparer de ton âme qui se trouve ici en état de péché mortel.

FLAMEL.

Ah ! maudit !

(Satan le saisit par un bras.)

FLAMEL, faisant avec l’autre bras le signe de la croix.

In nomine patris et filii et spiritu sancti.

(La tour Saint-Jacques devient toute rouge.)

LE COMPAGNON.

Ventre-Mahom ! les pieds me brûlent... Un nuage !

(Il se jette sur un nuage, tandis que Flamel, à genoux et priant, reste sans danger sur la tour qui refroidit à mesure que Satan s’éloigne.)

___

III

UN CABARET DE LA CITÉ.

UN GUEUX, chantant.

Intervenez, marpeaux et mions,

Que je rouscaille ma chanson ;

J’aime l’artie,

J’aime la vie !

J’aime la croûte de parfond !

UN COMPAGNON.

Lorsque je bois ce vin Beaunois,

Si vous saviez ce que je vois :

Paris et ses blanches maisons

Semblent un troupeau de moutons,

Et ses clochers

Sont les bergers

Qui les conduisent par la plaine

Boire à la Seine.

LE GUEUX, l’interrompant.

Dans les pougois nous trimardons...

DEUXIÈME COMPAGNON.

Paix donc, là, braillard !... je ne bois jamais qu’un verre de vin à la fois, et je n’écoute qu’une chanson.

UN ÉCOLIER.

Dirait-on pas la cour plénière du roi de l’argot ?

LE GUEUX.

Prends garde que je ne t’efface la figure d’un soufflet !

L’ÉCOLIER.

Oui ! — si ce n’était ta manche qui te retient le bras !...

PREMIER COMPAGNON.

Silence donc ! — Le second couplet. Ici l’on casse les verres et l’on jette les bouteilles au travers des vitres, — les bouteilles vides, s’entend ; car, vous savez : bouteille sans vin, c’est corps sans âme. (Il reprend.)

Qui les conduisent par la plaine

Boire à la Seine.

Mais, auprès de l’eau quel danger !

Trois loups sont là pour les manger ;

Dans la Cité, c’est le Palais ;

Aux deux bords, les deux Châtelets...

L’ÉCOLIER.

C’est bien craché chanté, l’ami ! seulement, assez sur ce point ; je ne te conseille pas de gloser sur mes seigneurs de la justice, tu leur devras quelque jour ton élévation.

LE COMPAGNON.

Pas d’équivoque, mons de la basoche !

L’ÉCOLIER.

Qu’est-ce à dire ? ne seras-tu pas glorieux de servir de pendans d’oreille à madame la potence !

LE COMPAGNON.

Voirement !... si elle est ta mère, tu lui fais honneur !

L’ÉCOLIER.

Tu voltigeras en l’air, comme les anges !...

LE GUEUX.

Qu’a donc ce compagnon à rôder devant la porte sans savoir s’il doit entrer ? — Entrez donc, messire ! la société est honnête et joyeuse : c’est la Cour des Miracles en raccourci. — Tous princes ou voleurs !

(Entre Nicolas Flamel.)

FLAMEL avance, en réfléchissant, sur le devant de la scène.

Au fait... j’ai faim ! et point d’argent !... Pourtant me voilà entré presque malgré moi... Comment faire ? si je leur offrais de payer mon écot avec quelques tours de physique amusante ? C’est chose bien honteuse et malséante à un philosophe hermétique ; mais que de grands esprits se sont vus réduits à des extrémités pareilles, et sans parler du bon Homère ...

LE GUEUX.

Ohé ! monsieur mon ami, que faites-vous donc là debout et vous carrant comme un pot à deux anses ?..

L’ÉCOLIER.

Laisse-le donc ! Tu vois bien que c’est quelque poétiseur en inspiration. — Numine afflatur.

LE GUEUX, s’étant approché de Flamel.

Eh ! non, — tiens ! il n’ose pas se mettre à table parce que son escarcelle est vide... N’est-ce pas, monsieur ?

FLAMEL.

C’est possible, — mais d’où le savez-vous ?

LE GUEUX, lui montrant sa bourse vide.

C’est que... la voici !

L’ÉCOLIER.

L’argument est sans réplique.

LE GUEUX.

Ça ne fait rien, mon compagnon, vous êtes ici avec des honnêtes gens, des vieux chrétiens, et, quand vous seriez sec comme un pendu d’été, voici de quoi graisser vos ressorts.

(Il le fait asseoir devant un plat de viande.)

Une bonne cuisine de Dieu ! — Vrai-bot ! comme vous y allez ! (Lui servant à boire.) Faisons couler ça — et attaquons vivement ce maître lapin — ou baptisé tel !...

FLAMEL.

Messieurs, je suis bien reconnaissant de votre bon accueil, et j’espère pouvoir m’en acquitter en vous faisant participer à quelques secrets merveilleux que la science m’a révélés. — Je viens de remarquer avec ennui que le vin de céans était peu digne de braves compagnons comme vous.

L’ÉCOLIER.

Oui-da ! et saurais-tu donc quelque moyen de renouveler le miracle des noces de Cana ?

FLAMEL.

Mieux que cela ! je puis, par artifice chimique, et non autrement, vous donner à choisir entre les meilleurs vins dont vous ayez ouï parler.

L’ÉCOLIER, aux autres.

C’est quelque jongleur.

FLAMEL.

Passez-moi ce broc que j’aperçois là-bas, plein jusqu’aux bords... (Il le goûte.) C’est du vrai vin de Nanterre, bon seulement à se mettre le gosier en couleur. (Il jette une poudre dans le vin.) Maintenant qui veut de l’excellent vin bourguignon ?

TOUS, buvant.

Moi ! moi ! — plein ! — délicieux ! — la belle science !

FLAMEL.

Du champenois. (Il verse.)

TOUS.

Merci ! — très bon ! — Oh ! la magnifique invention !

FLAMEL.

Voici un certain vin d’Espagne dont vous me direz votre avis !

TOUS.

Ah ! — ah ! — celui-là, jamais je n’en ai bu de tel ! c’est comme si le bon Dieu y avait craché !...

L’ÉTUDIANT.

C’est la véritable ambroisie. — Pardon de vous avoir tutoyé... N’êtes-vous pas monseigneur Bacchus en personne ?

LE GUEUX.

Mon compagnon !... c’est moi qui vous ai invité, vous savez. — Vous êtes un homme merveilleux ! Foi de truand ! je vous jure une amitié inaltérable. Ne nous séparons plus... Si vous n’avez pas d’argent, j’en ai à votre service dans ma poche... ou dans celle du premier venu, ça revient au même !... Tenez, c’est au point que je veux vous faire recevoir argotier dès ce soir, sans épreuves et sans préparation ! c’est un honneur qu’on ne ferait pas au roi !... Après ça, vous pourrez maquiller dans les pougois et sur les grands trimards sans que.... — Ah ! vrai-bot ! voici quelqu’un là-bas qui nous fait la grimace comme un ribleur au pilori !...

UN ÉTRANGER.

C’est que vous êtes là tous à vous émerveiller de cet homme autant que si c’était le diable !... et, ventre de pape ! il n’y a pas si mince physicien qui ne sache mille tours plus singuliers.

LE GUEUX.

N’en cherchons pas d’autres !... celui-là me plaît, et seulement faites-nous en autant, pour voir !... Aussi bien, la cruche est vide...

L’ÉTRANGER.

Messieurs ! après le vin, les liqueurs... n’est-ce pas juste ? — De l’eau ! et tendez vos verres.

GÉRARD.

(La suite au prochain numéro.)

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