TEXTES
1824, Poésies diverses (manuscrit autographe)
1824, L’Enterrement de la Quotidienne (manuscrit autographe)
1824, Poésies et poèmes (manuscrit autographe)
1825, « Pour la biographie des biographes » (manuscrit autographe)
15 février 1826 (BF), Napoléon et la France guerrière, chez Ladvocat
6 mai 1826 (BF), Complainte sur l’immortalité de M. Briffaut, par Cadet Roussel, chez Touquet
6 mai 1826 (BF), Monsieur Dentscourt ou le Cuisinier d’un grand homme, chez Touquet
20 mai 1826 (BF), Les Hauts faits des Jésuites, par Beuglant, chez Touquet
12 août 1826 (BF), Épître à M. de Villèle (Mercure de France du XIXe siècle)
11 novembre 1826 (BF), Napoléon et Talma, chez Touquet
13 et 30 décembre 1826 (BF), L’Académie ou les membres introuvables, par Gérard, chez Touquet
16 mai 1827 (BF), Élégies nationales et Satires politiques, par Gérard, chez Touquet
29 juin 1827, La dernière scène de Faust (Mercure de France au XIXe siècle)
28 novembre 1827 (BF), Faust, tragédie de Goëthe, 1828, chez Dondey-Dupré
15 décembre 1827, A Auguste H…Y (Almanach des muses pour 1828)
1828? Faust (manuscrit autographe)
1828? Le Nouveau genre (manuscrit autographe)
mai 1829, Lénore. Ballade allemande imitée de Bürger (La Psyché)
août 1829, Le Plongeur. Ballade, (La Psyché)
octobre 1829, A Schmied. Ode de Klopstock (La Psyché)
24 octobre 1829, Robert et Clairette. Ballade allemande de Tiedge (Mercure de France au XIXe siècle)
21 novembre 1829, Chant de l’épée. Traduit de Korner (Mercure de France au XIXe siècle)
19 décembre 1829, Lénore. Traduction littérale de Bürger (Mercure de France au XIXe siècle)
janvier 1830, La Lénore de Bürger, nouvelle traduction littérale (La Psyché)
16 janvier 1830, Ma Patrie, de Klopstock (Mercure de France au XIXe siècle)
23 janvier 1830, Légende, par Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)
6 février (BF) Poésies allemandes, Klopstock, Goethe, Schiller, Burger (Bibliothèque choisie)
13 février 1830, Les Papillons (Mercure de France au XIXe siècle)
13 février 1830, Appel, par Koerner (1813) (Mercure de France au XIXe siècle)
13 mars 1830, L’Ombre de Koerner, par Uhland, 1816 (Mercure de France au XIXe siècle)
27 mars 1830, La Nuit du Nouvel an d’un malheureux, de Jean-Paul Richter (La Tribune romantique)
29 avril 1830, La Pipe, chanson traduite de l’allemand, de Pfeffel (La Tribune romantique)
13 mai 1830 Le Cabaret de la mère Saguet (Le Gastronome)
mai 1830, M. Jay et les pointus littéraires (La Tribune romantique)
juillet ? 1830, Récit des journées des 27-29 juillet (manuscrit autographe)
14 août 1830, Le Peuple (Mercure de France au XIXe siècle)
11 décembre 1830, A Victor Hugo. Les Doctrinaires (Almanach des muses pour 1831)
29 décembre 1830, La Malade (Le Cabinet de lecture )
29 janvier 1831, Odelette, Le Vingt-cinq mars (Almanach dédié aux demoiselles)
14 mars 1831, En avant, marche! (Cabinet de lecture)
23 avril 1831, Bardit, traduit du haut-allemand (Mercure de France au XIXe siècle)
7 mai 1831, Profession de foi (Mercure de France au XIXe siècle)
25 juin et 9 juillet 1831, Nicolas Flamel, drame-chronique (Mercure de France au XIXe siècle)
4 décembre 1831, Cour de prison, Le Soleil et la gloire (Le Cabinet de lecture)
17 décembre 1831, Fantaisie, odelette (Annales romantiques pour 1832)
24 septembre 1832, La Main de gloire, histoire macaronique (Le Cabinet de lecture)
14 décembre 1834, Odelettes (Annales romantiques pour 1835)
1835-1838 ? Lettres d’amour (manuscrits autographes)
26 mars et 20 juin 1836, De l’Aristocratie en France (Le Carrousel)
20 et 26 mars 1837, De l’avenir de la tragédie (La Charte de 1830)
12 août 1838, Les Bayadères à Paris (Le Messager)
18 septembre 1838, A M. B*** (Le Messager)
2 octobre 1838, La ville de Strasbourg. A M. B****** (Le Messager)
26 octobre 1838, Lettre de voyage. Bade (Le Messager)
31 octobre 1838, Lettre de voyage. Lichtenthal (Le Messager)
24 novembre 1838, Léo Burckart (manuscrit remis à la censure)
25, 26 et 28 juin 1839, Le Fort de Bitche. Souvenir de la Révolution française (Le Messager)
13 juillet 1839 (BF) Léo Burckart, chez Barba et Desessart
19 juillet 1839, « Le Mort-vivant », drame de M. de Chavagneux (La Presse)
15 et 16-17 août 1839, Les Deux rendez-vous, intermède (La Presse)
17 et 18 septembre 1839, Biographie singulière de Raoul Spifamme, seigneur des Granges (La Presse)
28 janvier 1840, Lettre de voyage I (La Presse)
25 février 1840, Le Magnétiseur
5 mars 1840, Lettre de voyage II (La Presse)
8 mars 1840, Lettre sur Vienne (L’Artiste)
26 mars 1840, Lettre de voyage III (La Presse)
28 juin 1840, Lettre de voyage IV, Un jour à Munich (La Presse)
18 juillet 1840 (BF) Faust de Goëthe suivi du second Faust, chez Gosselin
26 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort I (La Presse)
29 juillet, 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort II (La Presse)
30 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort III (La Presse)
11 février 1841, Une Journée à Liège (La Presse)
18 février 1841, L’Hiver à Bruxelles (La Presse)
1841 ? Première version d’Aurélia (feuillets autographes)
février-mars 1841, Lettre à Muffe, (sonnets, manuscrit autographe)
1841 ? La Tête armée (manuscrit autographe)
mars 1841, Généalogie dite fantastique (manuscrit autographe)
1er mars 1841, Jules Janin, Gérard de Nerval (Journal des Débats)
5 mars 1841, Lettre à Edmond Leclerc
7 mars 1841, Les Amours de Vienne (Revue de Paris)
31 mars 1841, Lettre à Auguste Cavé
11 avril 1841, Mémoires d’un Parisien. Sainte-Pélagie en 1832 (L’Artiste)
9 novembre 1841, Lettre à Ida Ferrier-Dumas
novembre? 1841, Lettre à Victor Loubens
10 juillet 1842, Les Vieilles ballades françaises (La Sylphide)
15 octobre 1842, Rêverie de Charles VI (La Sylphide)
24 décembre 1842, Un Roman à faire (La Sylphide)
19 et 26 mars 1843, Jemmy O’Dougherty (La Sylphide)
11 février 1844, Une Journée en Grèce (L’Artiste)
10 mars 1844, Le Roman tragique (L’Artiste)
17 mars 1844, Le Boulevard du Temple, 1re livraison (L’Artiste)
31 mars 1844, Le Christ aux oliviers (L’Artiste)
5 mai 1844, Le Boulevard du Temple 2e livraison (L’Artiste)
12 mai 1844, Le Boulevard du Temple, 3e livraison (L’Artiste)
2 juin 1844, Paradoxe et Vérité (L’Artiste)
30 juin 1844, Voyage à Cythère (L’Artiste)
28 juillet 1844, Une Lithographie mystique (L’Artiste)
11 août 1844, Voyage à Cythère III et IV (L’Artiste)
15 septembre, Diorama (L’Artiste-Revue de Paris)
29 septembre 1844, Pantaloon Stoomwerktuimaker (L’Artiste)
20 octobre 1844, Les Délices de la Hollande I (La Sylphide)
8 décembre 1844, Les Délices de la Hollande II (La Sylphide)
16 mars 1845, Pensée antique (L’Artiste)
19 avril 1845 (BF), Le Diable amoureux par J. Cazotte, préface de Nerval, chez Ganivet
1er juin 1845, Souvenirs de l’Archipel. Cérigo (L’Artiste-Revue de Paris)
6 juillet 1845, L’Illusion (L’Artiste-Revue de Paris)
5 octobre 1845, Strasbourg (L’Artiste-Revue de Paris)
novembre-décembre 1845, Le Temple d’Isis. Souvenir de Pompéi (La Phalange)
28 décembre 1845, Vers dorés (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste I (L’Artiste-Revue de Paris)
15 mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste II (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mai 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne (Revue des Deux Mondes)
17 mai 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste III (L’Artiste-Revue de Paris)
12 juillet 1846 Sensations d’un voyageur enthousiaste IV (L’Artiste-Revue de Paris)
16 août 1846, Un Tour dans le Nord. Angleterre et Flandre (L’Artiste-Revue de Paris)
30 août 1846, De Ramsgate à Anvers (L’Artiste-Revue de Paris)
20 septembre 1846, Une Nuit à Londres (L’Artiste-Revue de Paris)
1er novembre 1846, Un Tour dans le Nord III (L’Artiste-Revue de Paris)
22 novembre 1846, Un Tour dans le Nord IV (L’Artiste-Revue de Paris)
15 décembre 1846, Scènes de la vie égyptienne moderne. La Cange du Nil (Revue des Deux Mondes)
1847, Scénario des deux premiers actes des Monténégrins
15 février 1847, La Santa-Barbara. Scènes de la vie orientale (Revue des Deux Mondes)
15 mai 1847, Les Maronites. Un Prince du Liban (Revue des Deux Mondes)
15 août 1847, Les Druses (Revue des Deux Mondes)
17 octobre 1847, Les Akkals (Revue des Deux Mondes)
21 novembre 1847, Souvenirs de l’Archipel. Les Moulins de Syra (L’Artiste-Revue de Paris)
15 juillet 1848, Les Poésies de Henri Heine (Revue des Deux Mondes)
15 septembre 1848, Les Poésies de Henri Heine, L’Intermezzo (Revue des Deux Mondes)
1er-27 mars 1849, Le Marquis de Fayolle, 1re partie (Le Temps)
26 avril 16 mai 1849, Le Marquis de Fayolle, 2e partie (Le Temps)
6 octobre 1849, Le Diable rouge (Almanach cabalistique pour 1850)
7 mars-19 avril 1850, Les Nuits du Ramazan (Le National)
15 août 1850, Les Confidences de Nicolas, 1re livraison (Revue des Deux Mondes)
26 août 1850, Le Faust du Gymnase (La Presse)
1er septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 2e livraison (Revue des Deux Mondes)
9 septembre 1850, Excursion rhénane (La Presse)
15 septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 3e livraison (Revue des Deux Mondes)
18 et 19 septembre 1850, Les Fêtes de Weimar (La Presse)
1er octobre 1850, Goethe et Herder (L’Artiste-Revue de Paris)
24 octobre-22 décembre 1850, Les Faux-Saulniers (Le National)
29 décembre 1850, Les Livres d’enfants, La Reine des poissons (Le National)
novembre 1851, Quintus Aucler (Revue de Paris)
24 janvier 1852 (BF), L’Imagier de Harlem, Librairie théâtrale
15 juin 1852, Les Fêtes de mai en Hollande (Revue des Deux Mondes)
1er juillet 1852, La Bohême galante I (L’Artiste)
15 juillet 1852, La Bohême galante II (L’Artiste)
1er août 1852, La Bohême galante III (L’Artiste)
15 août 1852, La Bohême galante IV (L’Artiste)
21 août 1852 (BF), Lorely. Souvenirs d’Allemagne, chez Giraud et Dagneau (Préface à Jules Janin)
1er septembre 1852, La Bohême galante V (L’Artiste)
15 septembre 1852, La Bohême galante VI (L’Artiste)
1er octobre 1852, La Bohême galante VII (L’Artiste)
9 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 1re livraison (L’Illustration)
15 octobre 1852, La Bohême galante VIII (L’Artiste)
23 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 2e livraison (L’Illustration)
30 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 3e livraison (L’Illustration)
1er novembre 1852, La Bohême galante IX (L’Artiste)
6 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 4e livraison (L’Illustration)
13 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 5e livraison (L’Illustration)
15 novembre 1852, La Bohême galante X (L’Artiste)
20 novembre 1852, Les Illuminés, chez Victor Lecou (« La Bibliothèque de mon oncle »)
1er décembre 1852, La Bohême galante XI (L’Artiste)
15 décembre 1852, La Bohême galante XII (L’Artiste)
1er janvier 1853 (BF), Petits Châteaux de Bohême. Prose et Poésie, chez Eugène Didier
15 août 1853, Sylvie. Souvenirs du Valois (Revue des Deux Mondes)
14 novembre 1853, Lettre à Alexandre Dumas
25 novembre 1853-octobre 1854, Lettres à Émile Blanche
10 décembre 1853, Alexandre Dumas, Causerie avec mes lecteurs (Le Mousquetaire)
17 décembre 1853, Octavie (Le Mousquetaire)
1853-1854, Le Comte de Saint-Germain (manuscrit autographe)
28 janvier 1854 (BF) Les Filles du feu, préface, Les Chimères, chez Daniel Giraud
31 octobre 1854, Pandora (Le Mousquetaire)
25 novembre 1854, Pandora, épreuves du Mousquetaire
Pandora, texte reconstitué par Jean Guillaume en 1968
Pandora, texte reconstitué par Jean Senelier en 1975
30 décembre 1854, Promenades et Souvenirs, 1re livraison (L’Illustration)
1854 ? Sydonie (manuscrit autographe)
1854? Emerance (manuscrit autographe)
1854? Promenades et Souvenirs (manuscrit autographe)
janvier 1855, Oeuvres complètes (manuscrit autographe)
1er janvier 1855, Aurélia ou le Rêve et la Vie (Revue de Paris)
6 janvier 1855, Promenades et Souvenirs, 2e livraison (L’Illustration)
3 février 1855, Promenades et Souvenirs, 3e livraison (L’Illustration)
15 février 1855, Aurélia ou Le Rêve et la Vie, seconde partie (Revue de Paris)
15 mars 1855, Desiderata (Revue de Paris)
1866, La Forêt noire, scénario
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BF: annonce dans la Bibliographie de la France
Manuscrit autographe: manuscrit non publié du vivant de Nerval
28 janvier 1840 — Feuilleton sans titre, daté : « Genève, 15 janvier » et signé *****, dans La Presse.
Cette « lettre » de voyage est la première d’un ensemble de cinq, qui constituent le récit de l’itinéraire de Paris à Vienne et du séjour à Vienne durant l’hiver 1839-1840. Datée de Genève, sans nom d’auteur, elle va connaître plusieurs remaniements :
En 1846 Nerval envisagera de faire des impressions de ses deux voyages, à Baden et Francfort en 1838, et à Vienne durant l’hiver 1839-1840, un seul récit sur le mode du fantaisisme hoffmannien en quatre articles, tous signés Gérard de Nerval. Il utilisera, partiellement, la « lettre » du 28 janvier 1840, dans le premier article, publié le 1er mars 1846 sous le titre générique : Sensations d’un voyageur enthousiaste, où il occupera les chapitres I, « Vieux moyens de locomotion », II, « Besoin d’un chemin de fer », III, « Paradoxe et vérité ».
En 1849 apparaît un second remaniement. À cette étape de l’élaboration, Nerval va faire du voyage à Baden et Francfort de 1838 la matière du futur volume de Lorely. Souvenirs d’Allemagne (première partie : « Du Rhin au Mein ») et du récit de son voyage et de son séjour à Vienne l’ouverture, au sens musical du terme, de son itinéraire vers l’Orient. Dans cette nouvelle combinaison, l’article du 28 janvier 1840 est partiellement repris le 28 janvier 1849, dans le premier feuilleton d’une longue série, publiée sous le titre générique : Al Kahira, Souvenirs d’Orient, « Itinéraire de Paris à Trieste, I. », dédié à Timothée O’Neddy, dans La Silhouette.
Ce parti pris devient définitif en 1851 dans la publication en volume du Voyage en Orient, en une Introduction intitulée : « Vers l’Orient, chapitres I, « Route de Genève » et II, « L’Attaché d’ambassade ».
Nerval a quitté Paris le 30 octobre 1839, chargé en théorie d’une mission diplomatique à Vienne. Voyageant dans d’antiques voitures de poste, il arrive à Genève le 3 novembre après avoir fait étape à Châlons, Mâcon, Bourg-en-Bresse, Ferney. À la date du 15 janvier, qui est celle de l’envoi de l’article au journal, il est déjà depuis près de deux mois à Vienne.
Nerval s’exerce ici à la pratique de l’écriture fantaisiste en se campant lui-même, sous le nom de Fritz, en voyageur enthousiaste et bohème à la manière d’Hoffmann, en contrepoint des mésaventures du personnage d’un jeune attaché d’ambassade (autre lui-même ?) que nous retrouverons, sous le nom d'Henri de Bréjeas, en ouverture aux Amours de Vienne.
Voir la notice UN HIVER À VIENNE.
******
Genève, 15 janvier.
J’ignore si vous prendrez grand intérêt aux pérégrinations d’un touriste parti de Paris en plein hiver. C’est une assez triste litanie de mésaventures, c’est un bien pauvre feuilleton à faire, un feuilleton sans horizon, sans paysage, où il devient impossible d’utiliser les trois ou quatre vues de Suisse ou d’Italie qu’on a faites avant de partir, les rêveries mélancoliques sur la mer, la vague poésie des lacs, les études alpestres, et toute cette flore poétique des forêts sauvages et des jardins enchantés, qui donne au bourgeois de Paris tant de regrets amers de ne pouvoir aller plus loin que Montreuil ou Montmorency.
Aussi bien, la terre est partout revêtue de neige, et sur cette neige d’hier il pleut très fort aujourd’hui. Nous traversons Melun, Montereau, Joigny ; nous dînons à Auxerre ; tout cela n’a rien de fort piquant. Seulement, imaginez-vous l’imprudence d’un voyageur qui ne veut pas, par cette saison, passer deux nuits de suite en voiture, et qui, n’ayant nulle chaise de poste, s’abandonne à toutes les chances des diligences, plus ou moins pleines, qui pourront passer le lendemain ! Ce hardi compagnon laisse partir sans regret le Laffitte-et-Caillard rapide, qui l’avait amené à une table d’hôte assez bonne ; il sourit au malheur des autres convives, forcés de laisser la moitié du dîner, et trinque en paix avec les trois ou quatre habitués, pensionnaires de l’établissement, qui ont encore une heure à rester à table. Satisfait de son idée, il s’informe en outre des plaisirs de la ville, et finit par se laisser entraîner au début de M. Auguste dans Buridan, lequel s’effectue dans le chœur d’une ancienne église transformée en théâtre.
Le lendemain notre homme s’éveille à son heure ; il a dormi pour deux nuits ; de sorte que la Royale est déjà passée. Pourquoi ne pas reprendre Laffitte et Caillard, l’ayant pris la veille ? Il déjeune ; Laffitte passe et n’a de place que dans le cabriolet.
— Vous avez encore la Française, dit l’hôte, désireux de garder un voyageur agréable.
La Française arrive à quatre heures, remplie de compagnons tisseurs en voyage pour Lyon. C’est une voiture fort gaie ; elle chante et fume tout le long de la route ; mais elle porte déjà deux couches superposées de voyageurs.
Reste la Châlonnaise. — Qu’est-ce que cela ? — C’est la doyenne des voitures de France. Elle ne part qu’à cinq heures ; vous avez le temps de dîner. Ce raisonnement est séduisant ; je fais retenir ma place, et je m’assieds deux heures après dans le coupé, à côté du conducteur.
Cet homme est aimable ; il était de la table d’hôte et ne paraissait nullement pressé de partir. C’est qu’il connaissait trop sa voiture, lui !
— Conducteur, le pavé de la ville est bien mauvais ! — Oh ! monsieur, ne m’en parlez pas ! Ils sont un tas, dans le conseil municipal, qui n’y entendent pas plus... On leur a offert des chaussées anglaises, des polonceaux, des aigledons de pavés ; eh bien ! ils aiment mieux les cailloux, les moellons, tout ce qu’ils peuvent trouver pour faire sauter les voitures !
— Mais conducteur, nous voilà sur la terre et nous sautons presque autant. — Monsieur, je ne m’aperçois pas... C’est que le cheval est au trot. — Le cheval ? — Oui, oui, mais nous allons en prendre un autre pour la montée.
A cette délibération je frémis… Au fond, qu’est-ce que c’est donc que la Châlonnaise ? — Oh ! elle est bien connue ; c’est la première voiture de France. — La plus ancienne ? — Précisément.
Au relais suivant, je descendis pour examiner cette antiquité. Elle était digne de figurer dans un musée, auprès des fusils à rouet, des canons à pierre et des presses en bois : la Châlonnaise, prenez-y garde, est peut-être la seule voiture de France qui ne soit pas suspendue !
Alors vous comprenez le reste ; ne trouver de repos qu’en se suspendant momentanément aux lanières de l’impériale, prendre sans cheval une leçon de trot de trente-six heures, et finir par être déposé proprement sur le pavé de Châlons à deux heures du matin, par un des plus beaux orages de la saison.
Le bateau à vapeur part à cinq heures du matin. Fort bien. Aucune maison n’est ouverte. Est-il bien sûr que ce soit là Châlons-sur-Saône ?... Si c’était Châlons-sur-Marne !... Non, c’est bien là le port de Châlons-sur-Saône, avec ses marches en cailloux, où l’on glisse agréablement vers le fleuve ; les deux bateaux rivaux reposent encore côte à côte, en attendant qu’ils luttent de vitesse ; il y en a un qui est parvenu à couler bas son adversaire, tout récemment. Nous demandons qu’il passe à l’état de vaisseau de guerre, et qu’on l’envoie en Orient.
Déjà le pyroscaphe se remplit de gros marchands, d’Anglais, de commis-voyageurs et des joyeux ouvriers de la Française. Tout cela descend vers la seconde ville de France ; mais moi, je m’arrête à Mâcon. Mâcon ! c’est devant cette ville même que je passais il y a trois ans, dans une saison plus heureuse ; je descendais vers l’Italie, et les jeunes filles en costume presque suisse, qui venaient offrir sur le pont des grappes de raisins monstrueux, étaient les premières jolies filles du peuple que j’eusse vues depuis Paris. En effet, le Parisien n’a point d’idée de la beauté des paysannes et des ouvrières telles qu’on peut les voir dans les villes du Midi. Mâcon est une ville à demi suisse, à demi méridionale, fort laide, d’ailleurs.
On m’a montré la maison de M. de Lamartine, grande et triste ; il existe une jolie église sur la hauteur. Un regard de soleil est venu animer un instant les toits plats, aux tuiles arrondies, et détacher le long des murs quelques feuilles de vigne jaunies ; la promenade aux arbres effeuillés souriait encore sous ce rayon.
La voiture de Bourg part à deux heures ; on a visité tous les recoins de Mâcon ; on roule bientôt doucement dans ces monotones campagnes de la Bresse, si riantes en été ; puis on arrive vers huit heures à Bourg.
Bourg mériterait d’être plutôt remarqué pour son église, qui est de la plus charmante architecture byzantine, si j’ai bien pu distinguer dans la nuit, ou bien peut-être de ce style quasi-renaissance qu’on admire à Saint-Eustache. On voudra bien excuser un voyageur, encore brisé par la Châlonnaise, de n’avoir pu éclaircir ce doute en pleine obscurité.
Il est bon de convenir aujourd’hui que l’Europe est parfaitement connue à tout le monde ; un voyageur ne peut donc faire tout au plus que le feuilleton de sa route, la chronique de ses aventures, et au besoin transcrire la carte de son dîner, comme faisait Louis XVIII, dans le plus intéressant itinéraire qu’on ait jamais donné. Par exemple, n’est-il pas intéressant de savoir qu’à Genève, il est fort difficile d’avoir des truites ; et que ces poissons sont aussi rares dans le Léman que les huîtres à Ostende et les carpes dans le Rhin ? L’an dernier, je m’émerveillais, à une table d’hôtes de Manheim, de ne jamais manger de carpe, l’aimant beaucoup. (Il faut ajouter encore que je n’ai jamais pu obtenir de cidre à Rouen, ni de pâté de foies à Strasbourg, sous prétexte que ce n’était pas la saison.) — Monsieur, me répondit un Allemand de cette bonne ville de Manheim ; croyez-vous que l’on pêche comme cela les carpes dans le Rhin ? — On m’a montré, répondis-je froidement, chez Corcelet et chez Chevet, quelques-uns de ces animaux qui avaient la prétention d’y avoir séjourné. — Je ne dis pas, Monsieur, observa l’Allemand, qu’il n’y ait pas de carpes dans le Rhin... — Dites-le, si vous voulez, Monsieur ; à Paris, nous appellerions cela un paradoxe ; mais ici, cela peut être parfaitement vrai.
Monsieur, dit l’Allemand, les carpes du Rhin sont fort belles ; c’est un régal de têtes couronnées. On en sait le compte, et les pêcheurs du Rhin, qui forment une corporation, se les sont partagées depuis longtemps. Ils les connaissent ; et quand un pêcheur en rencontre une, il dit : Tiens, c’est la carpe d’un tel ; et il la remet honnêtement dans l’eau.
Je pense qu’il en est de même des truites du Léman. Du reste, la cuisine est assez bonne à Genève, et la société fort agréable. Tout le monde parle parfaitement français, mais avec une espèce d’accent qui rappelle un peu la prononciation de Marseille. Les femmes sont en général fort jolies, et ont toutes un type de physionomie qui permettrait de les distinguer parmi d’autres. Elles ont en général les cheveux noirs ou châtains, mais leur carnation est d’une blancheur et d’une finesse éclatantes ; leurs traits sont réguliers, leurs joues colorées, leurs yeux beaux et calmes. Il m’a semblé voir que les plus belles étaient celles d’un certain âge, ou plutôt d’un âge certain. Alors les bras et les épaules sont admirables, mais la taille un peu forte. Ce sont des femmes dans les idées de Sainte-Beuve, des beautés lakistes ; et si elles ont des bas bleus, il doit y avoir de fort belles jambes dedans.
Vous ne m’avez pas encore demandé où je vais : le sais-je moi-même ? Je vais tâcher de voir des pays que je n’aie pas vus ; et puis, dans cette saison, l’on n’a guère le choix des routes ; il faut prendre celle que la neige, l’inondation ou les voleurs n’ont pas envahie. (Vous ne croyez pas aux voleurs, ni moi non plus ; je n’en ai jamais vu et j’en ai souvent inventé.) Hé bien ! il se trouve ici des gens qui y croient ; et les journaux nous assurent que la Bavière en est infestée. Quant aux neiges, on nous en fait de terribles récits. Tantôt c’est un guide qui disparaît aux yeux de son voyageur comme un démon sous une trappe ; ailleurs une diligence, qui reste dix-sept jours engloutie, les voyageurs sont obligés de se nourrir des chevaux ; plus loin un Anglais, qui allait chercher le printemps en Italie, se perd dans les neiges et n’est sauvé par aucun chien du Mont-St-Bernard, attendu que le théâtre de l’Ambigu a négligé de les renvoyer à leur poste. Mais les récits d’inondation sont plus terribles encore. On vient de nous en faire un dont les circonstances sont si bizarres, que je ne puis résister à l’envie de vous l’envoyer.
Un courrier chargé de dépêches a passé ces jours derniers la frontière, se rendant en Italie. C’était un simple attaché ; très flatté de rouler aux frais de l’état, dans une belle chaise de poste neuve, bien garnie d’effets et d’argent ; en un mot, un jeune homme en belle position : son domestique par-derrière, très enveloppé de manteaux.
C’était le soir, la route se trouvait en plusieurs endroits traversée par les eaux ; il se présente un torrent plus rapide que les autres ; le postillon espère le franchir de même ; pas du tout, voilà l’eau qui emporte la voiture, et les chevaux sont à la nage. Le postillon ne perd pas la tête, il parvient à décrocher son attelage, et l’on ne le revoit plus.
Le domestique se jette à bas de son siège, fait deux brasses et gagne le bord. Pendant ce temps, la chaise de poste, toute neuve comme nous avons dit, et bien fermée, descendait tranquillement le fleuve en question. Cependant, que faisait l’attaché ?... Cet heureux garçon dormait.
On comprend toutefois qu’il s’était réveillé dès les premières secousses. Envisageant la question de sang-froid, il jugea que sa voiture ne pouvait flotter long-temps ainsi, se hâta de quitter ses habits, baissa la glace de la portière, où l’eau n’arrivait pas encore, prit ses dépêches dans ses dents, et, d’une taille fluette, parvint à s’élancer dehors.
Pendant qu’il nageait bravement, son domestique était allé chercher du secours au loin. De telle sorte qu’en arrivant au rivage notre envoyé diplomatique se trouva seul et nu sur la terre comme le premier homme. Quant à sa voiture, elle voguait déjà fort loin.
En faisant quelques pas, le jeune homme aperçut heureusement une chaumière savoyarde, et se hâta d’aller demander asile. Il n’y avait dans cette maison que deux femmes, la tante et la nièce. Vous pouvez juger des cris et des signes de croix qu’elles firent en voyant venir à elles un monsieur déguisé en modèle d’académie.
L’attaché parvint à leur faire comprendre la cause de sa mésaventure, et voyant un fagot près du foyer, dit à la tante qu’elle le jetât au feu, et qu’on la paierait bien ; mais, dit la tante, puisque vous êtes tout nu, vous n’avez pas d’argent. Ce raisonnement était incontestable. Heureusement le domestique arriva dans la maison, et cela changea la face des choses. Le fagot fut allumé, l’attaché s’enveloppa dans une couverture, et tint conseil avec son domestique.
La contrée n’offrait nulles ressources : cette maison était la seule à deux lieues à la ronde ; il fallait donc repasser la frontière pour chercher des secours et de l’argent. — As-tu de l’argent ? dit l’attaché à son Frontin.
Ce dernier fouilla dans ses poches et, comme le valet d’Alceste, il n’en put guère tirer qu’un jeu de cartes, une ficelle, un bouton et quelques gros sous, le tout fort mouillé. — Monsieur ! dit-il, une idée ! Je me mettrai dans votre couverture, et vous prendrez ma culotte et mon habit. En marchant bien, vous serez dans quatre heures à A..., et vous y trouverez ce bon général T... qui nous faisait tant de fête à notre passage.
L’attaché frémit de cette proposition ; endosser une livrée, passer le pantalon d’un domestique, et se présenter aux habitants d’A..., au commandant de la place et à son épouse ! Il avait trop vu Ruy-Blas pour admettre ce moyen. — Ma bonne femme, dit-il à son hôtesse, je vais me mettre dans votre lit, et j’attendrai le retour de mon domestique que j’envoie à la ville d’A... pour chercher de l’argent.
La Savoyarde n’avait pas trop de confiance ; en outre elle et sa nièce couchaient dans ce lit, et n’en avaient pas d’autre ; cependant la diplomatie de notre envoyé finit par triompher de ce dernier obstacle. Le domestique partit, et le maître reprit comme il put son sommeil d’une heure avant, si fâcheusement troublé.
Au point du jour, il s’éveilla au bruit qui se faisait à la porte. C’était son valet suivi de sept lanciers. Le général n’avait pas cru pouvoir faire moins pour son jeune ami ; par exemple, il n’envoyait aucun argent.
L’attaché sauta au bas de son lit. — « Que diable le général veut-il que je fasse de sept lanciers ? Il ne s’agit pas de conquérir la Savoie ! — Mais, monsieur, dit le domestique, c’est pour retirer la voiture. — Et où est-elle la voiture ?... On se répandit dans le pays ; le torrent coulait toujours avec majesté mais la voiture n’avait laissé nulle trace. Les Savoyardes recommencèrent à s’inquiéter. Heureusement notre jeune diplomate ne manquait pas d’expédiens ; ses dépêches à la main, il convainquit les lanciers de l’importance qu’il y avait à ce qu’il ne perdît pas une heure, et l’un de ces militaires consentît à lui prêter son uniforme et à rester à sa place dans le lit, ou bien devant le feu, roulé dans la couverture, à son choix.
Voilà donc l’attaché qui repart enfin pour A..., laissant un lancier en gage chez les Savoyardes (Nous espérons qu’il n’en est rien résulté qui soit propre à troubler l’harmonie entre les deux gouvernemens). Arrivé dans la ville, il s’en va trouver le commandant qui avait peine à le reconnaître sous son uniforme : — Mais, général, je vous avais prié de m’envoyer des habits et de l’argent...
— Votre voiture est donc perdue ? dit le général.
— Mais, jusqu’à présent, on n’en a pas de nouvelles ; lorsque vous m’aurez donné de l’argent, il est probable que je pourrai la faire retirer de l’eau par des gens du pays.
— Pourquoi employer des gens du pays, puisque nous avons des lanciers qui ne coûtent rien !
— Mais général, on ne peut pas tout faire avec des lanciers ! Quand vous m’aurez prêté quelque autre habit...
— Vous pouvez garder celui-ci ; nous en avons encore en magasin.
— Eh bien, avec les fonds que vous pouvez m’avancer, je vais me transporter sur les lieux...
— Pardon, mon cher ami, je n’ai pas de fonds disponibles ; mais tous les secours que l’autorité militaire peut mettre à votre disposition…
— Pour Dieu, général, ne parlez plus de vos lanciers ! Je vais tâcher de trouver de l’argent dans la ville, et je n’en suis pas moins votre obligé, du reste.
— Tout à votre service, mon cher ami.
L’attaché n’inspira pas grande confiance au maire et au notaire de la ville, surtout sous l’habit qu’il portait. Il fut contraint d’aller jusqu’à la sous-préfecture la plus voisine où après bien des pourparlers, il obtint ce qu’il lui fallait. La voiture fut retirée toute brisée, le lancier fut dégagé, les Savoyardes bien payées de leur hospitalité, et notre diplomate repartit par le courrier de T...
Je lui souhaite d’avoir rencontré une voiture meilleure que celle qui m’a transporté à Ferney. Ensuite il y a eu deux jours de perdus pour les dépêches et qui sait combien de complications cela a pu amener dans une question quelconque.
Pour moi, ces malheurs m’épouvantent ; pourquoi n’attendrais-je pas le printemps dans cette bonne ville de Genève, où les femmes sont si jolies, la cuisine passable, le vin, notre vin de France, et qui ne manque, hélas ! que d’huîtres fraîches, et de carpes du Léman !
Si je change de résolution, je vous l’écrirai.
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GÉRARD DE NERVAL - SYLVIE LÉCUYER tous droits réservés @
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