TEXTES
1824, Poésies diverses (manuscrit autographe)
1824, L’Enterrement de la Quotidienne (manuscrit autographe)
1824, Poésies et poèmes (manuscrit autographe)
1825, « Pour la biographie des biographes » (manuscrit autographe)
15 février 1826 (BF), Napoléon et la France guerrière, chez Ladvocat
6 mai 1826 (BF), Complainte sur l’immortalité de M. Briffaut, par Cadet Roussel, chez Touquet
6 mai 1826 (BF), Monsieur Dentscourt ou le Cuisinier d’un grand homme, chez Touquet
20 mai 1826 (BF), Les Hauts faits des Jésuites, par Beuglant, chez Touquet
12 août 1826 (BF), Épître à M. de Villèle (Mercure de France du XIXe siècle)
11 novembre 1826 (BF), Napoléon et Talma, chez Touquet
13 et 30 décembre 1826 (BF), L’Académie ou les membres introuvables, par Gérard, chez Touquet
16 mai 1827 (BF), Élégies nationales et Satires politiques, par Gérard, chez Touquet
29 juin 1827, La dernière scène de Faust (Mercure de France au XIXe siècle)
28 novembre 1827 (BF), Faust, tragédie de Goëthe, 1828, chez Dondey-Dupré
15 décembre 1827, A Auguste H…Y (Almanach des muses pour 1828)
1828? Faust (manuscrit autographe)
1828? Le Nouveau genre (manuscrit autographe)
mai 1829, Lénore. Ballade allemande imitée de Bürger (La Psyché)
août 1829, Le Plongeur. Ballade, (La Psyché)
octobre 1829, A Schmied. Ode de Klopstock (La Psyché)
24 octobre 1829, Robert et Clairette. Ballade allemande de Tiedge (Mercure de France au XIXe siècle)
21 novembre 1829, Chant de l’épée. Traduit de Korner (Mercure de France au XIXe siècle)
19 décembre 1829, Lénore. Traduction littérale de Bürger (Mercure de France au XIXe siècle)
janvier 1830, La Lénore de Bürger, nouvelle traduction littérale (La Psyché)
16 janvier 1830, Ma Patrie, de Klopstock (Mercure de France au XIXe siècle)
23 janvier 1830, Légende, par Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)
6 février (BF) Poésies allemandes, Klopstock, Goethe, Schiller, Burger (Bibliothèque choisie)
13 février 1830, Les Papillons (Mercure de France au XIXe siècle)
13 février 1830, Appel, par Koerner (1813) (Mercure de France au XIXe siècle)
13 mars 1830, L’Ombre de Koerner, par Uhland, 1816 (Mercure de France au XIXe siècle)
27 mars 1830, La Nuit du Nouvel an d’un malheureux, de Jean-Paul Richter (La Tribune romantique)
29 avril 1830, La Pipe, chanson traduite de l’allemand, de Pfeffel (La Tribune romantique)
13 mai 1830 Le Cabaret de la mère Saguet (Le Gastronome)
mai 1830, M. Jay et les pointus littéraires (La Tribune romantique)
juillet ? 1830, Récit des journées des 27-29 juillet (manuscrit autographe)
14 août 1830, Le Peuple (Mercure de France au XIXe siècle)
11 décembre 1830, A Victor Hugo. Les Doctrinaires (Almanach des muses pour 1831)
29 décembre 1830, La Malade (Le Cabinet de lecture )
29 janvier 1831, Odelette, Le Vingt-cinq mars (Almanach dédié aux demoiselles)
14 mars 1831, En avant, marche! (Cabinet de lecture)
23 avril 1831, Bardit, traduit du haut-allemand (Mercure de France au XIXe siècle)
7 mai 1831, Profession de foi (Mercure de France au XIXe siècle)
25 juin et 9 juillet 1831, Nicolas Flamel, drame-chronique (Mercure de France au XIXe siècle)
4 décembre 1831, Cour de prison, Le Soleil et la gloire (Le Cabinet de lecture)
17 décembre 1831, Fantaisie, odelette (Annales romantiques pour 1832)
24 septembre 1832, La Main de gloire, histoire macaronique (Le Cabinet de lecture)
14 décembre 1834, Odelettes (Annales romantiques pour 1835)
1835-1838 ? Lettres d’amour (manuscrits autographes)
26 mars et 20 juin 1836, De l’Aristocratie en France (Le Carrousel)
20 et 26 mars 1837, De l’avenir de la tragédie (La Charte de 1830)
12 août 1838, Les Bayadères à Paris (Le Messager)
18 septembre 1838, A M. B*** (Le Messager)
2 octobre 1838, La ville de Strasbourg. A M. B****** (Le Messager)
26 octobre 1838, Lettre de voyage. Bade (Le Messager)
31 octobre 1838, Lettre de voyage. Lichtenthal (Le Messager)
24 novembre 1838, Léo Burckart (manuscrit remis à la censure)
25, 26 et 28 juin 1839, Le Fort de Bitche. Souvenir de la Révolution française (Le Messager)
13 juillet 1839 (BF) Léo Burckart, chez Barba et Desessart
19 juillet 1839, « Le Mort-vivant », drame de M. de Chavagneux (La Presse)
15 et 16-17 août 1839, Les Deux rendez-vous, intermède (La Presse)
17 et 18 septembre 1839, Biographie singulière de Raoul Spifamme, seigneur des Granges (La Presse)
28 janvier 1840, Lettre de voyage I (La Presse)
25 février 1840, Le Magnétiseur
5 mars 1840, Lettre de voyage II (La Presse)
8 mars 1840, Lettre sur Vienne (L’Artiste)
26 mars 1840, Lettre de voyage III (La Presse)
28 juin 1840, Lettre de voyage IV, Un jour à Munich (La Presse)
18 juillet 1840 (BF) Faust de Goëthe suivi du second Faust, chez Gosselin
26 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort I (La Presse)
29 juillet, 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort II (La Presse)
30 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort III (La Presse)
11 février 1841, Une Journée à Liège (La Presse)
18 février 1841, L’Hiver à Bruxelles (La Presse)
1841 ? Première version d’Aurélia (feuillets autographes)
février-mars 1841, Lettre à Muffe, (sonnets, manuscrit autographe)
1841 ? La Tête armée (manuscrit autographe)
mars 1841, Généalogie dite fantastique (manuscrit autographe)
1er mars 1841, Jules Janin, Gérard de Nerval (Journal des Débats)
5 mars 1841, Lettre à Edmond Leclerc
7 mars 1841, Les Amours de Vienne (Revue de Paris)
31 mars 1841, Lettre à Auguste Cavé
11 avril 1841, Mémoires d’un Parisien. Sainte-Pélagie en 1832 (L’Artiste)
9 novembre 1841, Lettre à Ida Ferrier-Dumas
novembre? 1841, Lettre à Victor Loubens
10 juillet 1842, Les Vieilles ballades françaises (La Sylphide)
15 octobre 1842, Rêverie de Charles VI (La Sylphide)
24 décembre 1842, Un Roman à faire (La Sylphide)
19 et 26 mars 1843, Jemmy O’Dougherty (La Sylphide)
11 février 1844, Une Journée en Grèce (L’Artiste)
10 mars 1844, Le Roman tragique (L’Artiste)
17 mars 1844, Le Boulevard du Temple, 1re livraison (L’Artiste)
31 mars 1844, Le Christ aux oliviers (L’Artiste)
5 mai 1844, Le Boulevard du Temple 2e livraison (L’Artiste)
12 mai 1844, Le Boulevard du Temple, 3e livraison (L’Artiste)
2 juin 1844, Paradoxe et Vérité (L’Artiste)
30 juin 1844, Voyage à Cythère (L’Artiste)
28 juillet 1844, Une Lithographie mystique (L’Artiste)
11 août 1844, Voyage à Cythère III et IV (L’Artiste)
15 septembre, Diorama (L’Artiste-Revue de Paris)
29 septembre 1844, Pantaloon Stoomwerktuimaker (L’Artiste)
20 octobre 1844, Les Délices de la Hollande I (La Sylphide)
8 décembre 1844, Les Délices de la Hollande II (La Sylphide)
16 mars 1845, Pensée antique (L’Artiste)
19 avril 1845 (BF), Le Diable amoureux par J. Cazotte, préface de Nerval, chez Ganivet
1er juin 1845, Souvenirs de l’Archipel. Cérigo (L’Artiste-Revue de Paris)
6 juillet 1845, L’Illusion (L’Artiste-Revue de Paris)
5 octobre 1845, Strasbourg (L’Artiste-Revue de Paris)
novembre-décembre 1845, Le Temple d’Isis. Souvenir de Pompéi (La Phalange)
28 décembre 1845, Vers dorés (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste I (L’Artiste-Revue de Paris)
15 mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste II (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mai 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne (Revue des Deux Mondes)
17 mai 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste III (L’Artiste-Revue de Paris)
12 juillet 1846 Sensations d’un voyageur enthousiaste IV (L’Artiste-Revue de Paris)
16 août 1846, Un Tour dans le Nord. Angleterre et Flandre (L’Artiste-Revue de Paris)
30 août 1846, De Ramsgate à Anvers (L’Artiste-Revue de Paris)
20 septembre 1846, Une Nuit à Londres (L’Artiste-Revue de Paris)
1er novembre 1846, Un Tour dans le Nord III (L’Artiste-Revue de Paris)
22 novembre 1846, Un Tour dans le Nord IV (L’Artiste-Revue de Paris)
15 décembre 1846, Scènes de la vie égyptienne moderne. La Cange du Nil (Revue des Deux Mondes)
1847, Scénario des deux premiers actes des Monténégrins
15 février 1847, La Santa-Barbara. Scènes de la vie orientale (Revue des Deux Mondes)
15 mai 1847, Les Maronites. Un Prince du Liban (Revue des Deux Mondes)
15 août 1847, Les Druses (Revue des Deux Mondes)
17 octobre 1847, Les Akkals (Revue des Deux Mondes)
21 novembre 1847, Souvenirs de l’Archipel. Les Moulins de Syra (L’Artiste-Revue de Paris)
15 juillet 1848, Les Poésies de Henri Heine (Revue des Deux Mondes)
15 septembre 1848, Les Poésies de Henri Heine, L’Intermezzo (Revue des Deux Mondes)
1er-27 mars 1849, Le Marquis de Fayolle, 1re partie (Le Temps)
26 avril 16 mai 1849, Le Marquis de Fayolle, 2e partie (Le Temps)
6 octobre 1849, Le Diable rouge (Almanach cabalistique pour 1850)
7 mars-19 avril 1850, Les Nuits du Ramazan (Le National)
15 août 1850, Les Confidences de Nicolas, 1re livraison (Revue des Deux Mondes)
26 août 1850, Le Faust du Gymnase (La Presse)
1er septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 2e livraison (Revue des Deux Mondes)
9 septembre 1850, Excursion rhénane (La Presse)
15 septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 3e livraison (Revue des Deux Mondes)
18 et 19 septembre 1850, Les Fêtes de Weimar (La Presse)
1er octobre 1850, Goethe et Herder (L’Artiste-Revue de Paris)
24 octobre-22 décembre 1850, Les Faux-Saulniers (Le National)
29 décembre 1850, Les Livres d’enfants, La Reine des poissons (Le National)
novembre 1851, Quintus Aucler (Revue de Paris)
24 janvier 1852 (BF), L’Imagier de Harlem, Librairie théâtrale
15 juin 1852, Les Fêtes de mai en Hollande (Revue des Deux Mondes)
1er juillet 1852, La Bohême galante I (L’Artiste)
15 juillet 1852, La Bohême galante II (L’Artiste)
1er août 1852, La Bohême galante III (L’Artiste)
15 août 1852, La Bohême galante IV (L’Artiste)
21 août 1852 (BF), Lorely. Souvenirs d’Allemagne, chez Giraud et Dagneau (Préface à Jules Janin)
1er septembre 1852, La Bohême galante V (L’Artiste)
15 septembre 1852, La Bohême galante VI (L’Artiste)
1er octobre 1852, La Bohême galante VII (L’Artiste)
9 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 1re livraison (L’Illustration)
15 octobre 1852, La Bohême galante VIII (L’Artiste)
23 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 2e livraison (L’Illustration)
30 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 3e livraison (L’Illustration)
1er novembre 1852, La Bohême galante IX (L’Artiste)
6 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 4e livraison (L’Illustration)
13 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 5e livraison (L’Illustration)
15 novembre 1852, La Bohême galante X (L’Artiste)
20 novembre 1852, Les Illuminés, chez Victor Lecou (« La Bibliothèque de mon oncle »)
1er décembre 1852, La Bohême galante XI (L’Artiste)
15 décembre 1852, La Bohême galante XII (L’Artiste)
1er janvier 1853 (BF), Petits Châteaux de Bohême. Prose et Poésie, chez Eugène Didier
15 août 1853, Sylvie. Souvenirs du Valois (Revue des Deux Mondes)
14 novembre 1853, Lettre à Alexandre Dumas
25 novembre 1853-octobre 1854, Lettres à Émile Blanche
10 décembre 1853, Alexandre Dumas, Causerie avec mes lecteurs (Le Mousquetaire)
17 décembre 1853, Octavie (Le Mousquetaire)
1853-1854, Le Comte de Saint-Germain (manuscrit autographe)
28 janvier 1854 (BF) Les Filles du feu, préface, Les Chimères, chez Daniel Giraud
31 octobre 1854, Pandora (Le Mousquetaire)
25 novembre 1854, Pandora, épreuves du Mousquetaire
Pandora, texte reconstitué par Jean Guillaume en 1968
Pandora, texte reconstitué par Jean Senelier en 1975
30 décembre 1854, Promenades et Souvenirs, 1re livraison (L’Illustration)
1854 ? Sydonie (manuscrit autographe)
1854? Emerance (manuscrit autographe)
1854? Promenades et Souvenirs (manuscrit autographe)
janvier 1855, Oeuvres complètes (manuscrit autographe)
1er janvier 1855, Aurélia ou le Rêve et la Vie (Revue de Paris)
6 janvier 1855, Promenades et Souvenirs, 2e livraison (L’Illustration)
3 février 1855, Promenades et Souvenirs, 3e livraison (L’Illustration)
15 février 1855, Aurélia ou Le Rêve et la Vie, seconde partie (Revue de Paris)
15 mars 1855, Desiderata (Revue de Paris)
1866, La Forêt noire, scénario
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BF: annonce dans la Bibliographie de la France
Manuscrit autographe: manuscrit non publié du vivant de Nerval
31 octobre 1838 — [Lichtenthal], dans Le Messager.
Le numéro du Messager qui contenait cet article manque également dans la collection de la BnF (Tolbiac MICR D- 790), et dans le numéro de la collection Lovenjoul de l’Institut, l’article a été découpé et porte la mention : « Le feuilleton enlevé pour les Œuvres de Gérard de Nerval. Lettre de Voyage. Lichtenthal (Lorely) », en vue de la publication par Michel Lévy des Œuvres complètes de Nerval, t. III, p. 467-473, sous le titre : « V — Lichtenthal ».
Cette quatrième et dernière « lettre » adressée au Messager fera comme la précédente l’objet d’une reprise partielle et d’un premier remaniement dans La Presse le 26 juillet 1840, regroupée avec : Lettre de voyage. Bade, sous le titre: Allemagne du Nord I puis dans L’Artiste, le 17 mai 1846, sous le titre : Sensation d’un voyageur enthousiaste, Chapitre XI, « Lichtenthal », signé Gérard de Nerval, et enfin en volume dans Lorely. Souvenirs d’Allemagne, « Sensations d’un voyageur enthousiaste, I. — Du Rhin au Mein, chapitre V, Lichtenthal »
Tandis qu’il séjourne toujours à Bade, Nerval fait une excursion dans les environs au monastère de Lichtenthal. Séduit par l’architecture baroque « d’un Pompadour exorbitant », et plus encore par les voix des religieuses qui chantent l’office comme un air d’opéra, il rêve à d’improbables rencontres sentimentales à la manière du XVIIIe siècle.
Voir la notice LE VOYAGE EN ALLEMAGNE DE 1838
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[LICHTENTHAL]
Imaginez un peu le bonheur de s’éveiller à Bade, je veux dire d’y être réveillé, par une charmante musique d’orchestre, qui, avant d’aller prendre place dans son pavillon de la promenade, parcourt toutes les rues de la ville et donne une sérénade sous la fenêtre de chaque hôte ; cela n’est-il pas d’un usage et d’un goût charmant ? Notez que la musique est bonne et que ces modestes exécutans d’Allemagne, qui n’ont pas la prétention de nos seigneurs les grands artistes de l’orchestre l’Opéra, nous régalent cependant d’ouvertures et de symphonies du meilleur choix et de la plus grande difficulté ! C’est le cas ou jamais de se débarrasser de toute cette menue monnaie française, qui n’a plus cours dans le duché de Bade, mais dont ces braves gens sauront bien tirer parti. Tout en exécutant cette heureuse idée, avec la bonne humeur d’un homme éveillé à point, éveillé le matin d’un beau jour d’automne, dans le plus délicieux pays du monde, éveillé noblement par des musiciens comme M. de Turenne, on a pris place à la fenêtre, et l’on admire longuement cette vallée paisible, qui changera d’aspect dix fois dans la journée, sous les fantasques variations de la lumière et des brouillards.
Vous décrirai-je tout cela ? C’est inutile. Ouvrez Gessner, ce tableau se lit à toutes les pages ; mais il faut le voir en effet pour imaginer qu’il existe et qu’il n’a point été rêvé. Après cela, transformez les habitans en bergers de l’idylle, et vous n’aurez pas fort à faire, un dimanche surtout. Tenez, quelque plaisir que nous ayons à dépoétiser toutes choses, nous n’échapperons pas aux impressions du livre et du théâtre, et toute notre consolation sera de croire que nous n’avons ici que de la pastorale arrangée après coup, que le grand-duc de Bade est un habile directeur qui a machiné tout son pays, comme nous disions hier, dans le but d’une illusion scénique, et qui s’est formé, en outre, une population de comparses pour animer la ville et la contrée. Voyez déjà la campagne se garnir d’une foule riante et bigarrée ; ces costumes ne sortent-ils pas des magasins de l’Opéra-Comique ? Est-il vraisemblable qu’on porte naturellement ces habits français à larges boutons miroitants, ces gilets rouges, ces tricornes, ces culottes, ces bas chinés ? Ne voilà-t-il pas là M. le bailli, qui rêve à sa fameuse harangue :
Ainsi qu’Alexandre le Grand, à son entrée à Babylone, etc.
Ces paysannes aux vêtemens coquets qui courent sur la route en se tenant par la main, ne les reconnaissons-nous pas pour les avoir vues folâtrer dans la prairie fraîche et fleurie, où dame jolie viendra s’asseoir ?
Mais justement n’est-ce pas aujourd’hui la fête du grand-duc de Bade (der Gross-Herzog von Baden) ? Hâtons-nous de descendre et d’aller prendre part à la joie publique.
Quelles réjouissances imaginer dans une ville perpétuellement en fête ? Le seul moyen de distinguer ce jour serait de n’en faire aucune, de supprimer les orchestres, les danses, les théâtres, les illuminations de tous les soirs. Mais peut-être aurons-nous des parades, des revues, des messes solennelles ? C’est de quoi il est bon de s’informer.
En effet, la ville fait grandement les choses : à dix heures, grand-messe et Te Deum, tant à Bade qu’à Lichtenthal ; à midi, revue, parade, marches militaires ; le soir, une pièce féerie au Théâtre-Allemand, composée en l’honneur du grand-duc de Bade. Toute la journée, des coups de canon de quart d’heure en quart d’heure ; mais, la ville ne possédant aucun canon, nous soupçonnons qu’on a recours à tout autre procédé pour obtenir ces détonations qui se multiplient le long des montagnes.
La route de Lichtenthal se couvre d’équipages, de promeneurs, de cavaliers ; c’est tout le mouvement, tout le luxe, tout l’éclat d’une promenade parisienne. Lichtenthal est le Longchamp de Bade. Lichtenthal (vallée de lumières) est un couvent de religieuses augustines qui chantent admirablement : leurs prières sont des cantates, leurs messes sont des opéras. la vallée de lumières n’est point une vallée de larmes : les religieuses n’y font de vœux que pour trois ans. Cette retraite romanesque, cette chartreuse riante, est, dit-on, l’hospice des cœurs souffrans. On y vient guérir des grands amours ; on y passe un bail de trois, six, neuf avec la douleur : mais qui sait combien de temps le traitement peut survivre à la guérison !
En vérité, c’est bien là un cloître d’héroïnes de petits romans, un monastère dans les idées de madame Cottin et de madame Riccoboni. Les bâtimens sont adossés à une montagne qui, à de certaines heures, projette dans les cœurs l’ombre ténébreuse des sapins. La rivière de Bade coule au pied des murs, mais n’offre nulle part assez de profondeur pour devenir le tombeau d’un désespoir tragique : son éternelle voix se plaint dans les rochers rougeâtres ; mais, une fois dans la plaine unie, ce n’est plus qu’un ruisseau du Lignon, un paisible courant de la carte du Tendre, le long duquel s’en vont errer les moutons du village, bien peignés et enrubannés dans le goût de Vatteau. Vous comprenez que les troupeaux font partie du matériel du pays, et sont entretenus par le gouvernement, comme les colombes de Saint-Marc à Venise. Toute cette prairie qui compose la moitié du paysage ressemble à la petite Suisse de Trianon, comme en effet, le pays entier de Baden est l’image de la Suisse en petit, la Suisse, moins ses glaciers et ses lacs, moins ses froids, ses brouillards et ses rudes montées. Il faut aller voir la Suisse, mais il faut vivre à Bade.
L’église du couvent est située au fond de la grande cour, ayant à droite la maison du cloître, et, à gauche, en retour d’équerre, une chapelle gothique neuve, où sont les tombeaux des margraves et tout ce qu’on a pu recueillir de vitraux historiques et de légendes inscrites sur le marbre. Maintenant, représentez-vous une décoration intérieure d’église d’un Pompadour exorbitant ; des saintes en costumes mythologiques, dans les attitudes les plus maniérées du monde, portées, soutenues, caressées par des petits démons d’anges, nus comme des petits amours. Les chapelles sont des boudoirs ; la rocaille s’enlace autour de charmans médaillons et de peintures exquises de Vanloo. Deux autels seulement ramènent l’esprit à des idées lugubres, en exposant aux yeux les reliques trop bien conservées de saint Pius et de saint Bénédictus ; mais là encore, on a cherché le moyen de rendre la mort présentable et presque coquette. Les deux squelettes, bien nettoyés, vernis, chevillés en argent, sont couchés sur un lit de fleurs artificielles, de mousses et de coquillages, dans une sorte de montre en glaces. Ils sont couronnés d’or et de feuillages ; une collerette de dentelle entoure les vertèbres de leur cou, et chacune de leurs côtes est garnie d’une bande de velours rouge brodé d’or ; ce qui leur compose une sorte de pourpoint tailladé à jour du plus bizarre effet. Bien plus, leurs tibias sortent d’une espèce de haut-de-chausses du même velours à crevés de soie blanche. L’aspect ridicule et pénible à la fois de cette mascarade d’ossemens ne peut se comparer qu’à celui des momies d’un duc de Nassau et de sa fille que l’on fait voir à Strasbourg, dans l’église Saint-Thomas ; il est impossible de mieux dépoétiser la mort et de railler plus amèrement l’éternité.
Maintenant, résonnez, notes sévères du chant d’église, notes larges et carrées qui traduisez en langue du ciel l’idiome sacré de Rome ! Orgue majestueux, répands tes sons comme des flots autour de cette nef à demi profane ! Voix inspirées des saintes filles, élancez-vous au ciel entre le chant de l’ange et le chant de l’oiseau ! La foule est grande et digne sans doute d’assister au saint sacrifice ; les étrangers ont la place d’honneur ; ils occupent le chœur et les chapelles latérales ; les habitans du pays remplissent modestement le fond de l’église agenouillés sur la pierre, ou rangés sur leurs bancs de bois.
Ici commença la plus singulière messe que j’aie jamais entendue, moi qui connais les messes italiennes pourtant. C’était une messe d’un goût rococo comme toute l’église, une messe accompagnée de violons et fort gaiement exécutée. Bientôt les exécutans du chœur s’interrompirent et les voix des sœurs augustines descendirent d’une sorte de grande soupente établie derrière l’orgue et masquée d’une grille épaisse. Ensuite on n’entendit plus qu’une seule voix qui chanta une sorte de grand air selon l’ancienne manière italienne : c’étaient des traits, des fioritures incroyables, des broderies à faire perdre la tête à madame Damoreau, et la voix à mademoiselle Grisi ; cela, sur une musique du temps de Pergolèse tout au moins. Vous comprenez mon plaisir ! je ne veux cacher à personne que cette musique et ce chant, m’ont ravi au troisième ciel.
Après la messe, je suis monté au parloir. Le parloir ne faisait nul disparate avec le reste ; un vrai parloir de nouvelle galante ; le parloir de Marianne, de Mélanie, et, si vous voulez même, le parloir de Vert-Vert. Quel bonheur de se trouver en plein XVIIIe siècle tout à coup et tout à fait ! Malheureusement, je n’avais aucune religieuse à y faire venir, et je me suis contenté de voir passer deux jeunes novices bleues, qui portaient du café à la crème à madame la supérieure. Là s’est arrêté mon roman.
On revient à Bade en suivant le cours de la rivière ; et quelle rivière ! Elle n’est guère navigable que pour les canards ; les oies y ont pied presque partout. Pourtant des ponts orgueilleux la traversent de tous côtés ; des ponts de pierre, des ponts de bois, et jusqu’à des ponts suspendus en fil de fer. Vous n’imaginez pas à quel point on tourmente ce pauvre filet d’eau limpide, qui ne demanderait pas mieux que d’être un simple ruisseau. On a construit des barrages de l’autre côté de la ville, afin que, pendant qu’il y passe il présente plus de surface. Lorsque l’on annonçait à Bade l’arrivée de l’empereur de Russie, on parla de jeter quelques seaux d’eau dans la rivière pour la faire passer à l’état de fleuve.
Mais laissons en paix cette pauvre rivière de Baden-Baden, le pays le moins lymphatique du monde. Toute la ville est en rumeur ; qu’arrive-t-il ? C’est l’armée du grand-duc qui passe par la promenade : cinquante hommes de cavalerie, cent hommes d’infanterie, huit tambours et vingt-cinq musiciens. Cette revue majestueuse me donne une assez pauvre idée de l’éducation militaire des troupes badoises. Mais, plus tard, j’appris que presque tous ces soldats n’étaient que d’honnêtes cultivateurs du pays, qui s’en vont, les jours de parade se faire habiller au château, et y reportent ensuite fidèlement cette défroque empruntée. Les forces militaires de la ville de Bade ne se composent, en réalité, que de deux cents uniformes un peu piqués, avec équipement complet, qu’il est loisible à la ville de faire remplir par des figurans quelconques, quand elle veut donner aux étrangers une idée de sa puissance.
Les divertissements du reste de la fête se réduisaient à ceux de tous les jours. Nous allons passer à la pièce de circonstance, jouée au Théâtre-Allemand en l’honneur du grand-duc et de sa famille. Là surtout, il faut louer l’intention ; des guirlandes de fleurs et de feuillage véritables ornaient le devant des loges, dont les belles spectatrices décoraient mieux l’intérieur. Le rideau levé, une actrice s’est avancée, dans le costume de Thalie, et a prononcé, en quelques centaines de vers, l’éloge du grand-duc régnant. Nous pensions que la pièce se réduisait à un monologue, lorsqu’une autre actrice, vêtue en Melpomène, est venue reprocher à l’autre de ne parler que du souverain actuel, et d’oublier son prédécesseur. Alors, ces deux muses ont conversé en strophes alternées, comme les bergers de l’églogue, chacune produisant les divers mérites du souverain et de son père. Puis un buste s’est élevé par une trappe, au fond de la scène, et toutes deux y sont venues déposer des guirlandes, une Gloire a couronné le tout, et des flammes bleues et rouges accompagnaient ce tableau final. Cela n’était pas plus ridicule que la cérémonie de la fête de Molière au Théâtre-Français, mais cela l’était tout autant. Une forte pluie, qui a tombé toute la soirée, aurait empêché le feu d’artifice, s’il y en avait eu un sur le programme ; ce qui aura fait regretter sans doute aux ordonnateurs de la fête de ne pas l’avoir annoncé.
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