TEXTES
1824, Poésies diverses (manuscrit autographe)
1824, L’Enterrement de la Quotidienne (manuscrit autographe)
1824, Poésies et poèmes (manuscrit autographe)
1825, « Pour la biographie des biographes » (manuscrit autographe)
15 février 1826 (BF), Napoléon et la France guerrière, chez Ladvocat
6 mai 1826 (BF), Complainte sur l’immortalité de M. Briffaut, par Cadet Roussel, chez Touquet
6 mai 1826 (BF), Monsieur Dentscourt ou le Cuisinier d’un grand homme, chez Touquet
20 mai 1826 (BF), Les Hauts faits des Jésuites, par Beuglant, chez Touquet
12 août 1826 (BF), Épître à M. de Villèle (Mercure de France du XIXe siècle)
11 novembre 1826 (BF), Napoléon et Talma, chez Touquet
13 et 30 décembre 1826 (BF), L’Académie ou les membres introuvables, par Gérard, chez Touquet
16 mai 1827 (BF), Élégies nationales et Satires politiques, par Gérard, chez Touquet
29 juin 1827, La dernière scène de Faust (Mercure de France au XIXe siècle)
28 novembre 1827 (BF), Faust, tragédie de Goëthe, 1828, chez Dondey-Dupré
15 décembre 1827, A Auguste H…Y (Almanach des muses pour 1828)
1828? Faust (manuscrit autographe)
1828? Le Nouveau genre (manuscrit autographe)
mai 1829, Lénore. Ballade allemande imitée de Bürger (La Psyché)
août 1829, Le Plongeur. Ballade, (La Psyché)
octobre 1829, A Schmied. Ode de Klopstock (La Psyché)
24 octobre 1829, Robert et Clairette. Ballade allemande de Tiedge (Mercure de France au XIXe siècle)
21 novembre 1829, Chant de l’épée. Traduit de Korner (Mercure de France au XIXe siècle)
19 décembre 1829, Lénore. Traduction littérale de Bürger (Mercure de France au XIXe siècle)
janvier 1830, La Lénore de Bürger, nouvelle traduction littérale (La Psyché)
16 janvier 1830, Ma Patrie, de Klopstock (Mercure de France au XIXe siècle)
23 janvier 1830, Légende, par Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)
6 février (BF) Poésies allemandes, Klopstock, Goethe, Schiller, Burger (Bibliothèque choisie)
13 février 1830, Les Papillons (Mercure de France au XIXe siècle)
13 février 1830, Appel, par Koerner (1813) (Mercure de France au XIXe siècle)
13 mars 1830, L’Ombre de Koerner, par Uhland, 1816 (Mercure de France au XIXe siècle)
27 mars 1830, La Nuit du Nouvel an d’un malheureux, de Jean-Paul Richter (La Tribune romantique)
29 avril 1830, La Pipe, chanson traduite de l’allemand, de Pfeffel (La Tribune romantique)
13 mai 1830 Le Cabaret de la mère Saguet (Le Gastronome)
mai 1830, M. Jay et les pointus littéraires (La Tribune romantique)
juillet ? 1830, Récit des journées des 27-29 juillet (manuscrit autographe)
14 août 1830, Le Peuple (Mercure de France au XIXe siècle)
11 décembre 1830, A Victor Hugo. Les Doctrinaires (Almanach des muses pour 1831)
29 décembre 1830, La Malade (Le Cabinet de lecture )
29 janvier 1831, Odelette, Le Vingt-cinq mars (Almanach dédié aux demoiselles)
14 mars 1831, En avant, marche! (Cabinet de lecture)
23 avril 1831, Bardit, traduit du haut-allemand (Mercure de France au XIXe siècle)
7 mai 1831, Profession de foi (Mercure de France au XIXe siècle)
25 juin et 9 juillet 1831, Nicolas Flamel, drame-chronique (Mercure de France au XIXe siècle)
4 décembre 1831, Cour de prison, Le Soleil et la gloire (Le Cabinet de lecture)
17 décembre 1831, Fantaisie, odelette (Annales romantiques pour 1832)
24 septembre 1832, La Main de gloire, histoire macaronique (Le Cabinet de lecture)
14 décembre 1834, Odelettes (Annales romantiques pour 1835)
1835-1838 ? Lettres d’amour (manuscrits autographes)
26 mars et 20 juin 1836, De l’Aristocratie en France (Le Carrousel)
20 et 26 mars 1837, De l’avenir de la tragédie (La Charte de 1830)
12 août 1838, Les Bayadères à Paris (Le Messager)
18 septembre 1838, A M. B*** (Le Messager)
2 octobre 1838, La ville de Strasbourg. A M. B****** (Le Messager)
26 octobre 1838, Lettre de voyage. Bade (Le Messager)
31 octobre 1838, Lettre de voyage. Lichtenthal (Le Messager)
24 novembre 1838, Léo Burckart (manuscrit remis à la censure)
25, 26 et 28 juin 1839, Le Fort de Bitche. Souvenir de la Révolution française (Le Messager)
13 juillet 1839 (BF) Léo Burckart, chez Barba et Desessart
19 juillet 1839, « Le Mort-vivant », drame de M. de Chavagneux (La Presse)
15 et 16-17 août 1839, Les Deux rendez-vous, intermède (La Presse)
17 et 18 septembre 1839, Biographie singulière de Raoul Spifamme, seigneur des Granges (La Presse)
28 janvier 1840, Lettre de voyage I (La Presse)
25 février 1840, Le Magnétiseur
5 mars 1840, Lettre de voyage II (La Presse)
8 mars 1840, Lettre sur Vienne (L’Artiste)
26 mars 1840, Lettre de voyage III (La Presse)
28 juin 1840, Lettre de voyage IV, Un jour à Munich (La Presse)
18 juillet 1840 (BF) Faust de Goëthe suivi du second Faust, chez Gosselin
26 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort I (La Presse)
29 juillet, 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort II (La Presse)
30 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort III (La Presse)
11 février 1841, Une Journée à Liège (La Presse)
18 février 1841, L’Hiver à Bruxelles (La Presse)
1841 ? Première version d’Aurélia (feuillets autographes)
février-mars 1841, Lettre à Muffe, (sonnets, manuscrit autographe)
1841 ? La Tête armée (manuscrit autographe)
mars 1841, Généalogie dite fantastique (manuscrit autographe)
1er mars 1841, Jules Janin, Gérard de Nerval (Journal des Débats)
5 mars 1841, Lettre à Edmond Leclerc
7 mars 1841, Les Amours de Vienne (Revue de Paris)
31 mars 1841, Lettre à Auguste Cavé
11 avril 1841, Mémoires d’un Parisien. Sainte-Pélagie en 1832 (L’Artiste)
9 novembre 1841, Lettre à Ida Ferrier-Dumas
novembre? 1841, Lettre à Victor Loubens
10 juillet 1842, Les Vieilles ballades françaises (La Sylphide)
15 octobre 1842, Rêverie de Charles VI (La Sylphide)
24 décembre 1842, Un Roman à faire (La Sylphide)
19 et 26 mars 1843, Jemmy O’Dougherty (La Sylphide)
11 février 1844, Une Journée en Grèce (L’Artiste)
10 mars 1844, Le Roman tragique (L’Artiste)
17 mars 1844, Le Boulevard du Temple, 1re livraison (L’Artiste)
31 mars 1844, Le Christ aux oliviers (L’Artiste)
5 mai 1844, Le Boulevard du Temple 2e livraison (L’Artiste)
12 mai 1844, Le Boulevard du Temple, 3e livraison (L’Artiste)
2 juin 1844, Paradoxe et Vérité (L’Artiste)
30 juin 1844, Voyage à Cythère (L’Artiste)
28 juillet 1844, Une Lithographie mystique (L’Artiste)
11 août 1844, Voyage à Cythère III et IV (L’Artiste)
15 septembre, Diorama (L’Artiste-Revue de Paris)
29 septembre 1844, Pantaloon Stoomwerktuimaker (L’Artiste)
20 octobre 1844, Les Délices de la Hollande I (La Sylphide)
8 décembre 1844, Les Délices de la Hollande II (La Sylphide)
16 mars 1845, Pensée antique (L’Artiste)
19 avril 1845 (BF), Le Diable amoureux par J. Cazotte, préface de Nerval, chez Ganivet
1er juin 1845, Souvenirs de l’Archipel. Cérigo (L’Artiste-Revue de Paris)
6 juillet 1845, L’Illusion (L’Artiste-Revue de Paris)
5 octobre 1845, Strasbourg (L’Artiste-Revue de Paris)
novembre-décembre 1845, Le Temple d’Isis. Souvenir de Pompéi (La Phalange)
28 décembre 1845, Vers dorés (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste I (L’Artiste-Revue de Paris)
15 mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste II (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mai 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne (Revue des Deux Mondes)
17 mai 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste III (L’Artiste-Revue de Paris)
12 juillet 1846 Sensations d’un voyageur enthousiaste IV (L’Artiste-Revue de Paris)
16 août 1846, Un Tour dans le Nord. Angleterre et Flandre (L’Artiste-Revue de Paris)
30 août 1846, De Ramsgate à Anvers (L’Artiste-Revue de Paris)
20 septembre 1846, Une Nuit à Londres (L’Artiste-Revue de Paris)
1er novembre 1846, Un Tour dans le Nord III (L’Artiste-Revue de Paris)
22 novembre 1846, Un Tour dans le Nord IV (L’Artiste-Revue de Paris)
15 décembre 1846, Scènes de la vie égyptienne moderne. La Cange du Nil (Revue des Deux Mondes)
1847, Scénario des deux premiers actes des Monténégrins
15 février 1847, La Santa-Barbara. Scènes de la vie orientale (Revue des Deux Mondes)
15 mai 1847, Les Maronites. Un Prince du Liban (Revue des Deux Mondes)
15 août 1847, Les Druses (Revue des Deux Mondes)
17 octobre 1847, Les Akkals (Revue des Deux Mondes)
21 novembre 1847, Souvenirs de l’Archipel. Les Moulins de Syra (L’Artiste-Revue de Paris)
15 juillet 1848, Les Poésies de Henri Heine (Revue des Deux Mondes)
15 septembre 1848, Les Poésies de Henri Heine, L’Intermezzo (Revue des Deux Mondes)
1er-27 mars 1849, Le Marquis de Fayolle, 1re partie (Le Temps)
26 avril 16 mai 1849, Le Marquis de Fayolle, 2e partie (Le Temps)
6 octobre 1849, Le Diable rouge (Almanach cabalistique pour 1850)
7 mars-19 avril 1850, Les Nuits du Ramazan (Le National)
15 août 1850, Les Confidences de Nicolas, 1re livraison (Revue des Deux Mondes)
26 août 1850, Le Faust du Gymnase (La Presse)
1er septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 2e livraison (Revue des Deux Mondes)
9 septembre 1850, Excursion rhénane (La Presse)
15 septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 3e livraison (Revue des Deux Mondes)
18 et 19 septembre 1850, Les Fêtes de Weimar (La Presse)
1er octobre 1850, Goethe et Herder (L’Artiste-Revue de Paris)
24 octobre-22 décembre 1850, Les Faux-Saulniers (Le National)
29 décembre 1850, Les Livres d’enfants, La Reine des poissons (Le National)
novembre 1851, Quintus Aucler (Revue de Paris)
24 janvier 1852 (BF), L’Imagier de Harlem, Librairie théâtrale
15 juin 1852, Les Fêtes de mai en Hollande (Revue des Deux Mondes)
1er juillet 1852, La Bohême galante I (L’Artiste)
15 juillet 1852, La Bohême galante II (L’Artiste)
1er août 1852, La Bohême galante III (L’Artiste)
15 août 1852, La Bohême galante IV (L’Artiste)
21 août 1852 (BF), Lorely. Souvenirs d’Allemagne, chez Giraud et Dagneau (Préface à Jules Janin)
1er septembre 1852, La Bohême galante V (L’Artiste)
15 septembre 1852, La Bohême galante VI (L’Artiste)
1er octobre 1852, La Bohême galante VII (L’Artiste)
9 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 1re livraison (L’Illustration)
15 octobre 1852, La Bohême galante VIII (L’Artiste)
23 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 2e livraison (L’Illustration)
30 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 3e livraison (L’Illustration)
1er novembre 1852, La Bohême galante IX (L’Artiste)
6 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 4e livraison (L’Illustration)
13 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 5e livraison (L’Illustration)
15 novembre 1852, La Bohême galante X (L’Artiste)
20 novembre 1852, Les Illuminés, chez Victor Lecou (« La Bibliothèque de mon oncle »)
1er décembre 1852, La Bohême galante XI (L’Artiste)
15 décembre 1852, La Bohême galante XII (L’Artiste)
1er janvier 1853 (BF), Petits Châteaux de Bohême. Prose et Poésie, chez Eugène Didier
15 août 1853, Sylvie. Souvenirs du Valois (Revue des Deux Mondes)
14 novembre 1853, Lettre à Alexandre Dumas
25 novembre 1853-octobre 1854, Lettres à Émile Blanche
10 décembre 1853, Alexandre Dumas, Causerie avec mes lecteurs (Le Mousquetaire)
17 décembre 1853, Octavie (Le Mousquetaire)
1853-1854, Le Comte de Saint-Germain (manuscrit autographe)
28 janvier 1854 (BF) Les Filles du feu, préface, Les Chimères, chez Daniel Giraud
31 octobre 1854, Pandora (Le Mousquetaire)
25 novembre 1854, Pandora, épreuves du Mousquetaire
Pandora, texte reconstitué par Jean Guillaume en 1968
Pandora, texte reconstitué par Jean Senelier en 1975
30 décembre 1854, Promenades et Souvenirs, 1re livraison (L’Illustration)
1854 ? Sydonie (manuscrit autographe)
1854? Emerance (manuscrit autographe)
1854? Promenades et Souvenirs (manuscrit autographe)
janvier 1855, Oeuvres complètes (manuscrit autographe)
1er janvier 1855, Aurélia ou le Rêve et la Vie (Revue de Paris)
6 janvier 1855, Promenades et Souvenirs, 2e livraison (L’Illustration)
3 février 1855, Promenades et Souvenirs, 3e livraison (L’Illustration)
15 février 1855, Aurélia ou Le Rêve et la Vie, seconde partie (Revue de Paris)
15 mars 1855, Desiderata (Revue de Paris)
1866, La Forêt noire, scénario
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BF: annonce dans la Bibliographie de la France
Manuscrit autographe: manuscrit non publié du vivant de Nerval
17 juillet 1830 — L'Éclipse de lune, Épisode fantastique, par J.-P. Richter, dans Le Mercure de France au XIXe siècle, t. XXX, p. 98-102, « trad. par Gérard ».
Le poème sera repris en volume en 1840 dans Faust de Goëthe, suivi du second Faust.
Voir la notice LA CAMARADERIE DU PETIT CÉNACLE.
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L’ÉCLIPSE DE LUNE.
ÉPISODE FANTASTIQUE, PAR J.- P. RICHTER.
Aux plaines de la lune éclatante de lys, habite la mère des hommes, avec ses filles innombrables, dans la paix de l’éternel amour. Le bleu céleste qui flotte si loin de la terre repose étendu sur ce globe, que la poussière des fleurs semble couvrir d’une neige odorante. Là, règne un pur éther que ne trouble jamais le plus léger nuage. Là, demeurent de tendres âmes que la haine n’a jamais effleurées. Comme on voit s’entrelacer les arcs-en-ciel d’une cascade, ainsi l’amour et la paix les confondent toutes en une même étreinte. Mais quand dans le silence des nuits notre globe vient à se montrer étincelant et suspendu sous les étoiles, alors toutes les âmes qui l’ont habité dans la douleur et dans la joie, pénétrées d’un tendre regret et d’un doux souvenir, abaissent leurs regards vers ce séjour, où des objets chéris vivent encore, où gisent les dépouilles qu’elles ont naguère animées ; et si dans le sommeil, l’image radieuse de la terre vient s’offrir encore de plus près à leurs yeux charmés, des rêves délicieux leur retracent les doux printemps qu’elles y ont passés, et leur paupière se rouvre baignée d’une fraîche rosée de larmes.
Mais dès que l’ombre du cadran de l’éternité approche d’un siècle nouveau, alors, l’éclair soudain d’une vive douleur traverse le cœur de la mère des hommes ; car celles d’entre ses filles chéries, qui n’ont point encore habité la terre, quittent la lune pour aller vêtir leurs corps, aussitôt qu’elles ont ressenti le froid engourdissant que projette l’ombre terrestre : et la mère pleure en les voyant partir, parce que celles qui seront restées sans taches reviendront seules à la céleste patrie. Ainsi chaque siècle lui coûte quelques-uns de ses enfans, et elle tremble, lorsqu’en plein jour notre globe ravisseur vient comme un lourd nuage masquer la face du soleil.
L’ombre de l’éternel cadran approchait du dix-huitième siècle ; notre terre allait passer toute sombre, entre le soleil et la lune ; et déjà la mère des hommes interdite, et profondément affligée, pressait contre son cœur celles de ses filles qui n’avaient point encore porté le vêtement terrestre ; et elle leur répétait en gémissant : Oh ! ne succombez pas, mes enfans chéris, conservez-vous purs comme des anges et revenez à moi ! Ici l’ombre marqua le siècle, et la terre couvrit le soleil entier ; un coup de tonnerre sonna l’heure ; une comète à l’épée flamboyante, traversa l’obscurité des cieux, et du sein de la voie lactée qui tremblait, une voix s’écria : Parais, tentateur des hommes ! car l’éternel envoie à chaque siècle un mauvais génie pour le tenter.
A cet appel terrible, la mère et toutes ses filles frémirent à la fois, et ces âmes tendres fondaient en larmes, même celles qui avaient déjà habité la terre et en étaient revenues avec gloire. Soudain le tentateur, du sein de l’obscurité, se dressa sur notre globe ainsi qu’un arbre immense, puis, sous la forme d’un serpent gigantesque, leva sa tête jusqu’à la lune et dit : Je veux vous séduire.
C’était le mauvais génie du dix-huitième siècle.
Les lys de la lune inclinèrent leurs corolles, dont toutes les feuilles flétries se répandirent à l’instant ; l’épée de la comète flamboya en tous sens, comme le glaive de la justice s’agite de lui-même en signe qu’il va juger ; le serpent, avec ses yeux cruels, dont le trait tue les âmes, avec sa crête sanglante, avec ses lèvres qu’il lèche et qu’il ronge sans cesse, abattit sa tête sur le délicieux Eden ; tandis que sa queue, avide de dommage, fouillait sur la terre le fond d’un tombeau. Au même instant, un tremblement de notre globe fait tournoyer ses anneaux fugitifs, et des vapeurs empoisonnées transpirent de son corps, chatoyantes et lourdes comme un nuage qui porte la tempête. Oh ! c’était celui-là qui long-temps auparavant avait séduit la mère elle-même. Elle détourna les yeux, mais le serpent lui dit : — Eve, ne reconnais-tu pas le serpent ? Je veux t’enlever tes filles, Eve : je rassemblerai tes blancs papillons sur la fange des marais. Sœurs, regardez-moi, n’ai-je pas tout ce qu’il faut pour vous séduire ? — Et des figures d’hommes se peignaient dans ses yeux de vipère, des bagues nuptiales éclataient dans ses anneaux, et des pièces d’or dans ses jaunes écailles. — C’est avec tout cela que je vous ravirai la vertu, et le divin séjour de la lune. Je vous prendrai dans des filets de soie et dans des toiles d’étoffe brillante ; ma rouge couronne aura pour vous des attraits, et vous voudrez vous en parer ; j’irai d’abord m’établir dans vos cœurs, je vous parlerai, je vous louerai ; puis, je me glisserai dans une bouche d’homme, et j’affermirai mon ouvrage ; puis je darderai ma langue sur la vôtre et elle sera tranchante et pleine de poison. Enfin, c’est quand vous serez malheureuses ou sur le point de mourir, que j’abandonnerai votre cœur aux traits acérés et brûlans d’un remords inutile. Eve, reçois encore mon adieu, tout ce que j’ai dit, elles l’oublieront heureusement avant leur naissance.
Les âmes qui n’étaient pas nées, effrayées de voir si près d’elles l’épouvantable arbre du mal et ses vapeurs empoisonnées, se cachaient, se pressaient en frissonnant les unes contre les autres ; et les âmes qui étaient remontées de la terre, pures comme le parfum des fleurs, agitées d’une douce joie, d’un frémissement qui n’était pas sans charmes au souvenir des dangers qu’elles avaient vaincus, s’embrassaient toutes en tremblant. Eve pressait étroitement sur son cœur Marie la plus chère de ses filles, et s’agenouillant, elles levèrent au ciel des yeux supplians et baignés de larmes : — Dieu de l’éternel amour, prends pitié d’elles ! — Cependant le monstre dardait sur la lune sa langue effilée et divisée en deux aiguillons, comme les pinces d’un homard ; il déchirait les lys, il avait déjà fait une tache noire sur la surface de la lune, et il répétait toujours : Je veux les séduire.
Tout-à-coup, un premier rayon de soleil s’élança derrière la terre qui se retirait, et vint colorer d’un éclat céleste le front d’un grand et beau jeune homme qui était demeuré inaperçu au milieu des âmes tremblantes. Un lys couvrait son cœur, une branche de lauriers verdissait sur son front, entrelacée de boutons de roses, et sa robe était bleue comme le ciel ; de ses paupières mouillées de douces larmes, il jeta un regard d’amour sur les âmes troublées, comme le soleil abaisse sur l’arc-en-ciel un rayon de flamme, et dit : Je veux vous protéger. C’était le génie de la religion. Les anneaux ondoyans du monstre se déroulèrent à sa vue, et il demeura pétrifié, tendu de la terre à la lune, immobile, tel qu’une sombre poudrière, silencieux asile de la mort.
Et le soleil rayonna d’un éclat plus vif sur le visage du jeune homme, qui leva les yeux à la voûte étoilée et dit à l’Eternel :
— O mon père, je descends avec mes sœurs au séjour de la vie et je protègerai toutes celles qui me resteront fidèles. Couvre d’un beau temple cette flamme divine ; elle y brûlera sans le dévaster et sans le détruire. Orne cette belle âme du feuillage des grâces terrestres ; il en protègera les fruits sans leur nuire par son ombre. Accorde à mes sœurs de beaux yeux ; je leur donnerai le mouvement et les larmes. Place dans leur sein un cœur tendre ; il ne périra pas sans avoir palpité pour la vertu et pour toi. La fleur que mes soins auront conservée pure et sans tache se changera en un beau fruit que je rapporterai de la terre. Car je voltigerai sur les montagnes, sur le soleil et parmi les étoiles, afin qu’elles se souviennent de toi, et pensent qu’il y a un autre monde que celui qu’elles vont habiter. Je changerai les lys de mon sein en une blanche lumière, celle de la lune ; je changerai les roses de ma couronne en une couleur rose, celle des soirées du printemps ; et tout cela leur rappellera leur frère ; dans les accords de la musique, je les appellerai et je parlerai du ciel que tu habites, à tous les cœurs sensibles à l’harmonie ; je les attirerai vers moi avec les bras de leurs parens ; je cacherai ma voix dans les accens de la poésie, et je m’embellirai des attraits de leurs bien-aimés. Oui, elles me reconnaîtront dans les orages de l’infortune et je dirigerai vers leurs yeux la pluie lumineuse, et j’élèverai leurs regards vers le ciel d’où elles viennent et vers leur famille. O mes sœurs chéries, vous ne pourrez méconnaître votre frère, quand après une belle action, après une victoire difficile, un désir inexplicable viendra dilater votre cœur, lorsque durant une nuit étoilée, ou à l’aspect de la rougeur éclatante du soir, votre œil se noiera dans des torrens de délices, et que tout votre être se sentira élevé, transporté..... et que vous tendrez les bras au ciel en pleurant de joie et d’amour. Alors je serai dans vos cœurs tout entier, et je vous prouverai que je vous aime et que vous êtes mes sœurs. Et quand après un sommeil et un rêve bien court, je briserai l’enveloppe terrestre, j’en détacherai le diamant divin, et je le laisserai tomber comme une goutte éclatante de rosée sur les lys de la lune.
— O tendre mère des hommes, porte sur tes filles des regards plus calmes et quitte-les moins tristement ; la plupart reviendront à toi !
Le soleil avait reparu tout entier : les âmes qui n’étaient pas nées se dirigèrent vers la terre, et le génie les y suivit. Et à mesure qu’elles approchaient de notre globe, un long flot d’harmonie traversait l’espace azuré. Ainsi, lorsque pendant les nuits d’hiver, les blancs cygnes voyagent vers des climats plus doux, ils ne laissent sur leur passage qu’un murmure mélodieux.
Le monstrueux serpent, tel que l’immense courbe que trace une bombe enflammée, retira à lui ses anneaux en se repliant sur la terre ; ce ne fut plus bientôt dans l’espace qu’une couronne foudroyante, puis, ainsi qu’une trombe va se briser sur le vaisseau qu’elle menaçait, il s’abattit avec bruit, déroula de toutes parts ses mille orbes et ses mille plis, et en enveloppa à la fois tous les peuples du monde. Et le glaive du jugement s’agita de nouveau ; mais l’écho du voyage harmonieux des âmes vibrait encore dans les airs.
Trad. par GÉRARD.
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GÉRARD DE NERVAL - SYLVIE LÉCUYER tous droits réservés @
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