TEXTES
1824, Poésies diverses (manuscrit autographe)
1824, L’Enterrement de la Quotidienne (manuscrit autographe)
1824, Poésies et poèmes (manuscrit autographe)
1825, « Pour la biographie des biographes » (manuscrit autographe)
15 février 1826 (BF), Napoléon et la France guerrière, chez Ladvocat
6 mai 1826 (BF), Complainte sur l’immortalité de M. Briffaut, par Cadet Roussel, chez Touquet
6 mai 1826 (BF), Monsieur Dentscourt ou le Cuisinier d’un grand homme, chez Touquet
20 mai 1826 (BF), Les Hauts faits des Jésuites, par Beuglant, chez Touquet
12 août 1826 (BF), Épître à M. de Villèle (Mercure de France du XIXe siècle)
11 novembre 1826 (BF), Napoléon et Talma, chez Touquet
13 et 30 décembre 1826 (BF), L’Académie ou les membres introuvables, par Gérard, chez Touquet
16 mai 1827 (BF), Élégies nationales et Satires politiques, par Gérard, chez Touquet
29 juin 1827, La dernière scène de Faust (Mercure de France au XIXe siècle)
28 novembre 1827 (BF), Faust, tragédie de Goëthe, 1828, chez Dondey-Dupré
15 décembre 1827, A Auguste H…Y (Almanach des muses pour 1828)
1828? Faust (manuscrit autographe)
1828? Le Nouveau genre (manuscrit autographe)
mai 1829, Lénore. Ballade allemande imitée de Bürger (La Psyché)
août 1829, Le Plongeur. Ballade, (La Psyché)
octobre 1829, A Schmied. Ode de Klopstock (La Psyché)
24 octobre 1829, Robert et Clairette. Ballade allemande de Tiedge (Mercure de France au XIXe siècle)
21 novembre 1829, Chant de l’épée. Traduit de Korner (Mercure de France au XIXe siècle)
19 décembre 1829, Lénore. Traduction littérale de Bürger (Mercure de France au XIXe siècle)
janvier 1830, La Lénore de Bürger, nouvelle traduction littérale (La Psyché)
16 janvier 1830, Ma Patrie, de Klopstock (Mercure de France au XIXe siècle)
23 janvier 1830, Légende, par Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)
6 février (BF) Poésies allemandes, Klopstock, Goethe, Schiller, Burger (Bibliothèque choisie)
13 février 1830, Les Papillons (Mercure de France au XIXe siècle)
13 février 1830, Appel, par Koerner (1813) (Mercure de France au XIXe siècle)
13 mars 1830, L’Ombre de Koerner, par Uhland, 1816 (Mercure de France au XIXe siècle)
27 mars 1830, La Nuit du Nouvel an d’un malheureux, de Jean-Paul Richter (La Tribune romantique)
29 avril 1830, La Pipe, chanson traduite de l’allemand, de Pfeffel (La Tribune romantique)
13 mai 1830 Le Cabaret de la mère Saguet (Le Gastronome)
mai 1830, M. Jay et les pointus littéraires (La Tribune romantique)
juillet ? 1830, Récit des journées des 27-29 juillet (manuscrit autographe)
14 août 1830, Le Peuple (Mercure de France au XIXe siècle)
11 décembre 1830, A Victor Hugo. Les Doctrinaires (Almanach des muses pour 1831)
29 décembre 1830, La Malade (Le Cabinet de lecture )
29 janvier 1831, Odelette, Le Vingt-cinq mars (Almanach dédié aux demoiselles)
14 mars 1831, En avant, marche! (Cabinet de lecture)
23 avril 1831, Bardit, traduit du haut-allemand (Mercure de France au XIXe siècle)
7 mai 1831, Profession de foi (Mercure de France au XIXe siècle)
25 juin et 9 juillet 1831, Nicolas Flamel, drame-chronique (Mercure de France au XIXe siècle)
4 décembre 1831, Cour de prison, Le Soleil et la gloire (Le Cabinet de lecture)
17 décembre 1831, Fantaisie, odelette (Annales romantiques pour 1832)
24 septembre 1832, La Main de gloire, histoire macaronique (Le Cabinet de lecture)
14 décembre 1834, Odelettes (Annales romantiques pour 1835)
1835-1838 ? Lettres d’amour (manuscrits autographes)
26 mars et 20 juin 1836, De l’Aristocratie en France (Le Carrousel)
20 et 26 mars 1837, De l’avenir de la tragédie (La Charte de 1830)
12 août 1838, Les Bayadères à Paris (Le Messager)
18 septembre 1838, A M. B*** (Le Messager)
2 octobre 1838, La ville de Strasbourg. A M. B****** (Le Messager)
26 octobre 1838, Lettre de voyage. Bade (Le Messager)
31 octobre 1838, Lettre de voyage. Lichtenthal (Le Messager)
24 novembre 1838, Léo Burckart (manuscrit remis à la censure)
25, 26 et 28 juin 1839, Le Fort de Bitche. Souvenir de la Révolution française (Le Messager)
13 juillet 1839 (BF) Léo Burckart, chez Barba et Desessart
19 juillet 1839, « Le Mort-vivant », drame de M. de Chavagneux (La Presse)
15 et 16-17 août 1839, Les Deux rendez-vous, intermède (La Presse)
17 et 18 septembre 1839, Biographie singulière de Raoul Spifamme, seigneur des Granges (La Presse)
28 janvier 1840, Lettre de voyage I (La Presse)
25 février 1840, Le Magnétiseur
5 mars 1840, Lettre de voyage II (La Presse)
8 mars 1840, Lettre sur Vienne (L’Artiste)
26 mars 1840, Lettre de voyage III (La Presse)
28 juin 1840, Lettre de voyage IV, Un jour à Munich (La Presse)
18 juillet 1840 (BF) Faust de Goëthe suivi du second Faust, chez Gosselin
26 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort I (La Presse)
29 juillet, 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort II (La Presse)
30 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort III (La Presse)
11 février 1841, Une Journée à Liège (La Presse)
18 février 1841, L’Hiver à Bruxelles (La Presse)
1841 ? Première version d’Aurélia (feuillets autographes)
février-mars 1841, Lettre à Muffe, (sonnets, manuscrit autographe)
1841 ? La Tête armée (manuscrit autographe)
mars 1841, Généalogie dite fantastique (manuscrit autographe)
1er mars 1841, Jules Janin, Gérard de Nerval (Journal des Débats)
5 mars 1841, Lettre à Edmond Leclerc
7 mars 1841, Les Amours de Vienne (Revue de Paris)
31 mars 1841, Lettre à Auguste Cavé
11 avril 1841, Mémoires d’un Parisien. Sainte-Pélagie en 1832 (L’Artiste)
9 novembre 1841, Lettre à Ida Ferrier-Dumas
novembre? 1841, Lettre à Victor Loubens
10 juillet 1842, Les Vieilles ballades françaises (La Sylphide)
15 octobre 1842, Rêverie de Charles VI (La Sylphide)
24 décembre 1842, Un Roman à faire (La Sylphide)
19 et 26 mars 1843, Jemmy O’Dougherty (La Sylphide)
11 février 1844, Une Journée en Grèce (L’Artiste)
10 mars 1844, Le Roman tragique (L’Artiste)
17 mars 1844, Le Boulevard du Temple, 1re livraison (L’Artiste)
31 mars 1844, Le Christ aux oliviers (L’Artiste)
5 mai 1844, Le Boulevard du Temple 2e livraison (L’Artiste)
12 mai 1844, Le Boulevard du Temple, 3e livraison (L’Artiste)
2 juin 1844, Paradoxe et Vérité (L’Artiste)
30 juin 1844, Voyage à Cythère (L’Artiste)
28 juillet 1844, Une Lithographie mystique (L’Artiste)
11 août 1844, Voyage à Cythère III et IV (L’Artiste)
15 septembre, Diorama (L’Artiste-Revue de Paris)
29 septembre 1844, Pantaloon Stoomwerktuimaker (L’Artiste)
20 octobre 1844, Les Délices de la Hollande I (La Sylphide)
8 décembre 1844, Les Délices de la Hollande II (La Sylphide)
16 mars 1845, Pensée antique (L’Artiste)
19 avril 1845 (BF), Le Diable amoureux par J. Cazotte, préface de Nerval, chez Ganivet
1er juin 1845, Souvenirs de l’Archipel. Cérigo (L’Artiste-Revue de Paris)
6 juillet 1845, L’Illusion (L’Artiste-Revue de Paris)
5 octobre 1845, Strasbourg (L’Artiste-Revue de Paris)
novembre-décembre 1845, Le Temple d’Isis. Souvenir de Pompéi (La Phalange)
28 décembre 1845, Vers dorés (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste I (L’Artiste-Revue de Paris)
15 mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste II (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mai 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne (Revue des Deux Mondes)
17 mai 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste III (L’Artiste-Revue de Paris)
12 juillet 1846 Sensations d’un voyageur enthousiaste IV (L’Artiste-Revue de Paris)
16 août 1846, Un Tour dans le Nord. Angleterre et Flandre (L’Artiste-Revue de Paris)
30 août 1846, De Ramsgate à Anvers (L’Artiste-Revue de Paris)
20 septembre 1846, Une Nuit à Londres (L’Artiste-Revue de Paris)
1er novembre 1846, Un Tour dans le Nord III (L’Artiste-Revue de Paris)
22 novembre 1846, Un Tour dans le Nord IV (L’Artiste-Revue de Paris)
15 décembre 1846, Scènes de la vie égyptienne moderne. La Cange du Nil (Revue des Deux Mondes)
1847, Scénario des deux premiers actes des Monténégrins
15 février 1847, La Santa-Barbara. Scènes de la vie orientale (Revue des Deux Mondes)
15 mai 1847, Les Maronites. Un Prince du Liban (Revue des Deux Mondes)
15 août 1847, Les Druses (Revue des Deux Mondes)
17 octobre 1847, Les Akkals (Revue des Deux Mondes)
21 novembre 1847, Souvenirs de l’Archipel. Les Moulins de Syra (L’Artiste-Revue de Paris)
15 juillet 1848, Les Poésies de Henri Heine (Revue des Deux Mondes)
15 septembre 1848, Les Poésies de Henri Heine, L’Intermezzo (Revue des Deux Mondes)
1er-27 mars 1849, Le Marquis de Fayolle, 1re partie (Le Temps)
26 avril 16 mai 1849, Le Marquis de Fayolle, 2e partie (Le Temps)
6 octobre 1849, Le Diable rouge (Almanach cabalistique pour 1850)
7 mars-19 avril 1850, Les Nuits du Ramazan (Le National)
15 août 1850, Les Confidences de Nicolas, 1re livraison (Revue des Deux Mondes)
26 août 1850, Le Faust du Gymnase (La Presse)
1er septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 2e livraison (Revue des Deux Mondes)
9 septembre 1850, Excursion rhénane (La Presse)
15 septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 3e livraison (Revue des Deux Mondes)
18 et 19 septembre 1850, Les Fêtes de Weimar (La Presse)
1er octobre 1850, Goethe et Herder (L’Artiste-Revue de Paris)
24 octobre-22 décembre 1850, Les Faux-Saulniers (Le National)
29 décembre 1850, Les Livres d’enfants, La Reine des poissons (Le National)
novembre 1851, Quintus Aucler (Revue de Paris)
24 janvier 1852 (BF), L’Imagier de Harlem, Librairie théâtrale
15 juin 1852, Les Fêtes de mai en Hollande (Revue des Deux Mondes)
1er juillet 1852, La Bohême galante I (L’Artiste)
15 juillet 1852, La Bohême galante II (L’Artiste)
1er août 1852, La Bohême galante III (L’Artiste)
15 août 1852, La Bohême galante IV (L’Artiste)
21 août 1852 (BF), Lorely. Souvenirs d’Allemagne, chez Giraud et Dagneau (Préface à Jules Janin)
1er septembre 1852, La Bohême galante V (L’Artiste)
15 septembre 1852, La Bohême galante VI (L’Artiste)
1er octobre 1852, La Bohême galante VII (L’Artiste)
9 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 1re livraison (L’Illustration)
15 octobre 1852, La Bohême galante VIII (L’Artiste)
23 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 2e livraison (L’Illustration)
30 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 3e livraison (L’Illustration)
1er novembre 1852, La Bohême galante IX (L’Artiste)
6 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 4e livraison (L’Illustration)
13 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 5e livraison (L’Illustration)
15 novembre 1852, La Bohême galante X (L’Artiste)
20 novembre 1852, Les Illuminés, chez Victor Lecou (« La Bibliothèque de mon oncle »)
1er décembre 1852, La Bohême galante XI (L’Artiste)
15 décembre 1852, La Bohême galante XII (L’Artiste)
1er janvier 1853 (BF), Petits Châteaux de Bohême. Prose et Poésie, chez Eugène Didier
15 août 1853, Sylvie. Souvenirs du Valois (Revue des Deux Mondes)
14 novembre 1853, Lettre à Alexandre Dumas
25 novembre 1853-octobre 1854, Lettres à Émile Blanche
10 décembre 1853, Alexandre Dumas, Causerie avec mes lecteurs (Le Mousquetaire)
17 décembre 1853, Octavie (Le Mousquetaire)
1853-1854, Le Comte de Saint-Germain (manuscrit autographe)
28 janvier 1854 (BF) Les Filles du feu, préface, Les Chimères, chez Daniel Giraud
31 octobre 1854, Pandora (Le Mousquetaire)
25 novembre 1854, Pandora, épreuves du Mousquetaire
Pandora, texte reconstitué par Jean Guillaume en 1968
Pandora, texte reconstitué par Jean Senelier en 1975
30 décembre 1854, Promenades et Souvenirs, 1re livraison (L’Illustration)
1854 ? Sydonie (manuscrit autographe)
1854? Emerance (manuscrit autographe)
1854? Promenades et Souvenirs (manuscrit autographe)
janvier 1855, Oeuvres complètes (manuscrit autographe)
1er janvier 1855, Aurélia ou le Rêve et la Vie (Revue de Paris)
6 janvier 1855, Promenades et Souvenirs, 2e livraison (L’Illustration)
3 février 1855, Promenades et Souvenirs, 3e livraison (L’Illustration)
15 février 1855, Aurélia ou Le Rêve et la Vie, seconde partie (Revue de Paris)
15 mars 1855, Desiderata (Revue de Paris)
1866, La Forêt noire, scénario
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BF: annonce dans la Bibliographie de la France
Manuscrit autographe: manuscrit non publié du vivant de Nerval
21 août 1852 (BF) — Lorely. Souvenirs d’Allemagne, chez Giraud et Dagneau.
Le 10 juin 1852, Nerval avait signé un contrat avec Giraud et Dagneau pour la publication de Lorely. Souvenirs d’Allemagne. Comme il l’a fait l’année précédente pour la matière de son voyage en Orient, Nerval publie dans Lorely sa matière allemande qu’il divise en quatre parties organisées en fonction des diverses régions d’Allemagne, mais aussi de Hollande et de Belgique qu’il a été amené à traverser, fusionnant ainsi les articles publiés au fur et à mesure de ses voyages de 1838 à 1852. À ces souvenirs de voyageur, Nerval a joint Léo Burckart, son drame allemand, présenté sous le titre balzacien de Scènes de la vie allemande réparties en six « journées » .
La préface du volume, en réponse à l’article du Journal des Débats publié par Janin dix ans plus tôt, montre combien la lourde ironie du feuilletoniste sur sa « folie » fut dévastatrice pour Nerval, et son effet indélébile.
Nous proposons, à la suite de cette préface, le rappel des étapes de l'ébaboration littéraire du volume de Lorely. Souvenirs d'Allemagne
Le volume offre en frontispice une très belle gravure représentant la Lorelei, telle que Nerval la décrit au début de sa préface.
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LORELY.
SOUVENIRS D’ALLEMAGNE.
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A JULES JANIN.
Cologne, 21 juin.
Vous la connaissez comme moi, mon ami, cette Lorely, ou Lorelei, — la fée du Rhin, — dont les pieds rosés s’appuient sans glisser sur les rochers humides de Baccarach, près de Coblentz. Vous l’avez aperçue sans doute avec sa tête au col flexible qui se dresse sur son corps penché. Sa coiffe de velours grenat, à retroussis de drap d’or, brille au loin comme la crête sanglante du vieux dragon de l’Éden.
Sa longue chevelure blonde tombe à sa droite sur ses blanches épaules, comme un fleuve d’or qui s’épancherait dans les eaux verdâtres du fleuve. Son genou plié relève l’envers chamarré de sa robe de brocard, et ne laisse paraître que certains plis obscurs de l’étoffe verte qui se colle à ses flancs.
Son bras gauche entoure négligemment la mandore des vieux Minnesængers de Thuringe, et entre ses beaux seins, aimantés de rose, étincelle le ruban pailleté qui retient faiblement les plis de lin de sa tunique. Son sourire est doué d’une grâce invincible et sa bouche entr’ouverte laisse échapper les chants de l’antique syrène.
Je l’avais aperçue déjà dans la nuit, sur cette rive où la vigne verdoie et jaunit tour à tour, relevée au loin par la sombre couleur des sapins et par la pierre rouge de ces châteaux et de ces forts, dont les balistes des Romains, les engins de guerre de Frédéric Barberousse et les canons de Louis XIV ont édenté les vieilles murailles.
Hé bien, mon ami, cette fée radieuse des brouillards, cette ondine fatale comme toutes les nixes du Nord qu’a chantées Henri Heine, elle me fait signe toujours : elle m’attire encore une fois !
Je devrais me méfier pourtant de sa grâce trompeuse, — car son nom même signifie en même temps charme et mensonge ; et une fois déjà je me suis trouvé jeté sur la rive, brisé dans mes espoirs et dans mes amours, et bien tristement réveillé d’un songe heureux qui promettait d’être éternel.
On m’avait cru mort de ce naufrage, et l’amitié, d’abord inquiète, m’a conféré d’avance des honneurs que je ne me rappelle qu’en rougissant, mais dont plus tard peut-être je me croirai plus digne.
Voici ce que vous écriviez, il y a environ dix ans, — et cela n’est pas sans rapport avec certaines parties du livre que je publie aujourd’hui. Permettez-moi donc de citer quelques lignes de cette biographie anticipée, que j’ai eu le bonheur de lire autrement que des yeux de l’âme.
Alas ! poor Yorick !…
« Ceux qui l’ont connu pourraient dire au besoin toute la grâce et toute l’innocence de ce gentil esprit qui tenait si bien sa place parmi les beaux esprits contemporains. Il avait à peine trente ans, et il s’était fait, en grand silence, une renommée honnête et loyale, qui ne pouvait que grandir. C’était tout simplement, mais dans la plus loyale acception de ce mot-là : la poésie, un poëte, un rêveur, un de ces jeunes gens sans fiel, sans ambition, sans envie, à qui pas un bourgeois ne voudrait donner en mariage même sa fille borgne et bossue ; en le voyant passer le nez au vent, le sourire sur la lèvre, l’imagination éveillée, l’œil à demi-fermé, l’homme sage, ce qu’on appelle des hommes sages, se dit à lui-même : — Quel bonheur que je ne sois pas fait ainsi !
« Il vivait au jour le jour, acceptant avec reconnaissance, avec amour, chacune des belles heures de la jeunesse, tombées du sein de Dieu. Il avait été riche un instant, mais par goût, par passion, par instinct, il n’avait pas cessé de mener la vie des plus pauvres diables. Seulement, il avait obéi plus que jamais au caprice, à la fantaisie, à ce merveilleux vagabondage dont ceux-là qui l’ignorent disent tant de mal. Au lieu d’acheter avec son argent de la terre, une maison, un impôt à payer, des droits et des devoirs, des soucis, des peines et l’estime de ses voisins les électeurs (1), il avait acheté des morceaux de toiles peintes, des fragments de bois vermoulu, toutes sortes de souvenirs des temps passés, un grand lit de chêne sculpté de haut en bas ; mais le lit acheté et payé, il n’avait plus eu assez d’argent pour acheter de quoi le garnir, et il s’était couché, non pas dans son lit, mais à côté de son lit, sur un matelas d’emprunt. Après quoi, toute sa fortune s’en était allée pièce à pièce, comme s’en allait son esprit, causerie par causerie, bons mots par bons mots ; mais une causerie innocente, mais des bons mots sans malice et qui ne blessaient personne. Il se réveillait en causant le matin, comme l’oiseau se réveille en chantant, et en voilà pour jusqu’au soir. Chante donc, pauvre oiseau sur la branche ; chante et ne songe pas à l’hiver ; — laisse les soucis de l’hiver à la fourmi qui rampe à tes pieds.
« Il serait impossible d’expliquer comment cet enfant, car, à tout prendre, c’était un enfant, savait tant de choses sans avoir rien étudié, sinon au hasard, par les temps pluvieux, quand il était seul, l’hiver, au coin du feu. Toujours est-il qu’il était très versé dans les sciences littéraires. Il avait deviné l’antiquité, pour ainsi dire, et jamais il ne s’est permis de blasphème contre les vieux dieux du vieil Olympe ; au contraire, il les glorifiait en mainte circonstance, les reconnaissant tout haut pour les vrais dieux, et disant son meâ culpâ [sic] de toutes ses hérésies poétiques. Car en même temps qu’il célébrait Homère et Virgile, comme on raconte ses visions dans la nuit, comme on raconte un beau songe d’été, il allait tout droit à Shakspeare, à Goëthe surtout, si bien qu’un beau matin, en se frottant les yeux, il découvrit qu’il savait la langue allemande dans tous ses mystères, et qu’il lisait couramment le drame du docteur Faust. Vous jugez de son étonnement et du nôtre. Il s’était couché la veille presque Athénien, il se relevait le lendemain un Allemand de la vieille roche. Il acceptait non-seulement le premier, mais encore le second Faust ; et cependant nous autres, nous lui disions que c’était bien assez du premier. Bien plus, il a traduit les deux Faust, il les a commentés, il les a expliqués à sa manière ; il voulait en faire un livre classique, disait-il. Souvent il s’arrêtait en pleine campagne, prêtant l’oreille, et dans ces lointains lumineux que lui seul il pouvait découvrir, vous eussiez dit qu’il allait dominer tous les bruits, tous les murmures, toutes les imprécations, toutes les prières venus à travers les bouillonnements du fleuve, de l’autre côté du Rhin.
« Si jeune encore, comme vous voyez, il avait eu toutes les fantaisies, il avait obéi à tous les caprices. Vous lui pouviez appliquer toutes les douces et folles histoires qui se passent, dit-on, dans l’atelier et dans la mansarde, tous les joyeux petits drames du grenier où l’on est si bien à vingt ans, et encore c’eût été vous tenir un peu en deçà de la vérité. Pas un jeune homme, plus que lui, n’a été facile à se lier avec ce qui était jeune et beau et poétique ; l’amitié lui poussait comme à d’autres l’amour, par folles bouffées ; il s’enivrait du génie de ses amis comme on s’enivre de la beauté de sa maîtresse ! Silence ! ne l’interrogez pas ! où va-t-il ? Dieu le sait. A quoi rêve-t-il ? que veut-il ? quelle est la grande idée qui l’occupe à cette heure ? Respectez sa méditation, je vous prie, il est tout occupé du roman ou du poëme et des rêves de ses amis de la veille. Il arrange dans sa tête ces turbulentes amours ; il dispose tous ces événements amoncelés ; il donne à chacun son rêve, son langage, sa joie ou sa douleur. — Eh bien ! Ernest, qu’as-tu fait ? Moi j’ai tué cette nuit cette pauvre enfant de quinze ans, dont tu m’as conté l’histoire. Mon cœur saigne encore, mon ami, mais il le fallait ; cette enfant n’avait plus qu’à mourir ! — Et toi, cher Auguste, qu’as-tu fait de ton jeune héros que nous avons laissé dans la bataille philosophique ? Si j’étais à ta place, je le rappellerais de l’Université, et je lui donnerais une maîtresse. Telles étaient les grandes occupations de sa vie : marier, élever, accorder entre eux toutes sortes de beaux jeunes gens, tout frais éclos de l’imagination de ses voisins ; il se passionnait pour les livres d’autrui bien plus que pour ses propres livres ; quoi qu’il fît, il était tout prêt à tout quitter pour vous suivre. — Tu as une fantaisie, je vais me promener avec elle, bras dessus, bras dessous, pendant que tu resteras à la maison à te réjouir ; et quand il avait bien promené votre poésie, çà et là, dans les sentiers que lui seul il connaissait, au bout de huit jours, il vous la ramenait calme, reposée, la tête couronnée de fleurs, le cœur bien épris, les pieds lavés dans la rosée du matin, la joue animée au soleil de midi. Ceci fait, il revenait tranquillement à sa propre fantaisie qu’il avait abandonnée, sans trop de façon, sur le bord du chemin. Cher et doux bohémien de la prose et des vers ! admirable vagabond dans le royaume de la poésie ! braconnier sur les terres d’autrui ! Mais il abandonnait à qui les voulait prendre les beaux faisans dorés qu’il avait tués !
« Une fois il voulut voir l’Allemagne, qui a toujours été son grand rêve. Il part ; il arrive à Vienne par un beau jour pour la science par le carnaval officiel et gigantesque qui se fait là-bas. Lui alors il fut tout étonné et tout émerveillé de sa découverte. Quoi ! une ville en Europe où l’on danse toute la nuit, où l’on boit tout le jour, où l’on fume le reste du temps de l’excellent tabac. Quoi ! une ville que rien n’agite, ni les regrets du passé, ni l’ambition du jour présent, ni les inquiétudes du lendemain ! une ville où les femmes sont belles sans art, où les philosophes parlent comme des poëtes, où les poëtes pensent comme des philosophes, où personne n’est insulté, pas même l’empereur, où chacun se découvre devant la gloire, où rien n’est bruyant excepté la joie et le bonheur ! Voilà une merveilleuse découverte. Notre ami ne chercha pas autre chose. Il disait que son voyage avait assez rapporté. Son enthousiasme fut si grand et si calme qu’il en fut parlé à M. de Metternich. M. de Metternich voulut le voir et le fit inviter à sa maison pour tel jour. Il répondit à l’envoyé de son altesse qu’il était bien fâché, mais que justement ce jour-là il allait entendre Strauss qui jouait avec tout son orchestre une valse formidable de Liszt, et que le lendemain il devait se trouver au concert de madame Pleyel, qu’il devait conduire lui-même au piano, mais que le surlendemain il serait tout entier aux ordres de son altesse. En conséquence, il ne fut qu’au bout d’un mois chez le prince. Il entra doucement sans se faire annoncer ; il se plaça dans un angle obscur, regardant toutes choses et surtout les belles dames ; il prêta l’oreille sans mot dire à l’élégante et spirituelle conversation qui se faisait autour de lui ; il n’eut de contradiction pour personne, — il ne se vanta ni des chevaux qu’il n’avait pas, — ni de ses maisons imaginaires, — ni de son blason, — ni de ses amitiés illustres ; — il se donna bien de garde de mal parler des quelques hommes d’élite dont la France s’honore encore à bon droit. — Bref, il en dit si peu et il écouta si bien, que M. de Metternich demandait à la fin de la soirée quel était ce jeune homme blond, bien élevé, si calme, au sourire si intelligent et si bienveillant à la fois, et quand on lui eut répondu : — C’est un homme de lettres français, monseigneur ! M. de Metternich, tout étonné, ne pouvait pas revenir d’une admiration qui allait jusqu’à la stupeur.
« Ainsi il serait resté à Vienne toute sa vie peut-être, mais les circonstances changèrent, et il revint après quelques mois de l’Allemagne en donnant toutes sortes de louanges à cette vie paisible, studieuse et cependant enthousiaste et amoureuse, qu’il avait partagée. Le sentiment de l’ordre, uni à la passion, lui était venu en voyant réunis tout à la fois tant de calme et tant de poésie. Il avait bien mieux fait que de découvrir dans la poussière des bibliothèques quelques vieux livres tout moisis qui n’intéressent personne ; il avait découvert comment la jeune Allemagne, si fougueuse et si terrible, initiée à toutes les sociétés secrètes, qui s’en va le poignard à la main, marchant incessamment sur les traces sanglantes du jeune Sand, quand elle a enfin jeté au dehors toute sa fougue révolutionnaire, s’en revient docilement à l’obéissance, à l’autorité, à la famille. — Double phénomène qui a sauvé l’Allemagne et qui la sauve encore aujourd’hui.
« Toujours est-il que notre ami se mit à songer sérieusement à ce curieux miracle, dont pas une nation moderne ne lui offrait l’analogie, à toute cette turbulence et à tout ce sang-froid, et que de cette pensée-là, longtemps méditée, résulta un drame, un beau drame sérieux, solennel, complet. Mais vous ne sauriez croire quel fut l’étonnement universel quand on apprit que ce rêveur, ce vagabond charmant, cet amoureux sans fin et sans cesse, écrivait quoi ? Un drame ! lui un drame, un drame où l’on parle tout haut, où l’on aime tout haut, un drame tout rempli de trahisons, de sang, de vengeances, de révoltes ? Allons donc, vous êtes dans une grave erreur, mon pauvre homme. Moi qui vous parle, pas plus tard qu’hier, j’ai rencontré Gérard dans la forêt de Saint-Germain, à cheval sur un âne qui allait au pas. Il ne songeait guère à arranger des coups de théâtre, je vous jure ; il regardait tout à la fois le soleil qui se couchait et la lune qui se levait, et il disait à celui-là : — Bonjour, monsieur ! — A celle-là — Bonne nuit, madame ! Pendant ce temps l’âne heureux broutait le cytise en fleurs.
« Et comme il avait dit, il devait faire. Tout en souriant à son aise, tout en vagabondant selon sa coutume, et sans quitter les frais sentiers non frayés qu’il savait découvrir, même au milieu des turbulences contemporaines, il vint à bout de son drame. Rien ne lui coûta pour arriver à son but solennel. Il avait disposé sa fable d’une main ferme, il avait écrit son dialogue d’un style éloquent et passionné ; il n’avait reculé devant pas un des mystères du carbonarisme allemand, seulement il les avait expliqués et commentés avec sa bienveillance accoutumée. Voilà tout son drame tout fait. Alors il se met à le lire, il se met à pleurer, il se met à trembler, tout comme fera le parterre plus tard. Il se passionne pour l’héroïne qu’il a faite si belle et si touchante ; il prend en main la défense de son jeune homme, condamné à l’assassinat par le fanatisme ; il prête l’oreille au fond de toutes ces émotions souterraines pour savoir s’il n’entendra pas retentir quelques accents égarés de la muse belliqueuse de Kœrner. Si bien qu’il recula le premier devant son œuvre. Une fois achevée, il la laissa là parmi ses vieilles lames ébréchées, ses vieux fauteuils sans dossiers, ses vieilles tables boiteuses, tous ces vieux lambeaux entassés çà et là avec tant d’amour, et que déjà recouvrait l’araignée de son transparent et frêle linceul. Ce ne fut qu’à force de sollicitations et de prières, que le théâtre put obtenir ce drame, intitulé Léo Burckart. Il ne voulait pas qu’on le jouât. Il disait que cela lui brisait le cœur de voir les enfants de sa création exposés sur un théâtre, et il se lamentait sur la perte de l’idéal. De l’huile, disait-il, pour remplacer le soleil ! Des paravents, pour remplacer la verdure ; la première venue qui usurpe le nom de ma chaste jeune fille, et pour mon héros un grand gaillard en chapeau gris qu’il faut aller chercher à l’estaminet voisin ! Bref, toutes les peines que se donnent les inventeurs ordinaires pour mettre leurs inventions au grand jour, il se les donnait, lui, pour garder les siennes en réserve. Le jour de la première représentation de Léo Burckart, il a pleuré. — Au moins, disait-il, si j’avais été sifflé, j’aurais emporté ces pauvres êtres dans mon manteau ; eux et moi, nous serions partis à pied pour l’Allemagne, et une fois là, nous aurions récité en chœur le super flumina Babylonis ! Il avait ainsi à son service toutes sortes de paraboles et de consolations ; il savait ainsi animer toutes choses, et leur prêter mille discours pleins de grâce et de charme ; mais il faudrait avoir dans l’esprit un peu de la poésie qu’il avait dans le cœur, pour vous les raconter.
« Je vous demande pardon si je vous écris, un peu au hasard, cette heureuse et modeste biographie ; mais je vous l’écris comme elle s’est faite, au jour le jour, sans art, sans préparation aucune, sans une mauvaise passion, sans un seul instant d’ambition ou d’envie. Un enfant bien né, et naturellement bien élevé, qui serait enfermé dans quelque beau jardin des hauteurs de Florence, au milieu des fleurs, et tenant sous ses yeux tous les chefs-d’œuvre amoncelés, n’aurait pas de plus honnêtes émotions et de plus saints ravissements que le jeune homme dont je vous parle. Seulement il faisait naître les fleurs sur son passage, c’est-à-dire qu’il en voyait partout ; et, quant aux chefs-d’œuvre, il avait la vue perçante, il en savait découvrir sur la terre et dans le ciel. Il devinait leur profil imposant dans les nuages, il s’asseyait à leur ombre ; il savait si bien les décrire qu’il vous les montrait lui-même souvent plus beaux que vous ne les eussiez vus de vos yeux. Tel il était ; et si bien que pas un de ceux qui l’ont connu ne se refuserait à ajouter quelque parole amie à cet éloge. »
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Cet éloge, qui traversa l’Europe et ma chère Allemagne, — jusqu’en cette froide Silésie, où reposent les cendres de ma mère, jusqu’à cette Bérésina glacée où mon père lutta contre la mort, voyant périr autour de lui les braves soldats ses compagnons, — m’avait rempli tour à tour de joie et de mélancolie. Quand j’ai traversé de nouveau les vieilles forêts de pins et de chênes et les cités bienveillantes où m’attendaient des amis inconnus, je ne pouvais parvenir à leur persuader que j’étais moi-même. On disait : « Il est mort, quel dommage ! une vive intelligence, bonne surtout, sympathique à notre Allemagne, comme à une seconde mère, — et que nous apprécions seulement depuis son dernier instant illustré par Jules Janin… Et vous qui passez parmi nous, pourquoi dérobez-vous la seule chose qu’il ait laissée après lui, un peu de gloire autour d’un nom. Nous les connaissons trop ces aventuriers de France, qui se font passer pour des poëtes vivants ou morts, et s’introduisent ainsi dans nos cercles et dans nos salons ! » Voilà ce que m’avaient valu les douze colonnes du Journal des Débats, seul toléré par les chancelleries ; — et dans les villes où j’étais connu personnellement, on ne m’accueillait pas sans quelque crainte en songeant aux vieilles légendes germaniques de vampires et de morts-fiancés. Vous jugez s’il était possible que, là même, quelque bourgeois m’accordât sa fille borgne ou bossue. C’est la conviction de cette impossibilité qui m’a poussé vers l’Orient.
Je serais toutefois plus Allemand encore que vous ne pensez si j’avais intitulé la présente épître : Lettre d’un mort, ou Extrait des papiers d’un défunt, d’après l’exemple du prince Pukler Muskau.
C’est pourtant ce prince fantasque et désormais médiatisé, qui m’avait donné l’idée de parcourir l’Afrique et l’Asie. Je l’ai vu un jour passer à Vienne, dans une calèche que le monde suivait. Lui, aussi, avait été cru mort, ce qui donna sujet à une foule de panégyriques et commença sa réputation ; — par le fait, il avait traversé deux fois le lac funeste de Karon, dans la province égyptienne du Fayoum. Il ramenait d’Égypte une Abyssinienne cuivrée qu’on voyait assise sur le siège de sa voiture à côté du cocher. La pauvre enfant frissonnait sous son habbarah quadrillé, en traversant la foule élégante, sur les glacis et les boulevards de la porte de Carinthie, et contemplait avec tristesse le drap de neige qui couvrait les gazons et les longues allées d’ormes poudrés à blanc.
Cette promenade a été un des grands divertissements de la société viennoise, et je ne sais si le regard éclatant de l’Abyssinienne ne fut pas encore pour moi un des coups d’œil vainqueurs de la trompeuse Lorely. Depuis ce jour je ne fis que rêver à l’Orient, comme vous l’avez dit dans la suite de votre article, et je me promenais tous les soirs pensif le long de ce Danube orageux qui touche au Rhin par ses sources et par ses bouches vaseuses aux flots qui vont vers le Bosphore.
Alors j’ai tout quitté, Vienne et ses délices, et cette société qui vivait encore en plein dix-huitième siècle, et qui ne prévoyait ni sa révolution sanglante, — ni les révoltes de ces magyars chamarrés de velours et d’or, avec leurs boutons d’opale, et leurs ordres de diamants, qui vivaient si familièrement avec nous, artistes ou poëtes, — adorant madame Pleyel, admirant Listz et Bériot. Je vous adressais alors les récits de nos fêtes, de nos amitiés, de nos amours, et certaines considérations sur le Tokay et le Johannisberg, qui vous ont fait croire que j’étais dans l’intimité de M. de Metternich. Ici se trouve une erreur dans votre article biographique. J’ai rencontré bien des fois ce diplomate célèbre, mais je ne me suis jamais rendu chez lui. Peut-être m’a-t-il adressé quelque phrase polie, peut-être l’ai-je complimenté sur ses vignes du Danube et du Rhin, voilà tout. Il est des instants où les extrêmes se rapprochent sur le terrain banal des convenances...
Finissons ce bavardage, et louons encore une fois ce joyeux Rhin, qui touche maintenant à Paris, et qui sépare en les embrassant ses deux rives amies. Oublions la mort, oublions le passé, et ne nous méfions pas désormais de cette belle aux regards irrésistibles que nous n’admirons plus avec les yeux de la première jeunesse !
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(1) Électeur en 1830, — électeur de naissance, et il ne s’en est jamais vanté…., mais il ne s’est guère permis la vie des pauvres diables qu’à ses moments de loisir. — ÉD.
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