1854 ? — Sydonie, fragment manuscrit autographe.

Comme le fragment autographe que l’on a intitulé « Emérance », dont l’action se déroule à Senlis, le fragment intitulé par Nerval « Sydonie » est le récit d’un épisode de l’enfance ou de l’adolescence, situé à Saint-Germain cette fois. Il constitue la source biographique de l’épisode du chapitre VI de Sylvie, intitulé « Othys », dans lequel Sylvie et le narrateur revêtent les habits de mariage de la grand-tante de Sylvie. Il est vraisemblable que ce fragment, comme Emérance, devait trouver sa place dans le projet de Mémoires évoqué dans le « Prière d'insérer » de Pandora,et amorcé dans Promenades et Souvenirs

À noter que la même séquence narrative se trouve dans Le Marquis de Fayolle, 1re partie, chapitre X, 13e livraison, 16 mars 1849 : « c’était à la ferme d’Yvonne... — Oui, Georges, je me le rappelle. — Cette bonne femme, ajouta le jeune homme d’une voix presque attendrie, nous avait conduits dans sa chambre, et elle nous avait fait voir les vêtemens de noces d’elle et de son mari. Vous rappelez-vous ? ce n’était que velours et taffetas... Si bien que nous eûmes l’idée de nous en revêtir, et nous nous trouvions déjà assez grands pour avoir l’air de deux petits mariés. — Ce fut pour compléter notre déguisement que vous me fîtes passer au doigt cet anneau, que plus tard je ne voulus plus vous rendre... »

Dans la marge du fragment manuscrit, en haut : «Sophie » surchargé en «Sydonie » et dans la marge de gauche, la mention 5 G, même marque que sur les fragments de Pandora donnés par Nerval à l’impression.

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Dans les intervalles de nos études, j’allais parfois m’asseoir à la table hospitalière d’une famille du pays. Les beaux yeux et la douce voix de Sophie Sydonie m’y retenaient parfois jusques fort avant dans la nuit. Souvent le matin je me levais dès l’aube et je l’accompagnais soit à Carrière-sous-bois, soit à Mareil, me chargeant avec joie des légers fardeaux qu’on lui remettait. Un jour, c’était en carnaval, nous étions chez sa vieille tante, à Carrière ; elle eut la fantaisie de me faire vêtir les habits de noces de son oncle et s’habilla elle-même avec la robe à falbalas de sa tante. Nous regagnâmes Saint-Germain ainsi accoutrés. La terrasse était couverte de neige, mais nous ne songions guère au froid et nous chantions des airs du pays.

Tout le monde voulait nous embrasser ; — seulement au pied du pavillon d’Henry IV, nous rencontrâmes trois visages sévères. C’était ma bonne tante et deux de ses amies. Je voulus m’esquiver mais il était trop tard et je ne pus échapper à une verte réprimande. Le carlin lui-même ne me reconnaissait plus et s’unissait en aboyant à cette mercuriale trop méritée. Le soir nous parûmes au bal de la v du théâtre avec grand éclat. O tendres souvenirs des ayeux, brillans costumes, profanés dans une nuit de folie, que vous m’avez coûté de larmes ! L’ingrate Sophie elle-même trahit son jeune cavalier pour un garde du corps de la compagnie de Grammont.

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