TEXTES

1824, Poésies diverses (manuscrit autographe)

1824, L’Enterrement de la Quotidienne (manuscrit autographe)

1824, Poésies et poèmes (manuscrit autographe)

1825, « Pour la biographie des biographes » (manuscrit autographe)

15 février 1826 (BF), Napoléon et la France guerrière, chez Ladvocat

19, 22 avril, 14 juin (BF), Complainte sur la mort de haut et puissant seigneur le Droit d’aînesse, chez Touquet

6 mai 1826 (BF), Complainte sur l’immortalité de M. Briffaut, par Cadet Roussel, chez Touquet

6 mai 1826 (BF), Monsieur Dentscourt ou le Cuisinier d’un grand homme, chez Touquet

20 mai 1826 (BF), Les Hauts faits des Jésuites, par Beuglant, chez Touquet

12 août 1826 (BF), Épître à M. de Villèle (Mercure de France du XIXe siècle)

11 novembre 1826 (BF), Napoléon et Talma, chez Touquet

13 et 30 décembre 1826 (BF), L’Académie ou les membres introuvables, par Gérard, chez Touquet

16 mai 1827 (BF), Élégies nationales et Satires politiques, par Gérard, chez Touquet

29 juin 1827, La dernière scène de Faust (Mercure de France au XIXe siècle)

28 novembre 1827 (BF), Faust, tragédie de Goëthe, 1828, chez Dondey-Dupré

15 décembre 1827, A Auguste H…Y (Almanach des muses pour 1828)

1828? Faust (manuscrit autographe)

1828? Le Nouveau genre (manuscrit autographe)

mai 1829, Lénore. Ballade allemande imitée de Bürger (La Psyché)

août 1829, Le Plongeur. Ballade, (La Psyché)

octobre 1829, A Schmied. Ode de Klopstock (La Psyché)

24 octobre 1829, Robert et Clairette. Ballade allemande de Tiedge (Mercure de France au XIXe siècle)

14 novembre 1829, Les Bienfaits de l’enseignement mutuel, Procès verbal de la Loge des Sept-Écossais-réunis, chez Bellemain

21 novembre 1829, Chant de l’épée. Traduit de Korner (Mercure de France au XIXe siècle)

12 décembre 1829, La Mort du Juif errant. Rapsodie lyrique de Schubart (Mercure de France au XIXe siècle)

19 décembre 1829, Lénore. Traduction littérale de Bürger (Mercure de France au XIXe siècle)

2 janvier 1830, La Première nuit du Sabbat. Morceau lyrique de Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)

janvier 1830, La Lénore de Bürger, nouvelle traduction littérale (La Psyché)

16 janvier 1830, Ma Patrie, de Klopstock (Mercure de France au XIXe siècle)

23 janvier 1830, Légende, par Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)

6 février (BF) Poésies allemandes, Klopstock, Goethe, Schiller, Burger (Bibliothèque choisie)

13 février 1830, Les Papillons (Mercure de France au XIXe siècle)

13 février 1830, Appel, par Koerner (1813) (Mercure de France au XIXe siècle)

13 mars 1830, L’Ombre de Koerner, par Uhland, 1816 (Mercure de France au XIXe siècle)

27 mars 1830, La Nuit du Nouvel an d’un malheureux, de Jean-Paul Richter (La Tribune romantique)

10 avril 1830, Le Dieu et la bayadère, nouvelle indienne par Goëthe (Mercure de France au XIXe siècle)

29 avril 1830, La Pipe, chanson traduite de l’allemand, de Pfeffel (La Tribune romantique)

13 mai 1830 Le Cabaret de la mère Saguet (Le Gastronome)

mai 1830, M. Jay et les pointus littéraires (La Tribune romantique)

17 juillet 1830, L’Éclipse de lune. Épisode fantastique par Jean-Paul Richter (Mercure de France au XIXe siècle)

juillet ? 1830, Récit des journées des 27-29 juillet (manuscrit autographe)

14 août 1830, Le Peuple (Mercure de France au XIXe siècle)

30 octobre 1830 (BF), Choix de poésies de Ronsard, Dubellay, Baïf, Belleau, Dubartas, Chassignet, Desportes, Régnier (Bibliothèque choisie)

11 décembre 1830, A Victor Hugo. Les Doctrinaires (Almanach des muses pour 1831)

29 décembre 1830, La Malade (Le Cabinet de lecture )

29 janvier 1831, Odelette, Le Vingt-cinq mars (Almanach dédié aux demoiselles)

14 mars 1831, En avant, marche! (Cabinet de lecture)

23 avril 1831, Bardit, traduit du haut-allemand (Mercure de France au XIXe siècle)

30 avril 1831, Le Bonheur de la maison par Jean-Paul Richter. Maria. Fragment (Mercure de France au XIXe siècle)

7 mai 1831, Profession de foi (Mercure de France au XIXe siècle)

25 juin et 9 juillet 1831, Nicolas Flamel, drame-chronique (Mercure de France au XIXe siècle)

17 et 24 septembre 1831, Les Aventures de la nuit de Saint-Sylvestre. Conte inédit d’Hoffmann (Mercure de France au XIXe siècle)

4 décembre 1831, Cour de prison, Le Soleil et la gloire (Le Cabinet de lecture)

17 décembre 1831, Odelettes. La Malade, Le Soleil et la Gloire, Le Réveil en voiture, Le Relais, Une Allée du Luxembourg, Notre-Dame-de-Paris (Almanach des muses)

17 décembre 1831, Fantaisie, odelette (Annales romantiques pour 1832)

24 septembre 1832, La Main de gloire, histoire macaronique (Le Cabinet de lecture)

14 décembre 1834, Odelettes (Annales romantiques pour 1835)

1835-1838 ? Lettres d’amour (manuscrits autographes)

26 mars et 20 juin 1836, De l’Aristocratie en France (Le Carrousel)

20 et 26 mars 1837, De l’avenir de la tragédie (La Charte de 1830)

12 août 1838, Les Bayadères à Paris (Le Messager)

18 septembre 1838, A M. B*** (Le Messager)

2 octobre 1838, La ville de Strasbourg. A M. B****** (Le Messager)

26 octobre 1838, Lettre de voyage. Bade (Le Messager)

31 octobre 1838, Lettre de voyage. Lichtenthal (Le Messager)

24 novembre 1838, Léo Burckart (manuscrit remis à la censure)

25, 26 et 28 juin 1839, Le Fort de Bitche. Souvenir de la Révolution française (Le Messager)

13 juillet 1839 (BF) Léo Burckart, chez Barba et Desessart

19 juillet 1839, « Le Mort-vivant », drame de M. de Chavagneux (La Presse)

15 et 16-17 août 1839, Les Deux rendez-vous, intermède (La Presse)

17 et 18 septembre 1839, Biographie singulière de Raoul Spifamme, seigneur des Granges (La Presse)

21 et 28 septembre 1839, Lettre VI, A Madame Martin (Lettres aux belles femmes de Paris et de la province)

28 janvier 1840, Lettre de voyage I (La Presse)

25 février 1840, Le Magnétiseur

5 mars 1840, Lettre de voyage II (La Presse)

8 mars 1840, Lettre sur Vienne (L’Artiste)

26 mars 1840, Lettre de voyage III (La Presse)

28 juin 1840, Lettre de voyage IV, Un jour à Munich (La Presse)

18 juillet 1840 (BF) Faust de Goëthe suivi du second Faust, chez Gosselin

26 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort I (La Presse)

29 juillet, 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort II (La Presse)

30 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort III (La Presse)

11 février 1841, Une Journée à Liège (La Presse)

18 février 1841, L’Hiver à Bruxelles (La Presse)

1841 ? Première version d’Aurélia (feuillets autographes)

février-mars 1841, Lettre à Muffe, (sonnets, manuscrit autographe)

1841 ? La Tête armée (manuscrit autographe)

mars 1841, Généalogie dite fantastique (manuscrit autographe)

1er mars 1841, Jules Janin, Gérard de Nerval (Journal des Débats)

5 mars 1841, Lettre à Edmond Leclerc

7 mars 1841, Les Amours de Vienne (Revue de Paris)

31 mars 1841, Lettre à Auguste Cavé

11 avril 1841, Mémoires d’un Parisien. Sainte-Pélagie en 1832 (L’Artiste)

9 novembre 1841, Lettre à Ida Ferrier-Dumas

novembre? 1841, Lettre à Victor Loubens

10 juillet 1842, Les Vieilles ballades françaises (La Sylphide)

15 octobre 1842, Rêverie de Charles VI (La Sylphide)

24 décembre 1842, Un Roman à faire (La Sylphide)

19 et 26 mars 1843, Jemmy O’Dougherty (La Sylphide)

11 février 1844, Une Journée en Grèce (L’Artiste)

10 mars 1844, Le Roman tragique (L’Artiste)

17 mars 1844, Le Boulevard du Temple, 1re livraison (L’Artiste)

31 mars 1844, Le Christ aux oliviers (L’Artiste)

5 mai 1844, Le Boulevard du Temple 2e livraison (L’Artiste)

12 mai 1844, Le Boulevard du Temple, 3e livraison (L’Artiste)

2 juin 1844, Paradoxe et Vérité (L’Artiste)

30 juin 1844, Voyage à Cythère (L’Artiste)

28 juillet 1844, Une Lithographie mystique (L’Artiste)

11 août 1844, Voyage à Cythère III et IV (L’Artiste)

15 septembre, Diorama (L’Artiste-Revue de Paris)

29 septembre 1844, Pantaloon Stoomwerktuimaker (L’Artiste)

20 octobre 1844, Les Délices de la Hollande I (La Sylphide)

8 décembre 1844, Les Délices de la Hollande II (La Sylphide)

16 mars 1845, Pensée antique (L’Artiste)

19 avril 1845 (BF), Le Diable amoureux par J. Cazotte, préface de Nerval, chez Ganivet

1er juin 1845, Souvenirs de l’Archipel. Cérigo (L’Artiste-Revue de Paris)

6 juillet 1845, L’Illusion (L’Artiste-Revue de Paris)

5 octobre 1845, Strasbourg (L’Artiste-Revue de Paris)

novembre-décembre 1845, Le Temple d’Isis. Souvenir de Pompéi (La Phalange)

28 décembre 1845, Vers dorés (L’Artiste-Revue de Paris)

1er mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste I (L’Artiste-Revue de Paris)

15 mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste II (L’Artiste-Revue de Paris)

1er mai 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne (Revue des Deux Mondes)

17 mai 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste III (L’Artiste-Revue de Paris)

1er juillet 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne. Les Esclaves (Revue des Deux Mondes)

12 juillet 1846 Sensations d’un voyageur enthousiaste IV (L’Artiste-Revue de Paris)

16 août 1846, Un Tour dans le Nord. Angleterre et Flandre (L’Artiste-Revue de Paris)

30 août 1846, De Ramsgate à Anvers (L’Artiste-Revue de Paris)

15 septembre 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne. Le Harem (Revue des Deux Mondes)

20 septembre 1846, Une Nuit à Londres (L’Artiste-Revue de Paris)

1er novembre 1846, Un Tour dans le Nord III (L’Artiste-Revue de Paris)

22 novembre 1846, Un Tour dans le Nord IV (L’Artiste-Revue de Paris)

15 décembre 1846, Scènes de la vie égyptienne moderne. La Cange du Nil (Revue des Deux Mondes)

1847, Scénario des deux premiers actes des Monténégrins

15 février 1847, La Santa-Barbara. Scènes de la vie orientale (Revue des Deux Mondes)

15 mai 1847, Les Maronites. Un Prince du Liban (Revue des Deux Mondes)

15 août 1847, Les Druses (Revue des Deux Mondes)

17 octobre 1847, Les Akkals (Revue des Deux Mondes)

21 novembre 1847, Souvenirs de l’Archipel. Les Moulins de Syra (L’Artiste-Revue de Paris)

15 juillet 1848, Les Poésies de Henri Heine (Revue des Deux Mondes)

15 septembre 1848, Les Poésies de Henri Heine, L’Intermezzo (Revue des Deux Mondes)

7 janvier-24 juin 1849, puis 2 septembre 1849-27 janvier 1850, Al-Kahira. Souvenirs d’Orient (La Silhouette)

1er-27 mars 1849, Le Marquis de Fayolle, 1re partie (Le Temps)

26 avril 16 mai 1849, Le Marquis de Fayolle, 2e partie (Le Temps)

6 octobre 1849, Le Diable rouge (Almanach cabalistique pour 1850)

3 novembre 1849 (BF), Le Diable vert, et Impression de voyage (Almanach satirique, chez Aubert, Martinon et Dumineray)

7 mars-19 avril 1850, Les Nuits du Ramazan (Le National)

15 août 1850, Les Confidences de Nicolas, 1re livraison (Revue des Deux Mondes)

26 août 1850, Le Faust du Gymnase (La Presse)

1er septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 2e livraison (Revue des Deux Mondes)

9 septembre 1850, Excursion rhénane (La Presse)

15 septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 3e livraison (Revue des Deux Mondes)

18 et 19 septembre 1850, Les Fêtes de Weimar (La Presse)

1er octobre 1850, Goethe et Herder (L’Artiste-Revue de Paris)

24 octobre-22 décembre 1850, Les Faux-Saulniers (Le National)

29 décembre 1850, Les Livres d’enfants, La Reine des poissons (Le National)

novembre 1851, Quintus Aucler (Revue de Paris)

24 janvier 1852 (BF), L’Imagier de Harlem, Librairie théâtrale

15 juin 1852, Les Fêtes de mai en Hollande (Revue des Deux Mondes)

1er juillet 1852, La Bohême galante I (L’Artiste)

15 juillet 1852, La Bohême galante II (L’Artiste)

1er août 1852, La Bohême galante III (L’Artiste)

15 août 1852, La Bohême galante IV (L’Artiste)

21 août 1852 (BF), Lorely. Souvenirs d’Allemagne, chez Giraud et Dagneau (Préface à Jules Janin)

1er septembre 1852, La Bohême galante V (L’Artiste)

15 septembre 1852, La Bohême galante VI (L’Artiste)

1er octobre 1852, La Bohême galante VII (L’Artiste)

9 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 1re livraison (L’Illustration)

15 octobre 1852, La Bohême galante VIII (L’Artiste)

23 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 2e livraison (L’Illustration)

30 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 3e livraison (L’Illustration)

1er novembre 1852, La Bohême galante IX (L’Artiste)

6 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 4e livraison (L’Illustration)

13 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 5e livraison (L’Illustration)

15 novembre 1852, La Bohême galante X (L’Artiste)

20 novembre 1852, Les Illuminés, chez Victor Lecou (« La Bibliothèque de mon oncle »)

1er décembre 1852, La Bohême galante XI (L’Artiste)

15 décembre 1852, La Bohême galante XII (L’Artiste)

1er janvier 1853 (BF), Petits Châteaux de Bohême. Prose et Poésie, chez Eugène Didier

15 août 1853, Sylvie. Souvenirs du Valois (Revue des Deux Mondes)

14 novembre 1853, Lettre à Alexandre Dumas

25 novembre 1853-octobre 1854, Lettres à Émile Blanche

10 décembre 1853, Alexandre Dumas, Causerie avec mes lecteurs (Le Mousquetaire)

17 décembre 1853, Octavie (Le Mousquetaire)

1853-1854, Le Comte de Saint-Germain (manuscrit autographe)

28 janvier 1854 (BF) Les Filles du feu, préface, Les Chimères, chez Daniel Giraud

31 octobre 1854, Pandora (Le Mousquetaire)

25 novembre 1854, Pandora, épreuves du Mousquetaire

Pandora, texte reconstitué par Jean Guillaume en 1968

Pandora, texte reconstitué par Jean Senelier en 1975

30 décembre 1854, Promenades et Souvenirs, 1re livraison (L’Illustration)

1854 ? Sydonie (manuscrit autographe)

1854? Emerance (manuscrit autographe)

1854? Promenades et Souvenirs (manuscrit autographe)

janvier 1855, Oeuvres complètes (manuscrit autographe)

1er janvier 1855, Aurélia ou le Rêve et la Vie (Revue de Paris)

6 janvier 1855, Promenades et Souvenirs, 2e livraison (L’Illustration)

3 février 1855, Promenades et Souvenirs, 3e livraison (L’Illustration)

15 février 1855, Aurélia ou Le Rêve et la Vie, seconde partie (Revue de Paris)

15 mars 1855, Desiderata (Revue de Paris)

1866, La Forêt noire, scénario

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BF: annonce dans la Bibliographie de la France

Manuscrit autographe: manuscrit non publié du vivant de Nerval

16 mai 1827 (BF) — Élégies nationales et satires politiques, par Gérard, Paris, chez les libraires du Palais-Royal, mai 1827.

(suite)

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POÉSIES DIVERSES

Moi je chante la gloire et non pas la puissance.

Chénier

TALMA

1826

(Reprise de la publication du 11 novembre 1826 intitulée Napoléon et Talma)

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ODE

I.

Le Temps ne surprend pas le sage,

Mais du Temps le sage se rit,

Car lui seul en connaît l'usage :

Des plaisirs que Dieu nous offrit

Il sait embellir l'existence,

Il sait sourire à l'espérance,

Quand l'espérance lui sourit.

II.

Le bonheur n'est pas dans la gloire,

Dans les fers dorés d'une cour,

Dans les transports de la victoire,

Mais dans la lyre et dans l'amour :

Choisissons une jeune amante,

Un luth qui lui plaise et l'enchante :

Aimons et chantons tour-à-tour.

III.

"Illusions ! vaines images !"

Nous diront les tristes leçons

De ces mortels prétendus sages

Sur qui l'âge étend ses glaçons :

"Le bonheur n'est point sur la terre,

Votre amour n'est que chimère,

Votre lyre n'a que des sons."

IV.

Ah ! préférons cette chimère

A leur froide moralité ;

Fuyons leur voix triste et sévère ;

Si le mal est réalité,

Et si le bonheur est un songe,

Fixons les yeux sur le mensonge,

Pour le pas voir la vérité.

V.

Aimons au printemps de la vie,

Afin que d'un noir repentir

L'automne ne soit point suivie ;

Ne cherchons pas dans l’avenir

Le bonheur que Dieu nous dispense ;

Quand nous n’aurons plus l’espérance,

Nous garderons le souvenir.

VI.

Jouissons de ce temps rapide,

Qui laisse après lui des remords,

Si l'amour, dont l'ardeur nous guide,

N'a d'aussi rapides transports :

Profitons de l'adolescence,

Car la coupe de l'existence

Ne pétille que sur ses bords.

______

SAINTE-HÉLÈNE.

(Reprise de la publication du 11 novembre 1826 intitulée Napoléon et Talma, sous le titre : Napoléon)

______

LA GLOIRE.

Le temps, comme un torrent, roule sur les cités ;

Rien n'échappe à l'effort de ses flots irrités :

En vain quelques vieillards, sur le bord du rivage,

Derniers et seuls débris qui restent d'un autre âge,

Roidissant contre lui leur effort impuissant,

S'attachent, comme un lierre, au siècle renaissant :

De leur corps un moment le flot du temps se joue,

Et, sans les détacher, les berce et les secoue ;

Puis bientôt, tout gonflés d'un orgueil criminel,

Les entraîne sans bruit dans l'abîme éternel.

_

O chimère de l'homme ! ô songe de la vie !

O vaine illusion, d'illusions suivie !

Qu'on parle de grandeur et d'immortalité...

Mortels, pourquoi ces bruits de votre vanité ?

Qu'est-ce ? Un roi qui s'éteint, un empire qui tombe....

A de tels accidens, dont l'homme s'est troublé,

Le ciel s'est-il ému ? le sol a-t-il tremblé ?...

Non, le ciel est le même, et dans sa paix profonde

N'a d'aucun phénomène épouvanté le monde :

Eh ! qu'importe au destin de la terre et des cieux

Que le sort ait détruit un peuple ambitieux,

Ou bien qu'un peu de chair d'un puissant qu'on révère

Ait d'un nouvel engrais fertilisé la terre !

_

Et vous croyez, mortels, que Dieu, par ses décrets,

Règle du haut des cieux vos petits intérêts,

Et choisissant en vous des vengeurs, des victimes,

Prend part à vos vertus aussi bien qu’à vos crimes,

Vous montre tour à tour ses bontés, son courroux,

Vous immole lui-même, ou s'immole pour vous ?...

O vanité de l'homme, aveuglement stupide,

D'un atome perdu dans les déserts du vide,

Qui porte jusqu'au ciel sa faible vanité,

Et veut d'un peu plus d'air gonfler sa nullité !

_

Hélas ! dans l'univers, tout passe, tout retombe,

Du matin de la vie à la nuit de la tombe !

Nous voyons, sans retour, nos jours se consumer,

Sans que le flambeau mort puisse se rallumer ;

Tout meurt, et le pouvoir, et le talent lui-même,

Ainsi que le vulgaire, a son heure suprême.

_

Une idée a pourtant caressé mon orgueil,

Je voudrais qu'un grand nom décorât mon cercueil ;

Tout ce qui naît s'éteint, il est vrai, mais la gloire

Ne meurt pas toute entière, et vit dans la mémoire ;

Elle brave le temps, aux siècles révolus

Fait entendre les noms de ceux qui ne sont plus ;

Et, quand un noble son dans les airs s'évapore,

Elle est l'écho lointain qui le redit encore.

_

Il me semble qu'il est un sort bien glorieux :

C'est de ne point agir comme ont fait nos aïeux,

De ne point imiter, dans la commune ornière,

Des serviles humains la marche moutonnière.

Un cœur indépendant, d'un feu pur embrasé,

Rejette le lien qui lui fut imposé,

Va, de l'humanité lavant l'ignominie,

Arracher dans le ciel ces dons qu'il lui dénie,

S'élance, étincelant, de son obscurité,

Et s'enfante lui-même à l'immortalité.

_

Dans mon esprit charmé, revenez donc encore

Douces illusions que le vulgaire ignore :

Ah ! laissez quelque temps résonner à mon cœur

Ces sublimes pensers de gloire et de grandeur ;

Laissez-moi croire enfin, si le reste succombe,

Que je puis arracher quelque chose à la tombe,

Que, même après la mort, mon nom toujours vivant,

Dans la postérité retentira souvent ;

Puisque ce corps terrestre est fait de la poussière,

Et qu'il faut le quitter au bout de la carrière,

Qu'un rayon de la gloire, à tous les yeux surpris,

Comme un flambeau des temps, luise sur ses débris.

_

Il me semble en effet que je sens dans mon âme

La dévorante ardeur d'une céleste flamme,

Quelque chose de beau, de grand, d'audacieux,

Qui dédaigne la terre et qui remonte aux cieux :

Quelquefois dans le vol de ma pensée altière,

Je veux abandonner la terrestre poussière ;

Je veux un horizon plus pur, moins limité,

Où l'âme, sans efforts, respire en liberté ;

Mais dans le cercle étroit de l'humaine pensée,

L'âme sous la matière est toujours affaissée,

Et, sitôt qu'il veut prendre un essor moins borné,

L'esprit en vain s'élance, il se sent enchaîné.

_

Puisqu'à l'humanité notre âme est asservie,

Et qu'il nous faut payer un tribut à la vie,

Choisissons donc au moins la plus aimable erreur,

Celle qui nous promet un instant de douceur.

Oh ! viens me consoler, amour, belle chimère !

Emporte mes chagrins de ton aile légère ;

Et si l'illusion peut donner le bonheur,

Remplis-en, combles-en le vide de mon cœur !

Je ne te connais pas, amour,... du moins mon âme

N'a jamais éprouvé ton ardeur et ta flamme :

Il est vrai que mon cœur, doucement agité,

En voyant une belle a souvent palpité ;

Mais je n'ai point senti, d'un être vers un être,

L'irrésistible élan que tous doivent connaître ;

De repos, de bonheur, mon esprit peu jaloux,

Jusqu'ici se livrant à des rêves moins doux,

Poursuivit une idée encor plus illusoire,

Et mon cœur n'a battu que pour le mot de gloire.

_

Suprême déité, reine de l'univers,

Gloire, c'est ton nom seul qui m'inspira des vers,

Qui ralluma mon cœur d'une plus vive flamme,

Et dans un air plus pur fit respirer mon âme ;

J'aimai, je désirai tes célestes attraits,

Tes lauriers immortels, et jusqu'à tes cyprès.

On parle des chagrins qu'à tes amans tu donnes,

Et des poisons mêlés aux fleurs de tes couronnes ;

Mais qui peut trop payer tes transports, tes honneurs ?

Un seul de tes regards peut sécher bien des pleurs.

_

Qu'importe que l'orgueil des nullités humaines

Voue à de froids dédains nos travaux et nos peines,

Qu'importent leurs clameurs, si la postérité

Nous imprime le sceau de l'immortalité,

Si son arrêt plus sûr nous illustre et nous venge :

Tandis que le Zoïle, au milieu de sa fange,

Traînant dans l'infamie un nom déshonoré,

Jette en vain les poisons dont il est dévoré.

_

Si la vie est si courte et nous paraît un songe,

La gloire est éternelle, et n'est pas un mensonge ;

Car sans doute il est beau d'arracher à l'oubli

Un nom qui, sans honneur, serait enseveli,

De pouvoir dire au temps : "Je brave ton empire,

Respecte dans ton cours mes lauriers et ma lyre,

Je suis de tes fureurs l'impassible témoin,

Toute la gloire est là : tu n'iras pas plus loin."

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ODE À L'ÉTOILE DE LA LÉGION D'HONNEUR

Imitée de L. Byron.

I.

Toi qui répandis tant de gloire

Sur les vivans et sur les morts,

Phare éclatant de la victoire,

Qui long-temps brûlas sur nos bords,

Aux feux de ta vive lumière,

L’homme se rendait immortel !

Pourquoi retomber sur la terre

Quand ton séjour était le ciel ?

II.

Des héros morts les nobles âmes

Formaient ta céleste clarté ;

Au sein de tes rayons de flammes

Étincelait l'éternité :

Fatal à l'orgueil des royaumes,

Ton météore audacieux,

Aux regards effrayés des hommes

Parut comme un volcan des cieux !

III.

Le sang que tu faisais répandre

Aux jours terribles des combats,

Roulait sur la funèbre cendre

Des cités que tu dévoras :

Partout où surgit ta lumière,

Le sol en ses flancs palpita,

Le soleil quitta l'hémisphère

Et long-temps la foudre éclata.

IV.

Messager de ta course ardente,

Un arc-en-ciel te précédait ;

Toujours son écharpe éclatante

De trois couleurs se composait :

Elles n'ont point été ternies

Par l'Envie au souffle empesté ;

Car elles brillaient réunies,

Sous la main de la Liberté.

V.

La première était empruntée

A l'éclat des célestes feux ;

Une autre à la lune argentée ;

La troisième à l'azur des cieux :

Nobles couleurs !... céleste emblème !...

Qui souvent aux yeux des mortels

Paraît comme un songe qu'on aime,

Et qui vient des lieux éternels !

VI.

Astre pur ! étoile des braves !

Tu tombas au jour des revers ;

Et bientôt des peuples esclaves,

La chaîne enceindra l'univers ;

Car, depuis ta chute profonde,

Notre vie est un poids impur

Et le destin promis au monde,

Pâlit dans un lointain obscur.

VII.

La liberté, loin des esclaves,

S'assied sur de nobles tombeaux ;

Le trépas est grand pour les braves

Qui succombent sous ses drapeaux.

Liberté ! dans nos jours moins sombres,

Puissions-nous voir briller la loi....

Ou rejoindre les nobles ombres

Des guerriers qui sont morts pour toi !

______

ÉLÉGIE.

Par mon amour et ma constance,

J'avais cru fléchir ta rigueur,

Et le souffle de l'espérance

Avait prénétré dans mon cœur ;

Mais le temps, qu'en vain je prolonge,

M'a découvert la vérité...

L'espérance a fui comme un songe,

Et mon amour seul m'est resté !

_

Il est resté, comme un abîme

Entre ma vie et le bonheur,

Comme un mal dont je suis victime,

Comme un poids jeté sur mon cœur :

Pour fuir le piège où je succombe,

Mes efforts seraient superflus ;

Car l'homme a le pied dans la tombe,

Quand l'espoir ne le soutient plus.

_

J'aimais à réveiller la lyre,

Et souvent, plein de doux transports,

J'osais, ému par le délire,

En tirer de tendres accords.

Que de fois, en versant des larmes,

J'ai chanté tes divins attraits !

Mes accens étaient pleins de charmess

Car c'est toi qui les inspirais.

_

Le temps n'est plus, et le délire

Ne vient plus animer ma voix ;

Je ne trouve point à ma lyre

Les sons qu'elle avait autrefois :

Dans le chagrin qui me dévore,

Je vois mes beaux jours s'envoler ;

Si mon œil étincelle encore,

C'est qu'une larme va couler.

_

Brisons la coupe de la vie,

Sa liqueur n'est que du poison ;

Elle plaisait à ma folie,

Mais elle enivrait ma raison.

Trop long-temps épris d'un vain songe,

Gloire ! amour ! vous eûtes mon cœur :

O gloire, tu n'es que mensonge ;

Amour ! tu n'es point le bonheur !

______

PRIÈRE DE SOCRATE

O toi, dont le pouvoir remplit l'immensité,

Suprême ordonnateur de ces célestes sphères,

Dont j'ai voulu jadis, en ma témérité,

Calculer les rapports et sonder les mystères ;

Esprit consolateur, reçois du haut du ciel

L'unique et pur hommage

D'un des admirateurs de ton sublime ouvrage

Qui brûle de rentrer en ton sein paternel !

_

Un peuple entier, guidé par un infâme prêtre,

Accuse d'être athée, et rebelle à la foi,

Le philosophe ardent, qui seul connaît ta loi,

Et bientôt cesserait de l'être,

S’il doutait un moment de toi.

_

Eh ! comment, voyant l'ordre où marche toute chose,

Pourrais-je, en admirant ces prodiges divers,

Cet éternel flambeau, ces mondes et ces mers,

En admettre l'effet, en rejeter la cause.

_

Oui, grand Dieu, je te dois le bien que que j'ai goùté,

Et le bien que j'espère ;

A m'appeler ton fils j'ai trop de volupté

Pour renier mon père.

_

Mais qu'es-tu cependant, être mystérieux ?

Qui jamais osera pénétrer ton essence,

Déchirer le rideau qui te cache à nos yeux,

Et montrer au grand jour ta gloire et ta puissance ?

_

Sans cesse dans le vague, on erre en te cherchant.

Combien l'homme crédule a rabaissé ton être !

Trop bas pour te juger, il écoute le prêtre,

Qui te fait, comme lui, vil, aveugle et méchant.

_

Les imposteurs sacrés, qui vivent de ton culte,

Te prodiguent sans cesse et l'outrage et l'insulte ;

Ils font de ton empire un éternel enfer,

Te peignent, gouvernant de tes mains souveraines

Un stupide ramas de machines humaines,

Avec une verge de fer?

_

A te voir de plus près en vain il veut prétendre,

Le sage déraisonne en croyant te comprendre,

Et, d'après lui seul te créant,

En vain sur une base il t'élève, il te hausse :

Mais son être parfait n'est qu'un homme étonnant,

Et son Jupiter un colosse.

_

Brûlant de te connaître, ô divin créateur !

J'analysai souvent les cultes de la terre,

Et je ne vis partout que mensonge et chimère :

Alors, abandonnant et le monde et l'erreur,

Et cherchant pour te voir une source plus pure,

J'ai demandé ton nom à toute la nature,

Et j'ai trouvé ton culte en consultant mon cœur.

_

Ah ! ta bonté sans doute approuva mon hommage,

Puisqu'en toi j'ai goûté le plaisir le plus pur,

Qu'en toi, pour expirer, je puise du courage

Dans l'espoir d'un bonheur futur !

Réveillé de la vie, en toi je vais renaître,

A tous mes ennemis je pardonne leurs torts,

Et puisque je me crois digne de te connaître,

Je descends dans ton sein, sans trouble et sans remords.

______

LE CUISINIER D'UN GRAND HOMME

(Cette petite satire a été publiée sous le titre : M. Dentscourt ou le Cuisinier d'un grand homme le 6 mai 1826)

______

ÉPÎTRE À M. DE VILLÈLE

(Cette Épître a été publiée le 12 août 1826 dans le Mercure de France au XIXe siècle)

______

UNE RÉPÉTITION

DRACONNET, TRUFFALDIN

Draconnet. Il lit un discours manuscrit.

Ne sont point dans ce cas… Mais, qu’entends-je ? on murmure !

Truffaldin.

Non, c’est moi qui disais : Tant mieux ! c’est la censure !

Draconnet.

Et pourquoi parlez-vous ?

Truffaldin.

Ce n’est donc pas bien dit.

Draconnet.

Regardez, s’il vous plaît, mon discours manuscrit :

Ces mots s’y trouvent-ils ?

Truffaldin.

Pardonnez à mon zèle ;

Je pensais…

Draconnet.

Vous pensiez… Indocile cervelle !

Avez-vous oublié que, dans les bons endroits,

Pour servir de guide-âne, on vous a fait des croix ?…

Ne pourra-t-on jamais brider votre sottise ?

Je veux bien vous permettre, alors que j’improvise,

Les exclamations, et même quelques mots,

Pourvu qu’ils soient bien dits, et placés à propos ;

Mais un discours écrit n’admet pas cette excuse,

Votre naïveté trop souvent vous accuse,

Et cela sert de texte à de mauvais plaisans

Pour nous incriminer, ou rire à nos dépens. –

Retenez bien ceci, cette fois je le passe,

Mais un pareil méfait n’obtiendrait plus de grâce ;

Maintenant, poursuivons : Ne sont point dans ce cas

Catéchismes, sermons, adresses, almanachs,

Billets de faire part… pourvu qu’il ne s’y trouve

Aucune allusion que notre goût réprouve. –

En faisant aux auteurs cette concession,

Nous montrons bien, messieurs, que notre intention

N’est pas de nuire en rien aux travaux de la presse :

Pourquoi donc ose-t-on nous répéter sans cesse

Que notre beau projet, au commerce fatal,

Va mener par la main la France à l’hôpital ?…

L’état dépend-il donc du sort d’un mauvais livre,

Et, sans quelques pamphlets, l’homme ne peut-il vivre ?…

Au contraire, messieurs, la science l’aigrit,

On est toujours méchant quand on a trop d’esprit ;

Et nous avons vu tous que maint ouvrage atroce

Peut, d’un peuple mouton, faire un peuple féroce.

Mais, dit-on, par la loi que vous allez porter,

Des milliers d’écrivains cesseront d’exister :

Belle perte ! A l’état sont-ils si nécessaires ?

Pour un seul qui promet, combien d’auteurs vulgaires !

Nous en purgeons la France… et, s’il le faut, d’ailleurs,

Nous saurons bien d’entre eux distinguer les meilleurs,

Qui, par nous protégés, pourront, exempts de crainte,

Écrire décemment, et sans trop de contrainte :

– Comme Chateaubriand pourrait de son côté

S’ennuyer du silence et de l’oisiveté,

Au cas qu’il le désire, il aura l’avantage

D’écrire dans l’Étoile, à quatre sous la page ;

Lacretelle, Ségur, Barante, Villemain,

Lui devront au besoin donner un coup de main ;

S’il faut absolument que Lavigne rimaille,

Pour le quatre novembre on permet qu’il travaille ;

Benjamin, Montlosier, feront quelques sermons,

Jouy, des alphabets pour les petits garçons ;

Enfin, d’être sauvé si Béranger se pique,

Il pourra sans danger chansonner le cantique. –

Voilà de la douceur : mais des mauvais écrits

Les plus durs châtimens seront le juste prix :

Rien n’en peut aux auteurs sauver l’ignominie ;

Et, s’il est dans ce cas, le plus brillant génie

Ira dans quelque bagne, ou dans quelque prison,

Travailler à la chaîne, ou filer du coton.

Il s’arrête, et se tourne vers Truffaldin.

Eh bien ! mons Truffaldin, ne savez-vous pas lire ?

Après un tel morceau, c’est bravo qu’il faut dire :

Comment donc se fait-il, qu’oubliant ma leçon,

Vous restiez devant moi muet comme un poisson ?

Truffaldin.

Monseigneur, c’en est trop ! il n’est plus temps de feindre

Mon indignation ne peut plus se contraindre ;

Et, dans mon cœur surpris, la crainte, le courroux

Surmontent à la fin tout mon respect pour vous.

Draconnet.

Qu’est-ce que c’est, monsieur ? Et qui peut faire naître

Le scrupule nouveau que vous faites connaître ?

Je croyais bien pourtant qu’il avait expiré

Sous les mets somptueux dont nous l’avions bourré :

Est-là, dites-moi, votre reconnaissance ?

Truffaldin.

Je vous en dois beaucoup, je le sais ; mais la France

Aurait trop à souffrir du projet désastreux

Qu’ose Votre Grandeur exposer à nos yeux :

Ce n’est pas qu’en cela ma vertu considère

L’amour de la patrie, ou la peur de mal faire,

J’en ai su dès long-temps affranchir mon esprit ;

De tous ces préjugés l’homme sage se rit ;

Mais je frémis de voir que cette conjoncture

De nos petits péchés va combler la mesure,

Et que le dernier coup que vous osez porter,

Dans l’abîme avec vous va nous précipiter.

Draconnet.

Où donc en est le mal ? Compagnons de fortune,

La chance du destin doit nous être commune !…

Oui, je l’ai résolu, qu’on cède à mon désir :

Dût cette fois encore le destin me trahir,

Je veux faire éprouver mon amour à la France ;

Puisqu’elle a ri long-temps de mon indifférence,

Je veux…

Truffaldin.

Le calembourg est assez amusant :

Nous avons, je le vois, un consul très-plaisant ;

C’est bien heureux pour lui… Mais, moi, je ne puis rire

Lorsque son imprudence aussi loin nous attire ;

A ses autres projets j’ai pu donner les mains,

Mais il est une borne au pouvoir des humains,

Une borne imposée au plus bouillant courage :

Croyez-moi, la prudence est la vertu du sage ;

S’il faut, pour vous prouver mon respect, mon amour,

Voter vos autres lois, crier l’ordre du jour,

Aux discours ennemis prodiguer le murmure,

Hurler, selon les temps : A l’ordre ! la clôture !

Ou même, chaque année, appuyer avec vous

Ce monstrueux budget, où nous pâturons tous…

Je suis là ! Vous savez que mon cœur sans scrupule

Affronte le mépris comme le ridicule ;

Mais, de quelque couleur qu’on puisse le parer,

Ce projet m’a semblé trop dur à digérer ;

Et que sera-ce donc, si jamais il arrive

Que vous le présentiez dans sa beauté naïve ?…

Bientôt un juste cri d’horreur et de courroux,

De tous côtés parti, s’élancerait sur vous ;

On verrait aussitôt, déchus du rang suprême,

Les six petits tyrans crouler sous l’anathème :

Et, comme il eût déjà tout pris sous son bonnet,

On conçoit bien qu’alors messire Draconnet

Ne serait pas sans peur, non plus que sans reproche,

Et dirait, un peu tard : J’ai fait une brioche !

Ne vous exposez pas à des regrets certains,

Seigneur ; de vos amis concevez les chagrins,

Quand un nouveau concierge en vos nobles demeures

Voyant, selon l’usage, accourir à cinq heures

Les invités d’un banquet solennel,

Leur dirait : C’en est fait ! le dieu manque à l’hôtel !

Draconnet.

Oh ! je n’ignore pas qu’ils aiment ma cuisine,

Et moi par contrecoup, car c’est chez moi qu’on dîne.

Mais, si le sort trompait mon effort glorieux,

Cet hôtel cependant aurait de nouveaux dieux ;

Et mes trois cents amis, pour avoir la pitance,

Leur iraient humblement tirer la révérence.

Truffaldin.

Monseigneur…

Draconnet

Et vous-même on pourrait vous y voir,

Car vous fûtes toujours très-fidèle… au pouvoir :

D’ailleurs, en ce moment, il s’agit d’autre chose,

Songez que c’est sur vous que ma faveur repose ;

Songez que vos efforts doivent mieux qu’autrefois

Envers vous, à leur tour, justifier mon choix.

Jusqu’ici votre tâche était assez facile,

Un peu plus de courage est maintenant utile ;

Ne m’abandonnez pas au moment du danger,

Qui fit beaucoup pour vous peut beaucoup exiger !

Oui, vous m’appartenez, gardez-en la mémoire ;

Croyez que Bonaparte, aux beaux jours de sa gloire,

N’eut point sur ses soldats des droits plus absolus,

Il disait : Mes grognards ! moi je dis : Mes ventrus !

O nobles instrumens de toute ma puissance !

Il faut récompenser ma longue patience…

Mais vous bien souvenir, pour n’en point abuser,

Que je vous fis moi-même… et pourrais vous briser !

Truffaldin.

Ah ! ce beau mouvement n’attendrit point mon âme ;

Voyez-vous, monseigneur, il faut changer de gamme ;

Votre projet vous plaît, gardez-le donc pour vous…

Moi, je n’y vois du reste à gagner que des coups :

Que si votre pouvoir marche à sa décadence,

Faire route avec vous serait une imprudence ;

D’ailleurs, assez long-temps, mon art sut l’appuyer,

Et je m’ennuie enfin d’un si vilain métier.

Draconnet.

Ah ! ah ! le prenez-vous ainsi, monsieur le drôle ?

Nous allons en ce cas jouer un nouveau rôle :

Trop bon jusqu’à présent, si je vous fis du bien,

Je puis…

Truffaldin.

Votre menace à mes yeux n’est plus rien !

Draconnet.

Non, de ce calme en vain votre orgueil se décore,

Vous avez des emplois, vous me craindrez encore ;

Vous avez des parens qui, par mes soins placés,

Par mes soins aussi bien se verraient renversés :

Oh ! quoique mon pouvoir vous paraisse fragile,

Le heurter maintenant n’est pas chose facile ;

Et, ce qui va bien mieux en prouver les effets,

C’est que j’ose à moi seul ce qu’on n’osa jamais :

Renverser d’un seul coup, et dans le même abîme,

Tout ce qu’il est de beau, d’utile, de sublime…

Un si grand tour de force a de puissans appas,

Il plaît à mon courage, et ne l’étonne pas !

Ce peuple de badauds courbera sous ma chaîne ;

A coup sûr son effroi me défend de sa haine…

C’est en vain qu’un instant, sortant de son repos,

Sa timide fureur s’exhale en vains propos ;

Pour soutenir ses droits que, dit-il, je profane,

Il invoque le trône… Eh bien, j’en suis l’organe !

Il invoque Thémis… J’en dicte les arrêts !

Il invoque les lois… et c’est moi qui les fais !

Truffaldin, ébranlé.

Oui, je dois avouer…

Draconnet.

Sachez mieux me connaître :

Sûr d’un heureux succès, j’ai des raisons pour l’être ;

Bientôt, quand à mes vœux tout se sera soumis,

Triomphe et récompense à mes dignes amis !

A ceux, qui m’appuyant dans un si noble ouvrage,

N’auront point un instant douté de mon courage…

Mais opprobre à celui qui, perfide apostat,

Aura quitté son maître au moment du combat !

Truffaldin.

Je n’y puis résister : l’éloquence m’entraîne,

Je vous demande grâce, et je reprends ma chaîne ;

Mon digne bienfaiteur, daignez me pardonner

L’écart où ma faiblesse avait pu m’entraîner ;

Rendez-moi votre amour, calmez votre colère…

Draconnet, tendrement.

Truffaldin, j’ai pour toi des entrailles de père :

Sois docile à mes vœux, et bientôt tu verras

Que de notre embonpoint tous nos amis sont gras ;

Même, afin d’affermir une amitié si pure,

Je pourrai, t’inscrivant pour une préfecture,

A ta fidélité l’offrir au premier jour…

Truffaldin.

O Dieu ! quelle justice !… et surtout quel amour !

Draconnet.

Tu vois mon amitié, tu vois ma bienveillance ;

Mais je compte, à mon tour, sur ta reconnaissance :

Feras-tu maintenant ?…

Truffaldin.

Tout comme il vous plaira !

Je vote désormais tout ce que l’on voudra !

Oui je vote… Quand même !

Draconnet.

Ah ! c’est comme il faut être :

Mon petit Truffaldin, viens, embrasse ton maître !

Mon ami, mon espoir… Je t’attends à dîner :

A part avec triomphe.

Oh ! que nous savons bien nous les acoquiner !

______

GÉRARD DE NERVAL - SYLVIE LÉCUYER tous droits réservés @

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