TEXTES

1824, Poésies diverses (manuscrit autographe)

1824, L’Enterrement de la Quotidienne (manuscrit autographe)

1824, Poésies et poèmes (manuscrit autographe)

1825, « Pour la biographie des biographes » (manuscrit autographe)

15 février 1826 (BF), Napoléon et la France guerrière, chez Ladvocat

19, 22 avril, 14 juin (BF), Complainte sur la mort de haut et puissant seigneur le Droit d’aînesse, chez Touquet

6 mai 1826 (BF), Complainte sur l’immortalité de M. Briffaut, par Cadet Roussel, chez Touquet

6 mai 1826 (BF), Monsieur Dentscourt ou le Cuisinier d’un grand homme, chez Touquet

20 mai 1826 (BF), Les Hauts faits des Jésuites, par Beuglant, chez Touquet

12 août 1826 (BF), Épître à M. de Villèle (Mercure de France du XIXe siècle)

11 novembre 1826 (BF), Napoléon et Talma, chez Touquet

13 et 30 décembre 1826 (BF), L’Académie ou les membres introuvables, par Gérard, chez Touquet

16 mai 1827 (BF), Élégies nationales et Satires politiques, par Gérard, chez Touquet

29 juin 1827, La dernière scène de Faust (Mercure de France au XIXe siècle)

28 novembre 1827 (BF), Faust, tragédie de Goëthe, 1828, chez Dondey-Dupré

15 décembre 1827, A Auguste H…Y (Almanach des muses pour 1828)

1828? Faust (manuscrit autographe)

1828? Le Nouveau genre (manuscrit autographe)

mai 1829, Lénore. Ballade allemande imitée de Bürger (La Psyché)

août 1829, Le Plongeur. Ballade, (La Psyché)

octobre 1829, A Schmied. Ode de Klopstock (La Psyché)

24 octobre 1829, Robert et Clairette. Ballade allemande de Tiedge (Mercure de France au XIXe siècle)

14 novembre 1829, Les Bienfaits de l’enseignement mutuel, Procès verbal de la Loge des Sept-Écossais-réunis, chez Bellemain

21 novembre 1829, Chant de l’épée. Traduit de Korner (Mercure de France au XIXe siècle)

12 décembre 1829, La Mort du Juif errant. Rapsodie lyrique de Schubart (Mercure de France au XIXe siècle)

19 décembre 1829, Lénore. Traduction littérale de Bürger (Mercure de France au XIXe siècle)

2 janvier 1830, La Première nuit du Sabbat. Morceau lyrique de Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)

janvier 1830, La Lénore de Bürger, nouvelle traduction littérale (La Psyché)

16 janvier 1830, Ma Patrie, de Klopstock (Mercure de France au XIXe siècle)

23 janvier 1830, Légende, par Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)

6 février (BF) Poésies allemandes, Klopstock, Goethe, Schiller, Burger (Bibliothèque choisie)

13 février 1830, Les Papillons (Mercure de France au XIXe siècle)

13 février 1830, Appel, par Koerner (1813) (Mercure de France au XIXe siècle)

13 mars 1830, L’Ombre de Koerner, par Uhland, 1816 (Mercure de France au XIXe siècle)

27 mars 1830, La Nuit du Nouvel an d’un malheureux, de Jean-Paul Richter (La Tribune romantique)

10 avril 1830, Le Dieu et la bayadère, nouvelle indienne par Goëthe (Mercure de France au XIXe siècle)

29 avril 1830, La Pipe, chanson traduite de l’allemand, de Pfeffel (La Tribune romantique)

13 mai 1830 Le Cabaret de la mère Saguet (Le Gastronome)

mai 1830, M. Jay et les pointus littéraires (La Tribune romantique)

17 juillet 1830, L’Éclipse de lune. Épisode fantastique par Jean-Paul Richter (Mercure de France au XIXe siècle)

juillet ? 1830, Récit des journées des 27-29 juillet (manuscrit autographe)

14 août 1830, Le Peuple (Mercure de France au XIXe siècle)

30 octobre 1830 (BF), Choix de poésies de Ronsard, Dubellay, Baïf, Belleau, Dubartas, Chassignet, Desportes, Régnier (Bibliothèque choisie)

11 décembre 1830, A Victor Hugo. Les Doctrinaires (Almanach des muses pour 1831)

29 décembre 1830, La Malade (Le Cabinet de lecture )

29 janvier 1831, Odelette, Le Vingt-cinq mars (Almanach dédié aux demoiselles)

14 mars 1831, En avant, marche! (Cabinet de lecture)

23 avril 1831, Bardit, traduit du haut-allemand (Mercure de France au XIXe siècle)

30 avril 1831, Le Bonheur de la maison par Jean-Paul Richter. Maria. Fragment (Mercure de France au XIXe siècle)

7 mai 1831, Profession de foi (Mercure de France au XIXe siècle)

25 juin et 9 juillet 1831, Nicolas Flamel, drame-chronique (Mercure de France au XIXe siècle)

17 et 24 septembre 1831, Les Aventures de la nuit de Saint-Sylvestre. Conte inédit d’Hoffmann (Mercure de France au XIXe siècle)

4 décembre 1831, Cour de prison, Le Soleil et la gloire (Le Cabinet de lecture)

17 décembre 1831, Odelettes. La Malade, Le Soleil et la Gloire, Le Réveil en voiture, Le Relais, Une Allée du Luxembourg, Notre-Dame-de-Paris (Almanach des muses)

17 décembre 1831, Fantaisie, odelette (Annales romantiques pour 1832)

24 septembre 1832, La Main de gloire, histoire macaronique (Le Cabinet de lecture)

14 décembre 1834, Odelettes (Annales romantiques pour 1835)

1835-1838 ? Lettres d’amour (manuscrits autographes)

26 mars et 20 juin 1836, De l’Aristocratie en France (Le Carrousel)

20 et 26 mars 1837, De l’avenir de la tragédie (La Charte de 1830)

12 août 1838, Les Bayadères à Paris (Le Messager)

18 septembre 1838, A M. B*** (Le Messager)

2 octobre 1838, La ville de Strasbourg. A M. B****** (Le Messager)

26 octobre 1838, Lettre de voyage. Bade (Le Messager)

31 octobre 1838, Lettre de voyage. Lichtenthal (Le Messager)

24 novembre 1838, Léo Burckart (manuscrit remis à la censure)

25, 26 et 28 juin 1839, Le Fort de Bitche. Souvenir de la Révolution française (Le Messager)

13 juillet 1839 (BF) Léo Burckart, chez Barba et Desessart

19 juillet 1839, « Le Mort-vivant », drame de M. de Chavagneux (La Presse)

15 et 16-17 août 1839, Les Deux rendez-vous, intermède (La Presse)

17 et 18 septembre 1839, Biographie singulière de Raoul Spifamme, seigneur des Granges (La Presse)

21 et 28 septembre 1839, Lettre VI, A Madame Martin (Lettres aux belles femmes de Paris et de la province)

28 janvier 1840, Lettre de voyage I (La Presse)

25 février 1840, Le Magnétiseur

5 mars 1840, Lettre de voyage II (La Presse)

8 mars 1840, Lettre sur Vienne (L’Artiste)

26 mars 1840, Lettre de voyage III (La Presse)

28 juin 1840, Lettre de voyage IV, Un jour à Munich (La Presse)

18 juillet 1840 (BF) Faust de Goëthe suivi du second Faust, chez Gosselin

26 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort I (La Presse)

29 juillet, 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort II (La Presse)

30 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort III (La Presse)

11 février 1841, Une Journée à Liège (La Presse)

18 février 1841, L’Hiver à Bruxelles (La Presse)

1841 ? Première version d’Aurélia (feuillets autographes)

février-mars 1841, Lettre à Muffe, (sonnets, manuscrit autographe)

1841 ? La Tête armée (manuscrit autographe)

mars 1841, Généalogie dite fantastique (manuscrit autographe)

1er mars 1841, Jules Janin, Gérard de Nerval (Journal des Débats)

5 mars 1841, Lettre à Edmond Leclerc

7 mars 1841, Les Amours de Vienne (Revue de Paris)

31 mars 1841, Lettre à Auguste Cavé

11 avril 1841, Mémoires d’un Parisien. Sainte-Pélagie en 1832 (L’Artiste)

9 novembre 1841, Lettre à Ida Ferrier-Dumas

novembre? 1841, Lettre à Victor Loubens

10 juillet 1842, Les Vieilles ballades françaises (La Sylphide)

15 octobre 1842, Rêverie de Charles VI (La Sylphide)

24 décembre 1842, Un Roman à faire (La Sylphide)

19 et 26 mars 1843, Jemmy O’Dougherty (La Sylphide)

11 février 1844, Une Journée en Grèce (L’Artiste)

10 mars 1844, Le Roman tragique (L’Artiste)

17 mars 1844, Le Boulevard du Temple, 1re livraison (L’Artiste)

31 mars 1844, Le Christ aux oliviers (L’Artiste)

5 mai 1844, Le Boulevard du Temple 2e livraison (L’Artiste)

12 mai 1844, Le Boulevard du Temple, 3e livraison (L’Artiste)

2 juin 1844, Paradoxe et Vérité (L’Artiste)

30 juin 1844, Voyage à Cythère (L’Artiste)

28 juillet 1844, Une Lithographie mystique (L’Artiste)

11 août 1844, Voyage à Cythère III et IV (L’Artiste)

15 septembre, Diorama (L’Artiste-Revue de Paris)

29 septembre 1844, Pantaloon Stoomwerktuimaker (L’Artiste)

20 octobre 1844, Les Délices de la Hollande I (La Sylphide)

8 décembre 1844, Les Délices de la Hollande II (La Sylphide)

16 mars 1845, Pensée antique (L’Artiste)

19 avril 1845 (BF), Le Diable amoureux par J. Cazotte, préface de Nerval, chez Ganivet

1er juin 1845, Souvenirs de l’Archipel. Cérigo (L’Artiste-Revue de Paris)

6 juillet 1845, L’Illusion (L’Artiste-Revue de Paris)

5 octobre 1845, Strasbourg (L’Artiste-Revue de Paris)

novembre-décembre 1845, Le Temple d’Isis. Souvenir de Pompéi (La Phalange)

28 décembre 1845, Vers dorés (L’Artiste-Revue de Paris)

1er mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste I (L’Artiste-Revue de Paris)

15 mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste II (L’Artiste-Revue de Paris)

1er mai 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne (Revue des Deux Mondes)

17 mai 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste III (L’Artiste-Revue de Paris)

1er juillet 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne. Les Esclaves (Revue des Deux Mondes)

12 juillet 1846 Sensations d’un voyageur enthousiaste IV (L’Artiste-Revue de Paris)

16 août 1846, Un Tour dans le Nord. Angleterre et Flandre (L’Artiste-Revue de Paris)

30 août 1846, De Ramsgate à Anvers (L’Artiste-Revue de Paris)

15 septembre 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne. Le Harem (Revue des Deux Mondes)

20 septembre 1846, Une Nuit à Londres (L’Artiste-Revue de Paris)

1er novembre 1846, Un Tour dans le Nord III (L’Artiste-Revue de Paris)

22 novembre 1846, Un Tour dans le Nord IV (L’Artiste-Revue de Paris)

15 décembre 1846, Scènes de la vie égyptienne moderne. La Cange du Nil (Revue des Deux Mondes)

1847, Scénario des deux premiers actes des Monténégrins

15 février 1847, La Santa-Barbara. Scènes de la vie orientale (Revue des Deux Mondes)

15 mai 1847, Les Maronites. Un Prince du Liban (Revue des Deux Mondes)

15 août 1847, Les Druses (Revue des Deux Mondes)

17 octobre 1847, Les Akkals (Revue des Deux Mondes)

21 novembre 1847, Souvenirs de l’Archipel. Les Moulins de Syra (L’Artiste-Revue de Paris)

15 juillet 1848, Les Poésies de Henri Heine (Revue des Deux Mondes)

15 septembre 1848, Les Poésies de Henri Heine, L’Intermezzo (Revue des Deux Mondes)

7 janvier-24 juin 1849, puis 2 septembre 1849-27 janvier 1850, Al-Kahira. Souvenirs d’Orient (La Silhouette)

1er-27 mars 1849, Le Marquis de Fayolle, 1re partie (Le Temps)

26 avril 16 mai 1849, Le Marquis de Fayolle, 2e partie (Le Temps)

6 octobre 1849, Le Diable rouge (Almanach cabalistique pour 1850)

3 novembre 1849 (BF), Le Diable vert, et Impression de voyage (Almanach satirique, chez Aubert, Martinon et Dumineray)

7 mars-19 avril 1850, Les Nuits du Ramazan (Le National)

15 août 1850, Les Confidences de Nicolas, 1re livraison (Revue des Deux Mondes)

26 août 1850, Le Faust du Gymnase (La Presse)

1er septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 2e livraison (Revue des Deux Mondes)

9 septembre 1850, Excursion rhénane (La Presse)

15 septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 3e livraison (Revue des Deux Mondes)

18 et 19 septembre 1850, Les Fêtes de Weimar (La Presse)

1er octobre 1850, Goethe et Herder (L’Artiste-Revue de Paris)

24 octobre-22 décembre 1850, Les Faux-Saulniers (Le National)

29 décembre 1850, Les Livres d’enfants, La Reine des poissons (Le National)

novembre 1851, Quintus Aucler (Revue de Paris)

24 janvier 1852 (BF), L’Imagier de Harlem, Librairie théâtrale

15 juin 1852, Les Fêtes de mai en Hollande (Revue des Deux Mondes)

1er juillet 1852, La Bohême galante I (L’Artiste)

15 juillet 1852, La Bohême galante II (L’Artiste)

1er août 1852, La Bohême galante III (L’Artiste)

15 août 1852, La Bohême galante IV (L’Artiste)

21 août 1852 (BF), Lorely. Souvenirs d’Allemagne, chez Giraud et Dagneau (Préface à Jules Janin)

1er septembre 1852, La Bohême galante V (L’Artiste)

15 septembre 1852, La Bohême galante VI (L’Artiste)

1er octobre 1852, La Bohême galante VII (L’Artiste)

9 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 1re livraison (L’Illustration)

15 octobre 1852, La Bohême galante VIII (L’Artiste)

23 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 2e livraison (L’Illustration)

30 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 3e livraison (L’Illustration)

1er novembre 1852, La Bohême galante IX (L’Artiste)

6 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 4e livraison (L’Illustration)

13 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 5e livraison (L’Illustration)

15 novembre 1852, La Bohême galante X (L’Artiste)

20 novembre 1852, Les Illuminés, chez Victor Lecou (« La Bibliothèque de mon oncle »)

1er décembre 1852, La Bohême galante XI (L’Artiste)

15 décembre 1852, La Bohême galante XII (L’Artiste)

1er janvier 1853 (BF), Petits Châteaux de Bohême. Prose et Poésie, chez Eugène Didier

15 août 1853, Sylvie. Souvenirs du Valois (Revue des Deux Mondes)

14 novembre 1853, Lettre à Alexandre Dumas

25 novembre 1853-octobre 1854, Lettres à Émile Blanche

10 décembre 1853, Alexandre Dumas, Causerie avec mes lecteurs (Le Mousquetaire)

17 décembre 1853, Octavie (Le Mousquetaire)

1853-1854, Le Comte de Saint-Germain (manuscrit autographe)

28 janvier 1854 (BF) Les Filles du feu, préface, Les Chimères, chez Daniel Giraud

31 octobre 1854, Pandora (Le Mousquetaire)

25 novembre 1854, Pandora, épreuves du Mousquetaire

Pandora, texte reconstitué par Jean Guillaume en 1968

Pandora, texte reconstitué par Jean Senelier en 1975

30 décembre 1854, Promenades et Souvenirs, 1re livraison (L’Illustration)

1854 ? Sydonie (manuscrit autographe)

1854? Emerance (manuscrit autographe)

1854? Promenades et Souvenirs (manuscrit autographe)

janvier 1855, Oeuvres complètes (manuscrit autographe)

1er janvier 1855, Aurélia ou le Rêve et la Vie (Revue de Paris)

6 janvier 1855, Promenades et Souvenirs, 2e livraison (L’Illustration)

3 février 1855, Promenades et Souvenirs, 3e livraison (L’Illustration)

15 février 1855, Aurélia ou Le Rêve et la Vie, seconde partie (Revue de Paris)

15 mars 1855, Desiderata (Revue de Paris)

1866, La Forêt noire, scénario

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BF: annonce dans la Bibliographie de la France

Manuscrit autographe: manuscrit non publié du vivant de Nerval

28 novembre 1827 — La Bibliographie de la France enregistre la publication de Faust, tragédie de Goethe, nouvelle traduction complète en prose et en vers, par Gérard, chez Dondey-Dupré.

<<< Faust, Prologue

<<< Faust, Première partie

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FAUST

PREMIÈRE PARTIE

LA CAVE D’AUERBACH, À LEIPSIG.

Ecot de joyeux compagnons.

Frosch

Personne ne boit ! Personne ne rit ! je vais vous apprendre à faire la mine ! Vous voilà aujourd’hui comme de la paille mouillée, vous qui ordinairement n’êtes que feu et flamme.

Brander

C’est toi qui es en cause ; tu ne mets rien sur le tapis, pas de bêtise, pas une petite indécence !

Frocsh, lui verse un verre de vin sur la tête.

En voici des deux à la fois.

Brander

Double cochon !

Frosch

Vous le voulez, j’en conviens !

Siebel

A la porte les querelleurs ! Qu’on chante la ronde à gorge déployée, qu’on boive, et qu’on crie ! oh ! hé ! holà ! oh !

Altmayer

Ah Dieu ! je suis perdu ! Apportez du coton ; le drôle me rompt les oreilles !

Siebel

Quand la voûte résonne, on peut juger du volume de la basse.

Frosch

C’est juste, à la porte ceux qui prendraient mal les choses ! A ! tara lara da !

Altmayer

A ! tara lara da !

Frosch

Les gosiers sont en voix (Il chante.)

Le très-saint empire de Rome,

Comment est-il encor debout ?….

Brander

Quelle laide chanson ! Fi ! une chanson politique ! La triste chanson !… Remerciez Dieu chaque matin de n’avoir rien à démêler avec l’empire de Rome. Je regarde souvent comme un grand bonheur pour moi de n’être ni empereur, ni chancelier. Cependant, il ne faut point qu’un chef nous manque ; et nous devons élire un pape. Vous savez quelle est la qualité qui pèse dans la balance pour élever un homme à ce rang.

Frosch chante.

Lève-toi vite, et va, beau rossignol,

Dix mille fois saluer ma maîtresse.

Siebel

Point de salut à ta maîtresse, je n’en veux rien entendre.

Frosch

A ma maîtresse salut et baiser ! Ce n’est pas toi qui m’en empêcheras. (Il chante.)

Tire tes verroux, il est nuit,

A ta porte ton amant veille ;

Ouvre-lui, qu’il entre sans bruit,

Pendant que ta mère sommeille.

Siebel

Oui ! chante, chante, loue-la bien, vante-la bien ! j’aurai aussi mon tour de rire. Elle m’a lâché, elle t’en fera autant ! Qu’on lui donne un farfadet pour amoureux, et il pourra badiner avec elle sur le premier carrefour venu. Un vieux bouc, revenant du Blocksberg, peut, en passant au galop, lui souhaiter une bonne nuit ; mais un brave garçon de chair et d’os est beaucoup trop bon pour une fille de cette espèce ! Je ne lui veux point d’autre salut que de voir toutes ses vitres cassées.

Brander, frappant sur la table.

Paix-là ! paix-là ! écoutez-moi ! vous avouerez, messieurs, que je sais vivre : il y a des amoureux ici, et je dois, d’après les usages, leur donner pour la bonne nuit tout ce qu’il y a de mieux. Attention ! une chanson de la plus nouvelle facture ! et répétez bien haut le refrain avec moi ! (Il chante.)

Certain rat, dans une cuisine,

Avait pris place ; et le frater

S’y traita si bien, que sa mine

Eût fait envie au gros Luther.

Mais un beau jour, le pauvre diable,

Empoisonné, sauta dehors,

Aussi triste, aussi misérable ;

Que s’il eût eu l’amour au corps.

Chœur

Que s’il eût eu l’amour au corps !

Brander

Il courait devant et derrière ;

Il grattait, reniflait, mordait,

Parcourait la maison entière,

La rage à ses maux ajoutait…..

Au point qu’à l’aspect du délire

Qui consumait ses vains efforts,

Les mauvais plaisans pouvaient dire :

Ce rat a bien l’amour au corps !

Chœur

Ce rat a bien l’amour au corps !

Brander

Dans le fourneau, le pauvre sire

Crut enfin se cacher très-bien,

Mais il se trompait, et le pire,

C’est qu’il y creva comme un chien.

La servante, méchante fille,

De son malheur rit bien alors :

« Ah ! disait-elle, comme il grille !…..

Il a vraiment l’amour au cprps ! »

Chœur

Il a vraiment l’amour au corps !

Siebel

Comme ces plats coquins se réjouissent ! C’est un beau chef-d’œuvre à citer que l’empoisonnement d’un rat !

Brander

Tu prends le parti de tes semblables !

Altmayer

Le voilà bien avec son gros ventre et sa tête pelée ! comme le malheur l’adoucit ! Dans ce rat qui crève, il voit son portrait tout craché.

FAUST et MÉPHISOPHÉLÈS

Méphistophélès

Je dois avant tout t’introduire dans une société joyeuse, afin que tu voies comme on peut aisément faire la vie ! Chaque jour est ici pour le peuple une fête nouvelle ; avec un peu d’esprit et beaucoup de laisser aller, chacun d’eux tourne dans son cercle étroit de plaisirs, comme un jeune chat jouant avec sa queue ; tant qu’ils ne se plaignent pas d’un mal de tête, et que l’hôte veut bien leur faire crédit, ils sont contens et sans soucis.

Brander

Ceux-là viennent d’un voyage : on voit à leur air étranger qu’ils ne sont pas ici depuis une heure.

Frosch

Tu as vraiment raison ! honneur à notre Leipsig ! c’est un petit Paris, et cela vous forme joliment son monde.

Siebel

Pour qui prends-tu ces étrangers ?

Frosch

Laisse-moi faire un peu : avec une rasade je tirerai les vers du nez à ces marauds comme une dent de lait. Ils me semblent être de noble maison, car ils ont le regard fier et mécontent.

Brander

Ce sont des charlatans, je gage !

Altmayer

Peut-être.

Frosch

Attention ! que je les mystifie !

Méphistophélès, à Faust.

Les pauvres gens ne soupçonnent jamais le diable, quand même il les tiendrait à la gorge.

Faust

Nous vous saluons, messieurs.

Siebel

Grand merci de votre honnêteté.

(Bas regardant de travers Méphistophélès.)

Qu’a donc ce coquin à clocher sur un pied ?

Méphistophélès

Nous est-il permis de prendre place parmi vous ? L’agrément de la société nous dédommagera d’être privés de bon vin.

Altmayer

Vous avez l’air bien dégoûté.

Frosch

Vous serez partis bien tard de Rippah, avez-vous soupé cette nuit chez M. Jean ?*

Méphistophélès

Nous avons passé sa maison sans nous y arrêter. La dernière fois nous lui avions parlé ; il nous entretint long-tems de ses coucins, il nous chargea de leur dire bien des choses. (Il s’incline vers Frosch.)

Altmayer, bas

Te voilà dedans ! il entend son affaire !

Siebel

C’est un gaillard avisé.

Frosch

Eh bien ! attends un peu : je saurai bien le prendre.

Méphistophélès

Si je ne me trompe, nous entendîmes en entrant un chœur de voix exercées ? Et certes, les chants doivent, sous ces voûtes, résonner admirablement.

Frosch

Seriez-vous donc virtuose ?

Méphistophélès

Oh non ! le talent est bien faible, mais le désir est grand.

Frosch

Donnez-nous une chanson.

Méphistophélès

Tant que vous en voudrez.

Siebel

Mais quelque chose de nouveau.

Méphistophélès

Nous revenons d’Espagne, c’est l’aimable pays du vin et des chansons. (Il chante.)

Une puce gentille,

Chez un prince logeait….

Frosch

Ecoutez ! une puce !… avez-vous bien saisi cela ? une puce me semble à moi un hôte assez désagréable.

Méphistophélès chante.

Une puce gentille

Chez un prince logeait,

Comme sa propre fille,

Le brave homma l’aimait,

Et (l’histoire l’assure),

A son tailleur, un jour,

Lui fit prendre mesure,

Pour un habit de cour.

Brander

N’oubliez point d’enjoindre au tailleur de la prendre bien exacte, et que, s’il tient à sa tête, il ne laisse pas faire à la culotte le moindre pli.

Méphistophélès

L’animal, plein de joie,

Dès qu’il se vit paré

D’or, de velours, de soie,

Et de croix décoré,

Fit venir de province

Ses frères et ses sœurs,

Qui, par ordre du prince,

Devinrent grands seigneurs.

_

Mais, ce qui fut bien pire,

C’est que les gens de cour,

Sans en oser rien dire,

Se grattaient tout le jour …..

Cruelle politique !

Ah ! plaignons leur destin,

Et, dès qu’une nous pique,

Ecrasons-l soudain !

Frosch

Bravo ! bravo ! voilà du bon !

Siebel

Ainsi soit-il de toutes les puces !

Brander

Serrez les doigts, et pincez-les ferme !

Altmayer

Vive la liberté ! vive le vin !

Méphistophélès

Je boirais volontiers un verre en l’honneur de la liberté, si vos vins étaient tant soit peu meilleurs.

Siebel

N’en dites pas davantage….

Méphistophélès

Je craindrais d’offenser l’hôte, sans quoi je ferais goûter aux aimables convives ce qu’il y a de mieux dans notre cave.

Siebel

Allez toujours ! je prends tout sur moi.

Frosch

Donnez-nous-en un bon verre, si vous voulez qu’on le loue, car, quand je veux en juger, il faut que j’aie la bouche bien pleine.

Altmayer, bas.

Ils sont du Rhin, à ce que je vois.

Méphistophélès

Procurez-moi un foret !

Brander

Qu’en voulez-vous faire ? Vous n’avez pas sans doute vos tonneaux devant la porte.

Altmayer

Là, derrière, l’hôte a déposé un panier d’outils

Méphistophélès prend le foret à Frosch.

Dites maintenant ce que vous voulez goûter.

Frosch

Y pensez-vous ? est-ce que vous en auriez tant de sortes ?

Méphistophélès

Je laisse à chacun le choix libre.

Altmayer, à Frosch.

Ah ! ah ! tu commences déjà à te lécher les lèvres.

Frosch

Bon ! si j’ai le choix, il me faut du vin du Rhin ; la patrie produit toujours ce qu’il y a de mieux.

Méphistophélès, piquant un trou dans le rebord de la table, à la place où Frosch s’assied.

Procurez-moi un peu de cire pour servir de bouchons.

Altmayer

Ah çà ! voici de l’escamotage.

Méphistophélès, à Brander

Et vous ?

Brander

Je désirerais du vin de Champagne, et qu’il fût bien mousseux !

(Méphistophélès continue de forer, et pendant ce tems quelqu’un a fait des bouchons et les a enfoncés dans les trous.)

Brander

On ne peut pas toujours éviter l’étranger ; les bonnes choses sont souvent si loin ! Un bon Allemand ne peut souffrir les Français, mais pourtant bois leurs vins très-volontiers.

Siebel, pendant que Méphistophélès s’approche de sa place.

Je dois l’avouer, je n’aime pas l’aigre : donnez-moi un verre de quelque chose de doux.

Méphistophélès, forant.

Aussi vais-je vous faire couler du Tokai.

Altmayer

Non, monsieur, regardez-moi en face ! Je le vois bien, vous nous faites aller.

Méphistophélès

Hé ! hé ! avec d’aussi nobles convives, ce serait un peu trop risquer. Allons vite ! voilà assez de dit : de quel vin puis-je servir ?

Altmayer

De tous ! et assez causé !

(Après que les trous sont forés et bouchés, Méphistophélès s’avance.)

Méphistophélès, avec des gestes singuliers.

Si des cornes bien élancées

Croissent au front du bouquetin ;

Si le cep produit du raisin,

Tables en bois, de trous percées,

Peuvent aussi donner du vin.

C’est un miracle, je vous jure :

Mais, messieurs, comme vous savez,

Rien d’impossible à la nature !

Débouchez les trous, et buvez !

Tous, tirant les bouchons et recevant dans leurs verres le vin désiré par chacun.

La belle fontaine qui nous coule-là !

Méphistophélès

Gardez-vous seulement de rien répandre. (Ils se remettent à boire.)

Tous chantent.

Nous buvons, buvons, buvons,

Comme cinq cents cochons !

Méphistophélès

Voilà mes coquins libres, vois comme ils y vont.

Faust

J’ai envie de m’en aller.

Méphistophélès

Encore une minute d’attention, et tu vas voir la bestialité dans toute sa candeur.

Siebel boit sans précaution, le vin coule à terre et se change en flamme.

Au secours ! au feu ! au secours ! l’enfer brûle !

Méphistophélès, parlant à la flamme.

Calme-toi, mon élément chéri ! (Aux compagnons.) Pour cette fois, ce n’était rien qu’une goutte de feu du Purgatoire.

Siebel

Qu’est-ce que cela signifie ? Attendez ! vous le paierez cher ; il paraît que vous ne nous connaissez guère.

Frosch

Je lui conseille de recommencer !

Altmayer

Mon avis est qu’il faut le prier poliment de s’en aller.

Siebel

Que veut ce Monsieur ? Oserait-il bien mettre en œuvre ici son hocuspocus ?**

Méphistophélès

Paix ! vieux sac à vin !

Siebel

Manche à balai ! tu veux encore faire le manant !

Brander

Attends un peu, les coups vont pleuvoir !

Altmayer tire un bouchon de la table, un jet de feu s’élance et l’atteint.

Je brûle ! je brûle !

Siebel

Sorcellerie !….. sautez dessus ! le coquin va nous le payer !

(Ils tirent leurs couteaux, et s’élancent vers Méphistophélès)

Méphistophélès, avec des gestes graves.

Tableaux et paroles magiques,

Par vos puissans enchantemens,

Troublez leurs esprits et leurs sens !

(Ils se regardent l’un l’autre avec étonnement.)

Altmayer

Où suis-je ? Quel beau pays !

Frosch

Un coteau de vignes ! y vois-je bien ?

Siebel

Et des grappes sous la main.

Brander

Là, sous les pampres verts, voyez quel pied ! voyez quelle grappe !

(Il prend Siebel par le nez, les autres s’en font autant mutuellement, et lèvent leurs couteaux.)

Méphistophélès, comme plus haut.

Maintenant partons : c’est assez !

Sources de vin, riche vendange,

Illusions, disparaissez !….

C’est ainsi qu’un diable se venge.

(Il disparaît avec Faust ; tous les compagnons lâchent prise.)

Siebel

Qu’est-ce que c’est ?

Altmayer

Quoi ?

Frosch

Tiens ! c’était donc ton nez !

Brander, à Siebel.

Et j’ai le tien dans la main !

Altmayer

C’est un coup à vous rompre les membres. Apprtez un siège, je tombe en défaillance.

Frosch

Non, dis-moi donc ce qui est arrivé.

Siebel

Où est-il le drôle ? Si je l’attrape, il ne sortira pas vivant de mes mains.

Altmayer

Je l’ai vu passer par la porte de la cave… à cheval sur un tonneau… J’ai les pieds lourds comme du plomb. (Il se retourne vers la table.) Ma foi ! le vin devrait bien encore couler !

Siebel

Tout cela n’était que tromperie, illusion et mensonge !

Frosch

J’aurais pourtant bien juré boire du vin !

Brander

Mais que sont devenues ces belles grappes ?

Altmayer

Qu’on vienne dire encore qu’il ne faut pas croire aux miracles !

___

*Frosch semble faire cette demande pour mystifier les deux étrangers.

** Terme de sorcellerie.

______

CUISINE DE SORCIÈRE

(Dans un âtre enfoncé, une grosse marmite est sur le feu. A travers la vapeur qui s’en élève, apparaissent des figures singulières. Une guenon, assise près de la marmite, l’écume, et veille à ce qu’elle ne répande pas. Le mâle, avec ses petits, est assis près d’elle, et se chauffe. Les murs et le plafond sont tapissés d’outils singuliers à l’usage de la Sorcière.)

FAUST, MÉPHISTOPHÉLÈS

Faust

Tout cet étrange appareil de sorcellerie me répugne ; quelles jouissances peux-tu me promettre au sein de cet amas d’extravagances ? Quels conseils attendre d’une vieille femme ? Et y-a-t-il dans cette cuisine quelque breuvage qui puisse m’ôter trente ans de dessus le corps ? Malheur à moi, si tu ne sais rien de mieux ! J’ai déjà perdu toute espérance. Se peut-il que la nature et qu’un esprit supérieur n’aient point un baume capable d’adoucir mon sort ?

Méphistophélès

Mon ami, tu parles avec sagesse. Il y a bien, pour se rajeunir, un moyen tout naturel, mais il se trouve dans un autre livre, et c’en est un singulier chapitre.

Faust

Je veux le connaître.

Méphistophélès

Bon ! c’est un moyen qui ne demande argent, médecine, ni sortilège : rends-toi de suite dans les champs, mets-toi à bêcher et à creuser, resserre ta pensée dans un cercle étroit, contente-toi d’une nourriture simple ; vis comme une bête avec les bêtes et ne dédaigne pas de fumer toi-même ton patrimoine ; c’est, crois-moi, le meilleur moyen de te rajeunir de quatre-vingts ans.

Faust

Je n’en ai point l’habitude, et je ne saurais m’accoutumer à prendre en main une bêche. Une vie étroite n’est pas ce qui me convient.

Méphistophélès

Il faut donc que la sorcière s’en mêle.

Faust

Mais pourquoi justement cette vieille ? ne peux-tu brasser toi-même le breuvage ?

Méphistophélès

Ce serait un beau passe-tems ! j’aurais plutôt fait de bâtir mille ponts. Ce travail demande non seulement de l’art et du savoir, mais encore beaucoup de patience. Un esprit tranquille emploie bien des années à le confectionner. Le tems peut seul donner de la vertu à la fermentation ; et tous les ingrédiens qui s’y rapportent sont des choses bien étranges ! Le diable le lui a enseigné, mais ne pourrait pas le faire lui-même (Il aperçoit les animaux.) Vois, quelle gentille espèce ! voici la servante, voilà le valet… (Aux animaux.)

Je n’aperçois pas, mes amis,

La bonne femme !

Les animaux

Elle est allée,

Par le tuyau de la cheminée,

Dîner sans doute hors du logis.

Méphistophélès

Mais, pour sa course, d’ordinaire,

Quel tems prend-elle?…. vous riez ?

Les animaux

Le tems que nous prenons à faire…

A faire ici chauffer nos pieds.

Méphistophélès, à Faust.

Comment trouves-tu ces aimables animaux ?

Faust

Les plus dégoûtans que j’ai jamais vus.

Méphistophélès

Non ! un discours comme celui-là est justement ce qui me convient le mieux (Aux animaux)

Au moins, dites-moi, malhonnêtes,

Qu’estce que vous brassez ainsi ?

Les Animaux

Nous cuisons la soupe des bêtes.

Méphistophélès

Vous avez bien du monde ici !

Le Chat, s’approche et flatte Méphistophélès.

O jouons tous deux,

Et fais ma fortune ;

Un peu de pécune,

Me rendrait heureux.

_

O jouons, de grâce !

Je ne suis rien,

Car je n’ai rien ;

Mais si j’avais du bien,

J’obtiendrais une belle place.

Méphistophélès

Comme il s’estimerait heureux, le singe, s’il pouvait seulement mettre à la loterie !

(Pendant ce tems les autres animaux jouent avec une grosse boule, et la font rouler.)

Le Chat

Voici le monde :

La boule ronde

Ici monte et descend ;

Vive et gentille,

Comme un verre elle brille,

Mais comme lui se fend.

Cher enfant, fuis loin d’elle,

Car, quoiqu’elle étincelle,

Ses tranchans éclats

Donnent le trépas.

Méphistophélès

A quoi sert ce crible ?

Le Chat le ramasse.

Il rend l’âme aux yeux visible :

Ne serais-tu pas un coquin ?

On pourra t’y reconnaître.

(Il court vers la femelle, et la fait regarder au travers.)

Regarde par ce trou-là,

Ma chère, tu pourras peut-être

Nommer ce coquin que voilà.

Méphistophélès, s’approchant du feu.

Et qu’est-ce que cette soupe ?

Le Chat et la Chatte

Il ne connaît pas le pot,

Le pot à faire la soupe…..

Vit-on jamais pareil sot ?

Méphistophélès

Animaux malhonnêtes !

Le Chat

Dans ce fauteuil mets-toi soudain,

Et prends cet éventail en main,

Tu seras le roi des bêtes.

(Il oblige Méphistophélès à s’asseoir.)

Faust, qui pendant ce tems s’est toujours tenu devant le miroir, tantôt s’en rapprochant, tantôt s’en éloignant.

Que vois-je ? quelle céleste image se montre dans ce miroir magique ? O amour ! prête-moi la plus rapide de tes ailes, et transporte-moi dans sa région. Ah ! quand je ne reste pas à cette place, quand je me hasarde à m’approcher davantage, je ne puis plus la voir que comme à travers un nuage ! La plus belle forme de la femme ! Est-il possible qu’une femme ait tant de beauté ? Dois-je, dans ce corps étendu à ma vue, trouver l’abrégé de tous les cieux ? Quelque chose de pareil existe-t-il sur la terre ?

Méphistophélès

Naturellement, quand un Dieu se met à l’œuvre pendant six jours, et se dit enfin bravo à lui-même, il doit en résulter quelque chose de passable. Pour cette fois, regarde à satiété, je saurai bien te déterrer un semblable trésor : et heureux celui qui a la bonne fortune de l’emmener chez soi comme épouse.

(Faust regarde toujours dans le miroir. Méphistophélès, s’étendant dans le fauteuil, et jouant avec l’éventail, continue de parler.)

Me voilà assis comme un roi sur son trône : je tiens le sceptre, il ne me manque plus que la couronne.

Les Animaux, qui jusque-là avaient exécuté mille mouvemens bizarres, apportent, avec de grands cris, une couronne à Méphistophélès.

Daigne la prendre, mon maître,

En voici tous les éclats,

Avec du sang tu pourras

La raccommoder peut-être.

(Ils courent gauchement avec la couronne et la brisent en deux morceaux avec lesquels ils dansent en rond.)

C’est fort bien : recommençons !

Car nous parlons, nous voyons,

Nous écoutons et rimons.

Faust, devant le miroir.

Malheur à moi ! j’en suis tout bouleversé !

Méphistophélès, montrant les animaux.

La tête commence à me tourner à moi-même.

Les Animaux

Si cela nous réussit,

Ma foi, gloire à notre esprit !

Faust, comme plus haut.

Mon sein commence à s’enflammer ! Eloignons-nous vite !

Méphistophélès, dans la même position.

On doit au moins convenir que ce sont de francs poètes.

(La marmite, que la guenon a laissée un instant sans l’écumer, commence à déborder ; il s’élève une grande flamme qui monte violemment dans la cheminée. La sorcière descend à travers la flamme en poussant des cris épouvantables.)

La Sorcière

Au ! au ! au ! au !

Chien de pourceau !

Tu répands la soupe,

Et tu rôtis ma peau !

Oh ! la maudite troupe !

(Apercevant Faust et Méphistophélès)

Que vois-je ici ?

Qui peut entrer ainsi

Dans mon laboratoire ?

A moi, mon vieux grimoire !

A vous le feu !

Vos os vont voir beau jeu !

(Elle plonge l’écumoire dans la marmite, et lance les flammes après Faust, Méphistophélès et les animaux. Les animaux hurlent.)

Méphistophélès lève l’éventail qu’il tient à la main, et frappe à droite et à gauche sur les verres et les pots.

En deux ! en deux !

Ustensiles de sorcières,

Vieux flacons, vieux pots, vieux verres !….

En deux ! en deux !

Toi, tu m’as l’air bien hardie ;

Attends, un bâton

Va régler le ton

De ta mélodie.

(Pendant que la sorcière recule, pleine de colère et d’effroi.)

Me reconnais-tu, squelette, épouvantail ? Reconnais-tu ton seigneur et maître ? Qui me retient de frapper et de te mettre en pièces toi et tes esprits chats ? N’as-tu plus de respect pour le pourpoint rouge ? méconnais-tu la plume de coq ? ai-je caché ce visage ? Il faudra donc que je me nomme moi-même !

La Sorcière

O seigneur ! pardonnez-moi cet accueil un peu rude ! Je ne vois cependant pas le pied cornu… qu’avez-vous donc fait de vos deux corbeaux ?

Méphistophélès

Tu t’en tireras pour cette fois, car il y a bien du tems que nous ne nous sommes vus. La civilisation, qui polit le monde entier, s’est étendue jusqu’au diable ; on ne voit plus maintenant de fantôme du nord, plus de cornes, de queue et de griffes ! Et pour ce qui concerne ce pied, dont je ne puis me défaire, il me nuirait dans le monde, aussi, comme beaucoup de jeunes gens, j’ai depuis long-tems adopté la mode des faux mollets.

La Sorcière, dansant.

J’en perd l’esprit, je croi ;

Monsieur Satan chez moi !

Méphistophélès

Point de nom pareil, femme, je t’en prie !

La Sorcière

Pourquoi ? que vous a-t-il fait ?

Méphistophélès

Depuis bien des années il est inscrit au livre des fables ; mais les hommes n’en sont pas pour cela devenus meilleurs : ils sont délivrés du malin, mais les malins sont restés. Que tu m’appelles monsieur le baron, à la bonne heure ! Je suis vraiment un cavalier comme bien d’autres : tu ne peux douter de ma noblesse ; tiens, voilà l’écusson que je porte ! (Il fait un geste indécent.)

La Sorcière rit immodérément.

Ha ! ha ! c’est bien là votre genre ! vous êtes un coquin comme vous fûtes toujours !

Méphistophélès, à Faust.

Mon ami, voilà de quoi t’instruire ! C’est ainsi qu’on se conduit avec les sorcières.

La Sorcière

Dites maintenant, messieurs, ce que vous désirez.

Méphistophélès

Un bon verre de la liqueur que tu sais : mais de la plus vieille, je te prie, car les années doublent sa force.

La Sorcière

Bien volontiers ! j’en ai un flacon dont quelquefois je goûte moi-même, elle n’a plus la moindre puanteur, je vous en donnerai un petit verre. (Bas à Méphistophélès.) Mais si cet homme en boit sans être préparé, il n’a pas, comme vous savez, une heure à vivre.

Méphistophélès

C’est un bon ami, elle ne peut que lui faire du bien ; je lui donnerais sans crainte la meilleure de toute ta cuisine. Trace ton cercle, dis tes paroles, et donne-lui une tasse pleine.

(La Sorcière, avec des gestes singuliers, trace un cercle où elle place mille choses bizarres. Cependant, les verres commencent à résonner, la marmite à tonner, et ils font de la musique. Enfin, elle apporte un gros livre, place les chats dans le cercle, où ils lui servent de pupitre et tiennent les flambeaux. Elle fait signe à Faust de marcher à elle.)

Faust, à Méphistophélès.

Non ! dis-moi ce que tout cela va devenir. Cette folle engeance, ces gestes extravagans, cette dégoûtante sorcellerie, me sont assez connus, et je les hais assez.

Méphistophélès

Chansons ! ce n’est que pour rire, ne fais donc pas tant l’homme grave ! Elle doit, comme médecin, faire un hocupocus, afin que la liqueur te soit profitable.

(Il contraint Faust d’entrer dans le cercle.)

La Sorcière, avec beaucoup d’emphase, prend le livre pour déclamer.

Ami, crois à mon système :

Avec un, dix tu feras ;

Avec deux et trois de même,

Ainsi tu t’enrichiras.

Passe le quatrième

Le cinquième et sixième,

La sorcière l’a dit :

Le septième et huitième

Seront traités de même….

C’est là que finit

L’œuvre de la Sorcière :

Si neuf est un,

Dix n’est aucun,

Voilà tout le mystère !

Faust

Il me semble que la vieille parle dans la fièvre.

Méphistophélès

Il n’y en a pas long maintenant : je connais bien tout cela, son livre est plein de ces fadaises. J’y ai perdu bien du tems, car une parfaite contradiction est aussi mystérieuse pour les sages que pour les fous. Mon ami, l’art est vieux et nouveau. Ce fut l’usage de tous les tems de propager l’erreur en place de la vérité par trois et un, un et trois : sans cesse on babille sur ce sujet, on apprend cela comme bien d’autres choses ; mais qui va se tourmenter à comprendre de telles folies ? L’homme croit d’ordinaire, quand il entend des mots, qu’ils doivent absolument contenir une pensée.

La Sorcière continue.

La science la plus profonde

N’est donnée à personne au monde ;

Mais sans aucuns soins,

La connaissance universelle,

Le plus souvent se révèle

A ceux qui la cherchent le moins.

Faust

Quel contresens elle nous dit ! Tout cela va me rompre la tête, il me semble entendre un chœur de cent mille fous.

Méphistophélès

Assez ! assez ! très-excellente sibylle ! donne ici ta potion, et que la coupe soit pleine jusqu’au bord : le breuvage ne peut nuire à mon ami ; c’est un homme qui a passé par plusieurs grades, et qui en a fait des siennes.

(La sorcière, avec beaucoup de cérémonie, verse la boisson dans le verre ; au moment qu’il la porte à sa bouche, il s’élève une légère flamme.)

Méphistophélès

Vivement ! encore un peu ! cela va bien te réjouir le cœur. Comment, tu es avec le Diable à tu et à toi, et la flamme t’épouvante !

(La Sorcière efface le cercle. Faust en sort.)

Méphistophélès

En avant ! il ne faut pas que tu te reposes.

La Sorcière

Puisse ce petit coup vous faire du bien !

Méphistophélès, à la Sorcière.

Et si je puis quelque chose pour toi, fais-le-moi savoir au sabbat.

La Sorcière

Voici une chanson ! chantez-la quelquefois, vous en éprouverez des effets singuliers.

Méphistophélès, à Faust.

Viens vite, et laisse-toi conduire ; il est nécessaire que tu transpires, afin que la vertu de la liqueur agisse dedans et dehors. Je te ferai ensuite apprécier les charmes d’une noble oisiveté, et tu reconnaîtras bientôt, à des transports secrets, l’influence de Cupidon, qui voltige çà et là par le monde.

Faust

Laisse-moi jeter encore un regard rapide sur ce miroir, cette image de femme est si belle !

Méphistophélès

Non ! non ! tu vas voir devant toi tout à l’heure le modèle des femmes en personne vivante. (A part.) Avec cette boisson dans le corps, tu verras, dans chaque femme, une Hélène.

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FAUST, seconde partie >>>

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