TEXTES
1824, Poésies diverses (manuscrit autographe)
1824, L’Enterrement de la Quotidienne (manuscrit autographe)
1824, Poésies et poèmes (manuscrit autographe)
1825, « Pour la biographie des biographes » (manuscrit autographe)
15 février 1826 (BF), Napoléon et la France guerrière, chez Ladvocat
6 mai 1826 (BF), Complainte sur l’immortalité de M. Briffaut, par Cadet Roussel, chez Touquet
6 mai 1826 (BF), Monsieur Dentscourt ou le Cuisinier d’un grand homme, chez Touquet
20 mai 1826 (BF), Les Hauts faits des Jésuites, par Beuglant, chez Touquet
12 août 1826 (BF), Épître à M. de Villèle (Mercure de France du XIXe siècle)
11 novembre 1826 (BF), Napoléon et Talma, chez Touquet
13 et 30 décembre 1826 (BF), L’Académie ou les membres introuvables, par Gérard, chez Touquet
16 mai 1827 (BF), Élégies nationales et Satires politiques, par Gérard, chez Touquet
29 juin 1827, La dernière scène de Faust (Mercure de France au XIXe siècle)
28 novembre 1827 (BF), Faust, tragédie de Goëthe, 1828, chez Dondey-Dupré
15 décembre 1827, A Auguste H…Y (Almanach des muses pour 1828)
1828? Faust (manuscrit autographe)
1828? Le Nouveau genre (manuscrit autographe)
mai 1829, Lénore. Ballade allemande imitée de Bürger (La Psyché)
août 1829, Le Plongeur. Ballade, (La Psyché)
octobre 1829, A Schmied. Ode de Klopstock (La Psyché)
24 octobre 1829, Robert et Clairette. Ballade allemande de Tiedge (Mercure de France au XIXe siècle)
21 novembre 1829, Chant de l’épée. Traduit de Korner (Mercure de France au XIXe siècle)
19 décembre 1829, Lénore. Traduction littérale de Bürger (Mercure de France au XIXe siècle)
janvier 1830, La Lénore de Bürger, nouvelle traduction littérale (La Psyché)
16 janvier 1830, Ma Patrie, de Klopstock (Mercure de France au XIXe siècle)
23 janvier 1830, Légende, par Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)
6 février (BF) Poésies allemandes, Klopstock, Goethe, Schiller, Burger (Bibliothèque choisie)
13 février 1830, Les Papillons (Mercure de France au XIXe siècle)
13 février 1830, Appel, par Koerner (1813) (Mercure de France au XIXe siècle)
13 mars 1830, L’Ombre de Koerner, par Uhland, 1816 (Mercure de France au XIXe siècle)
27 mars 1830, La Nuit du Nouvel an d’un malheureux, de Jean-Paul Richter (La Tribune romantique)
29 avril 1830, La Pipe, chanson traduite de l’allemand, de Pfeffel (La Tribune romantique)
13 mai 1830 Le Cabaret de la mère Saguet (Le Gastronome)
mai 1830, M. Jay et les pointus littéraires (La Tribune romantique)
juillet ? 1830, Récit des journées des 27-29 juillet (manuscrit autographe)
14 août 1830, Le Peuple (Mercure de France au XIXe siècle)
11 décembre 1830, A Victor Hugo. Les Doctrinaires (Almanach des muses pour 1831)
29 décembre 1830, La Malade (Le Cabinet de lecture )
29 janvier 1831, Odelette, Le Vingt-cinq mars (Almanach dédié aux demoiselles)
14 mars 1831, En avant, marche! (Cabinet de lecture)
23 avril 1831, Bardit, traduit du haut-allemand (Mercure de France au XIXe siècle)
7 mai 1831, Profession de foi (Mercure de France au XIXe siècle)
25 juin et 9 juillet 1831, Nicolas Flamel, drame-chronique (Mercure de France au XIXe siècle)
4 décembre 1831, Cour de prison, Le Soleil et la gloire (Le Cabinet de lecture)
17 décembre 1831, Fantaisie, odelette (Annales romantiques pour 1832)
24 septembre 1832, La Main de gloire, histoire macaronique (Le Cabinet de lecture)
14 décembre 1834, Odelettes (Annales romantiques pour 1835)
1835-1838 ? Lettres d’amour (manuscrits autographes)
26 mars et 20 juin 1836, De l’Aristocratie en France (Le Carrousel)
20 et 26 mars 1837, De l’avenir de la tragédie (La Charte de 1830)
12 août 1838, Les Bayadères à Paris (Le Messager)
18 septembre 1838, A M. B*** (Le Messager)
2 octobre 1838, La ville de Strasbourg. A M. B****** (Le Messager)
26 octobre 1838, Lettre de voyage. Bade (Le Messager)
31 octobre 1838, Lettre de voyage. Lichtenthal (Le Messager)
24 novembre 1838, Léo Burckart (manuscrit remis à la censure)
25, 26 et 28 juin 1839, Le Fort de Bitche. Souvenir de la Révolution française (Le Messager)
13 juillet 1839 (BF) Léo Burckart, chez Barba et Desessart
19 juillet 1839, « Le Mort-vivant », drame de M. de Chavagneux (La Presse)
15 et 16-17 août 1839, Les Deux rendez-vous, intermède (La Presse)
17 et 18 septembre 1839, Biographie singulière de Raoul Spifamme, seigneur des Granges (La Presse)
28 janvier 1840, Lettre de voyage I (La Presse)
25 février 1840, Le Magnétiseur
5 mars 1840, Lettre de voyage II (La Presse)
8 mars 1840, Lettre sur Vienne (L’Artiste)
26 mars 1840, Lettre de voyage III (La Presse)
28 juin 1840, Lettre de voyage IV, Un jour à Munich (La Presse)
18 juillet 1840 (BF) Faust de Goëthe suivi du second Faust, chez Gosselin
26 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort I (La Presse)
29 juillet, 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort II (La Presse)
30 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort III (La Presse)
11 février 1841, Une Journée à Liège (La Presse)
18 février 1841, L’Hiver à Bruxelles (La Presse)
1841 ? Première version d’Aurélia (feuillets autographes)
février-mars 1841, Lettre à Muffe, (sonnets, manuscrit autographe)
1841 ? La Tête armée (manuscrit autographe)
mars 1841, Généalogie dite fantastique (manuscrit autographe)
1er mars 1841, Jules Janin, Gérard de Nerval (Journal des Débats)
5 mars 1841, Lettre à Edmond Leclerc
7 mars 1841, Les Amours de Vienne (Revue de Paris)
31 mars 1841, Lettre à Auguste Cavé
11 avril 1841, Mémoires d’un Parisien. Sainte-Pélagie en 1832 (L’Artiste)
9 novembre 1841, Lettre à Ida Ferrier-Dumas
novembre? 1841, Lettre à Victor Loubens
10 juillet 1842, Les Vieilles ballades françaises (La Sylphide)
15 octobre 1842, Rêverie de Charles VI (La Sylphide)
24 décembre 1842, Un Roman à faire (La Sylphide)
19 et 26 mars 1843, Jemmy O’Dougherty (La Sylphide)
11 février 1844, Une Journée en Grèce (L’Artiste)
10 mars 1844, Le Roman tragique (L’Artiste)
17 mars 1844, Le Boulevard du Temple, 1re livraison (L’Artiste)
31 mars 1844, Le Christ aux oliviers (L’Artiste)
5 mai 1844, Le Boulevard du Temple 2e livraison (L’Artiste)
12 mai 1844, Le Boulevard du Temple, 3e livraison (L’Artiste)
2 juin 1844, Paradoxe et Vérité (L’Artiste)
30 juin 1844, Voyage à Cythère (L’Artiste)
28 juillet 1844, Une Lithographie mystique (L’Artiste)
11 août 1844, Voyage à Cythère III et IV (L’Artiste)
15 septembre, Diorama (L’Artiste-Revue de Paris)
29 septembre 1844, Pantaloon Stoomwerktuimaker (L’Artiste)
20 octobre 1844, Les Délices de la Hollande I (La Sylphide)
8 décembre 1844, Les Délices de la Hollande II (La Sylphide)
16 mars 1845, Pensée antique (L’Artiste)
19 avril 1845 (BF), Le Diable amoureux par J. Cazotte, préface de Nerval, chez Ganivet
1er juin 1845, Souvenirs de l’Archipel. Cérigo (L’Artiste-Revue de Paris)
6 juillet 1845, L’Illusion (L’Artiste-Revue de Paris)
5 octobre 1845, Strasbourg (L’Artiste-Revue de Paris)
novembre-décembre 1845, Le Temple d’Isis. Souvenir de Pompéi (La Phalange)
28 décembre 1845, Vers dorés (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste I (L’Artiste-Revue de Paris)
15 mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste II (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mai 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne (Revue des Deux Mondes)
17 mai 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste III (L’Artiste-Revue de Paris)
12 juillet 1846 Sensations d’un voyageur enthousiaste IV (L’Artiste-Revue de Paris)
16 août 1846, Un Tour dans le Nord. Angleterre et Flandre (L’Artiste-Revue de Paris)
30 août 1846, De Ramsgate à Anvers (L’Artiste-Revue de Paris)
20 septembre 1846, Une Nuit à Londres (L’Artiste-Revue de Paris)
1er novembre 1846, Un Tour dans le Nord III (L’Artiste-Revue de Paris)
22 novembre 1846, Un Tour dans le Nord IV (L’Artiste-Revue de Paris)
15 décembre 1846, Scènes de la vie égyptienne moderne. La Cange du Nil (Revue des Deux Mondes)
1847, Scénario des deux premiers actes des Monténégrins
15 février 1847, La Santa-Barbara. Scènes de la vie orientale (Revue des Deux Mondes)
15 mai 1847, Les Maronites. Un Prince du Liban (Revue des Deux Mondes)
15 août 1847, Les Druses (Revue des Deux Mondes)
17 octobre 1847, Les Akkals (Revue des Deux Mondes)
21 novembre 1847, Souvenirs de l’Archipel. Les Moulins de Syra (L’Artiste-Revue de Paris)
15 juillet 1848, Les Poésies de Henri Heine (Revue des Deux Mondes)
15 septembre 1848, Les Poésies de Henri Heine, L’Intermezzo (Revue des Deux Mondes)
1er-27 mars 1849, Le Marquis de Fayolle, 1re partie (Le Temps)
26 avril 16 mai 1849, Le Marquis de Fayolle, 2e partie (Le Temps)
6 octobre 1849, Le Diable rouge (Almanach cabalistique pour 1850)
7 mars-19 avril 1850, Les Nuits du Ramazan (Le National)
15 août 1850, Les Confidences de Nicolas, 1re livraison (Revue des Deux Mondes)
26 août 1850, Le Faust du Gymnase (La Presse)
1er septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 2e livraison (Revue des Deux Mondes)
9 septembre 1850, Excursion rhénane (La Presse)
15 septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 3e livraison (Revue des Deux Mondes)
18 et 19 septembre 1850, Les Fêtes de Weimar (La Presse)
1er octobre 1850, Goethe et Herder (L’Artiste-Revue de Paris)
24 octobre-22 décembre 1850, Les Faux-Saulniers (Le National)
29 décembre 1850, Les Livres d’enfants, La Reine des poissons (Le National)
novembre 1851, Quintus Aucler (Revue de Paris)
24 janvier 1852 (BF), L’Imagier de Harlem, Librairie théâtrale
15 juin 1852, Les Fêtes de mai en Hollande (Revue des Deux Mondes)
1er juillet 1852, La Bohême galante I (L’Artiste)
15 juillet 1852, La Bohême galante II (L’Artiste)
1er août 1852, La Bohême galante III (L’Artiste)
15 août 1852, La Bohême galante IV (L’Artiste)
21 août 1852 (BF), Lorely. Souvenirs d’Allemagne, chez Giraud et Dagneau (Préface à Jules Janin)
1er septembre 1852, La Bohême galante V (L’Artiste)
15 septembre 1852, La Bohême galante VI (L’Artiste)
1er octobre 1852, La Bohême galante VII (L’Artiste)
9 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 1re livraison (L’Illustration)
15 octobre 1852, La Bohême galante VIII (L’Artiste)
23 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 2e livraison (L’Illustration)
30 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 3e livraison (L’Illustration)
1er novembre 1852, La Bohême galante IX (L’Artiste)
6 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 4e livraison (L’Illustration)
13 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 5e livraison (L’Illustration)
15 novembre 1852, La Bohême galante X (L’Artiste)
20 novembre 1852, Les Illuminés, chez Victor Lecou (« La Bibliothèque de mon oncle »)
1er décembre 1852, La Bohême galante XI (L’Artiste)
15 décembre 1852, La Bohême galante XII (L’Artiste)
1er janvier 1853 (BF), Petits Châteaux de Bohême. Prose et Poésie, chez Eugène Didier
15 août 1853, Sylvie. Souvenirs du Valois (Revue des Deux Mondes)
14 novembre 1853, Lettre à Alexandre Dumas
25 novembre 1853-octobre 1854, Lettres à Émile Blanche
10 décembre 1853, Alexandre Dumas, Causerie avec mes lecteurs (Le Mousquetaire)
17 décembre 1853, Octavie (Le Mousquetaire)
1853-1854, Le Comte de Saint-Germain (manuscrit autographe)
28 janvier 1854 (BF) Les Filles du feu, préface, Les Chimères, chez Daniel Giraud
31 octobre 1854, Pandora (Le Mousquetaire)
25 novembre 1854, Pandora, épreuves du Mousquetaire
Pandora, texte reconstitué par Jean Guillaume en 1968
Pandora, texte reconstitué par Jean Senelier en 1975
30 décembre 1854, Promenades et Souvenirs, 1re livraison (L’Illustration)
1854 ? Sydonie (manuscrit autographe)
1854? Emerance (manuscrit autographe)
1854? Promenades et Souvenirs (manuscrit autographe)
janvier 1855, Oeuvres complètes (manuscrit autographe)
1er janvier 1855, Aurélia ou le Rêve et la Vie (Revue de Paris)
6 janvier 1855, Promenades et Souvenirs, 2e livraison (L’Illustration)
3 février 1855, Promenades et Souvenirs, 3e livraison (L’Illustration)
15 février 1855, Aurélia ou Le Rêve et la Vie, seconde partie (Revue de Paris)
15 mars 1855, Desiderata (Revue de Paris)
1866, La Forêt noire, scénario
__
BF: annonce dans la Bibliographie de la France
Manuscrit autographe: manuscrit non publié du vivant de Nerval
28 novembre 1827 — La Bibliographie de la France enregistre la publication de Faust, tragédie de Goethe, nouvelle traduction complète en prose et en vers, par Gérard, chez Dondey-Dupré.
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FAUST
SECONDE PARTIE, suite
LES REMPARTS
(Dans un creux du mur, l’image de la Mater dolorosa : des pots de fleurs devant)
MARGUERITE met dans le pot des fleurs fraîches.
Incline, ô mère de douleur
Vers moi ton gracieux visage :
Le glaive dans le cœur,
Tu regardes ton fils qui meurt avec courage.
A son père céleste adressant un soupir,
Il lui demande de finir
Un supplice cruel que ta douleur partage.
_
Qui souffrira,
Qui sentira
Le noir chagrin qui me déchire ?...
Le doute de mon cœur, comme son désespoir,
Ce qu’il craint et ce qu’il désire,
Toi seule, hélas ! peux le savoir.
_
En quelque lieu que je puisse être,
Dans mon cœur je sens naître
Une affreuse douleur :
Si je suis seule une heure,
Je pleure, pleure, pleure,
Et je sens se briser mon cœur.
_
Les deux vases de ma fenêtre,
Je les arrosai de mes pleurs,
Et puis, voyant le jour renaître,
Je t’apportai ces fleurs.
_
Du matin la lueur brillante
Perçait à peine au sein des nuits,
Lorsque sortant de ma couche brûlante,
Je vins te confier mon trouble et mes ennuis.
Le sort cruel me décourage ;
Ah ! prends pitié de mon malheur :
Incline, ô mère de douleur
Vers moi ton gracieux visage !
______
LA NUIT
(Une rue devant la porte de Marguerite.)
VALENTIN, soldat, frère de Marguerite.
Lorsque j’étais assis à un de ces repas où chacun aime à se vanter, et que mes compagnons célébraient hautement devant moi la fleur de leurs bien-aimées, en arrosant l’éloge d’un verre plein et les coudes sur la table… moi, j’étais assis tranquillement, écoutant toutes ces fanfaronnades, mais je frottais ma barbe en souriant et je prenais en main mon verre plein : « Chacun son goût, disais-je, mais en est-il une dans le pays qui égale ma chère petite Marguerite, qui soit digne de servir à boire à ma sœur ? » Tope ! tope ! cling ! clang ! résonnaient à l’entour. Les uns criaient : Il a raison ! elle est l’ornement de toute la contrée ! Alors les vanteurs restaient muets. Et maintenant !... c’est à s’arracher les cheveux ! à courir contre les murs ! ⎼ Le dernier coquin peut m’accabler de plaisanteries, de nazardes ; il faudra que je sois comme un coupable ; chaque parole dite au hasard me fera suer ! et dussé-je les hacher ensemble, je ne pourrais point les appeler menteurs.
Qui vient là ? qui se glisse là le long ? Je ne me trompe pas, ce sont eux. Si c’est lui, je le punirai comme il mérite, il ne vivra pas long-tems sous les cieux.
______
FAUST, MÉPHISTOPHÉLÈS
Faust
Par la fenêtre de la sacristie, on voit briller de l’intérieur la clarté de la lampe éternelle ; elle vacille et pâlit, de plus en plus faible, et les ténèbres la pressent de tous côtés ; c’est ainsi qu’il fait nuit dans mon cœur.
Méphistophélès
Et moi je me sens éveillé comme ce petit chat qui se glisse le long de l’échelle, et se frotte légèrement contre la muraille ; il me paraît fort honnête homme d’ailleurs, mais tant soit peu enclin au vol et à la luxure. La superbe nuit du sabbat agit déjà sur tous mes membres ; elle revient pour nous après demain, et l’on sait là pourquoi l’on veille.
Faust
Brillera-t-il bientôt dans le ciel, ce trésor que j’ai vu briller ici bas ?
Méphistophélès
Tu peux bientôt acquérir la joie d’enlever la petite cassette, je l’ai lorgnée dernièrement, et il y a dedans de beaux écus neufs.
Faust
Et quoi ! pas un joyau, pas une bague pour parer ma bien-aimée ?
Méphistophélès
J’ai bien vu par là quelque chose comme un collier de perles.
Faust
Fort bien ; je serais fâché d’aller vers elle sans présens.
Méphistophélès
Vous ne perdriez pas, ce me semble, à jouir encore d’un autre plaisir. Maintenant que le ciel brille tout plein d’étoiles, vous allez entendre un vrai chef-d’œuvre ; je lui chanterai une chanson morale, pour la séduire plus sûrement. (Il chante avec la guitare.)
Devant la maison
De celui qui t’adore,
Petite Louison,
Que fais-tu dès l’aurore.
Au signal du plaisir,
Dans la chambre du drille,
Tu peux bien entrer fille,
Mais non fille en sortir.
_
Il te tend les bras,
Vers lui tu cours bien vite ;
Bonne nuit, hélas !
Bonne nuit, ma petite :
Près du moment fatal,
Fais grande résistance,
S’il ne t’offre d’avance
Un anneau conjugal.
Valentin s’avance.
Qui leurres-tu là ? Par le feu ! maudit preneur de rats !... au diable d’abord l’instrument ! et au diable ensuite le chanteur !
Méphistophélès
La guitare est en deux ! elle ne vaut plus rien.
Valentin
Maintenant, c’est le coupe-gorge !
Méphistophélès, à Faust.
Monsieur le docteur, ne faiblissez pas ! Alerte ! tenez-vous près de moi, que je vous conduise. Au vent votre flamberge ! Poussez maintenant, je pare.
Valentin
Pare donc !
Méphistophélès
Pourquoi pas ?
Valentin
Et celle-ci ?
Méphistophélès
Certainement.
Valentin
Je crois que le diable combat en personne ! Qu’est-cela ? déjà ma main se paralyse.
Méphistophélès, à Faust.
Poussez.
Valentin tombe.
O ciel !
Méphistophélès
Voilà mon lourdaud apprivoisé. Maintenant, au large ! il faut nous éclipser lestement, car j’entends déjà qu’on crie au meurtre ! Je m’arrange aisément avec la police ; mais, quant à la justice criminelle, je ne suis pas bien dans ses papiers.
Marthe, à la fenêtre.
Au secours ! au secours !
Marguerite, à sa fenêtre.
Ici, une lumière !
Marthe, plus haut.
On se dispute, on appelle, on crie et l’on se bat.
Le Peuple
En voilà déjà un de mort.
Marthe, entrant.
Les meurtriers se sont-ils enfuis ?
Marguerite, entrant.
Qui est tombé là ?
Le Peuple
Le fils de ta mère.
Marguerite
Dieu tout puissant ! quel malheur !
Valentin
Je meurs ! c’est bientôt dit, et plus tôt fait ecore. Femmes, pourquoi restez-vous à hurler et à crier ? venez ici, et écoutez moi ! (Tous l’entourent.) Vois-tu, ma petite Marguerite ? tu es bien jeune, mais tu n’as point encore l’habitude, et tu conduis mal tes affaires : je te le dis en confidence : tu es déjà une catin, sois-le donc convenablement.
Marguerite
Mon frère ! Dieu ! que me dis-tu là ?
Valentin
Ne plaisante pas avec Dieu notre Seigneur. Ce qui est fait est fait, et ce qui en doit résulter résultera. Tu as commencé par te livrer en cachette à un homme, il va bientôt en venir d’autres, et, quand tu seras à une douzaine, tu seras à toute la ville. Lorsque la honte naquit, on l’apporta secrètement dans ce monde, et l’on emmaillota sa tête et ses oreilles dans le voile épais de la nuit ; on l’eût volontiers étouffée, mais elle crût et se fit grande, et puis se montra nue au grand jour, sans pourtant en être plus belle ; cependant, plus son visage était affreux, plus elle cherchait la lumière.
Je vois vraiment déjà le tems où tous les braves gens de la ville s’écarteront de toi, prostituée, comme d’un cadavre infect. Le cœur te saignera, s’ils te regardent seulement entre les deux yeux. Tu ne porteras plus de chaîne d’or, tu ne paraîtras plus à l’église ni à l’autel ! tu ne te pavaneras plus à la danse en belle fraise brodée ; c’est dans de sales infirmeries, parmi les mendians et les estropiés, que tu iras t’étendre… et, quand Dieu te pardonnerait, tu n’en serais pas moins maudite sur la terre !
Marthe
Recommandez votre âme à la grâce de Dieu ! Voulez-vous entasser sur vous des péchés nouveaux ?
Valentin
Si je pouvais tomber seulement sur ta carcasse, abominable entremetteuse, j’espérerais trouver de quoi racheter de reste tous mes péchés !
Marguerite
Mon frère ! O peine d’enfer !
Valentin
Je te le dis, laisse-là tes larmes ! quand tu t’es séparée de l’honneur, tu m’as porté au cœur le coup le plus terrible. Maintenant le sommeil de la mort va me conduire à Dieu, comme un soldat et comme un brave. (Il meurt.)
______
L’ÉGLISE
(Messe, Orgue et Chant)
MARGUERITE parmi la foule, LE MAUVAIS ESPRIT derrière elle
Le Mauvais Esprit
Comme tu étais toute autre, Marguerite, lorsque, pleine d’innocence, tu montais à cet autel, en murmurant des prières dans ce petit livre usé, le cœur occupé, moitié des jeux de l’enfance, et moitié de l’amour de Dieu ! Marguerite, où est ta tête ? que de péchés dans ton cœur ! Pries-tu pour l’âme de ta mère, que tu fis descendre au tombeau par de longs, de bien longs chagrins ? A qui le sang répandu sur le seuil de ta porte ? ⎼ Et dans ton sein, ne s’agite-t-il pas, pour ton tourment et pour le sien, quelque chose dont l’arrivée sera d’un funeste présage ?
Marguerite
Hélas ! hélas ! puissé-je échapper aux pensées qui s’élèvent contre moi !
Le Chœur
Dies irae, dies illa,
Solvet sœclum in favilla. (1)
(L’orgue joue.)
Le Mauvais Esprit
Le courroux céleste t’accable ! la trompette sonne ! les tombeaux tremblent, et ton cœur, ranimé du trépas pour les flammes éternelles, tressaille encore.
Marguerite
Si j’étais loin d’ici ! Il me semble que cet orgue m’étouffe, ces chants déchirent profondément mon cœur.
Chœur
Judex ergo cum sedebit
Quidquid latet apparebit,
Nil inultum remanebit. (2)
Marguerite
Dans quelle angoisse je suis ! Ces piliers me pressent, cette voûte m’écrase. ⎼ De l’air !
Le Mauvais Esprit
Cache-toi ! Le crime et la honte ne peuvent se cacher ! De l’air !... de la lumière !... Malheur à toi !
Chœur
Quid sum miser tunc dicturus,
Quem patronum rogaturus ?
Cum vix justus sit securus. (3)
Le Mauvais Esprit
Les élus détournent leur visage de toi : les justes craindraient de te tendre la main. Malheur !
Chœur
Quid sum miser tunc dicturus ? (4)
Marguerite
Voisine, votre flacon ! (Elle tombe en défaillance.)
___
(1) Du seigneur la juste colère réduira le siècle en poussière.
(2) Et quand le juge s’assiéra, tout ce qu’on cache apparaîtra, et tout crime se vengera.
(3) Que dirai-je au maître suprême ? Qui me prêtera son appui, lorsque le juste même devra trembler pour lui ?
(4) Que dirai-je au maître suprême ?
______
FAUST, seconde partie, suite et fin
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