TEXTES

1824, Poésies diverses (manuscrit autographe)

1824, L’Enterrement de la Quotidienne (manuscrit autographe)

1824, Poésies et poèmes (manuscrit autographe)

1825, « Pour la biographie des biographes » (manuscrit autographe)

15 février 1826 (BF), Napoléon et la France guerrière, chez Ladvocat

19, 22 avril, 14 juin (BF), Complainte sur la mort de haut et puissant seigneur le Droit d’aînesse, chez Touquet

6 mai 1826 (BF), Complainte sur l’immortalité de M. Briffaut, par Cadet Roussel, chez Touquet

6 mai 1826 (BF), Monsieur Dentscourt ou le Cuisinier d’un grand homme, chez Touquet

20 mai 1826 (BF), Les Hauts faits des Jésuites, par Beuglant, chez Touquet

12 août 1826 (BF), Épître à M. de Villèle (Mercure de France du XIXe siècle)

11 novembre 1826 (BF), Napoléon et Talma, chez Touquet

13 et 30 décembre 1826 (BF), L’Académie ou les membres introuvables, par Gérard, chez Touquet

16 mai 1827 (BF), Élégies nationales et Satires politiques, par Gérard, chez Touquet

29 juin 1827, La dernière scène de Faust (Mercure de France au XIXe siècle)

28 novembre 1827 (BF), Faust, tragédie de Goëthe, 1828, chez Dondey-Dupré

15 décembre 1827, A Auguste H…Y (Almanach des muses pour 1828)

1828? Faust (manuscrit autographe)

1828? Le Nouveau genre (manuscrit autographe)

mai 1829, Lénore. Ballade allemande imitée de Bürger (La Psyché)

août 1829, Le Plongeur. Ballade, (La Psyché)

octobre 1829, A Schmied. Ode de Klopstock (La Psyché)

24 octobre 1829, Robert et Clairette. Ballade allemande de Tiedge (Mercure de France au XIXe siècle)

14 novembre 1829, Les Bienfaits de l’enseignement mutuel, Procès verbal de la Loge des Sept-Écossais-réunis, chez Bellemain

21 novembre 1829, Chant de l’épée. Traduit de Korner (Mercure de France au XIXe siècle)

12 décembre 1829, La Mort du Juif errant. Rapsodie lyrique de Schubart (Mercure de France au XIXe siècle)

19 décembre 1829, Lénore. Traduction littérale de Bürger (Mercure de France au XIXe siècle)

2 janvier 1830, La Première nuit du Sabbat. Morceau lyrique de Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)

janvier 1830, La Lénore de Bürger, nouvelle traduction littérale (La Psyché)

16 janvier 1830, Ma Patrie, de Klopstock (Mercure de France au XIXe siècle)

23 janvier 1830, Légende, par Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)

6 février (BF) Poésies allemandes, Klopstock, Goethe, Schiller, Burger (Bibliothèque choisie)

13 février 1830, Les Papillons (Mercure de France au XIXe siècle)

13 février 1830, Appel, par Koerner (1813) (Mercure de France au XIXe siècle)

13 mars 1830, L’Ombre de Koerner, par Uhland, 1816 (Mercure de France au XIXe siècle)

27 mars 1830, La Nuit du Nouvel an d’un malheureux, de Jean-Paul Richter (La Tribune romantique)

10 avril 1830, Le Dieu et la bayadère, nouvelle indienne par Goëthe (Mercure de France au XIXe siècle)

29 avril 1830, La Pipe, chanson traduite de l’allemand, de Pfeffel (La Tribune romantique)

13 mai 1830 Le Cabaret de la mère Saguet (Le Gastronome)

mai 1830, M. Jay et les pointus littéraires (La Tribune romantique)

17 juillet 1830, L’Éclipse de lune. Épisode fantastique par Jean-Paul Richter (Mercure de France au XIXe siècle)

juillet ? 1830, Récit des journées des 27-29 juillet (manuscrit autographe)

14 août 1830, Le Peuple (Mercure de France au XIXe siècle)

30 octobre 1830 (BF), Choix de poésies de Ronsard, Dubellay, Baïf, Belleau, Dubartas, Chassignet, Desportes, Régnier (Bibliothèque choisie)

11 décembre 1830, A Victor Hugo. Les Doctrinaires (Almanach des muses pour 1831)

29 décembre 1830, La Malade (Le Cabinet de lecture )

29 janvier 1831, Odelette, Le Vingt-cinq mars (Almanach dédié aux demoiselles)

14 mars 1831, En avant, marche! (Cabinet de lecture)

23 avril 1831, Bardit, traduit du haut-allemand (Mercure de France au XIXe siècle)

30 avril 1831, Le Bonheur de la maison par Jean-Paul Richter. Maria. Fragment (Mercure de France au XIXe siècle)

7 mai 1831, Profession de foi (Mercure de France au XIXe siècle)

25 juin et 9 juillet 1831, Nicolas Flamel, drame-chronique (Mercure de France au XIXe siècle)

17 et 24 septembre 1831, Les Aventures de la nuit de Saint-Sylvestre. Conte inédit d’Hoffmann (Mercure de France au XIXe siècle)

4 décembre 1831, Cour de prison, Le Soleil et la gloire (Le Cabinet de lecture)

17 décembre 1831, Odelettes. La Malade, Le Soleil et la Gloire, Le Réveil en voiture, Le Relais, Une Allée du Luxembourg, Notre-Dame-de-Paris (Almanach des muses)

17 décembre 1831, Fantaisie, odelette (Annales romantiques pour 1832)

24 septembre 1832, La Main de gloire, histoire macaronique (Le Cabinet de lecture)

14 décembre 1834, Odelettes (Annales romantiques pour 1835)

1835-1838 ? Lettres d’amour (manuscrits autographes)

26 mars et 20 juin 1836, De l’Aristocratie en France (Le Carrousel)

20 et 26 mars 1837, De l’avenir de la tragédie (La Charte de 1830)

12 août 1838, Les Bayadères à Paris (Le Messager)

18 septembre 1838, A M. B*** (Le Messager)

2 octobre 1838, La ville de Strasbourg. A M. B****** (Le Messager)

26 octobre 1838, Lettre de voyage. Bade (Le Messager)

31 octobre 1838, Lettre de voyage. Lichtenthal (Le Messager)

24 novembre 1838, Léo Burckart (manuscrit remis à la censure)

25, 26 et 28 juin 1839, Le Fort de Bitche. Souvenir de la Révolution française (Le Messager)

13 juillet 1839 (BF) Léo Burckart, chez Barba et Desessart

19 juillet 1839, « Le Mort-vivant », drame de M. de Chavagneux (La Presse)

15 et 16-17 août 1839, Les Deux rendez-vous, intermède (La Presse)

17 et 18 septembre 1839, Biographie singulière de Raoul Spifamme, seigneur des Granges (La Presse)

21 et 28 septembre 1839, Lettre VI, A Madame Martin (Lettres aux belles femmes de Paris et de la province)

28 janvier 1840, Lettre de voyage I (La Presse)

25 février 1840, Le Magnétiseur

5 mars 1840, Lettre de voyage II (La Presse)

8 mars 1840, Lettre sur Vienne (L’Artiste)

26 mars 1840, Lettre de voyage III (La Presse)

28 juin 1840, Lettre de voyage IV, Un jour à Munich (La Presse)

18 juillet 1840 (BF) Faust de Goëthe suivi du second Faust, chez Gosselin

26 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort I (La Presse)

29 juillet, 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort II (La Presse)

30 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort III (La Presse)

11 février 1841, Une Journée à Liège (La Presse)

18 février 1841, L’Hiver à Bruxelles (La Presse)

1841 ? Première version d’Aurélia (feuillets autographes)

février-mars 1841, Lettre à Muffe, (sonnets, manuscrit autographe)

1841 ? La Tête armée (manuscrit autographe)

mars 1841, Généalogie dite fantastique (manuscrit autographe)

1er mars 1841, Jules Janin, Gérard de Nerval (Journal des Débats)

5 mars 1841, Lettre à Edmond Leclerc

7 mars 1841, Les Amours de Vienne (Revue de Paris)

31 mars 1841, Lettre à Auguste Cavé

11 avril 1841, Mémoires d’un Parisien. Sainte-Pélagie en 1832 (L’Artiste)

9 novembre 1841, Lettre à Ida Ferrier-Dumas

novembre? 1841, Lettre à Victor Loubens

10 juillet 1842, Les Vieilles ballades françaises (La Sylphide)

15 octobre 1842, Rêverie de Charles VI (La Sylphide)

24 décembre 1842, Un Roman à faire (La Sylphide)

19 et 26 mars 1843, Jemmy O’Dougherty (La Sylphide)

11 février 1844, Une Journée en Grèce (L’Artiste)

10 mars 1844, Le Roman tragique (L’Artiste)

17 mars 1844, Le Boulevard du Temple, 1re livraison (L’Artiste)

31 mars 1844, Le Christ aux oliviers (L’Artiste)

5 mai 1844, Le Boulevard du Temple 2e livraison (L’Artiste)

12 mai 1844, Le Boulevard du Temple, 3e livraison (L’Artiste)

2 juin 1844, Paradoxe et Vérité (L’Artiste)

30 juin 1844, Voyage à Cythère (L’Artiste)

28 juillet 1844, Une Lithographie mystique (L’Artiste)

11 août 1844, Voyage à Cythère III et IV (L’Artiste)

15 septembre, Diorama (L’Artiste-Revue de Paris)

29 septembre 1844, Pantaloon Stoomwerktuimaker (L’Artiste)

20 octobre 1844, Les Délices de la Hollande I (La Sylphide)

8 décembre 1844, Les Délices de la Hollande II (La Sylphide)

16 mars 1845, Pensée antique (L’Artiste)

19 avril 1845 (BF), Le Diable amoureux par J. Cazotte, préface de Nerval, chez Ganivet

1er juin 1845, Souvenirs de l’Archipel. Cérigo (L’Artiste-Revue de Paris)

6 juillet 1845, L’Illusion (L’Artiste-Revue de Paris)

5 octobre 1845, Strasbourg (L’Artiste-Revue de Paris)

novembre-décembre 1845, Le Temple d’Isis. Souvenir de Pompéi (La Phalange)

28 décembre 1845, Vers dorés (L’Artiste-Revue de Paris)

1er mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste I (L’Artiste-Revue de Paris)

15 mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste II (L’Artiste-Revue de Paris)

1er mai 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne (Revue des Deux Mondes)

17 mai 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste III (L’Artiste-Revue de Paris)

1er juillet 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne. Les Esclaves (Revue des Deux Mondes)

12 juillet 1846 Sensations d’un voyageur enthousiaste IV (L’Artiste-Revue de Paris)

16 août 1846, Un Tour dans le Nord. Angleterre et Flandre (L’Artiste-Revue de Paris)

30 août 1846, De Ramsgate à Anvers (L’Artiste-Revue de Paris)

15 septembre 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne. Le Harem (Revue des Deux Mondes)

20 septembre 1846, Une Nuit à Londres (L’Artiste-Revue de Paris)

1er novembre 1846, Un Tour dans le Nord III (L’Artiste-Revue de Paris)

22 novembre 1846, Un Tour dans le Nord IV (L’Artiste-Revue de Paris)

15 décembre 1846, Scènes de la vie égyptienne moderne. La Cange du Nil (Revue des Deux Mondes)

1847, Scénario des deux premiers actes des Monténégrins

15 février 1847, La Santa-Barbara. Scènes de la vie orientale (Revue des Deux Mondes)

15 mai 1847, Les Maronites. Un Prince du Liban (Revue des Deux Mondes)

15 août 1847, Les Druses (Revue des Deux Mondes)

17 octobre 1847, Les Akkals (Revue des Deux Mondes)

21 novembre 1847, Souvenirs de l’Archipel. Les Moulins de Syra (L’Artiste-Revue de Paris)

15 juillet 1848, Les Poésies de Henri Heine (Revue des Deux Mondes)

15 septembre 1848, Les Poésies de Henri Heine, L’Intermezzo (Revue des Deux Mondes)

7 janvier-24 juin 1849, puis 2 septembre 1849-27 janvier 1850, Al-Kahira. Souvenirs d’Orient (La Silhouette)

1er-27 mars 1849, Le Marquis de Fayolle, 1re partie (Le Temps)

26 avril 16 mai 1849, Le Marquis de Fayolle, 2e partie (Le Temps)

6 octobre 1849, Le Diable rouge (Almanach cabalistique pour 1850)

3 novembre 1849 (BF), Le Diable vert, et Impression de voyage (Almanach satirique, chez Aubert, Martinon et Dumineray)

7 mars-19 avril 1850, Les Nuits du Ramazan (Le National)

15 août 1850, Les Confidences de Nicolas, 1re livraison (Revue des Deux Mondes)

26 août 1850, Le Faust du Gymnase (La Presse)

1er septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 2e livraison (Revue des Deux Mondes)

9 septembre 1850, Excursion rhénane (La Presse)

15 septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 3e livraison (Revue des Deux Mondes)

18 et 19 septembre 1850, Les Fêtes de Weimar (La Presse)

1er octobre 1850, Goethe et Herder (L’Artiste-Revue de Paris)

24 octobre-22 décembre 1850, Les Faux-Saulniers (Le National)

29 décembre 1850, Les Livres d’enfants, La Reine des poissons (Le National)

novembre 1851, Quintus Aucler (Revue de Paris)

24 janvier 1852 (BF), L’Imagier de Harlem, Librairie théâtrale

15 juin 1852, Les Fêtes de mai en Hollande (Revue des Deux Mondes)

1er juillet 1852, La Bohême galante I (L’Artiste)

15 juillet 1852, La Bohême galante II (L’Artiste)

1er août 1852, La Bohême galante III (L’Artiste)

15 août 1852, La Bohême galante IV (L’Artiste)

21 août 1852 (BF), Lorely. Souvenirs d’Allemagne, chez Giraud et Dagneau (Préface à Jules Janin)

1er septembre 1852, La Bohême galante V (L’Artiste)

15 septembre 1852, La Bohême galante VI (L’Artiste)

1er octobre 1852, La Bohême galante VII (L’Artiste)

9 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 1re livraison (L’Illustration)

15 octobre 1852, La Bohême galante VIII (L’Artiste)

23 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 2e livraison (L’Illustration)

30 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 3e livraison (L’Illustration)

1er novembre 1852, La Bohême galante IX (L’Artiste)

6 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 4e livraison (L’Illustration)

13 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 5e livraison (L’Illustration)

15 novembre 1852, La Bohême galante X (L’Artiste)

20 novembre 1852, Les Illuminés, chez Victor Lecou (« La Bibliothèque de mon oncle »)

1er décembre 1852, La Bohême galante XI (L’Artiste)

15 décembre 1852, La Bohême galante XII (L’Artiste)

1er janvier 1853 (BF), Petits Châteaux de Bohême. Prose et Poésie, chez Eugène Didier

15 août 1853, Sylvie. Souvenirs du Valois (Revue des Deux Mondes)

14 novembre 1853, Lettre à Alexandre Dumas

25 novembre 1853-octobre 1854, Lettres à Émile Blanche

10 décembre 1853, Alexandre Dumas, Causerie avec mes lecteurs (Le Mousquetaire)

17 décembre 1853, Octavie (Le Mousquetaire)

1853-1854, Le Comte de Saint-Germain (manuscrit autographe)

28 janvier 1854 (BF) Les Filles du feu, préface, Les Chimères, chez Daniel Giraud

31 octobre 1854, Pandora (Le Mousquetaire)

25 novembre 1854, Pandora, épreuves du Mousquetaire

Pandora, texte reconstitué par Jean Guillaume en 1968

Pandora, texte reconstitué par Jean Senelier en 1975

30 décembre 1854, Promenades et Souvenirs, 1re livraison (L’Illustration)

1854 ? Sydonie (manuscrit autographe)

1854? Emerance (manuscrit autographe)

1854? Promenades et Souvenirs (manuscrit autographe)

janvier 1855, Oeuvres complètes (manuscrit autographe)

1er janvier 1855, Aurélia ou le Rêve et la Vie (Revue de Paris)

6 janvier 1855, Promenades et Souvenirs, 2e livraison (L’Illustration)

3 février 1855, Promenades et Souvenirs, 3e livraison (L’Illustration)

15 février 1855, Aurélia ou Le Rêve et la Vie, seconde partie (Revue de Paris)

15 mars 1855, Desiderata (Revue de Paris)

1866, La Forêt noire, scénario

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BF: annonce dans la Bibliographie de la France

Manuscrit autographe: manuscrit non publié du vivant de Nerval

1er mai 1849 — Le Marquis de Fayolle, 2e partie, dans Le Temps, 25e livraison. Pas de feuilleton le 30 avril

Le malheureux Huguet est traîné hors de l’église par la bande de paysans ainsi excités. Laissé pour mort par les paysans, Huguet est recueilli par Jean le Chouan qui l’emporte jusqu’à sa ferme. Consciente du pouvoir du clergé sur les esprits bretons la jeune République prend des mesures contre les congrégations religieuses, et c’est ainsi que Georges est amené à investir le couvent des Bénédictines que dirige sa mère.

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LE MARQUIS DE FAYOLLE.

SECONDE PARTIE.

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CHAPITRE III.

L’INTRUS. — (Suite.)

Les chouans essayèrent d’arracher Huguet de la chaire.

Alors se mettant à genoux, et les yeux levés au ciel :

Pardon Seigneur, pour celui qui marche dans les ténèbres... grâce pour les malheureux que l’on pousse au mal !... La vérité, — dit-il aux chouans qui voulaient l’entraîner, — ne doit pas céder au mensonge... jusqu’à la mort, j’annoncerai la parole du Seigneur... Que sa volonté soit faite !...

— Dehors, s’écria Péchard, jetez-le hors du temple...

Les chouans détachèrent ses mains qu’il tenait cramponnées, et l’arrachèrent violemment hors de la chaire... Mais, dans la lutte, sa tête avait porté contre l’angle d’une boiserie, et des lignes de sang ruisselaient sur sa figure pâlie...

On l’entraîna hors de l’église : une foule furieuse l’entourait en poussant des cris de mort.

Arrivés hors du bourg à un endroit où le coteau commence à s’abaisser : — à genoux ! dit Chaudeboire en le jetant à terre d’un coup de bâton, et demande pardon à Dieu d’avoir voulu nous damner...

— Pardonnez-leur, Seigneur, dit le prêtre, le front dans la neige, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font.

Pendant que les chouans furieux se jetaient sur l’abbé Huguet, — Jean le Chouan, pâle et immobile, se tenait à l’écart, les deux mains appuyées sur le canon de son fusil planté devant lui.

Le cri de douleur et d’agonie que poussa le prêtre en tombant le remua profondément : cet homme, que ses amis assassinaient, — il le connaissait depuis trente ans, — il avait eu pour lui une admiration, un dévoûment sans bornes. Il l’avait vu au château d’Epinay, aimé et estimé... il connaissait la vénération dont il était l’objet à Vitré et dans les environs.

— Assez... les gars !... — dit-il en écartant le plus acharné, on ne tue pas un prêtre comme un pataud. — Un moment surpris, les chouans s’éloignèrent honteux et embarrassés.

Jean le Chouan prenant sur ses robustes épaules le corps de Huguet évanoui, remonta vers le bourg.

CHAPITRE IV.

LES MUNICIPALITÉS ET LES CLOÎTRES.

Les chouans commençaient à inspirer des craintes sérieuses : huit mille Vendéens venaient de s’emparer de Bressuire ; la commune de Saint-Malo avait acquis la certitude que les émigrés, réunis à Jersey, entretenaient des intelligences sur les côtes. On voyait, la nuit, des feux allumés sillonnant les côtes comme une ligne télégraphique ; on parlait vaguement d’une descente vers la pointe de Cancale.

Les principaux rassemblemens étaient dans la forêt du Tertre, dans la forêt de Fougères, dans les bois du Prince. Ils campaient dans des huttes faites de branches fichées en terre, dont les extrémités, enlacées au sommet, étaient recouvertes de gazon.

Mais la difficulté était d’approvisionner tous ces gens-là. Forcés par la nécessité, tous les moyens étaient bons.

On mettait à contribution les fermiers des environs : — à celui-ci, on prenait sa plus belle vache ; — à cet autre un cheval qu’on allait vendre à la foire voisine ; celui-là fournissait tant de boisseaux de blé.

Une autre bande passant le lendemain renouvelait la réquisition de la veille, puis quand la faim chassait du bois, ils allaient par compagnies sous le nom de — chasseurs du roi — faire leurs excursions un peu plus loin. Les plus hardis s’approchaient des villes et faisaient remettre aux riches propriétaires des invitations de déposer une somme de... à un endroit désigné.

Si la somme ne se trouvait pas au jour dit, le malheureux était signalé à la vengeance des chouans, qui ne se refusaient pas entre eux ce genre de service. Les métairies étaient incendiées, à moins que le fermier ne payât pour son maître, et alors on lui donnait une quittance « pour valoir ce que de raison ».

Depuis quelque temps déjà, l’administration municipale de Rennes était informée de ces menées contre-révolutionnaires. — On avait vu la nuit les royalistes faire l’exercice dans les jardins de l’hôtel d’Artois ; — de l’argent avait été distribué chez M. de Forcy-Cuillé, etc., etc. De nombreuses arrestations étaient faites dans la ville.

C’étaient Charles Elliot, René Malauvre, Catherine Bahuno, femme Forcy, et quinze autres, prévenus « d’embauchage contre-révolutionnaire et coalition conspiratoire, formée contre les patriotes, et principalement contre la ville de Rennes, contre l’ordre et la sûreté de l’Etat... »

La nuit même de l’arrestation de La Rouërie, vers quatre heures du matin, plusieurs chefs chouans étaient réunis dans une des salles de l’hôtel d’Artois.

Au milieu d’une grande pièce, dont les volets étaient soigneusement calfeutrés, on voyait ouvertes des caisses de sabres, de fusils, de pistolets anglais, des balles, des cartouches, des coffres béans dont les guinées ruisselaient sur le parquet.

Deux prêtres, non conformistes, assis à une grande table couverte de papiers, de scapulaires, d’agnus-Dei, étiquetaient et adressaient à leurs correspondans de Bretagne des ballots de pamphlets catholiques.

C’étaient :

Des prières pour se préparer au martyre. Une lettre envoyée miraculeusement par notre seigneur Jésus-Christ, écrite de sa propre main, et trouvée depuis Arles jusqu’en Languedoc, avec le signe de la croix, — qui avait été expliquée par un enfant de sept ans, lequel auparavant n’avait jamais parlé ;

Plusieurs proclamations des princes ;

Des catéchismes ;

Des croix bénites et des médailles reçues du Saint-Père, sur lesquelles venaient infailliblement s’amortir les balles des bleus, ou qui, en cas d’accident, servaient de passeport auprès du bienheureux saint Pierre.

Çà et là, causaient MM. de Caradeuc, de Bouteville, de Lamotte et autres, sortis les premiers de l’échauffourée du château de la Rouërie.

M. Aimé de Boisguy, ce jour-là, en verve de belle humeur, racontait à l’auditoire émerveillé les petites facéties que ses gars faisaient aux patauds des environs.

L’histoire des percepteurs, auxquels on chauffait les pieds, après avoir pris l’argent de leur caisse ; les diligences, pillées ; les maires, pendus avec leur écharpe tricolore à l’arbre de la liberté ; les questions données sur un trépied rougi au feu ; les oreilles coupées ; les joyeuses nuits passées dans les fermes nationales, que l’on brûlait en partant ; les têtes clouées aux arbres ; les patriotes marqués au front d’un fer rouge, en forme de fleur de lys.

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2 mai 1849 — Le Marquis de Fayolle, 2e partie, dans Le Temps, 26e livraison.

Tandis que Péchard parcourt le pays, semant partout la haine et la violence, du côté républicain on met en place une politique de surveillance du clergé et de confiscation de ses biens.

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LE MARQUIS DE FAYOLLE.

SECONDE PARTIE.

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CHAPITRE IV.

LES MUNICIPALITÉS ET LES CLOÎTRES. — (Suite.)

C’était un agréable conteur que ce M. Aimé de Boisguy, et l’assemblée entière paraissait prendre un grand plaisir à la narration de ces joyeusetés royalistes.

Tout à coup on heurta à la porte d’une manière convenue, il y eut un moment d’inquiétude, — puis on réfléchit que ce devait être un fidèle — la porte s’ouvrit...

L’abbé Péchard entra pâle et effaré, — et sa soutane tachée de boue : il arrivait au galop du château de la Rouërie, et venait de faire quinze lieues à franc étrier...

On pressentit un grand malheur et tous les regards se portèrent vers lui avec anxiété...

— Messieurs... — dit Péchard d’une voix haletante —, la conspiration est découverte, la Rouërie et le marquis de Fayolle ont été arrêtés cette nuit...

— Il faut les sauver ! s’écria M. de Boisguy.

— Ce matin, dit M. de Lamotte, un détachement de dragons est parti de Rennes pour faire évacuer le couvent des Bénédictines de la forêt de Rennes, et j’ai pensé que les gardes nationaux qui sont à Saint-Ouen prendraient les chemins de traverse pour venir renforcer le convoi…

— C’est évident ! s’écria Caradeuc, ce n’est pas avec cinquante dragons qu’ils oseraient s’aventurer au milieu de la forêt de Rennes.

— Il n’en échapperait pas un seul ! dit M. de Bouteville.

— Alors, messieurs, nous sommes sauvés ! dit M. de Boisguy, d’un ton inspiré.

Tout le monde se tut ; on attendait qu’il révélât son moyen de salut qui n’apparaissait pas encore clair et évident à tous les esprits.

— Demain dimanche, continua M. de Boisguy, avec importance, — il doit y avoir à Vieux-Viel un rassemblement de mille à douze cents chouans pour chasser l’intrus Huguet, envoyé par la municipalité de Vitré. En partant tout de suite, sans perdre une heure, un instant, on peut voir Jean le Chouan, le Grand-Fumeur, Chaudeboire, et une douzaine de gars déterminés... A l’angélus, on va sonner le tocsin, et nous aurons dans la journée trois ou quatre mille paysans dans la forêt de Rennes.

— Qu’en pensez-vous, monsieur l’abbé ? demanda Lamotte en regardant Péchard.

— Je dirai comme M. de Boisguy, répondit Péchard. A cheval, Messieurs, il n’y a pas une minute à perdre !...

On a vu déjà quel résultat avait eu cette première résolution.

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Nous venons de montrer la contre-révolution soulevant les campagnes, arrachant de pauvres malheureux paysans à leurs travaux paisibles, à leur vie de misère et de privation et faisant un appel irrésistible aux croyances religieuses, à l’obéissance passive. Façonnés dès l’enfance à croire et à obéir, les habitans des campagnes s’étaient rangés aveuglément sous les ordres des nobles et des prêtres.

La méfiance et la haine qu’ils avaient contre tout ce qui leur venait des villes les tenaient en garde contre toutes les doctrines révolutionnaires prêchées et affichées par les municipalités.

Voyons maintenant dans quels lieux surtout la contre-révolution préparait ses moyens d’action.

La grande loi sur laquelle reposait l’ancienne constitution sociale était l’inégalité dans le partage. Loi injuste s’il en fut jamais, mais nécessaire à la conservation du principe aristocratique qui groupait autour du trône les riches et les puissans.

Après avoir posé en principe l’égalité des citoyens, l’Assemblée nationale dut en poursuivre l’application et descendre par suite dans ces cloîtres, gouffres immenses où s’engloutissaient, sans aucun bénéfice pour la société, les richesses extorquées à la crédulité des fidèles.

On devait y retrouver ces cadets trop pauvres pour s’acheter un régiment, malheureux que l’orgueil des familles ensevelissait au fond du cloître afin de ne pas avoir à en rougir au grand jour et condamnait à la paresse, à la luxure et à la gourmandise des moines.

Il fallait aussi délivrer ces religieuses trop pauvres pour acheter un mari, ou assez malheureuses pour avoir aimé sans l’autorisation paternelle, ces sœurs que des frères opulens privaient de toutes les félicités mondaines pour les condamner aux ennuis du cloître.

Dès lors, toutes les portes des couvens durent s’ouvrir devant l’écharpe municipale, les commissaires des districts percèrent ces ombres mystiques...

Tout fut bientôt prisé, inventorié, et couché tout au long sur les registres de la nation.

Aujourd’hui, c’est l’inventaire des vases d’or et d’argent. Hier, c’était dans les greniers le recensement des rentes de la communauté, demain on estimera le mobilier...

Ce prie-Dieu devant lequel on a passé de si douces heures pleines de consolation... — Trois francs...

Cette petite statue de la Vierge à laquelle on a confié ses plus intimes secrets, toutes ses douleurs, ses joies, ses espérances... — Trente centimes...

Ce grand Christ auquel on offrit ses peines... ses chagrins, comme il offrit à son père le supplice qu’il endura pour les hommes... — Un francs cinquante !

Tout... jusqu’à cette maigre couchette aux draps blancs... Six francs !

Puis, d’une main indiscrète, le municipal soulevait le voile religieux, et inscrivait sur ses registres les noms de : Notre-Dame-des-Anges, — sainte Marie-Céleste, — sœur Angélique, — Marie-Madeleine... — noms mystiques que les anges seuls devaient inscrire au livre de vie.

Mais n’allez pas croire que la tourière ouvrît docilement les portes à toute sommation municipale.

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4 mai 1849 — Le Marquis de Fayolle, 2e partie, dans Le Temps, 27e livraison. Pas de feuilleton le 3 mai.

Georges, en tant que commissaire de la municipalité de Rennes à la tête d’une compagnie de gardes nationaux, se présente devant le monastère des Bénédictines, où Péchard exhorte les religieuses à mourir en martyres.

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LE MARQUIS DE FAYOLLE.

SECONDE PARTIE.

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CHAPITRE IV.

LES MUNICIPALITÉS ET LES CLOÎTRES. — (Suite.)

Certes, parmi les sœurs, plus d’une avait tressailli de joie en apprenant que les grilles de la prison allaient tomber, qu’elle pourrait aller et venir selon sa fantaisie, entrer dans le monde ou s’isoler, prier Dieu selon les élans de son cœur, au lieu de s’astreindre à réciter, aux heures et aux jours fixés, ces formules consacrées et peu comprises qui dessèchent le cœur et tuent la pensée... D’autres aussi se rappelaient en souriant de mystérieuses pensées, des espérances brisées, des amours étouffées et mortes dans le secret du cœur... Tendres souvenirs tristes et doux à la fois !

Mais, habituées à obéir, dressées à courber leurs volontés devant les ordres de religieuses âgées dont le cœur était mort à toute affection, elles se cramponnaient à de vaines formules, à des usages consacrés par le temps.

Ainsi, elles avaient leur habit à défendre, l’honneur de leur corporation leur ordonnait de résister à des autorités qu’elles ne reconnaissaient pas... Puis, l’espérance du martyre, la pensée d’attirer sur elles, pauvres femmes, toute la colère d’hommes forts, terribles et armés des foudres révolutionnaires, colorait leur avenir des splendeurs du martyre. Tous ces établissemens religieux devenaient des foyers d’insurrection, où les prêtres insermentés trouvaient un asile assuré ; le comité central était organisé à Paris, où aboutissaient tous les fils épars ce cette vaste conspiration sacerdotale.

De ces cloîtres, l’insurrection s’étendait peu à peu à la cabane du paysan, pour venir se briser contre le scepticisme des villes... car il est à remarquer que dans toutes les cités, dans tous les centres de population, les individus mieux éclairés sur les intérêts généraux embrassèrent la révolution avec enthousiasme et que ses ennemis ne réussirent guère qu’à soulever les crédules habitans des campagnes. Enfin, les menées du parti prêtre devinrent si publiques, que l’administration départementale dut prendre des mesures de répression, et ordonner l’évacuation de tous les établissemens religieux... Quelques-uns obéirent, d’autres, parmi lesquels les Bénédictines de la forêt de Rennes, déclarèrent qu’elles ne céderaient qu’à la violence.

Nous allons voir ce qui s’était passé depuis peu dans ce pieux asile.

CHAPITRE V.

LES VICTIMES CLOÎTRÉES.

Nous l’avons dit, sans doute il était triste pour les hommes sans peur, pour les penseurs, pour les honnêtes gens, qui formaient la majorité de l’Assemblée nationale, d’avoir à sévir contre les communautés religieuses. Certes, il y avait, dans le nombre, bien des philosophes, bien des matérialistes — pour qui le catholicisme n’était rien qu’une idolâtrie funeste aux hommes ; — mais il y avait aussi de sincères chrétiens, des catholiques même de cette vieille opposition gallicane qui avait amené peu à peu la chute de l’église ultramontaine, — qui voulaient seulement dégager le blé pur de l’ivraie, faire table rase des vieux abus, dans le seul but de pouvoir ensuite construire solidement l’édifice éternel des libertés religieuses et politiques. — C’est pourquoi nous n’avons voulu rien dissimuler de ce que ces mesures avaient eu de terrible et cependant nécessaire.

Le jour où l’on apprit qu’un commissaire de la municipalité de Rennes s’avançait avec des soldats pour faire évacuer le couvent des Bénédictines de la forêt de Rennes fut pour beaucoup de ces pauvres femmes un jour de désespoir mortel.

Parmi elles, les imaginations exaltées se reportaient aux persécutions souffertes par la primitive Eglise... Les saintes brebis devaient teindre de leur sang les marches de l’autel et s’offrir en victimes expiatoires des crimes et des fureurs révolutionnaires.

On s’apprêta à mourir avec dignité, — et peut-être avec quelque pompe. Le couvent prit un air de fête et de bonheur, les autels furent parés de dentelles blanches ; sur la tête des saints on mit les plus belles couronnes de perles, de rubans et de fleurs. Les murailles, les dalles furent recouvertes de riches tapis ; on brûla l’encens ; on répandit les fleurs à profusion, et l’on reproduisit le luxe des grandes fêtes...

Ce jour-là, Péchard officiait en grande cérémonie ; la messe dite, il monta en chaire... Bon ou mauvais, il savait combien l’exemple agit puissamment sur les masses ; de longue main, il connaissait toutes ces pauvres recluses, et il avait exalté leur imagination et préparé leur esprit à la résistance.

— Mes sœurs, dit-il d’une voix douce et pleine de persuasion, accoutumés à goûter sous le gouvernement des princes chrétiens les douceurs d’une vie tranquille, qui de nous se serait attendu à voir se renouveler contre le christianisme toute la fureur des anciennes persécutions...

Mais quelle persécution peut intimider celui qui craint véritablement Dieu ?

Celui qui rêve les splendeurs éternelles du paradis, méprise également et les terreurs du démon et les menaces du monde... On ferme les yeux sur la terre pour les ouvrir dans le ciel. L’Antéchrist menace, mais Jésus protège et défend... On détruit notre corps, mais notre âme déploie ses ailes, et loin d’ici, va jouir de la gloire éternelle.

Oh ! mes sœurs ! remercions nos ennemis, car leur rage aveugle et insensée nous donne le bonheur céleste qu’un seul péché pouvait nous faire perdre. Epanchez vos cœurs dans le souvenir des récompenses qui vous attendent.

C’est en sortant de ce bain sacré avec un splendeur immortelle que nous entendrons tous ces paroles de Jésus-Christ nous présentant aux anges et aux saints :

« Voici mes fidèles et mes colombes bien-aimées, elles marcheront avec moi au milieu d’une blancheur céleste, parce qu’elles sont dignes de ma gloire !... »

Cependant, les paysans des environs, prévenus que des soldats allaient chasser les religieuses du couvent, étaient accourus de tous côtés ; cinq ou six cents mendians, dont la plus grande partie servaient dans les compagnies de Jean le Chouan, pressés dans la cour, allongeaient leurs bras décharnés vers une sœur converse qui leur distribuait la soupe pour la dernière fois.

Tout à coup, la foule se retourne et pousse un cri sourd de colère et d’indignation ; une compagnie, composée de grenadiers en garnison à Rennes et de gardes nationaux commandés par Georges, descendait la colline qui domine le cloître escortant trois grandes charrettes traînées par des bœufs, et venait prendre position aux abords du couvent.

Les commissaires municipaux, le procureur-syndic, les officiers de la troupe et de la garde nationale, suivis de quelques soldats, traversent la foule ébahie, silencieuse, et heurtent à la grande porte.

— Que voulez-vous ? demanda la tourière en se montrant par le guichet grillé.

— La supérieure du couvent ?

— Elle est en prières, Messieurs...

— Ouvrez cette porte...

Les municipaux entrèrent dans un grand parloir dallé de marbre noir et blanc. Au fond, à travers les jours d’une grille en bois, recouverte de serge noire, ils virent toutes les sœurs à genoux, la face contre terre... Une voix disait lentement ces paroles du psalmiste :

« O Dieu ! jusques à quand l’ennemi te couvrira-t-il d’opprobre, et l’adversaire méprisera-t-il ton nom à jamais ?

« Tu as brisé la tête du Léviathan, tu l’as donnée en nourriture au peuple des habitans du désert... A toi est le jour, à toi est la nuit... Tu as établi la lumière et le soleil.

« Souviens-toi de ceci, que c’est l’ennemi qui a blâmé l’Eternel et qu’un peuple insensé a outragé ton nom...

« O Dieu ! lève-toi... débats ta cause, souviens-toi de l’opprobre qui t’est fait tous les jours par l’insensé.

« N’oublie pas le cri de tes adversaires, le bruit de ceux qui s’élèvent contre toi monte continuellement. »

Pendant que les religieuses psalmodiaient en chœur ces lamentations bibliques, Georges, assis dans un coin du parloir, le coude sur ses genoux, le front dans ses mains, semblait abîmé dans de douloureuses pensées.

L’abbé Huguet l’avait élevé dans cette religion du pauvre et de l’orphelin ; ces hymnes lui étaient connus ; il en avait bien des fois admiré les inspirations divines ; — et il fallait maintenant briser ce qu’il avait adoré, frapper de faibles femmes dans leurs asiles pacifiques, — en apparence du moins — et pour retremper son courage dans cette œuvre, il n’avait rien que cette ferveur républicaine du temps qui poussait les braves aux frontières contre les étrangers et les traîtres, mais qui se trouvait soudain irrésolue et désarmée devant les faibles débris d’une société expirante.

Il maudissait peut-être, en ce moment, cette épaulette que son patriotisme avait méritée ; — il se demandait si, dans sa haine pour l’ancienne société, il n’y avait pas un ressentiment personnel et intéressé du malheur de sa naissance.

En ce moment, un garde national racontait à un autre ce qui s’était passé la veille à l’église de Vieux-Viel, des paysans venaient d’en donner la nouvelle ; un prêtre constitutionnel avait été arraché de sa chaire, traîné hors de l’église et laissé pour mort sur la place, — et ce prêtre, c’était Huguet.

— Aura-t-on bientôt fini d’ouvrir ces grilles ? s’écria Georges en se levant.

Dans ce moment-là, on vit paraître une femme élancée et pâle, mais belle encore...

C’était l’abbesse des Bénédictines, autrefois comtesse de Maurepas. Elle était vêtue d’une longue robe noire et un voile blanc tombant jusqu’à terre cachait presque entièrement son visage que les larmes avaient si longtemps sillonné.

Elle ouvrit elle-même les portes de la grille et saluant avec une dignité froide :

— Je vous demande pardon, Messieurs, de m’être fait attendre... mais nos prières étaient commencées et les règles de la maison nous défendent de les interrompre pour quelque motif que ce soit... Qu’y a-t-il pour votre service, s’il vous plaît ?...

— Madame, — dit le procureur-syndic, vous connaissez l’arrêté du département, qui ordonne d’évacuer les maisons religieuses ? Il vous a été notifié en temps et lieu…

— C’est vrai, Monsieur...

— Pourquoi n’avez-vous pas obéi ?

— Nous jurons fidélité à Dieu, Monsieur, et nous ne devons obéir qu’à lui...

— Vous savez quelles sont nos intentions en venant ici, Madame ?

— Je les connaissais...

— Vous comprenez, Madame, que toute résistance est impossible, et qu’il faut sortir d’ici aujourd’hui même.

— Nous ne sortirons pas, Monsieur.

— Nous serions désolés, Madame, d’employer la violence contre vous, ne nous y forcez pas, je vous en prie.

— Faites votre devoir, Monsieur, le nôtre est de souffrir pour la gloire de Dieu : nous sommes de faibles brebis consacrées au Seigneur, lui seul peut briser nos liens... que sa sainte volonté soit faite.

Elle rentra dans l’intérieur du cloître.

Alors un des officiers municipaux saisit les barreaux de la grille et la secoua avec violence. Quelques dragons se joignirent à lui, et bientôt il n’y eut plus de barrière entre les soldats et les religieuses.

Prosternées à genoux, et se couvrant la figure de leurs mains, elles chantaient des cantiques sacrés.

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5-6 mai 1849 — Le Marquis de Fayolle, 2e partie, dans Le Temps, 28e livraison.

Mais au lieu des violences auxquelles elles s’attendaient, les religieuses ont la surprise d’entendre la voix posée de Georges leur offrant... la liberté. Tandis que la plupart des religieuses quittent le couvent, l’abbesse résiste, et lorsque Péchard leur révèle à tous deux leur filiation, Georges attend vainement une marque de tendresse de la part de sa mère : « Pâle et tremblant d’émotion, Georges attendait un signe, un regard bienveillant... » Mais en ramenant à Rennes les religieuses expulsées, « trois ou quatre vieilles religieuses édentées », le convoi est attaqué par les chouans.

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LE MARQUIS DE FAYOLLE.

SECONDE PARTIE.

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CHAPITRE V.

LES VICTIMES CLOÎTRÉES. — (Suite.)

Toutes les nonnes se serrèrent les unes contre les autres comme un troupeau de brebis effarées.

— Soldats ! cria le procureur-syndic.

Georges étendit l’épée qu’il tenait à la main et fit signe aux soldats de rester.

— Mes sœurs, dit-il aux religieuses avec émotion, ne craignez rien, nous ne sommes pas venus ici pour vous faire violence, mais pour vous protéger. L’Assemblée nationale a ordonné que les couvens seraient fermés parce qu’ils servent d’asile à des conspirateurs qui prêchent partout la résistance aux lois et arment les citoyens les uns contre les autres...

Péchard voulut parler.

— Qu’on arrête cet homme ! s’écria le procureur-syndic.

— Je m’offre comme victime expiatoire, puisse ma mort servir à apaiser la colère des méchans ! dit Péchard en fixant sur Georges un regard menaçant.

Quelques dragons avancèrent et se saisirent de lui. Les nonnes effrayées se couvrirent de leurs voiles et se pressèrent plus fort autour de l’abbesse qui promenait sur l’assemblée son regard impassible.

— Mesdames, reprit Georges, il n’y a ici ni victimes, ni bourreaux, on vous a trompées si l’on vous a promis les honneurs du martyre : nous aimons et nous respectons la religion autant que vous... Ce que la loi a brisé, c’est l’esclavage, — ce qu’elle a voulu détruire, c’est la tyrannie des abbesses et des abbés, c’est le fanatisme des mauvais prêtres.

Pauvres femmes mortes au monde, nous venons soulever la pierre de votre tombeau. — Pourquoi mourir quand Dieu vous fait vivre ? Vivez pour prier et pour aimer...

Quelques sœurs soulevèrent légèrement un coin de leur voile et se hasardèrent à regarder Georges, croyant lui trouver la laideur repoussante du démon ; — mais en ce moment ses grands yeux noirs brillaient d’enthousiasme ; — il y avait dans sa parole un entraînement irrésistible. — Il avait trop souffert pour ne pas se sentir profondément ému en voyant ces malheureuses victimes d’une société à la fois caduque et impitoyable.

Quelques instans après, il reprit :

— Vous êtes libres, mes sœurs !... La loi a brisé les liens imposés par la contrainte ou par l’erreur. Ne peut-on prier que dans l’ombre des couvens, et Dieu a-t-il défendu à ses créatures l’amour et la charité ?... Ainsi, ne craignez rien, venez vous ranger sous la protection de la loi... Venez ! vous êtes libres !...

Quatre des plus jeunes avaient complètement écarté leur voile et regardaient Georges avec une appréhension qui disparaissait peu à peu à sa voix pleine de douceur et de sympathie.

— Vous l’entendez, mes sœurs, dit l’abbesse d’une voix affaiblie : — vous êtes libres... de par la loi. Vous êtes libres d’aller où vous voudrez et de faire ce que bon vous semblera. — Celles qui préfèrent les plaisirs faux et menteurs du monde aux douces et saintes joies du cloître, la terre au ciel, l’enfer au paradis, peuvent se retirer... les portes leur sont ouvertes !...

Les quatre religieuses se regardèrent et se levèrent tout-à-coup, entraînées par un élan spontané...

— Malheureuses !... s’écria l’abbesse, en joignant les mains avec désespoir.

Les gardes nationaux leur tendirent les mains et s’écartèrent pour les laisser passer.

Les autres religieuses, grandement scandalisées, se cachèrent le front dans leurs mains ; puis, l’instant d’après, comme si elles eussent cédé à un sentiment de curiosité insurmontable, elles se hasardèrent à regarder en face les dragons et les gardes nationaux ; — et au lieu de bourreaux terribles, elles furent toutes surprises de rencontrer çà et là, dans les rangs des gardes nationaux, des visages de connaissance qui leur souriaient et leur faisaient signe de céder.

— Venez ! reprit Georges encouragé par ce premier succès ; les grilles sont tombées... Vous êtes libres ! Tout ce que vous avez perdu, tout ce que vous avez laissé en passant les portes de cette prison... vos parens, vos frères, vos anciens amis, sont parmi nous ; vos mères, vos sœurs vous attendent avec anxiété, comme si vous reveniez d’un long et douloureux voyage.

Le mot de liberté, toujours si magique pour des oreilles habituées aux grincemens des verroux, gonflait doucement leurs poitrines... Aux chastes émotions de la famille, leur imagination excitée par la solitude, ajoutait peut-être les souvenirs les plus tendres d’amours contrariées, de passions d’autant plus vivantes qu’on les avait combattues davantage.

Toutes les religieuses se levèrent... Les gardes nationaux poussèrent un cri de triomphe.

L’abbesse, levant les yeux au ciel, se laissa tomber à genoux avec un désespoir qui toucha profondément les témoins de cette scène, et pourtant ils n’en pénétraient pas le motif.

— Allez, mes sœurs, dit-elle, et que le Seigneur vous pardonne un instant de faiblesse et d’aveuglement !

Puis, comme poussée tout à coup par un sentiment de ferveur religieuse...

— Quant à vous, dit-elle en fixant sur Georges un regard irrité... quant à vous qui venez insulter Dieu jusque dans son temple...

Elle allait maudire... un sentiment qu’elle ne pouvait comprendre l’arrêta... Une certaine ressemblance la frappait dans les traits du jeune homme.

Malgré lui, Georges, de son côté, se sentait tressaillir d’une émotion étrange et inconnue jusque-là... mais ce n’était pas le moment d’écouter la voix du sentiment ou de discuter avec l’abbesse : il commanda aux troupes d’évacuer le couvent.

— Quant à moi, s’écria l’abbesse, j’ai juré à Dieu de mourir ici et j’y mourrai... La tourière et deux ou trois vieilles religieuses brisées par cinquante ans de pénitence, se rapprochèrent d’elle en poussant des sanglots.

— L’abbesse s’écria, comme se parlant à elle-même avec amertume : Sans doute Dieu ne me jugeait pas digne de commander à une communauté de fidèles ; pour guider ces brebis sans tache, il eût fallu soi-même être sans faute et sans souillure ! J’avais cru que l’immensité de mon repentir avait pu racheter mes fautes... mais c’était encore une illusion de l’orgueil ! L’autorité qu’on m’a donnée ici, je ne m’étais pas aperçue, malheureuse ! qu’on l’avait accordée à ma naissance et à ma fortune... Ainsi, allez, mes sœurs, abandonnez une pauvre pécheresse... Ce qui arrive était dans les desseins de la Providence et devient un témoignage de sa justice.

— Oui, mes sœurs ! s’écria Péchard, s’adressant à quelques-unes des religieuses qui, touchées du discours de l’abbesse, allaient revenir près d’elle... dans ce que nous voyons ici, il faut reconnaître la main de Dieu !

L’abbesse le regarda avec surprise ; alors Péchard qui, bien qu’au milieu des dragons, avait trouvé le moyen de se rapprocher de Georges, lui toucha légèrement l’épaule. — Georges se retourna.

— Vous êtes éloquent, Monsieur le capitaine, dit-il d’un ton ironique, et je vous félicite bien sincèrement de votre succès. — Savez-vous qui est cette religieuse que vos soldats vont entraîner ?

— L’abbesse ?... demanda Georges.

— L’abbesse est Madame la comtesse de Maurepas, votre mère...

Georges tressaillit.

L’abbesse leva vivement la tête et en reconnaissant l’uniforme des gardes nationales, elle ne put réprimer un mouvement de désespoir.

Pâle et tremblant d’émotion, Georges attendait un signe, un regard bienveillant...

— Venez... dit l’abbesse aux soldats qui l’entraînaient... Le prêtre avait raison tout à l’heure... La main de Dieu est sur nous.

CHAPITRE VI.

LA FORÊT DE RENNES.

Cependant de longues heures s’étaient écoulées en recherches et en pourparlers : le jour commençait à baisser quand les prisonnières et leur escorte se mirent en marche.

A cinquante pas du cloître, le lieutenant qui composait l’avant-garde avec une douzaine de grenadiers, crut apercevoir des ombres qui traversaient rapidement les clairières de la forêt et disparaissaient dans les hautes bruyères qui bordent la route.

Il s’approcha du sergent, et, se penchant à son oreille :

— Sergent, dit-il, allez prévenir le capitaine qu’il se tienne sur ses gardes et qu’il serre les charrettes de près... Je crois que nous allons bientôt entendre les chouettes chanter.

Le sergent partit et l’avant-garde s’avança au petit pas, l’arme au bras, l’œil aux aguets, et fouillant, autant que le permettait l’obscurité, les touffes de houx et les broussailles qui encaissaient le chemin creux le long duquel ils cheminaient.

A peine arrivés au sommet qu’on les avait vus descendre le matin, ils entendirent le cri de la chouette, mais timide et étouffé.

— Halte !... dit le lieutenant ; je savais bien que nos oiseaux n’étaient pas loin, et je présume que la nichée doit être perchée sur les arbres de la route... Ils attendent que nous soyons au bas de la côte pour tomber sur nous quand nous traverserons le ruisseau.

Le détachement se mit en marche sans autre accident.

Une heure après, la nuit était noire à ne pas se voir à cinq pas... Un vent violent fouettait une pluie fine et froide, les chemins étaient glissans et bourbeux ; à chaque pas, soldats et gardes nationaux s’enfonçaient jusqu’aux genoux dans de larges flaques d’eau qui coupaient les chemins.

On comprend la victoire et la gloire quand les armes étincellent aux rayons d’un beau soleil... Mais la nuit, trempé par la pluie, pataugeant dans la boue, c’est tout au plus si l’on a le courage de se laisser vivre.

L’énergie et le courage s’en vont à la pluie, comme les couleurs d’une étoffe mal teinte.

Enfin, le petit détachement, trempé jusqu’aux os, brisé de fatigue, allait sortir de la forêt de Rennes ; le village de Foullard était à cent pas de là. Georges suivait de loin, soucieux et pensif, cette charrette qui portait une espérance longtemps caressée, un rêve de bonheur longtemps attendu.

La religieuse baissait la tête et priait en sanglotant.

Tout à coup, une centaine de chouans montrent la tête à travers les broussailles et font feu presque à bout portant.

Huit ou dix gardes nationaux tombent : les autres, surpris, veulent riposter ; mais leurs fusils, mouillés par la pluie, manquent presque tous.

Les dragons franchissent le fossé, fouillent l’ombre avec la pointe de leurs sabres, pour trouver un ennemi invisible, les grenadiers croisent la baïonnette et attendent.

Alors, trois ou quatre cents chouans, qui se tenaient couchés à plat ventre dans les bruyères, se lèvent, sortent de leur embuscade, se glissent sous les chevaux qu’ils éventrent, et, dix fois plus forts que les bleus, assomment, fusillent ceux qui essaient de se défendre et poursuivent les autres qui s’échappent à travers champs.

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Le Marquis de Fayolle, suite >>>

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