TEXTES

1824, Poésies diverses (manuscrit autographe)

1824, L’Enterrement de la Quotidienne (manuscrit autographe)

1824, Poésies et poèmes (manuscrit autographe)

1825, « Pour la biographie des biographes » (manuscrit autographe)

15 février 1826 (BF), Napoléon et la France guerrière, chez Ladvocat

19, 22 avril, 14 juin (BF), Complainte sur la mort de haut et puissant seigneur le Droit d’aînesse, chez Touquet

6 mai 1826 (BF), Complainte sur l’immortalité de M. Briffaut, par Cadet Roussel, chez Touquet

6 mai 1826 (BF), Monsieur Dentscourt ou le Cuisinier d’un grand homme, chez Touquet

20 mai 1826 (BF), Les Hauts faits des Jésuites, par Beuglant, chez Touquet

12 août 1826 (BF), Épître à M. de Villèle (Mercure de France du XIXe siècle)

11 novembre 1826 (BF), Napoléon et Talma, chez Touquet

13 et 30 décembre 1826 (BF), L’Académie ou les membres introuvables, par Gérard, chez Touquet

16 mai 1827 (BF), Élégies nationales et Satires politiques, par Gérard, chez Touquet

29 juin 1827, La dernière scène de Faust (Mercure de France au XIXe siècle)

28 novembre 1827 (BF), Faust, tragédie de Goëthe, 1828, chez Dondey-Dupré

15 décembre 1827, A Auguste H…Y (Almanach des muses pour 1828)

1828? Faust (manuscrit autographe)

1828? Le Nouveau genre (manuscrit autographe)

mai 1829, Lénore. Ballade allemande imitée de Bürger (La Psyché)

août 1829, Le Plongeur. Ballade, (La Psyché)

octobre 1829, A Schmied. Ode de Klopstock (La Psyché)

24 octobre 1829, Robert et Clairette. Ballade allemande de Tiedge (Mercure de France au XIXe siècle)

14 novembre 1829, Les Bienfaits de l’enseignement mutuel, Procès verbal de la Loge des Sept-Écossais-réunis, chez Bellemain

21 novembre 1829, Chant de l’épée. Traduit de Korner (Mercure de France au XIXe siècle)

12 décembre 1829, La Mort du Juif errant. Rapsodie lyrique de Schubart (Mercure de France au XIXe siècle)

19 décembre 1829, Lénore. Traduction littérale de Bürger (Mercure de France au XIXe siècle)

2 janvier 1830, La Première nuit du Sabbat. Morceau lyrique de Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)

janvier 1830, La Lénore de Bürger, nouvelle traduction littérale (La Psyché)

16 janvier 1830, Ma Patrie, de Klopstock (Mercure de France au XIXe siècle)

23 janvier 1830, Légende, par Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)

6 février (BF) Poésies allemandes, Klopstock, Goethe, Schiller, Burger (Bibliothèque choisie)

13 février 1830, Les Papillons (Mercure de France au XIXe siècle)

13 février 1830, Appel, par Koerner (1813) (Mercure de France au XIXe siècle)

13 mars 1830, L’Ombre de Koerner, par Uhland, 1816 (Mercure de France au XIXe siècle)

27 mars 1830, La Nuit du Nouvel an d’un malheureux, de Jean-Paul Richter (La Tribune romantique)

10 avril 1830, Le Dieu et la bayadère, nouvelle indienne par Goëthe (Mercure de France au XIXe siècle)

29 avril 1830, La Pipe, chanson traduite de l’allemand, de Pfeffel (La Tribune romantique)

13 mai 1830 Le Cabaret de la mère Saguet (Le Gastronome)

mai 1830, M. Jay et les pointus littéraires (La Tribune romantique)

17 juillet 1830, L’Éclipse de lune. Épisode fantastique par Jean-Paul Richter (Mercure de France au XIXe siècle)

juillet ? 1830, Récit des journées des 27-29 juillet (manuscrit autographe)

14 août 1830, Le Peuple (Mercure de France au XIXe siècle)

30 octobre 1830 (BF), Choix de poésies de Ronsard, Dubellay, Baïf, Belleau, Dubartas, Chassignet, Desportes, Régnier (Bibliothèque choisie)

11 décembre 1830, A Victor Hugo. Les Doctrinaires (Almanach des muses pour 1831)

29 décembre 1830, La Malade (Le Cabinet de lecture )

29 janvier 1831, Odelette, Le Vingt-cinq mars (Almanach dédié aux demoiselles)

14 mars 1831, En avant, marche! (Cabinet de lecture)

23 avril 1831, Bardit, traduit du haut-allemand (Mercure de France au XIXe siècle)

30 avril 1831, Le Bonheur de la maison par Jean-Paul Richter. Maria. Fragment (Mercure de France au XIXe siècle)

7 mai 1831, Profession de foi (Mercure de France au XIXe siècle)

25 juin et 9 juillet 1831, Nicolas Flamel, drame-chronique (Mercure de France au XIXe siècle)

17 et 24 septembre 1831, Les Aventures de la nuit de Saint-Sylvestre. Conte inédit d’Hoffmann (Mercure de France au XIXe siècle)

4 décembre 1831, Cour de prison, Le Soleil et la gloire (Le Cabinet de lecture)

17 décembre 1831, Odelettes. La Malade, Le Soleil et la Gloire, Le Réveil en voiture, Le Relais, Une Allée du Luxembourg, Notre-Dame-de-Paris (Almanach des muses)

17 décembre 1831, Fantaisie, odelette (Annales romantiques pour 1832)

24 septembre 1832, La Main de gloire, histoire macaronique (Le Cabinet de lecture)

14 décembre 1834, Odelettes (Annales romantiques pour 1835)

1835-1838 ? Lettres d’amour (manuscrits autographes)

26 mars et 20 juin 1836, De l’Aristocratie en France (Le Carrousel)

20 et 26 mars 1837, De l’avenir de la tragédie (La Charte de 1830)

12 août 1838, Les Bayadères à Paris (Le Messager)

18 septembre 1838, A M. B*** (Le Messager)

2 octobre 1838, La ville de Strasbourg. A M. B****** (Le Messager)

26 octobre 1838, Lettre de voyage. Bade (Le Messager)

31 octobre 1838, Lettre de voyage. Lichtenthal (Le Messager)

24 novembre 1838, Léo Burckart (manuscrit remis à la censure)

25, 26 et 28 juin 1839, Le Fort de Bitche. Souvenir de la Révolution française (Le Messager)

13 juillet 1839 (BF) Léo Burckart, chez Barba et Desessart

19 juillet 1839, « Le Mort-vivant », drame de M. de Chavagneux (La Presse)

15 et 16-17 août 1839, Les Deux rendez-vous, intermède (La Presse)

17 et 18 septembre 1839, Biographie singulière de Raoul Spifamme, seigneur des Granges (La Presse)

21 et 28 septembre 1839, Lettre VI, A Madame Martin (Lettres aux belles femmes de Paris et de la province)

28 janvier 1840, Lettre de voyage I (La Presse)

25 février 1840, Le Magnétiseur

5 mars 1840, Lettre de voyage II (La Presse)

8 mars 1840, Lettre sur Vienne (L’Artiste)

26 mars 1840, Lettre de voyage III (La Presse)

28 juin 1840, Lettre de voyage IV, Un jour à Munich (La Presse)

18 juillet 1840 (BF) Faust de Goëthe suivi du second Faust, chez Gosselin

26 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort I (La Presse)

29 juillet, 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort II (La Presse)

30 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort III (La Presse)

11 février 1841, Une Journée à Liège (La Presse)

18 février 1841, L’Hiver à Bruxelles (La Presse)

1841 ? Première version d’Aurélia (feuillets autographes)

février-mars 1841, Lettre à Muffe, (sonnets, manuscrit autographe)

1841 ? La Tête armée (manuscrit autographe)

mars 1841, Généalogie dite fantastique (manuscrit autographe)

1er mars 1841, Jules Janin, Gérard de Nerval (Journal des Débats)

5 mars 1841, Lettre à Edmond Leclerc

7 mars 1841, Les Amours de Vienne (Revue de Paris)

31 mars 1841, Lettre à Auguste Cavé

11 avril 1841, Mémoires d’un Parisien. Sainte-Pélagie en 1832 (L’Artiste)

9 novembre 1841, Lettre à Ida Ferrier-Dumas

novembre? 1841, Lettre à Victor Loubens

10 juillet 1842, Les Vieilles ballades françaises (La Sylphide)

15 octobre 1842, Rêverie de Charles VI (La Sylphide)

24 décembre 1842, Un Roman à faire (La Sylphide)

19 et 26 mars 1843, Jemmy O’Dougherty (La Sylphide)

11 février 1844, Une Journée en Grèce (L’Artiste)

10 mars 1844, Le Roman tragique (L’Artiste)

17 mars 1844, Le Boulevard du Temple, 1re livraison (L’Artiste)

31 mars 1844, Le Christ aux oliviers (L’Artiste)

5 mai 1844, Le Boulevard du Temple 2e livraison (L’Artiste)

12 mai 1844, Le Boulevard du Temple, 3e livraison (L’Artiste)

2 juin 1844, Paradoxe et Vérité (L’Artiste)

30 juin 1844, Voyage à Cythère (L’Artiste)

28 juillet 1844, Une Lithographie mystique (L’Artiste)

11 août 1844, Voyage à Cythère III et IV (L’Artiste)

15 septembre, Diorama (L’Artiste-Revue de Paris)

29 septembre 1844, Pantaloon Stoomwerktuimaker (L’Artiste)

20 octobre 1844, Les Délices de la Hollande I (La Sylphide)

8 décembre 1844, Les Délices de la Hollande II (La Sylphide)

16 mars 1845, Pensée antique (L’Artiste)

19 avril 1845 (BF), Le Diable amoureux par J. Cazotte, préface de Nerval, chez Ganivet

1er juin 1845, Souvenirs de l’Archipel. Cérigo (L’Artiste-Revue de Paris)

6 juillet 1845, L’Illusion (L’Artiste-Revue de Paris)

5 octobre 1845, Strasbourg (L’Artiste-Revue de Paris)

novembre-décembre 1845, Le Temple d’Isis. Souvenir de Pompéi (La Phalange)

28 décembre 1845, Vers dorés (L’Artiste-Revue de Paris)

1er mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste I (L’Artiste-Revue de Paris)

15 mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste II (L’Artiste-Revue de Paris)

1er mai 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne (Revue des Deux Mondes)

17 mai 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste III (L’Artiste-Revue de Paris)

1er juillet 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne. Les Esclaves (Revue des Deux Mondes)

12 juillet 1846 Sensations d’un voyageur enthousiaste IV (L’Artiste-Revue de Paris)

16 août 1846, Un Tour dans le Nord. Angleterre et Flandre (L’Artiste-Revue de Paris)

30 août 1846, De Ramsgate à Anvers (L’Artiste-Revue de Paris)

15 septembre 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne. Le Harem (Revue des Deux Mondes)

20 septembre 1846, Une Nuit à Londres (L’Artiste-Revue de Paris)

1er novembre 1846, Un Tour dans le Nord III (L’Artiste-Revue de Paris)

22 novembre 1846, Un Tour dans le Nord IV (L’Artiste-Revue de Paris)

15 décembre 1846, Scènes de la vie égyptienne moderne. La Cange du Nil (Revue des Deux Mondes)

1847, Scénario des deux premiers actes des Monténégrins

15 février 1847, La Santa-Barbara. Scènes de la vie orientale (Revue des Deux Mondes)

15 mai 1847, Les Maronites. Un Prince du Liban (Revue des Deux Mondes)

15 août 1847, Les Druses (Revue des Deux Mondes)

17 octobre 1847, Les Akkals (Revue des Deux Mondes)

21 novembre 1847, Souvenirs de l’Archipel. Les Moulins de Syra (L’Artiste-Revue de Paris)

15 juillet 1848, Les Poésies de Henri Heine (Revue des Deux Mondes)

15 septembre 1848, Les Poésies de Henri Heine, L’Intermezzo (Revue des Deux Mondes)

7 janvier-24 juin 1849, puis 2 septembre 1849-27 janvier 1850, Al-Kahira. Souvenirs d’Orient (La Silhouette)

1er-27 mars 1849, Le Marquis de Fayolle, 1re partie (Le Temps)

26 avril 16 mai 1849, Le Marquis de Fayolle, 2e partie (Le Temps)

6 octobre 1849, Le Diable rouge (Almanach cabalistique pour 1850)

3 novembre 1849 (BF), Le Diable vert, et Impression de voyage (Almanach satirique, chez Aubert, Martinon et Dumineray)

7 mars-19 avril 1850, Les Nuits du Ramazan (Le National)

15 août 1850, Les Confidences de Nicolas, 1re livraison (Revue des Deux Mondes)

26 août 1850, Le Faust du Gymnase (La Presse)

1er septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 2e livraison (Revue des Deux Mondes)

9 septembre 1850, Excursion rhénane (La Presse)

15 septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 3e livraison (Revue des Deux Mondes)

18 et 19 septembre 1850, Les Fêtes de Weimar (La Presse)

1er octobre 1850, Goethe et Herder (L’Artiste-Revue de Paris)

24 octobre-22 décembre 1850, Les Faux-Saulniers (Le National)

29 décembre 1850, Les Livres d’enfants, La Reine des poissons (Le National)

novembre 1851, Quintus Aucler (Revue de Paris)

24 janvier 1852 (BF), L’Imagier de Harlem, Librairie théâtrale

15 juin 1852, Les Fêtes de mai en Hollande (Revue des Deux Mondes)

1er juillet 1852, La Bohême galante I (L’Artiste)

15 juillet 1852, La Bohême galante II (L’Artiste)

1er août 1852, La Bohême galante III (L’Artiste)

15 août 1852, La Bohême galante IV (L’Artiste)

21 août 1852 (BF), Lorely. Souvenirs d’Allemagne, chez Giraud et Dagneau (Préface à Jules Janin)

1er septembre 1852, La Bohême galante V (L’Artiste)

15 septembre 1852, La Bohême galante VI (L’Artiste)

1er octobre 1852, La Bohême galante VII (L’Artiste)

9 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 1re livraison (L’Illustration)

15 octobre 1852, La Bohême galante VIII (L’Artiste)

23 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 2e livraison (L’Illustration)

30 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 3e livraison (L’Illustration)

1er novembre 1852, La Bohême galante IX (L’Artiste)

6 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 4e livraison (L’Illustration)

13 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 5e livraison (L’Illustration)

15 novembre 1852, La Bohême galante X (L’Artiste)

20 novembre 1852, Les Illuminés, chez Victor Lecou (« La Bibliothèque de mon oncle »)

1er décembre 1852, La Bohême galante XI (L’Artiste)

15 décembre 1852, La Bohême galante XII (L’Artiste)

1er janvier 1853 (BF), Petits Châteaux de Bohême. Prose et Poésie, chez Eugène Didier

15 août 1853, Sylvie. Souvenirs du Valois (Revue des Deux Mondes)

14 novembre 1853, Lettre à Alexandre Dumas

25 novembre 1853-octobre 1854, Lettres à Émile Blanche

10 décembre 1853, Alexandre Dumas, Causerie avec mes lecteurs (Le Mousquetaire)

17 décembre 1853, Octavie (Le Mousquetaire)

1853-1854, Le Comte de Saint-Germain (manuscrit autographe)

28 janvier 1854 (BF) Les Filles du feu, préface, Les Chimères, chez Daniel Giraud

31 octobre 1854, Pandora (Le Mousquetaire)

25 novembre 1854, Pandora, épreuves du Mousquetaire

Pandora, texte reconstitué par Jean Guillaume en 1968

Pandora, texte reconstitué par Jean Senelier en 1975

30 décembre 1854, Promenades et Souvenirs, 1re livraison (L’Illustration)

1854 ? Sydonie (manuscrit autographe)

1854? Emerance (manuscrit autographe)

1854? Promenades et Souvenirs (manuscrit autographe)

janvier 1855, Oeuvres complètes (manuscrit autographe)

1er janvier 1855, Aurélia ou le Rêve et la Vie (Revue de Paris)

6 janvier 1855, Promenades et Souvenirs, 2e livraison (L’Illustration)

3 février 1855, Promenades et Souvenirs, 3e livraison (L’Illustration)

15 février 1855, Aurélia ou Le Rêve et la Vie, seconde partie (Revue de Paris)

15 mars 1855, Desiderata (Revue de Paris)

1866, La Forêt noire, scénario

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BF: annonce dans la Bibliographie de la France

Manuscrit autographe: manuscrit non publié du vivant de Nerval

1839, 13 juillet (BF) — Léo Burckart, par M. Gérard, accompagné de mémoires et documents inédits sur les sociétés secrètes d’Allemagne, Paris, Barba, au Palais-Royal, Desessart, rue des Beaux-Arts 15, Brockhaus et Avenarius, à Leipzick, 1839.

Désormais sans illusions sur la réalité cynique du pouvoir, mais aussi sur la monstruosité des conjurés, ses amis d'hier, Léo va se retirer à Francfort avec sa fidèle épouse Marguerite. Franz, conscient lui aussi de l'impasse que constitue son engagement politique et désespéré d'avoir perdu Marguerite, se donne la mort.

<<< Léo Burckart, Mémoires sur les sociétés secrètes d'Allemagne

<<< Léo Burckart, Prologue

<<< Léo Burckart, Acte I

<<< Léo Burckart, Acte II

<<< Léo Burckart, Acte III

<<< Léo Burckart, Acte IV

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LÉO BURCKART

ACTE V.

Même décoration qu’au troisième acte.

SCÈNE PREMIÈRE.

LÉO, LE CHEVALIER, rentrant et déposant leurs masques et leurs manteaux.

LÉO.

Et vous me dites que vous connaissez la demeure des chefs… de tous ceux qui étaient masqués ?

LE CHEVALIER.

Et celle aussi de presque tous ceux qui ne l’étaient pas. Beaucoup logent dans la campagne, chez des paysans… d’anciens militaires. Les étudiants sont presque tous logés dans les mêmes maisons ; les proscrits sont plus faciles encore à ressaisir : on en prendra des centaines d’un coup de filet ; car, comme dit le vieux proverbe : « N’est pas bien échappé qui traîne son lien !… » Quant aux députés des autres centres de conspiration…

LÉO.

Assez… assez… vous feriez emprisonner une moitié de l’Allemagne par l’autre : vous étudiez profondément les complots, monsieur ; et vous n’en perdez aucun fil. Je vais vous faire une seule demande et une seule condition : il y avait avec nous quinze hommes masqués…

LE CHEVALIER.

Oui.

LÉO.

Les connaissez-vous bien ?

LE CHEVALIER.

Oui.

LÉO.

Quel est le nom de celui qui est venu apporter les papiers… ces papiers qui m’ont été volés ?...

LE CHEVALIER.

Je l’ignore.

LÉO.

Connaissez-vous celui qu’ils ont choisi pour être mon assassin ?

LE CHEVALIER.

C’était le même.

LÉO.

Vous en êtes sûr ; c’est quelque chose. Mais comment ignorez-vous son nom, les connaissant tous ?

LE CHEVALIER.

Monseigneur, tous étaient masqués, drapés de manteaux, déguisant leurs voix, méconnaissables. Les précautions qu’ils prennent ne sont pas illusoires, et c’est à cela même que vous devez d’avoir pu assister à leur conseil. Je vous les livre tous les quinze. Votre voleur, votre assassin est là-dedans. Tous sont solidaires, tous seront punis de mort, si vous voulez.

LÉO.

Et vous pouvez me répondre de ceci : qu’avant le jour ils seront tous arrêtés ?...

LE CHEVALIER.

J’en réponds.

LÉO.

Je vais vous donner l’ordre.

Il écrit.

LE CHEVALIER.

Bien. Je vois avec joie que votre excellence ne ménage plus les ennemis de l’état.

LÉO.

C’est que ce ne sont plus des conspirateurs que je poursuis, ce sont des assassins : toute ma vie, monsieur, je verrai ce malheureux Waldeck frappé, étranglé devant moi, sans que je pusse lui porter secours…

LE CHEVALIER.

Et puis, ne serait-il pas insensé de risquer votre vie, précieuse à l’état, à faire de la clémence ? Demain matin, vous viendrez reconnaître les quinze têtes dont nous n’avons vu que les masques, et la plus consternée sera assurément celle du Vengeur.

LÉO.

Quinze têtes ! jamais !… Il y avait dans tout cela beaucoup d’égarement, de folie… Des fanatiques de l’antiquité !… Je les fais arrêter parce qu’ils sont dangereux, mais non pas seulement pour moi. Ils seront jugés, condamnés à quelques années de séjour dans une forteresse. Ils le méritent… Un service, monsieur !…

LE CHEVALIER.

Parlez, monseigneur.

LÉO.

Je suis encore ministre ; je puis rester ministre si je veux ; mais, quoi que je fasse demain, ma signature de cette nuit est toujours une signature ministérielle. Voici un bon de 20,000 florins sur le trésor : c’est une fortune. J’en devrai parler au prince ; son consentement n’est pas douteux. Vous avez rendu un immense service à l’état, quels qu’aient été les moyens employés. Je vous donne ce bon de 20,000 florins.

LE CHEVALIER.

Quelle est la condition ?

LÉO.

La voici. Quand les arrestations seront faites, vous aurez à faire, ainsi que moi, votre déclaration ou procès-verbal au chef de la police du royaume touchant les crimes ou projets dont vous avez connaissance…

LE CHEVALIER.

Oui, monseigneur.

LÉO.

Bien. Vous ne parlerez ni de ma présence à cette réunion, ni du projet d’attentat, qui ne concerne que moi.

LE CHEVALIER.

Monseigneur…

LÉO.

Vous ferez ainsi… ni des papiers surpris chez moi. Vous laisserez tomber tout ce côté de la consiration.

LE CHEVALIER

Vous le voulez…

LÉO.

Je pense avoir ce droit. Si le prince trouvait la somme trop forte, ce billet sera une traite sur ma propre fortune.

LE CHEVALIER.

Vous avez ma parole, monseigneur.

LÉO.

Je n’ai pas fini. Je vais rentrer dans l’obscurité, monsieur ; mais un homme qui a passé par le ministère, et qui le quitte comme je le fais, est toujours un homme puissant. Un homme de cœur qui résout une chose, et qui la veut jusqu’à la mort, peut toujours tout sur un autre homme, qui n’est pas le dernier des lâches. Eh bien ! souvenez-vous qu’aucun des conspirateurs qui n’étaient pas masqués ne doit être par vous reconnu, livré ni trahi. N’oubliez pas cela ! ce n’est pas une condition de votre fortune, c’est une condition de votre vie ou de la mienne.

LE CHEVALIER.

C’est bien, vous pouvez compter sur moi. Je rends grâce à votre excellence, et j’accomplirai loyalement ses ordres.

Il salue et sort.

______

SCÈNE II.

LÉO, seul.

Adieu, monsieur, adieu !… Voilà un homme qui ira loin. Et cependant il était arrivé à la moitié de sa vie sans avoir trouvé l’occasion de se mettre en lumière ; il ne lui fallait qu’un tourbillon qui l’attirât dans un système ! un homme de passage, qui le fît briller en s’éteignant !… il l’a trouvé. Qui peut prévoir son avenir ? Moi, je n’ai plus tant de courage. Voilà un cercle accompli, et peut-être n’aurai-je pas la volonté d’en recommencer un autre. J’ai détourné sur moi l’orage qui menaçait le prince ; j’ai changé la direction des poignards : comme l’aimant, j’ai attiré le fer ! Le prince n’a rien à me demander de plus, et je ne veux rien lui accorder davantage. J’abandonne tous mes rêves d’autrefois, et toutes mes entreprises d’hier ; je suis las de marcher toujours entre des fous, des corrupteurs et des traîtres… Des traîtres jusque dans ma maison !... (Il se lève.) Je me croyais sûr de mes gens, d’anciens serviteurs de ce bon professeur…

Il sonne.

______

SCÈNE III.

LÉO, UN DOMESTIQUE.

LÉO.

Personne n’est venu pendant mon absence ?

LE DOMESTIQUE.

Non, monseigneur.

LÉO.

Vous n’avez vu aucun étranger ?

LE DOMESTIQUE.

Non, monseigneur.

LÉO.

Vous n’avez point entendu de bruit ?

LE DOMESTIQUE.

Non, monseigneur.

Il sort.

______

SCÈNE IV.

LÉO, MARGUERITE.

MARGUERITE.

Léo ! et l’on ne m’a point avertie !…

LÉO.

Vous ne vous êtes pas couchée ?

MARGUERITE.

Je veillais, je pleurais. J’ai cru qu’en rentrant vous viendriez d’abord chez moi… Oh ! vous m’aviez dit que vous couriez un péril ; j’ai prié Dieu.

LÉO.

Vous venez de votre oratoire ?

MARGUERITE, à part.

Grand Dieu ! (Haut.) Non.

LÉO.

En rentrant, j’ai trouvé ouverte la porte qui donne sur la galerie.

MARGUERITE.

Ah ! vous avez remarqué…

LÉO.

Cette maison est isolée… trop grande pour le peu de domestiques que nous avons… Je crains qu’un homme ne se soit introduit ici.

MARGUERITE.

Dieu !

LÉO.

Et ne s’y puisse encore introduire.

MARGUERITE.

Oh ! Ciel ! pourquoi me dites-vous cela, Léo ?… Je ne sais pas, j’ignore…

LÉO.

Vous n’avez rien entendu ?

MARGUERITE.

Non…

LÉO.

C’est bizarre : j’avais là des papiers… très-importants… ils étaient là, là, sur ce bureau, à cet endroit, la lampe posée auprès. Ces papiers ont disparu… Êtes-vous sûre de tous nos domestiques ? Vous les connaissez mieux que moi.

MARGUERITE.

Oh ! oui.

LÉO.

On ne sait pas… Des papiers d’une certaine importance politique, cela peut valoir beaucoup d’or.

MARGUERITE, à part.

Oh ! il ne sait rien. Non ! cela ne peut être… (Haut.) Mon Dieu, je ne sais pas, moi, je ne crois pas. C’est donc un grand malheur que la perte de ces papiers. Peut-être sont-ils égarés ;… moi-même négligemment, j’aurai pu les déranger.

LÉO.

Non ; ces papiers n’ont été perdus que pour moi ! cette nuit, je les ai vus dans d’autres mains… dans les mains de mes ennemis, madame. Ce vol a un instant compromis ma vie. (Marguerite fait un signe d’effroi.) Rassurez-vous, rassure-toi, ma bonne Marguerite,… le péril est tout à fait passé. Je suis à toi, à toi pour toujours.

MARGUERITE.

Grand Dieu ! mais tu ne m’as rien dit; tu ne m'a rien appris… Qu’as-tu fait cette nuit ? quelle est cette mystérieuse expédition dont tout le monde parle et dont je ne sais rien, moi ? Oh ! tu me fais mourir.

LÉO.

Tu as lu, n’est-ce pas, dans les vieilles histoires d’Allemagne, des récits étranges d’hommes frappés par un tribunal invisible…

MARGUERITE.

Le Saint-Vehmé ?

LÉO.

Oui, c’est cela.

MARGUERITE.

Ciel !

LÉO.

Des insensés tentent de le faire renaître.

MARGUERITE.

Grand Dieu ! je comprends tout… il y a deux mois à peine, un écrivain politique a été frappé par eux, et toi-même… ah, Léo !... c’est le même sort qui te menace !

LÉO.

Rassure-toi… Marguerite…

MARGUERITE.

Oui, toi !… Il y a des gens qui te calomnient, qui te haïssent… Aujourd’hui même un journal t’accusait de je ne sais quels crimes publics… Oh ! je ne te quitte plus; tu ne sortiras pas, vois-tu, des amis veilleront sur toi ! Oh !… bien plus !… ne reçois personne… il en est qui se présentent dans les maisons… qui demandent à voir, à remettre une lettre… Tu obtiendras un congé du prince, n’est-ce pas ; nous fuirons d’ici bien accompagnés, loin de ces terribles conspirateurs…

LÉO.

Enfant, c’est une petite lâcheté que tu me proposes, avec tes douces craintes d’épouse; mais, sois tranquille, puisque ton instinct bienveillant t’a fait deviner ce que je voulais te cacher encore, apprends tout : cette nuit, un homme devait tenter de me frapper.

MARGUERITE.

Quel homme ?

LÉO.

Je l’ignore ; il était masqué.

MARGUERITE.

Ah !

LÉO.

C’était celui-là même qui tenait dans ses mains les papiers qui m’ont été dérobés dans la nuit !

MARGUERITE.

Ah ! Léo…

LÉO.

Mais nos précautions sont prises ; et, s’il trouve encore moyen de s’introduire ici… j’ai là des armes…

MARGUERITE, tombant à genoux.

Léo ! pardonne-moi ! au nom du Ciel, je suis coupable ! Ce que je suppose est effroyable, impossible, sans doute… mais je vais t’avouer un crime… Je suis une malheureuse… je t’ai trompé, je t’ai trahi !

LÉO.

Marguerite, cela n’est pas ! non ; tu es insensée !…

MARGUERITE.

Un homme est entré ici cette nuit.

LÉO.

Vous ne le disiez pas, madame !...

MARGUERITE.

Ah ! je suis bien coupable ! mais pas autant que vous croyez.

LÉO.

Son nom ?

MARGUERITE.

Mais il est incapable d’un crime !

LÉO.

Son nom ?

MARGUERITE.

Ce n’est pas lui, soyez-en sûr… car il faut tout vous dire, n’est-ce pas ?

LÉO.

Vous ne me direz pas son nom ? Tenez, peu m’importe à présent !… un homme m’a volé chez moi ; un homme entre chez moi comme il veut… Retirez-vous, madame ! que cet homme puisse approcher !…

MARGUERITE.

Ah ! monsieur, je me disais coupable ; mais, si vous me comprenez ainsi, je vais vous jurer que je suis innocente… devant vous et devant Dieu.

LÉO.

Mais vous ne voulez pas répondre !… J’ai vu un masque, et non un visage… J’ai entendu parler mon assassin, mais je ne sais pas son nom ; il me l’apprendra sans doute en me frappant !… Qu’importe cela ? (Il se promène.) Faites-moi l’histoire de votre liaison avec cet homme ; un charmant jeune homme, n’est-ce pas ?…

MARGUERITE.

Léo, mon Dieu !

LÉO.

Vous n’êtes pas coupable… vous vous aimiez platoniquement… des vers, des billets, quelques phrases… un baiser bien fraternel ! c’est tout, n’est-ce pas ! Oh ! ce n’est rien !

MARGUERITE.

Assez, vous me tuez ! Léo, ma tête s’égare ! Je vais faire une chose odieuse, peut-être ! mais je vous aime… oh ! oui, je suis toujours votre femme pure et fidèle. Léo ! l’homme qui est entré ici… c’était M. Frantz Lewald…

LÉO.

Je m’en doutais ; ce Frantz s’est battu pour vous… il a été blessé pour vous… dans ce duel… où j’ai fait, moi, arrêter votre champion.

MARGUERITE.

Vous savez ?...

LÉO.

Tout ! une blessure, c’est intéressant, je conçois…

MARGUERITE.

Léo ! plus un mot de cette affreuse raillerie, ou je meurs à vos yeux. Je vous parle fièrement, à présent !… Écoutez-moi ; depuis ce duel, j’ai revu M. Frantz, pour la première fois, à ce bal de la cour, où vous étiez… J’avais le cœur brisé de votre oubli, saignant de votre indifférence ! Il m’a avoué, je crois, qu’il m’aimait ; je n’ai pas bien entendu ; je ne sais ce que je lui ai dit… vous m’aviez blessée… je l’ai plaint, je crois… Frantz, un ancien ami… il courait à la mort ; il m’a demandé une dernière entrevue dans mon oratoire, devant Dieu ! Je pressentais un grand danger pour lui… comme pour vous… il devait m’expliquer tout…

LÉO.

Eh bien ! vous l’avez vu.

MARGUERITE.

Un instant ; vous veniez de partir… il m’a dit deux mots qui m’ont froissée. Oh ! que je vous aimais en ce moment ; allez, mes pleurs étaient sincères. Il a fui, je n’ai pas compris… en me criant qu’il allait revenir.

LÉO.

Cette nuit ?

MARGUERITE.

Oui, je crois… Léo ! je ne vous quitte pas … mais ne craignez rien… cela, c’est impossible.

LÉO.

Qui vous dit que je craigne ?… C’est bien… je crois tout ce que vous me dites, c’est bien ; je vous demande pardon de vous avoir si mal jugée… Non, il n’y a nul danger ; et puis, croyez-vous que je ne défendrais pas ma vie ?... si ; je vous aime assez pour cela… Non, M. Lewald n’est pas celui que nous soupçonnons… toutes ces coïncidences sont des hasards… rentrez… laissez-moi… tout est bien fermé ; et puis, je vous le dis, j’ai des armes.

MARGUERITE.

Je veux rester !

LÉO.

Qui vous retient ?

MARGUERITE, avec effusion.

Une insurmontable terreur !

LÉO.

Rentrez chez vous… Ah ! tu es pâle, tu chancelles… Pauvre femme ! je t’ai bien fait du mal, j’ai été cruel. Tiens, tu te défendais, et j’étais le coupable !… Si longtemps seule… jamais un mot du cœur… sombre, préoccupé, je te cachais parfois ma présence ou mon retour… Oh ! pardonne-moi, pauvre affligée, tout cela va changer…

MARGUERITE.

Léo !… tenez, je tremble. Cette politique qui vous éloignait de moi…

LÉO.

Eh bien !…

MARGUERITE.

Me fait peur aussi dans un autre.

LÉO.

Lewald…

MARGUERITE.

Je détournais vos soupçons tout à l’heure… mais tout pour vous, pour votre sûreté !… Ce fanatisme terrible de liberté égare les plus nobles âmes… Tenez, c’est lui, croyez-moi ; je n’en doute plus ! je l’ai vu ici même ; il avait les papiers déjà, il m’a crié qu’il reviendrait ; il va revenir. Appelez vos gens… ou je le fais moi-même.

LÉO.

N’appelez personne !

MARGUERITE.

Oh ! tout cela est terrible, infâme, et j’ai peur de perdre ma raison… Je ne vous ai donc pas tout dit ?... Il est venu ; je lui ai donné les moyens d’entrer… dans la maison, dans l’oratoire ; il a une clef, il est peut-être ici déjà… Oh ! je crois entendre des pas dans cette longue galerie qui vient de l’oratoire ici…

LÉO.

Sortez ; je veux que vous sortiez !… Terreurs de femme ! Il ne reviendra pas, il est arrêté… arrêté, vous dis-je, j’en suis sûr…

MARGUERITE.

Non, je resterai là…

LÉO.

Allons ! j’ai besoin d’être seul… laisse-moi seul, je le veux.

MARGUERITE.

Mon Dieu ! mon Dieu !

LÉO.

Je t’en prie.

MARGUERITE.

Tiens cette porte fermée, n’est-ce pas… (Allant au fond.) Karl dort par ici…

LÉO.

Bien, bien… rentre chez toi. (Il l’embrasse et la pousse doucement. Revenant après avoir fermé la porte.) Des pas !... oui des pas… je les ai bien entendus, moi… elle était trop émue pour les distinguer… J’entends encore… il s’approche… Il hésite… Allons donc ! (Il ouvre.) Entrez, monsieur, entrez, je vous attends.

______

SCÈNE V.

LÉO, FRANTZ.

FRANTZ, pâle et s’appuyant sur la muraille.

Que veut dire cela ?

LÉO.

Cela veut dire, monsieur, que je vais vous épargner tout préambule. Vous avez ici un jugement et un poignard : ce jugement me condamne à mort, et ce poignard vous a été donné pour me frapper. Cela veut dire que je pouvais vous faire arrêter, monsieur, mais que j’ai été curieux de savoir comment un homme habitué à manier une épée s’y prendrait pour frapper avec un couteau… Ah ! ne craignez rien… entrez hardiment… je n’ai pas d’armes, moi.

FRANTZ.

Vous êtes bien instruit, monsieur… Oui, j’ai là un jugement, oui, j’ai là un poignard ; mais je ne compte ici ni me servir de l’un ni invoquer l’autre. Aux gémissements de l’Allemagne que vous avez frappée, ses fils se sont rassemblés ; leur tribunal vous a condamné, et c’est moi que le sort a choisi pour exécuter l’arrêt. On m’a remis le jugement, on m’a remis le poignard… je les ai pris pour remplir une vaine formalité ; mais, pourvu que j’accomplisse ma mission, peu importe de quelle manière… J’ai pris d’autres armes… et les voilà. C’est un duel que je suis venu vous proposer… un duel à mort, c’est vrai, mais un duel loyal, dans lequel vous pouvez me tuer, si vous avez la main plus sûre et plus heureuse que la mienne…

LÉO.

Avez-vous prévu le cas où je refuserais ?

FRANTZ.

Oui, monsieur.

LÉO.

Et que devez-vous faire alors ?

FRANTZ.

Quelque résolution qu’il ait prise, il y a des moyens de forcer un homme à se battre.

LÉO.

Même quand cet homme n’a qu’à étendre la main pour vous faire arrêter.

FRANTZ.

Si cet homme manque à la loyauté dont je lui donne l’exemple, alors il me dégage de tout devoir envers lui.

LÉO.

Et alors ?

FRANTZ.

Et alors, monsieur… eh bien ! c’est encore un duel, et un duel pour lequel il faut plus de courage que pour tout autre, croyez-moi ; car, si l’on a devant soi un homme sans armes… on a derrière soi le bourreau, qui est armé !

LÉO.

Eh bien ! moi, monsieur, je ne vous ferai pas arrêter, et je ne me battrai pas avec vous… Je ne vous ferai pas arrêter, parce que j’ai contre vous des motifs de haine personnelle… et je ne me battrai pas avec vous, parce que je ne me bats pas avec un homme qui est sorti d’ici comme un voleur, et qui y rentre comme un assassin !

FRANTZ.

Monsieur ! je vous ai dit que j’avais toujours un moyen de vous forcer à vous battre… eh bien ! que ce ne soit plus un duel entre [un] conspirateur et un homme d’état : un homme d’état ne se bat pas, je le sais… et la preuve, c’est qu’un jour la femme d’un de ces hommes a été insultée, et que je me suis battu pour elle.

LÉO.

Vous voulez dire que je vous redois un duel…

FRANTZ.

A peu près.

LÉO.

C’est juste ; demain à midi, monsieur, je suis à vos ordres.

FRANTZ.

Non ; maintenant…

LÉO.

Je choisis l’heure et je suis dans mon droit… d’ici là, je ne m’appartiens pas, monsieur.

FRANTZ.

Vous voulez dire qu’il vous faut tout ce temps pour faire arrêter mes amis, pour vendre notre vie à vos confrères de Carlsbad… non ! tout s’achèvera ici… voici un pistolet, tenez.

LÉO.

Nous sommes seuls… ce n’est pas un duel, cela.

FRANTZ.

C’est un combat !... Moi, pour mon parti, vous, pour le vôtre !

LÉO.

A demain ! monsieur.

FRANTZ, avec violence.

Monsieur Léo Burckart ! vous voulez que je vous insulte ; d’abord, soyez tranquille, nous ne sortirons pas d’ici… vous ne donnerez pas d’ordres ; et, s’il entre quelqu’un, je vous tue, malgré vos airs de grandeur ; vous comprenez que je suis déshonoré, si je reparais devant mes frères sans les avoir délivrés de vous… Rien ne doit donc me coûter, monsieur. Je suis déjà venu ici ce soir, j’y devais revenir encore ; non pour vous, mais pour votre femme !... je l’aime, votre femme !… et c’est une clef qu’elle m’a donnée, qui m’a ouvert votre maison !

LÉO, s’élançant.

Oh ! nous n’avons plus qu’un pistolet, monsieur ; mais, tenez, j’ai là deux épées…

______

SCÈNE VI.

LES MÊMES, MARGUERITE.

MARGUERITE.

Vous dites là des choses indignes, monsieur Frantz !… Je vous écoutais, j’attendais cela : vous trompez mon mari, monsieur, vous vous vantez !… vous me déshonorez sans fruit, il ne vous croira pas ! Je vous avais accordé un entretien comme ami, non comme amant !… j’ai eu quelque pitié pour vous, non de l’amour !… vous vous êtes abusé bien tristement. Mon mari sait tout, je lui ai tout dit. Sortez donc, vous n’avez pas le droit d’être ici… Allez attendre à la porte, au coin d’une rue, celui que vous avez mission d’assassiner !

LÉO.

Tu es une noble et digne femme !

MARGUERITE.

Votre femme, c’est le titre qui m’est le plus cher.

FRANTZ, reculant et balbutiant.

Madame !… vous me jugez mal… madame, je voudrais vous dire…

LÉO.

Abrégeons. Demain, à midi, je n’appartiens plus à l’état… Vous pensiez sauver vos amis en m’arrêtant par un duel ; vous vous trompez (Montrant une pendule), à l’heure qu’il est, ceux que vous appelez vos frères sont arrêtés, non comme conspirateurs, mais comme assassins du comte de Waldeck. Je puis témoigner que vous n’avez en rien participé à ce meurtre effroyable, mais vous ferez bien de vous éloigner au plus tôt ; voici un sauf-conduit ; partez, quittez le royaume.

MARGUERITE.

Oui, partez, monsieur Frantz ; pardon si, dans un premier mouvement, je vous ai offensé… Partez, oubliez tout ce qui s’est passé, comme on oublie un rêve terrible, et nous… Eh bien ! nous conserverons de vous peut-être un bon et triste souvenir…

FRANTZ.

Merci, Marguerite… votre main ?

MARGUERITE.

La voilà.

Frantz lui baise la main.

FRANTZ.

Adieu, adieu !

Il sort.

MARGUERITE, se rapprochant de son mari.

Oh ! mon ami… c’est un homme de cœur pourtant, et nous l’avons trop humilié…

On entend un coup de pistolet.

LÉO.

Tenez… le voilà qui se relève !

FIN.

______

LÉO BURCKART, Les Universités d’Allemagne >>>

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