TEXTES
1824, Poésies diverses (manuscrit autographe)
1824, L’Enterrement de la Quotidienne (manuscrit autographe)
1824, Poésies et poèmes (manuscrit autographe)
1825, « Pour la biographie des biographes » (manuscrit autographe)
15 février 1826 (BF), Napoléon et la France guerrière, chez Ladvocat
6 mai 1826 (BF), Complainte sur l’immortalité de M. Briffaut, par Cadet Roussel, chez Touquet
6 mai 1826 (BF), Monsieur Dentscourt ou le Cuisinier d’un grand homme, chez Touquet
20 mai 1826 (BF), Les Hauts faits des Jésuites, par Beuglant, chez Touquet
12 août 1826 (BF), Épître à M. de Villèle (Mercure de France du XIXe siècle)
11 novembre 1826 (BF), Napoléon et Talma, chez Touquet
13 et 30 décembre 1826 (BF), L’Académie ou les membres introuvables, par Gérard, chez Touquet
16 mai 1827 (BF), Élégies nationales et Satires politiques, par Gérard, chez Touquet
29 juin 1827, La dernière scène de Faust (Mercure de France au XIXe siècle)
28 novembre 1827 (BF), Faust, tragédie de Goëthe, 1828, chez Dondey-Dupré
15 décembre 1827, A Auguste H…Y (Almanach des muses pour 1828)
1828? Faust (manuscrit autographe)
1828? Le Nouveau genre (manuscrit autographe)
mai 1829, Lénore. Ballade allemande imitée de Bürger (La Psyché)
août 1829, Le Plongeur. Ballade, (La Psyché)
octobre 1829, A Schmied. Ode de Klopstock (La Psyché)
24 octobre 1829, Robert et Clairette. Ballade allemande de Tiedge (Mercure de France au XIXe siècle)
21 novembre 1829, Chant de l’épée. Traduit de Korner (Mercure de France au XIXe siècle)
19 décembre 1829, Lénore. Traduction littérale de Bürger (Mercure de France au XIXe siècle)
janvier 1830, La Lénore de Bürger, nouvelle traduction littérale (La Psyché)
16 janvier 1830, Ma Patrie, de Klopstock (Mercure de France au XIXe siècle)
23 janvier 1830, Légende, par Goethe (Mercure de France au XIXe siècle)
6 février (BF) Poésies allemandes, Klopstock, Goethe, Schiller, Burger (Bibliothèque choisie)
13 février 1830, Les Papillons (Mercure de France au XIXe siècle)
13 février 1830, Appel, par Koerner (1813) (Mercure de France au XIXe siècle)
13 mars 1830, L’Ombre de Koerner, par Uhland, 1816 (Mercure de France au XIXe siècle)
27 mars 1830, La Nuit du Nouvel an d’un malheureux, de Jean-Paul Richter (La Tribune romantique)
29 avril 1830, La Pipe, chanson traduite de l’allemand, de Pfeffel (La Tribune romantique)
13 mai 1830 Le Cabaret de la mère Saguet (Le Gastronome)
mai 1830, M. Jay et les pointus littéraires (La Tribune romantique)
juillet ? 1830, Récit des journées des 27-29 juillet (manuscrit autographe)
14 août 1830, Le Peuple (Mercure de France au XIXe siècle)
11 décembre 1830, A Victor Hugo. Les Doctrinaires (Almanach des muses pour 1831)
29 décembre 1830, La Malade (Le Cabinet de lecture )
29 janvier 1831, Odelette, Le Vingt-cinq mars (Almanach dédié aux demoiselles)
14 mars 1831, En avant, marche! (Cabinet de lecture)
23 avril 1831, Bardit, traduit du haut-allemand (Mercure de France au XIXe siècle)
7 mai 1831, Profession de foi (Mercure de France au XIXe siècle)
25 juin et 9 juillet 1831, Nicolas Flamel, drame-chronique (Mercure de France au XIXe siècle)
4 décembre 1831, Cour de prison, Le Soleil et la gloire (Le Cabinet de lecture)
17 décembre 1831, Fantaisie, odelette (Annales romantiques pour 1832)
24 septembre 1832, La Main de gloire, histoire macaronique (Le Cabinet de lecture)
14 décembre 1834, Odelettes (Annales romantiques pour 1835)
1835-1838 ? Lettres d’amour (manuscrits autographes)
26 mars et 20 juin 1836, De l’Aristocratie en France (Le Carrousel)
20 et 26 mars 1837, De l’avenir de la tragédie (La Charte de 1830)
12 août 1838, Les Bayadères à Paris (Le Messager)
18 septembre 1838, A M. B*** (Le Messager)
2 octobre 1838, La ville de Strasbourg. A M. B****** (Le Messager)
26 octobre 1838, Lettre de voyage. Bade (Le Messager)
31 octobre 1838, Lettre de voyage. Lichtenthal (Le Messager)
24 novembre 1838, Léo Burckart (manuscrit remis à la censure)
25, 26 et 28 juin 1839, Le Fort de Bitche. Souvenir de la Révolution française (Le Messager)
13 juillet 1839 (BF) Léo Burckart, chez Barba et Desessart
19 juillet 1839, « Le Mort-vivant », drame de M. de Chavagneux (La Presse)
15 et 16-17 août 1839, Les Deux rendez-vous, intermède (La Presse)
17 et 18 septembre 1839, Biographie singulière de Raoul Spifamme, seigneur des Granges (La Presse)
28 janvier 1840, Lettre de voyage I (La Presse)
25 février 1840, Le Magnétiseur
5 mars 1840, Lettre de voyage II (La Presse)
8 mars 1840, Lettre sur Vienne (L’Artiste)
26 mars 1840, Lettre de voyage III (La Presse)
28 juin 1840, Lettre de voyage IV, Un jour à Munich (La Presse)
18 juillet 1840 (BF) Faust de Goëthe suivi du second Faust, chez Gosselin
26 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort I (La Presse)
29 juillet, 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort II (La Presse)
30 juillet 1840, Allemagne du Nord - Paris à Francfort III (La Presse)
11 février 1841, Une Journée à Liège (La Presse)
18 février 1841, L’Hiver à Bruxelles (La Presse)
1841 ? Première version d’Aurélia (feuillets autographes)
février-mars 1841, Lettre à Muffe, (sonnets, manuscrit autographe)
1841 ? La Tête armée (manuscrit autographe)
mars 1841, Généalogie dite fantastique (manuscrit autographe)
1er mars 1841, Jules Janin, Gérard de Nerval (Journal des Débats)
5 mars 1841, Lettre à Edmond Leclerc
7 mars 1841, Les Amours de Vienne (Revue de Paris)
31 mars 1841, Lettre à Auguste Cavé
11 avril 1841, Mémoires d’un Parisien. Sainte-Pélagie en 1832 (L’Artiste)
9 novembre 1841, Lettre à Ida Ferrier-Dumas
novembre? 1841, Lettre à Victor Loubens
10 juillet 1842, Les Vieilles ballades françaises (La Sylphide)
15 octobre 1842, Rêverie de Charles VI (La Sylphide)
24 décembre 1842, Un Roman à faire (La Sylphide)
19 et 26 mars 1843, Jemmy O’Dougherty (La Sylphide)
11 février 1844, Une Journée en Grèce (L’Artiste)
10 mars 1844, Le Roman tragique (L’Artiste)
17 mars 1844, Le Boulevard du Temple, 1re livraison (L’Artiste)
31 mars 1844, Le Christ aux oliviers (L’Artiste)
5 mai 1844, Le Boulevard du Temple 2e livraison (L’Artiste)
12 mai 1844, Le Boulevard du Temple, 3e livraison (L’Artiste)
2 juin 1844, Paradoxe et Vérité (L’Artiste)
30 juin 1844, Voyage à Cythère (L’Artiste)
28 juillet 1844, Une Lithographie mystique (L’Artiste)
11 août 1844, Voyage à Cythère III et IV (L’Artiste)
15 septembre, Diorama (L’Artiste-Revue de Paris)
29 septembre 1844, Pantaloon Stoomwerktuimaker (L’Artiste)
20 octobre 1844, Les Délices de la Hollande I (La Sylphide)
8 décembre 1844, Les Délices de la Hollande II (La Sylphide)
16 mars 1845, Pensée antique (L’Artiste)
19 avril 1845 (BF), Le Diable amoureux par J. Cazotte, préface de Nerval, chez Ganivet
1er juin 1845, Souvenirs de l’Archipel. Cérigo (L’Artiste-Revue de Paris)
6 juillet 1845, L’Illusion (L’Artiste-Revue de Paris)
5 octobre 1845, Strasbourg (L’Artiste-Revue de Paris)
novembre-décembre 1845, Le Temple d’Isis. Souvenir de Pompéi (La Phalange)
28 décembre 1845, Vers dorés (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste I (L’Artiste-Revue de Paris)
15 mars 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste II (L’Artiste-Revue de Paris)
1er mai 1846, Les Femmes du Caire. Scènes de la vie égyptienne (Revue des Deux Mondes)
17 mai 1846, Sensations d’un voyageur enthousiaste III (L’Artiste-Revue de Paris)
12 juillet 1846 Sensations d’un voyageur enthousiaste IV (L’Artiste-Revue de Paris)
16 août 1846, Un Tour dans le Nord. Angleterre et Flandre (L’Artiste-Revue de Paris)
30 août 1846, De Ramsgate à Anvers (L’Artiste-Revue de Paris)
20 septembre 1846, Une Nuit à Londres (L’Artiste-Revue de Paris)
1er novembre 1846, Un Tour dans le Nord III (L’Artiste-Revue de Paris)
22 novembre 1846, Un Tour dans le Nord IV (L’Artiste-Revue de Paris)
15 décembre 1846, Scènes de la vie égyptienne moderne. La Cange du Nil (Revue des Deux Mondes)
1847, Scénario des deux premiers actes des Monténégrins
15 février 1847, La Santa-Barbara. Scènes de la vie orientale (Revue des Deux Mondes)
15 mai 1847, Les Maronites. Un Prince du Liban (Revue des Deux Mondes)
15 août 1847, Les Druses (Revue des Deux Mondes)
17 octobre 1847, Les Akkals (Revue des Deux Mondes)
21 novembre 1847, Souvenirs de l’Archipel. Les Moulins de Syra (L’Artiste-Revue de Paris)
15 juillet 1848, Les Poésies de Henri Heine (Revue des Deux Mondes)
15 septembre 1848, Les Poésies de Henri Heine, L’Intermezzo (Revue des Deux Mondes)
1er-27 mars 1849, Le Marquis de Fayolle, 1re partie (Le Temps)
26 avril 16 mai 1849, Le Marquis de Fayolle, 2e partie (Le Temps)
6 octobre 1849, Le Diable rouge (Almanach cabalistique pour 1850)
7 mars-19 avril 1850, Les Nuits du Ramazan (Le National)
15 août 1850, Les Confidences de Nicolas, 1re livraison (Revue des Deux Mondes)
26 août 1850, Le Faust du Gymnase (La Presse)
1er septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 2e livraison (Revue des Deux Mondes)
9 septembre 1850, Excursion rhénane (La Presse)
15 septembre 1850, Les Confidences de Nicolas, 3e livraison (Revue des Deux Mondes)
18 et 19 septembre 1850, Les Fêtes de Weimar (La Presse)
1er octobre 1850, Goethe et Herder (L’Artiste-Revue de Paris)
24 octobre-22 décembre 1850, Les Faux-Saulniers (Le National)
29 décembre 1850, Les Livres d’enfants, La Reine des poissons (Le National)
novembre 1851, Quintus Aucler (Revue de Paris)
24 janvier 1852 (BF), L’Imagier de Harlem, Librairie théâtrale
15 juin 1852, Les Fêtes de mai en Hollande (Revue des Deux Mondes)
1er juillet 1852, La Bohême galante I (L’Artiste)
15 juillet 1852, La Bohême galante II (L’Artiste)
1er août 1852, La Bohême galante III (L’Artiste)
15 août 1852, La Bohême galante IV (L’Artiste)
21 août 1852 (BF), Lorely. Souvenirs d’Allemagne, chez Giraud et Dagneau (Préface à Jules Janin)
1er septembre 1852, La Bohême galante V (L’Artiste)
15 septembre 1852, La Bohême galante VI (L’Artiste)
1er octobre 1852, La Bohême galante VII (L’Artiste)
9 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 1re livraison (L’Illustration)
15 octobre 1852, La Bohême galante VIII (L’Artiste)
23 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 2e livraison (L’Illustration)
30 octobre 1852, Les Nuits d’octobre, 3e livraison (L’Illustration)
1er novembre 1852, La Bohême galante IX (L’Artiste)
6 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 4e livraison (L’Illustration)
13 novembre 1852, Les Nuits d’octobre, 5e livraison (L’Illustration)
15 novembre 1852, La Bohême galante X (L’Artiste)
20 novembre 1852, Les Illuminés, chez Victor Lecou (« La Bibliothèque de mon oncle »)
1er décembre 1852, La Bohême galante XI (L’Artiste)
15 décembre 1852, La Bohême galante XII (L’Artiste)
1er janvier 1853 (BF), Petits Châteaux de Bohême. Prose et Poésie, chez Eugène Didier
15 août 1853, Sylvie. Souvenirs du Valois (Revue des Deux Mondes)
14 novembre 1853, Lettre à Alexandre Dumas
25 novembre 1853-octobre 1854, Lettres à Émile Blanche
10 décembre 1853, Alexandre Dumas, Causerie avec mes lecteurs (Le Mousquetaire)
17 décembre 1853, Octavie (Le Mousquetaire)
1853-1854, Le Comte de Saint-Germain (manuscrit autographe)
28 janvier 1854 (BF) Les Filles du feu, préface, Les Chimères, chez Daniel Giraud
31 octobre 1854, Pandora (Le Mousquetaire)
25 novembre 1854, Pandora, épreuves du Mousquetaire
Pandora, texte reconstitué par Jean Guillaume en 1968
Pandora, texte reconstitué par Jean Senelier en 1975
30 décembre 1854, Promenades et Souvenirs, 1re livraison (L’Illustration)
1854 ? Sydonie (manuscrit autographe)
1854? Emerance (manuscrit autographe)
1854? Promenades et Souvenirs (manuscrit autographe)
janvier 1855, Oeuvres complètes (manuscrit autographe)
1er janvier 1855, Aurélia ou le Rêve et la Vie (Revue de Paris)
6 janvier 1855, Promenades et Souvenirs, 2e livraison (L’Illustration)
3 février 1855, Promenades et Souvenirs, 3e livraison (L’Illustration)
15 février 1855, Aurélia ou Le Rêve et la Vie, seconde partie (Revue de Paris)
15 mars 1855, Desiderata (Revue de Paris)
1866, La Forêt noire, scénario
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BF: annonce dans la Bibliographie de la France
Manuscrit autographe: manuscrit non publié du vivant de Nerval
14 avril 1850 — Les Nuits du Ramazan, dans Le National, 21e livraison.
Adoniram se présente devant Soliman pour solliciter son congé, mais il doit avant son départ procéder une dernière fois à la paie des ouvriers. Les trois compagnons traîtres profiteront de cette occasion pour tenter d’arracher à Adoniram les mots secrets qui les feraient accéder, selon le code maçonnique, à la dignité de maîtres.
Voir les notices ADONIRAM ET BALKIS et ÉLABORATION LITTÉRAIRE DU VOYAGE EN ORIENT
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LES NUITS DU RAMAZAN.
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SUITE DE L’HISTOIRE DE SOLIMAN ET DE LA REINE DU MATIN.
(Légende orientale du Compagnonnage.)
Adoniram s’avança d’un pas lent, et avec un visage assuré, jusqu’au siège massif où reposait le roi de Jérusalem. Après un salut respectueux, l’artiste attendit, suivant l’usage, que Soliman l’exhortât à parler.
— Enfin, maître, lui dit le prince, vous daignez, souscrivant à nos vœux, nous donner l’occasion de vous féliciter d’un triomphe... inespéré, et de vous témoigner notre gratitude. L’œuvre est digne de moi ; digne de vous, c’est plus encore. Quant à votre récompense, elle ne saurait être assez éclatante ; désignez-la vous-même : que souhaitez-vous de Soliman ?
— Mon congé, seigneur : les travaux touchent à leur terme ; on peut les achever sans moi. Ma destinée est de courir le monde ; elle m’appelle sous d’autres cieux, et je remets entre vos mains l’autorité dont vous m’avez investi. Ma récompense, c’est le monument que je laisse, et l’honneur d’avoir servi d’interprète aux nobles desseins d’un si grand roi.
— Votre demande nous afflige. J’espérais vous garder parmi nous avec un rang éminent à ma cour.
— Mon caractère, seigneur, répondrait mal à vos bontés. Indépendant par nature, solitaire par vocation, indifférent aux honneurs pour lesquels je ne suis point né, je mettrais souvent votre indulgence à l’épreuve. Les rois ont l’humeur inégale ; l’envie les environne et les assiège ; la fortune est inconstante : je l’ai trop éprouvé. Ce que vous appelez mon triomphe et ma gloire n’a-t-il pas failli me coûter l’honneur, peut-être la vie ?
— Je n’ai considéré comme échouée votre entreprise qu’au moment où votre voix a proclamé le résultat fatal, et je ne me targuerai point d’un ascendant supérieur au vôtre sur les esprits du feu...
— Nul ne gouverne ces esprits-là, si toutefois ils existent. Au surplus, ces mystères sont plus à la portée du respectable Sadoc que d’un simple artisan. Ce qui s’est passé durant cette nuit terrible, je l’ignore : la marche de l’opération a confondu mes prévisions. Seulement, seigneur, dans une heure d’angoisse, j’ai attendu vainement vos consolations, votre appui, et c’est pourquoi, au jour du succès, je n’ai plus songé à attendre vos éloges.
— Maître, c’est du ressentiment et de l’orgueil.
— Non, seigneur, c’est de l’humble et sincère équité. De la nuit où j’ai coulé la mer d’airain jusqu’au jour où je l’ai découverte, mon mérite n’a certes rien gagné, rien perdu. Le succès fait toute la différence... et, comme vous l’avez vu, le succès est dans la main de Dieu. Adonaï vous aime ; il a été touché de vos prières, et c’est moi seigneur, qui dois vous féliciter et vous crier merci !
— Qui me délivrera de l’ironie de cet homme ? pensait Soliman. — Vous me quittez sans doute pour accomplir ailleurs d’autres merveilles ? demanda-t-il ?
— Naguère encore, seigneur, je l’aurais juré. Des mondes s’agitaient dans ma tête embrasée ; mes rêves entrevoyaient des blocs de granit, des palais souterrains avec des forêts de colonnes, et la durée de nos travaux me pesait. Aujourd’hui, ma verve s’apaise, la fatigue me berce, le loisir me sourit, et il me semble que ma carrière est terminée...
Soliman crut entrevoir certaines lueurs tendres qui miroitaient autour des prunelles d’Adoniram. Son visage était grave, sa physionomie mélancolique, sa voix plus pénétrante que de coutume ; de sorte que Soliman, troublé, se dit : — Cet homme est très beau...
— Où comptez-vous aller, en quittant mes états ? demanda-t-il avec une feinte insouciance.
— A Tyr, répliqua sans hésiter l’artiste : je l’ai promis à mon protecteur, le bon roi Hiram, qui vous chérit comme un frère, et qui eut pour moi des bontés paternelles. Sous votre bon plaisir, je désire lui porter un plan, avec une vue en élévation, du palais, du temple, de la mer d’airain, ainsi que des deux grandes colonnes torses de bronze, Jakin et Booz, qui ornent la grande porte du temple.
— Qu’il en soit selon votre désir. Cinq cents cavaliers vous serviront d’escorte, et douze chameaux porteront les présens et les trésors qui vous sont destinés.
— C’est trop de complaisance : Adoniram n’emportera que son manteau. Ce n’est pas, seigneur, que je refuse vos dons. Vous êtes généreux ; ils seront considérables, et mon départ soudain mettrait votre trésor à sec sans profit pour moi. Ces biens que j’accepte, je les laisse en dépôt entre vos mains. Quand j’en aurai besoin, seigneur, je vous le ferai savoir.
— En d’autres termes, dit Soliman, maître Adoniram a l’intention de nous rendre son tributaire.
L’artiste sourit et répondit avec grâce :
— Seigneur, vous avez deviné ma pensée.
— Et peut-être se réserve-t-il un jour de traiter avec nous en dictant ses conditions.
Adoniram échangea avec le roi un regard fin et défiant.
— Quoi qu’il en soit, ajouta-t-il, je ne puis rien demander qui ne soit digne de la magnanimité de Soliman.
— Je crois, dit Soliman en pesant l’effet de ses paroles, que la reine de Saba a des projets en tête, et se propose d’employer votre talent...
— Seigneur, elle ne m’en a point parlé.
Cette réponse donnait cours à d’autres soupçons.
— Cependant, objecta Sadoc, votre génie ne l’a point laissée insensible. Partirez-vous sans lui faire vos adieux ?
— Mes adieux..., répéta Adoniram, et Soliman vit rayonner dans son œil une flamme étrange ; mes adieux. Si le roi le permet, j’aurai l’honneur de prendre congé d’elle.
— Nous espérions, repartit le prince, vous conserver pour les fêtes prochaines de notre mariage ; car vous savez...
Le front d’ Adoniram se couvrit d’une rougeur intense, et il ajouta sans amertume :
— Mon intention est de me rendre en Phénicie sans délai.
— Puisque vous l’exigez, maître, vous êtes libre : j’accepte votre congé...
— A partir du coucher du soleil, objecta l’artiste. Il me reste à payer les ouvriers, et je vous prie, seigneur, d’ordonner à votre intendant Azarias de faire porter au comptoir établi au pied de la colonne de Jakïn l’argent nécessaire. Je solderai comme à l’ordinaire, sans annoncer mon départ, afin d’éviter le tumulte des adieux.
— Sadoc, transmettez cet ordre à votre fils Azarias. Un mot encore : Qu’est-ce que trois compagnons nommés Phanor, Amrou et Méthousaël ?
— Trois pauvres ambitieux honnêtes, mais sans talent. Ils aspiraient au titre de maîtres, et m’ont pressé de leur livrer le mot de passe, afin d’avoir droit à un salaire plus fort. A la fin, ils ont entendu raison, et tout récemment j’ai eu à me louer de leur bon cœur.
— Maître, il est écrit : « Crains le serpent blessé qui se replie. » Connaissez mieux les hommes : ceux-là sont vos ennemis ; ce sont eux qui ont, par leurs artifices, causé les accidens qui ont risqué de faire échouer le coulage de la mer d’airain.
— Et comment savez-vous, seigneur ?...
— Croyant tout perdu, confiant dans votre prudence, j’ai cherché les causes occultes de la catastrophe, et comme j’errais parmi les groupes, ces trois hommes, se croyant seuls, ont parlé.
— Leur crime a fait périr beaucoup de monde. Un tel exemple serait dangereux ; c’est à vous qu’il appartient de statuer sur leur sort. Cet accident me coûte la vie d’un enfant que j’aimais, d’un artiste habile : Benoni, depuis lors, n’a pas reparu. Enfin, seigneur, la justice est le privilège des rois.
— Elle sera faite à chacun. Vivez heureux, maître Adoniram, Soliman ne vous oubliera pas.
Adoniram, pensif, semblait indécis et combattu. Tout à coup, cédant à un moment d’émotion :
— Quoi qu’il advienne, seigneur, soyez à jamais assuré de mon respect, de mes pieux souvenirs, de la droiture de mon cœur. Et si le soupçon venait à votre esprit, dites-vous : comme la plupart des humains, Adoniram ne s’appartenait pas ; il fallait qu’il accomplît ses destinées !
— Adieu, maître... accomplissez vos destinées !
Ce disant, le roi lui tendit une main sur laquelle l’artiste s’inclina avec humilité ; mais il n’y posa point ses lèvres, et Soliman tressaillit.
— Eh bien ! murmura Sadoc en voyant Adoniram s’éloigner ; eh bien ! qu’ordonnez-vous, seigneur ?
— Le silence le plus profond, mon père ; je ne me fie désormais qu’à moi seul. Sachez-le bien, je suis le roi. Obéir sous peine de disgrâce et se taire sous peine de la vie, voilà votre lot... Allons, vieillard, ne tremble pas : le souverain qui te livre ses secrets pour t’instruire est un ami. Fais appeler ces trois ouvriers enfermés dans le temple ; je veux les questionner encore.
Amrou et Phanor comparurent avec Méthousaël : derrière eux se rangèrent les sinistres muets, le sabre à la main.
— J’ai pesé vos paroles, dit Soliman d’un ton sévère, et j’ai vu Adoniram, mon serviteur. Est-ce l’équité, est-ce l’envie qui vous anime contre lui ? Comment de simples compagnons osent-ils juger leur maître ? Si vous étiez des hommes notables et des chefs parmi vos frères, votre témoignage serait moins suspect. Mais non : avides, ambitieux du titre de maître, vous n’avez pu l’obtenir, et le ressentiment aigrit vos cœurs.
— Seigneur, dit Méthousaël en se prosternant, vous voulez nous éprouver. Mais, dût-il m’en coûter la vie, je soutiendrai qu’Adoniram est un traître ; en conspirant sa perte, j’ai voulu sauver Jérusalem de la tyrannie d’un perfide qui prétendait asservir mon pays à des hordes étrangères. Ma franchise imprudente est la plus sûre garantie de ma fidélité.
— Il ne me sied point d’ajouter foi à des hommes méprisables, aux esclaves de mes serviteurs. La mort a créé des vacances dans le corps des maîtrises : Adoniram demande à se reposer, et je tiens, comme lui, à trouver parmi les chefs des gens dignes de ma confiance. Ce soir, après la paie, sollicitez près de lui l’initiation des maîtres ; il sera seul... Sachez faire entendre vos raisons. Par là je connaîtrai que vous êtes laborieux, éminens dans votre art et bien placés dans l’estime de vos frères. Adoniram est éclairé : ses décisions font loi. Dieu l’a-t-il abandonné jusqu’ici ? a-t-il signalé sa réprobation par un de ces avertissemens sinistres, par un de ces coups terribles dont son bras invisible sait atteindre les coupables ? Eh bien ! que Jéhova soit juge entre vous : si la faveur d’Adoniram vous distingue, elle sera pour moi une marque secrète que le ciel se déclare pour vous, et je veillerai sur Adoniram. Sinon, s’il vous dénie le grade de maîtrise, demain vous comparaîtrez avec lui devant moi ; j’entendrai l’accusation et la défense entre vous et lui : les anciens du peuple prononceront. Allez, méditez sur mes paroles, et qu’Adonaï vous éclaire.
Soliman se leva de son siège, et, s’appuyant sur l’épaule du grand-prêtre impassible, il s’éloigna lentement.
Les trois hommes se rapprochèrent vivement dans une pensée commune. — Il faut lui arracher le mot de passe ! dit Phanor.
— Ou qu’il meure ! ajouta le Phénicien Amrou.
— Qu’il nous livre le mot de passe des maîtres et qu’il meure ! s’écria Méthousaël.
Leurs mains s’unirent pour un triple serment. Près de franchir le seuil, Soliman, se détournant, les observa de loin, respira avec force, et dit à Sadoc : — Maintenant, tout au plaisir !... Allons trouver la reine.
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18 avril 1850 — Les Nuits du Ramazan, dans Le National, 22e livraison.
Au cours d’une dernière entrevue, Balkis et Soliman s’affrontent : entre la tradition juive d’asservissement de la femme dans laquelle Soliman entend enfermer Balkis, et l’indépendance altière de celle-ci, fondée sur la noblesse de sa race, aucun compromis n’est possible. Et tandis qu’aviné, Soliman s’endort d’un lourd sommeil, Balkis s’esquive et reprend la route de l’Yemen, croisant en chemin une petite troupe qui emporte un homme mort dont elle ignore qu’il s’agit d’Adoniram.
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LES NUITS DU RAMAZAN.
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SUITE DE L’HISTOIRE DE SOLIMAN ET DE LA REINE DU MATIN.
(Légende orientale du Compagnonnage.)
A la séance suivante le conteur reprit :
Le soleil commençait à baisser ; l’haleine enflammée du désert embrasait les campagnes illuminées par les reflets d’un amas de nuages cuivreux ; l’ombre de la colline de Moria projetait seule un peu de fraîcheur sur le lit desséché du Cédron ; les feuilles s’inclinaient mouvantes, et les fleurs consumées des lauriers-roses pendaient éteintes et froissées ; les caméléons, les salamandres, les lézards frétillaient parmi les roches, et les bosquets avaient suspendu leurs chants, comme les ruisseaux avaient tari leurs murmures.
Soucieux et glacé durant cette journée ardente et morne, Adoniram, comme il l’avait annoncé à Soliman, était venu prendre congé de sa royale amante, préparée à une séparation qu’elle avait elle-même demandée. — Partir avec moi, avait-elle dit, ce serait affronter Soliman, l’humilier à la face de son peuple, et joindre un outrage à la peine que les puissances éternelles m’ont contrainte à lui causer. Rester ici après mon départ, cher époux, ce serait chercher votre mort. Le roi vous jalouse, et ma fuite ne laisserait à son ressentiment d’autre victime que vous.
— Eh bien ! partageons la destinée des enfans de notre race, et soyons sur la terre errans et dispersés. J’ai promis à ce roi d’aller à Tyr. Soyons sincères dès que votre vie n’est plus à la merci d’un mensonge. Cette nuit même, je m’acheminerai vers la Phénicie, où je ne séjournerai guère avant d’aller vous rejoindre dans l’Yémen, par les frontières de la Syrie, de l’Arabie pierreuse, et en suivant les défilés des monts Cassanites. Hélas ! reine chérie, faut-il déjà vous quitter, vous abandonner sur une terre étrangère, à la merci d’un despote amoureux !
— Rassurez-vous, mon seigneur, mon âme est toute à vous, mes serviteurs sont fidèles et ces dangers s’évanouiront devant ma prudence. Orageuse et sombre sera la nuit prochaine qui cachera ma fuite. Quant à Soliman, je le hais ; ce sont mes états qu’il convoite : il m’a environnée d’espions ; il a cherché à séduire mes serviteurs, à suborner mes officiers, à traiter avec eux de la remise de mes forteresses. S’il eût acquis des droits sur ma personne, jamais je n’aurais revu l’heureux Yémen. Il m’avait extorqué une promesse, il est vrai ; mais qu’est-ce que mon parjure au prix de sa déloyauté ? Etais-je libre, d’ailleurs, de ne point le tromper, lui qui tout à l’heure m’a fait signifier, avec des menaces mal déguisées, que son amour est sans bornes et sa patience à bout ?
— Il faut soulever les corporations !
— Elles attendent leur solde ; elles ne bougeraient pas. A quoi bon se jeter dans des hasards si périlleux ? Cette déclaration, loin de m’alarmer, me satisfait ; je l’avais prévue, et je l’attendais impatiente. Allez en paix, mon bien-aimé, Balkis ne sera jamais qu’à vous !
— Adieu donc, reine : il faut quitter cette tente où j’ai trouvé un bonheur que je n’avais jamais rêvé. Il faut cesser de contempler celle qui est pour moi la vie. Vous reverrai-je ? hélas ! et ces rapides instans auront-ils passé comme un songe ?
— Non, Adoniram ; bientôt, réunis pour toujours... Mes rêves, mes pressentimens, d’accord avec l’oracle des génies, m’assurent de la durée de notre race, et j’emporte avec moi un gage précieux de notre hymen. Vos genoux recevront ce fils destiné à nous faire renaître et à affranchir l’Yémen et l’Arabie entière du faible joug des héritiers de Soliman. Un double attrait vous appelle ; une double affection vous attache à celle qui vous aime, et vous reviendrez.
Adoniram, attendri, appuya ses lèvres sur une main où la reine avait laissé tomber des pleurs, et, rappelant son courage, il jeta sur elle un long et dernier regard ; puis, se détournant avec effort, il laissa retomber derrière lui le rideau de la tente, et regagna le bord du Cédron.
C’est à Mello que Soliman, partagé entre la colère, l’amour, le soupçon et des remords anticipés, attendait, livré à de vives angoisses, la reine souriante et désolée, tandis qu’Adoniram, s’efforçant d’enfouir sa jalousie dans les profondeurs de son chagrin, se rendait au temple pour payer les ouvriers avant de prendre le bâton de l’exil. Chacun de ces personnages pensait triompher de son rival, et comptait sur un mystère pénétré de part et d’autre. La reine déguisait son but, et Soliman, trop bien instruit, dissimulait à son tour, demandant le doute à son amour-propre ingénieux.
Du sommet des terrasses de Mello, il examinait la suite de la reine de Saba, qui serpentait le long du sentier d’Emathie, et au-dessus de Balkis, les murailles empourprées du temple où régnait encore Adoniram, et qui faisaient briller sur un nuage sombre leurs arêtes vives et dentelées. Une moiteur froide baignait la tempe et les joues pâles de Soliman ; son œil agrandi dévorait l’espace. La reine fit son entrée, accompagnée de ses principaux officiers et des gens de son service, qui se mêlèrent à ceux du roi.
Durant la soirée, le prince parut préoccupé ; Balkis se montra froide et presque ironique : elle savait Soliman épris. Le souper fut silencieux ; les regards du roi, furtifs ou détournés avec affectation, paraissaient fuir l’impression de ceux de la reine, qui, tour à tour abaissés ou soulevés par une flamme languissante et contenue, ranimaient en Soliman des illusions dont il voulait rester maître. Son air absorbé dénotait quelque dessein. Il était fils de Noé, et la princesse observa que, fidèle aux traditions du père de la vigne, il demandait au vin la résolution qui lui manquait. Les courtisans s’étant retirés, des muets remplacèrent les officiers du prince ; et comme la reine était servie par ses gens, elle substitua aux Sabéens des Nubiens, à qui le langage hébraïque était inconnu.
— Madame, dit avec gravité Soliman-Ben-Daoud, une explication est nécessaire entre nous.
— Cher seigneur, vous allez au-devant de mon désir.
— J’avais pensé que, fidèle à la foi donnée, la princesse de Saba, plus qu’une femme, était une reine...
— Et c’est le contraire, interrompit vivement Balkis ; je suis plus qu’une reine, seigneur, je suis femme. Qui n’est sujet à l’erreur ? Je vous ai cru sage ; puis, je vous ai cru amoureux... C’est moi qui subis le plus cruel mécompte.
Elle soupira.
— Vous le savez trop bien que je vous aime, repartit Soliman ; sans quoi vous n’auriez pas abusé de votre empire, ni foulé à vos pieds un cœur qui se révolte, à la fin.
— Je comptais vous faire les mêmes reproches. Ce n’est pas moi que vous aimez, seigneur, c’est la reine. Et franchement, suis-je d’un âge à ambitionner un mariage de convenance ? Eh bien, oui, j’ai voulu sonder votre âme : plus délicate que la reine, la femme, écartant la raison d’état, a prétendu jouir de son pouvoir : être aimée, tel était son rêve. Reculant l’heure d’acquitter une promesse subitement surprise, elle vous a mis à l’épreuve ; elle espérait que vous ne voudriez tenir votre victoire que de son cœur, et elle s’est trompée ; vous avez procédé par sommations, par menaces ; vous avez employé avec mes serviteurs des artifices politiques, et déjà vous êtes leur souverain plus que moi-même. J’espérais un époux, un amant ; j’en suis à redouter un maître. Vous le voyez, je parle avec sincérité !
— Si Soliman vous eût été cher, n’auriez-vous point excusé des fautes causées par l’impatience de vous appartenir ? Mais non, votre pensée ne voyait en lui qu’un objet de haine ; ce n’est pas pour lui que...
— Arrêtez, seigneur, et n’ajoutez pas l’offense à des soupçons qui m’ont blessée. La défiance excite la défiance, la jalousie intimide un cœur, et, je le crains, l’honneur que vous vouliez me faire eût coûté cher à mon repos et à ma liberté.
Le roi se tut, n’osant, de peur de tout perdre, s’engager plus avant sur la foi d’un vil et perfide espion.
La reine reprit avec une grâce familière et charmante :
— Ecoutez, Soliman, soyez vrai, soyez vous-même, soyez aimable. Mon illusion m’est chère encore... mon esprit est combattu ; mais, je le sens, il me serait doux d’être rassurée.
— Ah ! que vous banniriez tout souci, Balkis, si vous lisiez dans ce cœur où vous régnez sans partage ! Oublions mes soupçons et les vôtres, et consentez enfin à mon bonheur. Fatale puissance des rois ! Que ne suis-je aux pieds de Balkis, fille des pâtres, un simple Arabe du désert !
— Votre vœu s’accorde avec les miens, et vous m’avez comprise. Oui, ajouta-t-elle, en approchant de la chevelure du roi son visage à la fois candide et passionné ; oui, c’est l’austérité du mariage hébreu qui me glace et m’effraie : l’amour, l’amour seul m’eût entraînée si...
— Si ? achevez, Balkis ! l’accent de votre voix me pénètre et m’embrase...
— Non, non... qu’allais-je dire, et quel éblouissement soudain ?... Ces vins si doux ont leur perfidie, et je me sens tout agitée.
Soliman fit un signe ; les muets et les Nubiens remplirent les coupes, et le roi vida la sienne d’un seul trait, en observant avec satisfaction que Balkis en faisait autant.
— Il faut avouer, poursuivit la princesse avec enjouement, que le mariage, suivant le rite juif, n’a pas été établi à l’usage des reines, et qu’il présente des conditions fâcheuses.
— Est-ce là ce qui vous rend incertaine ? demanda Soliman en dardant sur elle des yeux accablés d’une certaine langueur.
— N’en doutez pas. Sans parler du désagrément de s’y préparer par des jeûnes qui enlaidissent, n’est-il pas douloureux de livrer sa chevelure au ciseau, et d’être enveloppée de coiffes le reste de ses jours ? A la vérité, ajouta-t-elle en déroulant de magnifiques tresses d’ébène, nous n’avons pas de riches atours à perdre.
— Nos femmes, objecta Soliman, ont la liberté de remplacer leurs cheveux par des touffes de plumes de coq agréablement frisées.
La reine sourit avec quelque dédain. — Puis, dit-elle, chez vous, l’homme achète la femme comme une esclave ou une servante ; il faut même qu’elle vienne s’offrir humblement à la porte du fiancé. Enfin, la religion n’est pour rien dans ce contrat tout semblable à un marché, et l’homme, en recevant sa compagne, étend la main sur elle en lui disant : Mekudescheth-li (1); en bon hébreu : Tu m’es consacrée. De plus, vous avez la faculté de la répudier, de la trahir et même de la faire lapider sur le plus léger prétexte... Autant je pourrais être fière d’être aimée de Soliman, autant je redouterais de l’épouser.
— Aimée ! s’écria le prince en se soulevant du divan où il reposait ; être aimée, vous ! jamais femme exerça-t-elle un empire plus absolu ? j’étais irrité ; vous m’apaisez à votre gré ; des préoccupations sinistres me troublaient ; je m’efforce à les bannir. Vous me trompez, je le sens, et je conspire avec vous à abuser Soliman...
Balkis éleva sa coupe au-dessus de sa tête en se détournant par un mouvement voluptueux. Les deux esclaves remplirent les hanaps et se retirèrent.
La salle du festin demeura déserte ; la clarté des lampes, en s’affaiblissant, jetait de mystérieuses lueurs sur Soliman pâle, les yeux ardens, la lèvre frémissante et décolorée. Une langueur étrange s’emparait de lui : Balkis le contemplait avec un sourire équivoque.
Tout à coup il se souvint... et bondit sur sa couche.
— Femme, s’écria-t-il, n’espérez plus vous jouer de l’amour d’un roi... la nuit nous protège de ses voiles, le mystère nous environne, une flamme ardente parcourt tout mon être ; la rage et la passion m’enivrent. Cette heure m’appartient, et si vous êtes sincère, vous ne me déroberez plus un bonheur si chèrement acheté. Régnez, soyez libre ; mais ne repoussez pas un prince qui se donne à vous, que le désir consume, et qui, dans ce moment, vous disputerait aux puissances de l’enfer.
Confuse et palpitante, Balkis répondit en baissant les yeux :
— Laissez-moi le temps de me reconnaître ; ce langage est nouveau pour moi...
— Non ! interrompit Soliman en délire, en achevant de vider la coupe où il puisait tant d’audace ; non, ma constance est à son terme. Femme, tu seras à moi, je le jure. Si tu me trompais... je serai vengé ; si tu m’aimes, un amour éternel achètera mon pardon.
Il étendit les mains pour enlacer la jeune fille, mais il n’embrassa qu’une ombre ; la reine s’était reculée doucement, et les bras du fils de Daoud retombèrent appesantis. Sa tête s’inclina ; il garda le silence, et, tressaillant soudain, se mit sur son séant... Ses yeux étonnés se dilatèrent avec effort ; il sentait le désir expirer dans son sein, et les objets vacillaient sur sa tête. Sa figure morne et blême, encadrée d’une barbe noire, exprimait une terreur vague ; ses lèvres s’entrouvrirent sans articuler aucun son, et sa tête, accablée du poids du turban, retomba sur les coussins du lit. Garrotté par des liens invisibles et pesans, il les secouait par la pensée, et ses membres n’obéissaient plus à son effort imaginaire.
La reine s’approcha, lente et grave ; il la vit avec effroi, debout, la joue appuyée sur ses doigts repliés, tandis que de l’autre main elle faisait un support à son coude. Elle l’observait ; il l’entendit parler et dire :
— Le narcotique opère...
La prunelle noire de Soliman tournoya dans l’orbite blanc de ses grands yeux de sphinx, et il resta immobile. — Eh bien, poursuivit-elle, j’obéis, je cède, je suis à vous !...
Elle s’agenouilla et toucha la main glacée de Soliman, qui exhala un profond soupir.
— Il entend encore... murmura-t-elle. — Ecoute, roi d’Israël, toi qui imposes au gré de ta puissance l’amour avec la servitude et la trahison, écoute : j’échappe à ton pouvoir. Mais si la femme t’abusa, la reine ne t’aura point trompé. J’aime, et ce n’est pas toi ; les destins ne l’ont point permis. Issue d’une lignée supérieure à la tienne, j’ai dû, pour obéir aux génies qui me protègent, choisir un époux de mon sang. Ta puissance expire devant la leur ; oublie-moi. Qu’Adonaï te choisisse une compagne. Il est grand et généreux : ne t’a-t-il pas donné la sagesse, et bien payé de tes services en cette occasion ? Je t’abandonne à lui, et te retire l’inutile appui des génies que tu dédaignes et que tu n’as pas su commander...
Et Balkis, s’emparant du doigt où elle voyait briller le talisman de l’anneau qu’elle avait donné à Soliman, se disposa à le reprendre ; mais la main du roi, qui respirait péniblement, se contractant par un sublime effort, se referma crispée, et Balkis s’efforça inutilement de la rouvrir.
Elle allait parler de nouveau, lorsque la tête de Soliman-Ben-Daoud se renversa en arrière, les muscles de son cou se détendirent, sa bouche s’entrouvrit, ses yeux à demi clos se ternirent ; son âme s’était envolée dans le pays des rêves.
Tout dormait dans le palais de Mello, hormis les serviteurs de la reine de Saba, qui avaient assoupi leurs hôtes. Au loin grondait la foudre ; le ciel noir était sillonné d’éclairs ; les vents déchaînés dispersaient la pluie sur les montagnes.
Un coursier d’Arabie, noir comme la tombe, attendait la princesse, qui donna le signal de la retraite, et bientôt le cortège, tournant le long des ravines autour de la colline de Sion, descendit dans la vallée de Josaphat. On traversa à gué le Cédron, qui déjà s’enflait des eaux pluviales pour protéger cette fuite ; et, laissant à droite le Thabor couronné d’éclairs, on parvint à l’angle du jardin des oliviers et du chemin montueux de Béthanie.
— Suivons cette route, dit la reine à ses gardes ; nos chevaux sont agiles ; à cette heure, les tentes sont repliées, et nos gens s’acheminent déjà vers le Jourdain. Nous les retrouverons à la deuxième heure du jour au delà du lac Salé, d’où nous gagnerons les défilés des monts d’Arabie.
Et lâchant la bride à sa monture, elle sourit à la tempête en songeant qu’elle en partageait les disgrâces avec son cher Adoniram sans doute errant sur la route de Tyr.
Au moment où ils s’engageaient dans le sentier de Béthanie, le sillage des éclairs démasqua un groupe d’hommes qui le traversaient en silence, et qui s’arrêtèrent stupéfaits au bruit de ce cortège de spectres chevauchant dans les ténèbres.
Balkis et sa suite passèrent devant eux, et l’un des gardes s’étant avancé pour les reconnaître, dit à voix basse à la reine :
— Ce sont trois hommes qui emportent un mort enveloppé d’un linceul.
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(1) En Orient, encore aujourd’hui, les juives mariées sont obligées de substituer des plumes à leurs cheveux, qui doivent rester coupés à la hauteur des oreilles et cachés sous leur coiffure.
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20 avril 1850 — Les Nuits du Ramazan, dans Le National, 23e livraison.
Tandis que dans la nuit et l’orage le cortège de Balkis s’éloigne de Jérusalem, sur le chemin de Béthanie, Adoniram est assassiné et rapidement inhumé par les trois compagnons : « Méthousaël, arrachant une jeune tige d’acacia, la planta dans le sol fraîchement labouré sous lequel reposait la victime. Pendant ce temps-là, Balkis fuyait à travers les vallées ; la foudre déchirait les cieux, et Soliman dormait » À son réveil, fou de colère, Salomon songe vainement à poursuivre Balkis, puis fait rechercher le cadavre d’Adoniram. Désormais, le mot de passe maçonnique des compagnons maîtres sera « MAKBÉNACH, qui signifie : LA CHAIR QUITTE LES OS » en souvenir du corps retrouvé.
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LES NUITS DU RAMAZAN.
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SUITE DE L’HISTOIRE DE SOLIMAN ET DE LA REINE DU MATIN.
(Légende orientale du Compagnonnage.)
A la séance suivante, les auditeurs étaient agités par des idées contraires. Quelques-uns refusaient d’admettre la tradition suivie par le narrateur. Ils prétendaient que la reine de Saba avait eu réellement un fils de Soliman et non d’un autre. L’Abyssinien surtout se croyait outragé dans ses convictions religieuses par la supposition que ses souverains ne fussent que les descendans d’un ouvrier.
— Tu as menti, criait-il au rhapsode. Le premier de nos rois d’Abyssinie s’appelait Ménilek, et il était bien véritablement fils de Soliman et de Belkis-Makéda. Son descendant règne encore sur nous à Gondar.
— Frère, dit un Persan, laisse-nous écouter jusqu’à la fin, sinon tu te feras jeter dehors comme cela est arrivé déjà l’autre nuit. Cette légende est orthodoxe à notre point de vue, et si ton petit Prêtre Jean d’Abyssinie (1) tient à descendre de Soliman, nous lui accorderons que c’est par quelque noire éthiopienne, et non par la reine Balkis, qui appartenait à notre couleur.
Le cafetier interrompit la réponse furieuse que se préparait à faire l’Abyssinien, et rétablit le calme avec peine.
Le conteur reprit :
Tandis que Soliman accueillait à sa maison des champs la princesse des Sabéens, un homme passant sur les hauteurs de Moria, regardait pensif le crépuscule qui s’éteignait dans les nuages, et les flambeaux qui s’allumaient comme des constellations étoilées, sous les ombrages de Mello. Il envoyait une pensée dernière à ses amours, et adressait ses adieux aux roches de Solime, aux rives du Cédron, qu’il ne devait plus revoir.
Le temps était bas, et le soleil, en pâlissant, avait vu la nuit sur la terre. Au bruit des marteaux sonnant l’appel sur les timbres d’airain, Adoniram, s’arrachant à ses pensées, traversa la foule des ouvriers rassemblés ; et pour présider à la paie il pénétra dans le temple, dont il entrouvrit la porte orientale, se plaçant lui-même au pied de la colonne de Jakïn.
Des torches allumées sous le péristyle pétillaient en recevant quelques gouttes d’une pluie tiède, aux caresses de laquelle les ouvriers haletans offraient gaiement leur poitrine.
La foule était nombreuse ; et Adoniram, outre les comptables, avait à sa disposition des distributeurs préposés aux divers ordres. La séparation des trois degrés hiérarchiques s’opérait par la vertu d’un mot d’ordre qui remplaçait, en cette circonstance, les signes manuels dont l’échange aurait pris trop de temps. Puis le salaire était livré sur l’énoncé du mot de passe.
Le mot d’ordre des apprentis avait été précédemment JAKIN, nom d’une des colonnes de bronze ; le mot d’ordre des compagnons BOOZ, nom de l’autre pilier ; le mot des maîtres JÉHOVAH...
Classés par catégories et rangés à la file, les ouvriers se présentaient aux comptoirs, devant les intendans, présidés par Adoniram qui leur touchait la main, et à l’oreille de qui ils disaient un mot à voix basse. Pour ce dernier jour, le mot de passe avait été changé. L’apprenti disait TUBAL-CAÎN ; le compagnon, SCHIBBOLETH ; et le maître GIBLIM.
Peu à peu la foule s’éclaircit, l’enceinte devint déserte, et les ouvriers solliciteurs s’étant retirés, l’on reconnut que tout le monde ne s’était pas présenté, car il restait encore de l’argent dans la caisse.
— Demain, dit Adoniram, vous ferez des appels, afin de savoir s’il y a des ouvriers malades, ou si la mort en a visité quelques-uns.
Dès que chacun fut éloigné, Adoniram, vigilant et zélé jusqu’au dernier jour, prit, suivant sa coutume, une lampe pour aller faire la ronde dans les ateliers déserts et dans les divers quartiers du temple, afin de s’assurer de l’exécution de ses ordres et de l’extinction des feux. Ses pas résonnaient tristement sur les dalles : une fois encore il contempla ses œuvres, et s’arrêta longtemps devant un groupe de chérubins ailés, dernier travail du jeune Benoni.
— Cher enfant ! murmura-t-il avec un soupir.
Ce pèlerinage accompli, Adoniram se retrouva dans la grande salle du temple. Les ténèbres épaissies autour de sa lampe, se déroulaient en volutes rougeâtres, marquant les hautes nervures des voûtes, et les parois de la salle, d’où l’on sortait par trois portes regardant le Septentrion, le Couchant et l’Orient.
La première, celle du Nord, était réservée au peuple ; la seconde livrait passage au roi et à ses guerriers ; la porte de l’Orient était celle des lévites ; les colonnes d’airain, Jakïn et Booz, se distinguaient à l’extérieur de la troisième.
Avant de sortir par la porte de l’Occident, la plus rapprochée de lui, Adoniram jeta la vue sur le fond ténébreux de la salle, et son imagination frappée des statues nombreuses qu’il venait de contempler évoqua dans les ombres le fantôme de Tubal-Caïn. Son œil fixe essaya de percer les ténèbres ; mais la chimère grandit en s’effaçant, atteignit les combles du temple et s’évanouit dans les profondeurs des murs, comme l’ombre portée d’un homme éclairé par un flambeau qui s’éloigne. Un cri plaintif sembla résonner sous les voûtes.
Alors Adoniram se détourna, s’apprêtant à sortir.
Soudain une forme humaine se détacha du pilastre, et d’un ton farouche lui dit :
— Si tu veux sortir, livre-moi le mot de passe des maîtres.
Adoniram était sans armes ; objet du respect de tous, habitué à commander d’un signe, il ne songeait pas même à défendre sa personne sacrée.
— Malheureux ! répondit-il en reconnaissant le compagnon Méthousaël, éloigne-toi ! Tu seras reçu parmi les maîtres quand la trahison et le crime seront honorés ! Fuis avec tes complices avant que la justice de Soliman atteigne vos têtes.
Méthousaël l’entend, et lève d’un bras vigoureux son marteau, qui retombe avec fracas sur le crâne d’Adoniram. L’artiste chancelle étourdi ; par un mouvement instinctif, il cherche une issue à la seconde porte, celle du Septentrion. Là se trouvait le Syrien Phanor, qui lui dit :
— Si tu veux sortir, livre-moi le mot de passe des maîtres !
— Tu n’as pas sept années de campagne ! répliqua d’une voix éteinte Adoniram.
— Le mot de passe !
— Jamais !
Phanor, le maçon, lui enfonça son ciseau dans le flanc ; mais il ne put redoubler, car l’architecte du temple, réveillé par la douleur, vola comme un trait jusqu’à la porte d’Orient, pour échapper à ses assassins.
C’est là qu’Amrou le Phénicien, compagnon parmi les charpentiers, l’attendait pour lui crier à son tour :
— Si tu veux passer, livre-moi le mot de passe des maîtres.
— Ce n’est pas ainsi que je l’ai gagné, articula avec peine Adoniram épuisé ; demande-le à celui qui t’envoie !
Comme il s’efforçait de s’ouvrir un passage, Amrou lui plongea la pointe de son compas dans le cœur.
C’est en ce moment que l’orage éclata, signalé par un grand coup de tonnerre.
Adoniram était gisant sur le pavé, et son corps couvrait trois dalles. A ses pieds s’étaient réunis les meurtriers, se tenant par la main.
— Cet homme était grand, murmura Phanor.
— Il n’occupera pas dans la tombe un plus vaste espace que toi, dit Amrou.
— Que son sang retombe sur Soliman-ben-Daoud !
— Gémissons sur nous-mêmes, répliqua Méthousaël ; nous possédons le secret du roi. Anéantissons la preuve du meurtre, la pluie tombe ; la nuit est sans clarté ; Eblis nous protège. Entraînons ces restes loin de la ville, et confions-les à la terre.
Ils enveloppèrent donc le corps dans un long tablier de peau blanche, et, le soulevant dans leurs bras, ils descendirent sans bruit au bord du Cédron, se dirigeant vers un tertre solitaire, situé au-delà du chemin de Béthanie. Comme ils y arrivaient, troublés et le frisson dans le cœur, ils se virent tout à coup en présence d’une escorte de cavaliers. Le crime est craintif, ils s’arrêtèrent ; les gens qui fuient sont timides... et c’est alors que la reine de Saba passa en silence devant des assassins épouvantés qui traînaient les restes de son époux Adoniram.
Ceux-ci allèrent plus loin et creusèrent un trou dans la terre qui recouvrit le corps de l’artiste. Après quoi Méthousaël, arrachant une jeune tige d’acacia, la planta dans le sol fraîchement labouré sous lequel reposait la victime.
Pendant ce temps-là, Balkis fuyait à travers les vallées ; la foudre déchirait les cieux, et Soliman dormait.
Sa plaie était plus cruelle, car il devait se réveiller.
Le soleil avait accompli le tour du monde, lorsque l’effet léthargique du philtre qu’il avait bu se dissipa. Tourmenté par des songes pénibles, il se débattait contre des visions, et ce fut par une secousse violente qu’il rentra dans le domaine de la vie.
Il se soulève et s’étonne ; ses yeux errans semblent à la recherche de la raison de leur maître ; enfin il se souvient...
La coupe vide est devant lui ; les derniers mots de la reine se retracent à sa pensée : il ne la voit plus et se trouble ; un rayon de soleil qui voltige ironiquement sur son front le fait tressaillir ; il devine tout et jette un cri de fureur.
C’est en vain qu’il s’informe : personne ne l’a vue sortir, et sa suite a disparu dans la plaine, on n’a retrouvé que les traces de son camp. — Voilà donc, s’écrie Soliman, en jetant sur le grand-prêtre Sadoc un regard irrité, voilà le secours que ton Dieu prête à ses serviteurs ! Est-ce là ce qu’il m’avait promis ? Il me livre comme un jouet aux esprits de l’abîme, et toi, ministre imbécile, qui règnes sous son nom par mon impuissance, tu m’as abandonné sans rien prévoir, sans rien empêcher ! Qui me donnera des légions ailées pour atteindre cette reine perfide ! Génies de la terre et du feu, dominations rebelles, esprits de l’air, m’obéirez-vous ?
— Ne blasphémez pas, s’écria Sadoc : Jéhovah seul est grand, et c’est un Dieu jaloux.
Au milieu de ce désordre, le prophète Ahias de Silo apparaît sombre, terrible et enflammé du feu divin ; Ahias, pauvre et redouté, qui n’est rien que par l’esprit. C’est à Soliman qu’il s’adresse : — Dieu a marqué d’un signe le front de Caïn le meurtrier, et il a prononcé : « Quiconque attentera à la vie de Caïn sera puni sept fois ! » et Lamech, issu de Caïn, ayant versé le sang, il a été écrit : « On vengera la mort de Lamech septante fois sept fois. » Or, écoute, ô roi, ce que le Seigneur m’ordonne de te dire : — Celui qui a répandu le sang de Caïn et de Lamech sera châtié sept cents fois sept fois.
Soliman baissa la tête ; il se souvint d’Adoniram et sut par là que ses ordres avaient été exécutés. Et le remords lui arracha ce cri : — Malheureux qu’ont-ils fait ! Je ne leur avais pas dit de le tuer !
Abandonné de son Dieu, à la merci des génies, dédaigné, trahi par la princesse des Sabéens, Soliman désespéré abaissait sa paupière sur sa main désarmée où brillait encore l’anneau qu’il avait reçu de Balkis. Ce talisman lui rendit une lueur d’espoir. Demeuré seul il en retourna le chaton vers le soleil, et vit accourir à lui tous les oiseaux de l’air, hormis Hud-Hud, la huppe magique. Il l’appela trois fois, la força d’obéir, et lui commanda de le conduire auprès de la reine. La huppe à l’instant reprit son vol, et Soliman, qui tendait son bras vers elle, se sentit soulevé de terre et emporté dans les airs. La frayeur le saisit, il détourna sa main et reprit pied sur le sol. Quant à la huppe, elle traversa le vallon et fut se poser au sommet d’un tertre sur la tige frêle d’un acacia que Soliman ne put la forcer à quitter.
Saisi d’un esprit de vertige, le roi Soliman songeait à lever des armées innombrables pour mettre à feu et à sang le royaume de Saba. Souvent il s’enfermait seul pour maudire son sort et évoquer des esprits. Un Afrite, génie des airs, fut contraint de le servir et de le suivre dans les solitudes. Pour oublier la reine et donner le change à sa fatale passion, Soliman fit chercher partout des femmes étrangères qu’il épousa selon des rites impies, et qui l’initièrent au culte idolâtre des images. Bientôt, pour fléchir les génies, il peupla les hauts-lieux et bâtit, non loin du Thabor, un temple à Moloch.
Ainsi se vérifiait la prédiction que l’ombre d’Hénoch avait faite dans l’empire du feu, à son fils Adoniram, en ces termes : — Tu es destiné à nous venger, et ce temple que tu élèves à Adonaï causera la perte de Soliman.
Mais le roi des Hébreux fit plus encore, ainsi que nous l’enseigne le Thalmud ; car le bruit du meurtre d’Adoniram s’étant répandu, le peuple soulevé demanda justice, et le roi ordonna que neuf maîtres justifiassent de la mort de l’artiste en retrouvant son corps.
Il s’était passé dix-sept jours : les perquisitions aux entours du temple avaient été stériles, et les maîtres parcouraient en vain les campagnes. L’un d’eux, accablé par la chaleur, ayant voulu, pour gravir plus aisément, s’accrocher à un rameau d’acacia d’où venait de s’envoler un oiseau brillant inconnu, fut surpris de s’apercevoir que l’arbuste entier cédait sous sa main, et ne tenait point à la terre. Elle était récemment fouillée, et le maître étonné appela ses compagnons.
Aussitôt les neuf creusèrent avec leurs ongles et constatèrent la forme d’une fosse. Alors l’un d’eux dit à ses frères :
— Les coupables sont peut-être des félons qui auront voulu arracher à Adoniram le mot de passe des maîtres. De crainte qu’ils n’y soient parvenus, ne serait-il pas prudent de le changer ?
— Quel mot adopterons-nous ? objecta un autre.
— Si nous retrouvons là notre maître, repartit un troisième, la première parole qui sera prononcée par l’un nous servira de mot de passe ; elle éternisera le souvenir de ce crime et du serment que nous faisons ici de le venger, nous et nos enfans, sur ses meurtriers, et leur postérité la plus reculée.
Le serment fut juré ; leurs mains s’unirent sur la fosse, et ils se reprirent à fouiller avec ardeur.
Le cadavre ayant été reconnu, un des maîtres le prit par un doigt, et la peau lui resta à la main ; il en fut de même pour un second ; un troisième le saisit par le poignet de la manière dont les maîtres en usent envers le compagnon, et la peau se sépara encore ; sur quoi il s’écria : MAKBÉNACH, qui signifie : LA CHAIR QUITTE LES OS.
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(1) Le roi actuel d’Abyssinie descend encore, dit-on, de la reine de Saba. Il est à la fois souverain et pape : on l’a toujours appelé le Prêtre Jean. Ses sujets s’intitulent aujourd’hui chrétiens de saint Jean.
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25 avril 1850 — Les Nuits du Ramazan, dans Le National, 24e livraison.
Désormais, le mot « Makbenach » sera « le cri de ralliement des vengeurs d’Adoniram ». À noter que c’est celui qu’emploie Nerval comme une objurgation contre Émile Blanche dans la lettre qu’il lui adresse le 17 octobre 1854 : « Mais je suis assuré que vous êtes plus que cela. Si vous avez le droit de prononcer le mot de ......... (cela veut dire Mac-Benac et je l’écris à l’orientale), si vous dites Jachin, je dis Boaz, si vous dites Boaz, je dis Jehova, ou même Macbenac... » Quant à Salomon, il va se livrer désormais à la démence mégalomane, mais le trône qu’il s’est fait bâtir pour s’y endormir magiquement sera finalement détruit par... un ciron, et ainsi s’achève le récit du conteur d’Ildiz Khan.
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LES NUITS DU RAMAZAN.
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SUITE DE L’HISTOIRE DE SOLIMAN ET DE LA REINE DU MATIN.
(Légende orientale du Compagnonnage.)
Sur le champ ils convinrent que ce mot serait dorénavant le mot de maître et le cri de ralliement des vengeurs d’Adoniram, et la justice de Dieu a voulu que ce mot ait, durant bien des siècles, ameuté les peuples contre la lignée des rois.
Phanor, Amrou et Méthousaël avaient pris la fuite ; mais, reconnus par de faux frères, ils périrent de la main des ouvriers, dans les états de Maaca, roi du pays de Geth, où ils se cachaient sous les noms de Sterkin, d’Oterfut et de Hoben.
Néanmoins les corporations, par une inspiration secrète, continuèrent toujours à poursuivre leur vengeance déçue, sur Abiram, ou le meurtrier... Et la postérité d’Adoniram resta sacrée pour eux ; car longtemps après ils juraient encore par les fils de la veuve ; ainsi désignaient-ils les descendans d’Adoniram et de la reine de Saba.
Sur l’ordre exprès de Soliman-Ben-Daoud, l’illustre Adoniram fut inhumé sous l’autel même du temple qu’il avait élevé ; c’est pourquoi Adonaï finit par abandonner l’arche des Hébreux et réduisit en servitude les successeurs de Daoud.
Avide d’honneurs, de puissance et de voluptés, Soliman épousa cinq cents femmes, et contraignit, enfin, les génies réconciliés à servir ses desseins contre les nations voisines, par la vertu du célèbre anneau, jadis ciselé par Irad, père du Kaïnite Maviaël, et tour à tour possédé par Hénoch, qui s’en servit pour commander aux pierres, puis par Jared le patriarche, puis par Nemrod, qui l’avait légué à Saba, père des Hémiarites.
L’anneau de Salomon lui soumit les génies, les vents et tous les animaux. Rassasié de pouvoir et de plaisirs, le sage allait répétant : mangez, aimez, buvez ; le reste n’est qu’orgueil.
Et contradiction étrange : il n’était pas heureux ! ce roi, dégradé par la matière, aspirait à devenir immortel...
Par ses artifices, et à l’aide d’un savoir profond, il espéra d’y parvenir moyennant certaines conditions : pour épurer son corps des élémens mortels, sans le dissoudre, il fallait que, durant deux cent vingt-cinq années, à l’abri de toute atteinte, de tout principe corrupteur, il dormît du sommeil profond des morts. Après quoi, l’âme exilée rentrerait dans son enveloppe, rajeunie jusqu’à la virilité florissante dont l’épanouissement est marqué par l’âge de trente-trois ans.
Devenu vieux et caduc, dès qu’il entrevit, dans la décadence de ses forces, les signes d’une fin prochaine, Soliman ordonna aux génies qu’il avait asservis de lui construire dans la montagne de Kaf, un palais inaccessible, au centre duquel il fit élever un trône massif d’or et d’ivoire, porté par quatre piliers faits du tronc vigoureux d’un chêne.
C’est là que Soliman, prince des génies, avait résolu de passer ce temps d’épreuve. Les derniers temps de sa vie furent employés à conjurer, par des signes magiques, par des paroles mystiques, et par la vertu de l’anneau, tous les animaux, tous les élémens, toutes les substances douées de la propriété de décomposer la matière. Il conjura les vapeurs du nuage, l’humidité de la terre, les rayons du soleil, le souffle des vents, les papillons, les mites et les larves. Il conjura les oiseaux de proie, la chauve-souris, le hibou, le rat, la mouche impure, les fourmis et la famille des insectes qui rampent ou qui rongent. Il conjura le métal ; il conjura la pierre, les alcalis, et jusqu’aux émanations des plantes.
Ces dispositions prises, quand il se fut bien assuré d’avoir soustrait son corps à tous les agens destructeurs, ministres impitoyables d’Eblis, il se fit transporter une dernière fois au cœur des montagnes de Kaf, et, rassemblant les génies, il leur imposa des travaux immenses, en leur enjoignant, sous la menace des châtimens les plus terribles, de respecter son sommeil et de veiller autour de lui.
Ensuite il s’assit sur son trône, où il assujettit solidement ses membres, qui se refroidirent peu à peu ; ses yeux se ternirent, son souffle s’arrêta, et il s’endormit dans la mort.
Et les génies esclaves continuaient à le servir, à exécuter ses ordres et à se prosterner devant leur maître, dont ils attendaient le réveil.
Les vents respectèrent sa face ; les larves qui engendrent les vers ne purent en approcher ; les oiseaux, les quadrupèdes rongeurs furent contraints de s’éloigner ; l’eau détourna ses vapeurs, et, par la force des conjurations, le corps demeura intact pendant plus de deux siècles.
La barbe de Soliman ayant crû, se déroulait jusqu’à ses pieds ; ses ongles avaient percé le cuir de ses gants et l’étoffe dorée de sa chaussure.
Mais comment la sagesse humaine, dans ses limites bornées, pourrait-elle accomplir l’INFINI ! Soliman avait négligé de conjurer un insecte, le plus infime de tous... il avait oublié le ciron.
Le ciron s’avança mystérieux... invisible... Il s’attacha à l’un des piliers qui soutenaient le trône, et le rongea lentement, lentement, sans jamais s’arrêter. L’ouïe la plus subtile n’aurait pas entendu gratter cet atome, qui secouait derrière lui, chaque année, quelques grains de sciure menue.
Il travailla deux cent vingt-quatre ans... Puis tout à coup le pilier rongé fléchit sous le poids du trône, qui s’écroula avec un fracas énorme (1).
Ce fut le Ciron qui vainquit Soliman et qui le premier fut instruit de sa mort ; car le roi des rois précipité sur les dalles ne se réveilla point.
Alors les génies humiliés reconnurent leur méprise et recouvrèrent la liberté.
Là finit l’histoire du grand Soliman-Ben-Daoud, dont le récit doit être accueilli avec respect par les vrais croyans, car il est retracé en abrégé de la main sacrée du prophète, au trente-quatrième fatihat du Koran, miroir de sagesse et fontaine de vérité
FIN DE L’HISTOIRE DE SOLIMAN ET DE LA REINE DU MATIN.
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Le conteur avait terminé son récit qui avait duré près de deux semaines. J’ai craint d’en diviser l’intérêt en parlant de ce que j’avais pu observer à Stamboul dans l’intervalle des soirées. Je n’ai pas non plus tenu compte de quelques petites histoires intercalées çà et là, selon l’usage, soit dans les momens où le public n’est pas encore nombreux, soit pour faire diversion à quelques péripéties dramatiques. Ces récits nocturnes sont, comme on le voit, le feuilleton de l’Orient, — et l’usage qu’ont les hommes de se rassembler dans les cafés pour fumer et boire de nombreuses demi-tasses et des rafraîchissemens variés en a fait quelque chose de pareil à ce qui se voit chez nous. Les cafedjis font souvent des frais considérables pour s’assurer le concours de tel ou tel narrateur en réputation. Comme la séance n’est jamais que d’une heure et demie, ils peuvent paraître dans plusieurs cafés la même nuit. Ils donnent aussi des séances dans les harems, lorsque le mari, s’étant assuré de l’intérêt d’un conte, veut faire participer sa famille au plaisir qu’il a éprouvé. Les gens prudens s’adressent, pour faire leur marché, au syndic de la corporation des conteurs, qu’on appelle khassidéens, — car il arrive quelquefois que des conteurs de mauvaise foi, mécontens de la recette du café ou de la rétribution donnée dans une maison, disparaissent au milieu d’une situation intéressante, et laissent les auditeurs désolés de ne pouvoir connaître la fin de l’histoire. Cela n’arrive pas lorsque le traité se fait par l’entremise du chef des khassidéens.
J’aimais beaucoup de café fréquenté par mes amis les Persans, à cause de la variété de ses habitués et de la liberté de paroles qui y régnaient ; il me rappelait le Café de Surate du bon Bernardin de Saint-Pierre. On trouve en effet beaucoup plus de tolérance dans ces réunions cosmopolites de marchands de divers pays de l’Asie, que dans les cafés purement composés de Turcs ou d’Arabes. L’histoire qui nous avait été racontée était discutée à chaque séance entre les divers groupes d’habitués ; car, dans un café d’Orient, la conversation n’est jamais générale, et, — sauf les observations de l’Abyssinien, qui, comme chrétien, paraissait abuser un peu du jus de Noé, personne n’avait encore mis en doute les données principales du récit. Elles sont en effet conformes aux croyances générales de l’Orient ; seulement, on y retrouve quelque chose de cet esprit d’opposition populaire qui distingue les Persans et les Arabes de l’Yémen. Notre conteur appartenait à la secte d’Ali, qui est pour ainsi dire la tradition catholique de l’Orient, tandis que les Turcs, ralliés à la secte d’Omar, représenteraient plutôt une sorte de protestantisme qu’ils ont fait dominer en soumettant les populations méridionales.
VII.
LES THÉÂTRES DE CONSTANTINOPLE
Je retournai à Ildiz-Khan tout préoccupé des détails singuliers de la légende et principalement du tableau qui venait de nous être fait de la chute posthume de Salomon. Je me représentais surtout les merveilles intérieures de cette montagne de Kaf, dont parlent si souvent les poèmes orientaux ; selon les renseignemens que j’obtins de mes compagnons, Kaf est le roc central constituant, pour ainsi dire, l’armature intérieure du globe, et les diverses chaînes de montagnes qui apparaissent à la surface n’en sont que les branches prolongées. C’est l’Atlas, le Caucase et l’Hymalaya qui en représentent les contreforts les plus puissants ; d’anciens auteurs placent encore un autre rameau au-delà des mers occidentales, vers un point qu’ils appellent Yni-Dounya, nouveau monde, et qui doit avoir été l’Atlantide de Platon, au cas où l’on ne penserait pas qu’ils auraient eu quelque idée de l’Amérique.
Il est probable que la scène où fut confondu l’orgueil de Salomon, — d’après le Coran, — se passa dans la Galerie d’Argenk, construite au centre de la montagne par les génies, et dans laquelle on voyait les statues des quarante Solimans ou empereurs qui avaient gouverné la terre dans l’époque préadamite, ainsi que les figures peintes de toutes les figures raisonnables qui avaient habité le globe avant la création des enfans du limon. La plupart avait des aspects monstrueux, des têtes et des bras en grand nombre ou des formes bizarres se rapprochant des animaux, — ce qui évidemment rentre dans les légendes primitives des Indous, des Egyptiens et des Pélages.
Ce nombre de quarante souverains préadamites qui, selon les légendes, auraient eu chacun un règne de mille ans, m’a rappelé une hypothèse du savant Letronne, que je l’avais entendu développer à son cours, et qui faisait remonter l’antiquité du monde à quarante mille ans environ avant la création présumée d’Adam. Il en tirait la démonstration surtout de la retraite régulière des eaux de la mer sur la terre d’Egypte, et, je crois aussi de certaines pierres dont les couches donnent le nombre antérieur des inondations du Nil. Les recherches de Cuvier conduiraient aussi à des suppositions analogues si ce savant n’avait tenu surtout à mettre ses découvertes en rapport avec les récits bibliques.
Quoi qu’il en soit, il est impossible de comprendre les romans ou poèmes de l’Orient sans se persuader q’il a existé avant Adam une longue période de populations singulières dont le dernier roi a été Gian-ben-Gian. Adam représente, pour les Orientaux, une simple race nouvelle pétrie et formée d’une terre particulière par Adonaï, le Dieu de la Bible, qui aurait agi, en cette circonstance, comme le Titan Prométhée, animant du feu divin une race dédaignée des Olympiens, auxquels le monde avait appartenu jusqu’alors.
Mais trêve de symboles : je n’ai voulu que jeter un peu de lumière dans la partie féerique de la légende racontée plus haut ; mais c’est le rayon égaré dans les ombres, qui, selon l’expression de Milton, ne sert qu’à rendre les ténèbres visibles.
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(1) Selon les Orientaux, les puissances de la nature n’ont d’action qu’en vertu d’un contrat consenti généralement. C’est l’accord de tous les êtres qui fait le pouvoir d’Allah lui-même. On remarquera le rapport qui se rencontre entre l’histoire du Ciron triomphant des combinaisons ambitieuses de Salomon et la légende de l’Edda, qui se rapporte à Balder. Odin et Freya avaient de même conjuré tous les êtres, afin qu’ils respectassent la vie de Balder, leur enfant. Ils oublièrent le gui de chêne, et cette humble plante fut cause de la mort du fils des dieux. C’est pourquoi cet humble végétal était sacré dans la religion druidique, postérieure à celle des Scandinaves.
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